Propriété et partage des biens matrimoniaux : enjeux et preuves à apporter.

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Propriété et partage des biens matrimoniaux : enjeux et preuves à apporter.

Règle de droit applicable

La liquidation du régime matrimonial des époux mariés sans contrat préalable, comme en l’espèce, est régie par les dispositions du Code civil, notamment les articles 1402 et 1405. Selon l’article 1402, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté, sauf preuve du caractère propre à l’un des époux. Cette présomption s’applique en l’absence de preuve écrite de la propriété personnelle, et le juge peut admettre des preuves par témoignage ou présomption si un époux est dans l’impossibilité de produire un écrit.

L’article 1405 précise que les biens acquis par succession, donation ou legs, ainsi que ceux dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, restent propres. Dans le cas présent, la cour a constaté que les biens immobiliers situés au Maroc étaient au nom de M. [V], et que Mme [N] n’a pas apporté de preuves suffisantes pour établir que ces biens étaient des biens communs.

Conflit de lois et choix de la loi applicable

Pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992, la détermination du régime matrimonial doit se faire selon les règles de conflit de lois jurisprudentielles, qui reposent sur l’autonomie de la volonté des époux. En l’absence de choix explicite, la loi du premier domicile matrimonial est présumée applicable. Dans cette affaire, le mariage ayant eu lieu au Maroc, où le régime légal est celui de la séparation de biens, la cour a admis que les parties avaient voulu soumettre leur régime matrimonial à la communauté légale, en se basant sur les conclusions de M. [V].

Attribution préférentielle et effets du divorce

L’article 834 du Code civil stipule que le bénéficiaire d’une attribution préférentielle ne devient propriétaire exclusif du bien attribué qu’au jour du partage définitif. Dans le jugement de divorce, Mme [N] a obtenu l’attribution préférentielle de la maison située à [Localité 17], mais la cour a rappelé que cette attribution ne confère pas la pleine propriété tant que le partage n’est pas effectué.

Indemnité d’indivision et recel de communauté

Concernant les demandes d’indemnité d’indivision post-communautaire, la cour a noté que Mme [N] n’a pas fourni d’éléments probants concernant les paiements effectués pour les charges afférentes à la maison. En matière de recel de communauté, la cour a souligné que Mme [N] n’a pas rapporté la preuve d’une dissimulation de biens par M. [V], ce qui a conduit à la confirmation du jugement de première instance qui a débouté Mme [N] de ses demandes.

Dépens et frais irrépétibles

L’article 699 du Code de procédure civile autorise les avocats à recouvrer les dépens conformément aux dispositions légales. En l’espèce, la cour a condamné Mme [N] aux dépens de l’appel, tout en précisant qu’il n’y avait pas lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile, qui concerne les frais irrépétibles.

L’Essentiel : La liquidation du régime matrimonial des époux mariés sans contrat préalable est régie par le Code civil, notamment les articles 1402 et 1405. Selon l’article 1402, tout bien est réputé acquêt de communauté, sauf preuve du caractère propre à l’un des époux. L’article 1405 précise que les biens acquis par succession, donation ou legs restent propres. La cour a constaté que les biens immobiliers au Maroc étaient au nom de M. [V], et que Mme [N] n’a pas apporté de preuves suffisantes pour établir qu’ils étaient des biens communs.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, une épouse a interjeté appel d’un jugement rendu par le juge aux affaires familiales concernant la liquidation et le partage des biens du couple après leur divorce. Le jugement a notamment constaté l’ouverture des opérations de liquidation, désigné un notaire pour procéder à celles-ci, et a statué sur la nature des biens immobiliers situés au Maroc, déclarant qu’ils étaient la propriété exclusive de l’époux. L’épouse a été déboutée de ses demandes d’indemnité pour loyers perçus, de recel de communauté, et de dommages et intérêts.

L’appelante a contesté la décision, soutenant que les biens immobiliers en question étaient des biens communs, acquis avec des deniers communs. Elle a également allégué que l’époux avait dissimulé l’existence de ces biens et des loyers perçus, ce qui constituerait un recel de communauté. La cour a demandé des précisions sur la loi applicable et la résidence des époux après leur mariage, mais l’appelante n’a pas répondu.

