Prolongation de rétention administrative : respect des droits et diligences administratives.

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Prolongation de rétention administrative : respect des droits et diligences administratives.

Recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par Mme [S] [T] [P] est recevable conformément aux dispositions de l’article 901 du Code de procédure civile, qui stipule que toute décision rendue en première instance peut faire l’objet d’un appel, sauf disposition contraire.

Droit à l’assistance d’un avocat

Le droit à l’assistance d’un avocat est garanti par les articles L. 744-4 et R. 743-21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Ces articles prévoient que chaque lieu de rétention doit disposer d’un local réservé aux avocats, garantissant la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client.

Conditions de prolongation de la rétention administrative

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-4 du CESEDA, qui précise que le magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de trente jours dans des cas spécifiques, tels que l’urgence absolue ou l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement.

Diligences de l’administration

L’article L. 741-3 du CESEDA impose que la rétention d’un étranger ne doit excéder le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant agir avec diligence pour faciliter cet éloignement.

Perspectives d’éloignement

La jurisprudence, notamment l’arrêt CE 30 juillet 2003 n°236016, souligne que l’administration doit démontrer qu’elle a entrepris toutes les démarches nécessaires pour assurer l’éloignement de l’étranger, sans quoi la prolongation de la rétention pourrait être contestée.

L’Essentiel : L’appel interjeté par Mme [S] [T] [P] est recevable conformément aux dispositions de l’article 901 du Code de procédure civile. Le droit à l’assistance d’un avocat est garanti par les articles L. 744-4 et R. 743-21 du CESEDA, qui prévoient un local réservé aux avocats dans chaque lieu de rétention. La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-4 du CESEDA, et l’article L. 741-3 impose que la rétention ne doit excéder le temps strictement nécessaire à l’éloignement.
Résumé de l’affaire : Une ressortissante vietnamienne a été interpellée par les forces de l’ordre britanniques alors qu’elle se trouvait dans une zone d’accès restreint d’un terminal. Elle a ensuite été remise aux autorités françaises, qui ont émis un arrêté d’obligation de quitter le territoire français le 28 février 2025. Suite à cela, elle a été placée en rétention administrative, et cette mesure a été prolongée par le juge du tribunal judiciaire de Rouen à plusieurs reprises.

La ressortissante a interjeté appel de la décision de prolongation de sa rétention, arguant de l’insuffisance des diligences de l’administration française. Elle a également demandé la condamnation du représentant de l’État à lui verser une somme pour ses frais irrépétibles. Le parquet général a requis la confirmation de l’ordonnance de prolongation, tandis que le préfet du Pas-de-Calais n’a pas comparu ni fourni d’observations.

Lors de l’audience, le conseil de la ressortissante a réitéré les arguments de l’appel. La question de la confidentialité de l’entretien avec l’avocat a été soulevée, la ressortissante affirmant qu’un policier avait interrompu leur échange, compromettant ainsi la confidentialité. Cependant, les policiers ont expliqué que leur entrée dans la salle s’était faite à la fin de l’entretien, ce qui a été jugé conforme aux règles.

Concernant les diligences de l’administration, il a été établi que les autorités vietnamiennes avaient été contactées rapidement et que l’administration française avait agi avec diligence. En conséquence, le tribunal a confirmé la prolongation de la rétention administrative pour une durée supplémentaire de trente jours, rejetant la demande de frais irrépétibles. L’appel a été déclaré recevable, mais la décision initiale a été maintenue.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du droit à un avocat en rétention administrative ?

Le droit à un avocat est prévu par les articles L. 744-4 et R. 743-21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Ces articles stipulent que chaque lieu de rétention doit disposer d’un local réservé aux avocats, garantissant ainsi la confidentialité des échanges entre l’étranger et son conseil.

Cette garantie est essentielle pour assurer le respect des droits de l’étranger en matière de défense.

Quel est le cadre légal pour la prolongation de la rétention administrative ?

L’article L. 742-4 du CESEDA précise que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de trente jours dans plusieurs cas, notamment en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Il est également mentionné que la prolongation ne peut excéder une durée maximale de trente jours, et que la durée totale de la rétention ne doit pas dépasser soixante jours.

Quel est le principe de diligence de l’administration en matière de rétention ?

L’article L. 741-3 du CESEDA stipule qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

L’administration est donc tenue d’exercer toute diligence pour assurer l’éloignement de l’étranger dans les meilleurs délais.

Dans le cas présent, les autorités vietnâmiennes ont été saisies dès le placement en rétention, et relancées le 28 mars 2025, ce qui démontre que l’administration a respecté ses obligations.

Quel est l’impact de la violation des formes prescrites par la loi sur la rétention ?

L’article 743-12 du CESEDA indique que si les formes prescrites par la loi ne sont pas respectées, le juge ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de rétention que si cela a substantiellement porté atteinte aux droits de l’étranger.

Dans cette affaire, il a été établi que l’entrée d’un policier dans la salle d’entretien n’a pas eu pour effet de violer la confidentialité des échanges, et donc, il n’y a pas eu de grief caractérisé.

Ainsi, le moyen soulevé a été rejeté.

N° RG 25/01210 – N° Portalis DBV2-V-B7J-J5VP

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 31 MARS 2025

Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Madame MONCOMBLE, Greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la requête du préfet du Pas-de-Calais tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de trente jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise le 28 février 2025 à l’égard de Mme [S] [T] [P] née le 01 Octobre 2002 à [Localité 1] (VIETNAM) ;

Vu l’ordonnance rendue le 29 Mars 2025 à 14h31 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen autorisant le maintien en rétention de Mme [S] [T] [P] pour une durée supplémentaire de trente jours à compter du 30 mars 2025 à 00h00 jusqu’au 28 avril 2025 à 24h00 ;

Vu l’appel interjeté par Mme [S] [T] [P], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 29 mars 2025 à 22:17 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

– à l’intéressé,

– au préfet du Pas-de-Calais,

– à Me Bérengère GRAVELOTTE, avocat au barreau de ROUEN, choisi en vertu de son droit de suite,

– à [X] [O] interprète en vietnamien ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par Mme [S] [T] [P] ;

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de [X] [O], par truchement téléphonique, interprète en vietnamien, expert assermenté, en l’absence du M. LE PRÉFET DE PAS DE CALAIS et du ministère public ;

Vu la comparution de Mme [S] [T] [P] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Me Bérengère GRAVELOTTE, avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Mme [S] [T] [P] déclare être ressortissante vietnâmienne. Elle a été interpellée par les forces de l’ordre britanniques alors qu’elle se trouvait en zone d’accès restreint du Terminal Transmanche, puis remise aux services de police français.

Elle a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français le 28 février 2025.

Elle a été placée en rétention administrative selon arrêté du même 28 février 2025 à l’issue d’une mesure de garde à vue.

Par ordonnance du 4 mars 2025, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Mme [S] [T] [P], décision confirmée par le magistrat désigné par la première présidente de la cour d’appel de Rouen pour la suppléer le 6 mars 2025.

Par ordonnance du 29 mars 2025, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé une seconde prolongation de la rétention administrative de Mme [S] [T] [P].

Mme [S] [T] [P] a interjeté appel de cette décision.

Au soutien de son appel