En l’absence de réponse, la cour a sursis à statuer et a renvoyé l’affaire à la mise en état. Finalement, la cour a confirmé le jugement de première instance, considérant que l’épouse n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour établir que les biens étaient communs ou que l’époux avait commis un recel. Elle a également rejeté les demandes d’indemnité d’indivision post-communautaire et de dommages et intérêts, condamnant l’épouse aux dépens de l’appel.

Ainsi, la cour a statué que les biens immobiliers au Maroc demeuraient la propriété exclusive de l’époux, et que l’épouse n’avait pas réussi à prouver ses allégations de dissimulation ou de recel.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le régime matrimonial applicable aux époux mariés avant 1992 ?

La cour rappelle que pour les époux qui se sont mariés avant le 1er septembre 1992, comme c’est le cas en l’espèce, il convient d’appliquer les règles de conflit de lois jurisprudentielles pour déterminer leur régime matrimonial.

Ces règles, fondées sur l’autonomie de la volonté, désignent la loi choisie par les époux, qu’elle soit explicite ou implicite, avec une présomption simple de choix de la loi du premier domicile matrimonial.

Il est important de noter que Mme [N] n’a pas répondu à la demande de la cour concernant le lieu de première résidence des époux, malgré les possibilités qui lui ont été offertes à deux reprises.

Quel est le statut des biens acquis pendant le mariage selon le Code civil ?

Selon l’article 1402 du Code civil, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté, sauf preuve du contraire, c’est-à-dire que l’on doit prouver qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi.

Si le bien ne porte pas en lui-même preuve de son origine, la propriété personnelle de l’époux contestée doit être établie par écrit.

En l’absence d’inventaire ou d’autres preuves préconstituées, le juge peut prendre en compte tous écrits, tels que titres de famille, registres, papiers domestiques, documents bancaires et factures.

Il peut même admettre la preuve par témoignage ou présomption si un époux a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit.

Quel est le sort des biens propres acquis avant le mariage ?

L’article 1405 du Code civil stipule que restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu’ils acquièrent pendant le mariage par succession, donation ou legs.

Ainsi, les biens acquis par un époux avant le mariage ou par héritage pendant le mariage ne sont pas soumis au régime de la communauté.

Quel est le rôle des preuves dans la détermination de la propriété des biens ?

La cour a constaté que M. [V] a soutenu que le terrain et la construction édifiée dessus constituent un bien propre, acquis grâce à des donations et des deniers hérités de ses parents.

Il a produit une attestation émanant de la préfecture de la Province de [Localité 19], qui a été analysée par le premier juge.

Cette attestation indique que M. [V] est le seul bénéficiaire du terrain, ce qui renforce la présomption de propriété.

Mme [N] a mis en doute l’authenticité de ce document, mais la cour a noté qu’elle a elle-même produit une traduction de l’arrêté, confirmant ainsi l’authenticité des informations.

Quel est le principe de l’attribution préférentielle dans le cadre du divorce ?

L’article 834 du Code civil précise que le bénéficiaire de l’attribution préférentielle ne devient propriétaire exclusif du bien attribué qu’au jour du partage définitif.

Dans ce cas, la cour a constaté que le jugement de divorce a accordé à Mme [N] l’attribution préférentielle de la maison située à [Localité 17], mais cela ne lui confère pas encore la pleine propriété.

Quel est le traitement des demandes d’indemnité d’indivision post-communautaire ?

Mme [N] a demandé à la cour de reconnaître son droit à une indemnité d’indivision post-communautaire concernant les paiements qu’elle a effectués seule pour la maison de [Localité 17].

Cependant, elle n’a fourni aucun élément probant concernant ces paiements, ce qui a conduit le premier juge à réserver ses demandes.

Il est donc justifié que la cour confirme cette décision, en l’absence de preuves suffisantes.

Quel est le fondement des demandes de dommages et intérêts ?

Mme [N] a affirmé avoir proposé à M. [V] qu’il conserve l’entier bénéfice des biens situés au Maroc, à condition qu’il accepte de lui laisser sa part dans la maison de [Localité 17].

Cependant, elle ne rapporte pas la preuve d’une faute de M. [V], ce qui a conduit à sa défaite dans ses prétentions concernant les biens au Maroc.

Ainsi, elle supportera les dépens d’appel, tandis que les dépens de première instance sont réservés.

ARRET N°

N° RG 23/00460 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GXX3

[N]

C/

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

4ème Chambre Civile

ARRÊT DU 27 MARS 2025

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00460 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GXX3

Décision déférée à la Cour : jugement du 11 octobre 2022 rendu par le Juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

Madame [G] [N]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 14] (MAROC)

[Adresse 12]

[Localité 13]

ayant pour avocat Me Elodie GAREL de la SELARL VERDU-GAREL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022-000983 du 20/12/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)

INTIME :

Monsieur [S] [V]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 14] (MAROC)

[Adresse 11]

[Localité 13]

Défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseillère, qui a présenté son rapport.

qui a entendu seule les plaidoiries et a rendu compte à la Cour, composée lors du délibéré de :

Monsieur Denys BAILLARD, Président

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseillère

Madame Véronique PETEREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Inès BELLIN,

ARRÊT :

– REPUTE CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

*

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, Mme [G] [N] a interjeté appel le 22 février 2023 d’un jugement rendu le 11 octobre 2022 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon ayant notamment :

– constaté que l’ouverture des opérations de liquidation partage avait déjà été ordonnée ;

– désigné Me [T]-[O], notaire à [Localité 17] pour y procéder ;

– désigné Mme [Y], vice-présidente, pour surveiller le bon déroulement des opérations ;

– enjoint les parties de fournir les pièces nécessaires ;

– rappelé les règles applicables au déroulement des opérations de liquidation partage ;

– dit que le terrain n°[Cadastre 9] sis au lotissement du centre, commune de [Localité 16] au Maroc et la construction qui y est édifiée, sont des biens propres de M. [V] ;

– débouté Mme [N] de sa demande d’indemnité au titre des loyers perçus par M. [V] ;

– débouté Mme [N] de sa demande formée au titre du recel de communauté ;

– débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts ;

– sursis à statuer sur les autres demandes ;

– réservé les dépens de l’instance ainsi que les demandes formées au titre des frais irrépétibles ;

– dit que le présent jugement est de plein droit exécutoire par provision ;

– dit qu’à défaut d’acte de partage amiable, l’affaire sera rappelée sur rapport du juge commis en application des dispositions de l’article 1373 du code de procédure civile.

Par message RPVA du 16 avril 2024, la cour, constatant que les époux se sont mariés au Maroc, a souhaité recueillir les observations de l’appelante sur le juge compétent et la loi applicable pour la liquidation du régime matrimonial des parties. A cette fin, l’appelante devait préciser où était située la première résidence des parties après le mariage, par note en délibéré autorisée jusqu’au 7 mai 2024.

En l’absence de réponse de l’appelante, par arrêt en date du 05 juin 2024, le cour de céans a :

– sursis à statuer sur les demandes,

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture,

– renvoyé l’affaire à la mise en état.

L’appelante n’a pas plus répondu à la demande de la cour.

L’appelante conclut à la réformation de la décision entreprise et demande à la cour de :

– dire et juger que les biens immobiliers situés au Maroc sont des biens communs par preuve rapportée ou par présomption, s’agissant de :

* Terrain avec maison situé [Adresse 10] Province de [Localité 19] ;

* Terrain situé Lotissement [Adresse 20] de [Localité 16] ;

– dire et juger que M. [V] a commis un recel de communauté sur les biens immobiliers situés au Maroc et sur les loyers perçus ;

– dire et juger que, ce faisant :

* Mme [N] a droit à la valeur des biens recélés en l’état du dossier évalués à 107.004,08 euros, à parfaire selon évaluation actualisée ;

* elle a droit à la totalité des loyers perçus par Monsieur depuis la date des effets du divorce, à évaluer ;

* selon la sanction applicable au recel, elle a droit, de surcroît à la moitié de la communauté incluant la valeur des biens recelés à savoir :

la valeur nette de la maison de [Localité 17],

la valeur nette des biens situés au Maroc,

– dire et juger que la maison de [Localité 17] lui sera attribuée en propriété puisque le jugement de divorce lui accorde l’attribution préférentielle ;

– dire et juger qu’un compte de récompense sera établi et Mme [N] pourra prétendre à une indemnité d’indivision post-communautaire concernant les échéances d’emprunt, les primes d’assurance de propriété, et les taxes foncières par elle seule, réglées, ainsi que les loyers, en totalité ou pour moitié, perçus par M. [V] sur les biens situés au Maroc.

A titre subsidiaire, si la cour devait estimer que les biens au Maroc sont la seule propriété de M. [V] :

– dire et juger que Monsieur doit à la communauté la valeur actuelle du bâti ;

– dire et juger que Mme [N] a droit à la moitié des loyers perçus s’agissant, en tout état de cause de biens communs (fruits de propres) ;

En tout état de cause :

– condamner M. [V] à verser à Mme [N] une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner M. [V] à verser à Mme [N] une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamner M. [V] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’intimé n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel et les dernières conclusions de l’appelante ont été signifiées à l’intimé par acte de commissaire de justice en date du 25 avril 2023 à sa personne.

A l’appui de sa demande de réformation, Mme [N] fait valoir que M. [V] a dissimulé l’existence de biens au Maroc, acquis au moyen de deniers communs et par suite communs ; que M. [V] devra par ailleurs régler à l’indivision les loyers qu’il a perçus au titre de l’un d’eux, au moins depuis le 13 novembre 2019, voire depuis la séparation du couple ; que la dissimulation par M. [V] de ses biens et des loyers perçus caractérisent un recel de communauté.

Vu les dernières conclusions de l’appelante en date du 27 avril 2023 ;

L’ordonnance de clôture a été rendue le 09 janvier 2025.

SUR QUOI

Mme [N] et M. [V] ont contracté mariage le [Date mariage 8] 1975 devant l’Officier d’Etat Civil de [Localité 15] (Maroc), sans contrat préalable.

De leur union sont issus cinq enfants :

– [K], né le [Date naissance 5] 1977,

– [H], née le [Date naissance 4] 1978,

– [A], née le [Date naissance 2] 1979,

– [I], né le [Date naissance 6] 1983,

– [F]-[D], né le [Date naissance 3] 1986.

Par ordonnance de non conciliation du 09 février 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon a attribué à Mme [N] la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit.

Par jugement du 15 mai 2013, le juge aux affaires familiales a :

– prononcé le divorce des époux,

– ordonné la liquidation et le partage des droits et intérêts patrimoniaux des parties,

– rappelé que les effets du divorce entre les époux remonteront à l’ordonnance de non conciliation,

– attribué à titre préférentiel à Mme [N] l’immeuble dépendant de l’indivision post-communautaire sis [Adresse 12] à [Localité 17].

Par acte en date du 03 septembre 2020, M. [V] a assigné Mme [N] aux fins de liquidation de leur régime matrimonial et de partage.

Par ordonnance du 05 mars 2021 le juge de la mise en état, saisi sur incident par Mme [N], a notamment ordonné la production par M. [V] d’un certain nombre de pièces.

Sur la propriété de biens situés au Maroc

A titre liminaire la cour rappelle que pour les époux qui se sont mariés avant le [Date mariage 7] 1992, comme c’est le cas en l’espèce, il convient d’appliquer, pour déterminer leur régime matrimonial, les règles de conflit de lois jurisprudentielles, lesquelles, sur le fondement de l’autonomie de la volonté, désignent la loi choisie par les époux, expressément ou tacitement, avec présomption simple de choix de la loi du premier domicile matrimonial.

Mme [N] n’a pas répondu à la demande de la cour concernant le lieu de première résidence des époux nonobstant la possibilité qui lui en a été donnée, à deux reprises.

Ceux-ci se sont mariés au Maroc, où le régime légal est celui de la séparation de biens. Néanmoins, en l’absence de réponse et au vu des conclusions de première instance de M. [V], qui font référence à une indivision post communautaire, la cour admettra que les parties ont voulu soumettre leur régime matrimonial au régime de la communauté légale.

Selon l’article 1402 du code civil, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi. Si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l’époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit. A défaut d’inventaire ou autre preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. Il pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s’il constate qu’un époux a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit.

Selon l’article 1405 du même code, restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu’ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs.

* Terrain avec maison situé [Adresse 10].

M. [V] a soutenu devant le premier juge que le terrain puis la construction édifiée dessus par ses soins constituent un bien propre pour avoir été acquis au moyen de donations et de deniers hérités de ses parents décédés peu après le mariage.

Il a versé aux débats de première instance une attestation datée du 28 novembre 2018 émanant de la préfecture de la Province de [Localité 19] sur la commune de [Localité 16], traduite par Mme [J] [Z], interprète traductrice. Mme [N] en produit une copie en cause d’appel. Cette pièce a été parfaitement analysée par le premier juge. Il en ressort que, selon un arrêté provisoire n°161, délivré par la commune de [Localité 16], en date du 4 août 1986, M. [V] bénéficie d’un lot de terrain n°59, sis lotissement du centre, d’une superficie de 90 m2, sur lequel est édifié une construction.

Mme [N] met en doute l’authenticité et la fiabilité des informations figurant sur ce document, en l’absence de production de l’original. Cependant, la cour n’aurait pas pu comprendre celui-ci sans traduction. Surtout, et ainsi que l’a justement relevé le premier juge, l’appelante elle-même a produit une traduction de l’arrêté provisoire n°161 du 4 août 1986, visé dans le document qu’elle met en cause. Or, celui-ci fait apparaître M. [V] comme seul bénéficiaire du terrain, ce qui est de nature à confirmer l’authenticité des informations contenues dans la traduction.

Il résulte de ces documents, émanant d’autorités marocaines, que le bien et la construction sont au nom de M. [V], seul. La cour relève, par ailleurs, que Mme [N] verse un devis concernant une construction sur ce terrain au seul nom de M. [V] qui conforte cette analyse.

Face aux documents officiels produits par l’intimé devant le premier juge, la cour observe que Mme [N] ne verse aucune pièce attestant de règlements au moyen de deniers communs. De même, elle reste taisante face à l’argumentation développée dans les conclusions de première instance de M. [V] qu’elle verse aux débats, selon laquelle, les ex époux, parents de cinq enfants, n’auraient pu financer cette acquisition, en plus du domicile conjugal.

Elle conteste que M. [V] ait pu financer ces acquisitions au moyens de deniers propres, et en particulier de biens hérités de ses parents, en indiquant que la mère de M. [V] serait décédée après l’achat du terrain et l’édification de la construction. Cependant, elle ne fournit aucun élément probant concernant la date du décès de la mère de l’intimé et passe sous silence le décès du père de celui-ci.

L’appelante verse encore aux débats un courrier rédigé par ses soins, dénué de caractère probant.

Quant aux deux attestations également produites en vue d’établir la nature commune du bien, elle tente de justifier le recours à ce mode probatoire par l’impossibilité de se procurer un écrit, mais la cour observe qu’elle a pourtant versé aux débats des écrits.

En toute hypothèse, ces attestations sont sans caractère probant.

En effet, d’une part, sa fille a manifestement pris le parti de sa mère au regard de la description de son père, dans des termes outranciers qui discréditent la teneur de son propos. Elle y met également en cause l’authenticité du document administratif produit par son père, alors que la cour, comme le premier juge en a fait une analyse différente, et affirme sans le moindre élément à l’appui que sa grand-mère ne disposait d’aucun patrimoine. Elle élude par ailleurs la situation de son grand-père.

D’autre part, un certain M. [C] [X], que Mme [N] présente comme un ami de la famille, atteste sans fournir le moindre élément au soutien de ses informations, ni expliquer dans quelles circonstances il aurait pu recueillir celles-ci.

Au vu de l’ensemble de ces développements, il y a lieu d’admettre que cet ensemble immobilier est un bien propre de M. [V] au regard de l’attestation de la préfecture de la Province de [Localité 19] du 28 novembre 2018 et de l’arrêté provisoire n°161, délivré par la commune de [Localité 16], en date du 4 août 1986, dont il ressort que l’intimé est seul propriétaire de ce bien, l’appelante n’apportant aucun élément de nature à contester la valeur et le contenu de ces documents officiels.

* Terrain situé [Adresse 18] Commune rurale de [Localité 16]

Dans ses conclusions devant le premier juge, l’intimé a admis avoir eu un terrain lui ayant appartenu en propre, vendu depuis, sans apporter d’autre précision.

La cour observe que l’unique pièce versée aux débats est un devis non daté pour l’achat d’un terrain, qui ne permet pas d’admettre que ce bien se trouve actuellement dans le patrimoine propre ou commun des parties.

Au regard de ces développements, l’appelante échoue à rapporter la preuve de l’existence au Maroc, et de la dissimulation par l’intimé, des deux biens communs, si bien qu’aucun recel de communauté ne peut être retenu à l’encontre de M. [V], au titre des biens ci-dessus visés.

De même, aucun élément du dossier ne permet d’établir que la construction de la maison sur le terrain aurait été financée au moyen de deniers communs ; par conséquent, Mme [N] sera déboutée de sa demande tendant à voir dire que M. [V] doit à la communauté la valeur actuelle du bâti.

La décision déférée qui a débouté Mme [N] de ces demandes sera confirmée de ces chefs.

Sur la maison de [Localité 17]

La cour constate que le jugement de divorce a accordé à Mme [N] l’attribution préférentielle de la maison située à [Localité 17].

Il n’y a pas lieu à ce stade de faire droit à sa demande d’attribution du bien au regard de l’article 834 du code civil, aux termes duquel le bénéficiaire de l’attribution préférentielle ne devient propriétaire exclusif du bien attribué qu’au jour du partage définitif.

Sur les autres demandes

Mme [N] demande à la cour de reconnaître qu’elle pourra prétendre à une indemnité d’indivision post-communautaire concernant les échéances d’emprunt, assurances de propriété, taxes foncières afférentes à la maison de [Localité 17] par elle réglées seule.

Cependant, pas plus en cause d’appel qu’en première instance, elle ne fournit le moindre élément concernant les règlements allégués.

C’est donc à juste titre que le premier juge a réservé ses demandes.

Sur les loyers perçus au titre de l’occupation de la maison situé [Adresse 10]

Mme [N] ne fait que reprendre devant la cour ses prétentions et ses moyens de première instance.

En l’absence d’ élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties. En outre et ainsi que la cour l’a déjà indiqué, le caractère outrancier des propos de la fille de l’appelante dans son attestation, ne permet pas de leur apporter de crédit, outre qu’ils ne sont pas plus circonstanciés, s’agissant de la location du bien avant la conclusion du contrat de bail produit.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur les dommages et intérêts

Mme [N] affirme qu’elle a proposé à M. [V] qu’il conserve l’entier bénéfice des biens situés au Maroc et des loyers perçus à condition qu’il accepte de lui laisser sa part dans la maison de [Localité 17], ce que M. [V] a refusé. Ce faisant, Mme [N] ne rapporte pas la preuve d’une faute de M. [V], alors qu’elle succombe dans ses prétentions portant sur des biens situés au Maroc.

Mme [N] qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens d’appel, les dépens de première instance étant réservés.

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Au fond,

Confirme la décision déférée,

Y ajoutant,

Condamne Mme [N] aux dépens de l’appel.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Autorise les avocats de la cause à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Denys BAILLARD, Président et par Inès BELLIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

I. BELLIN D. BAILLARD


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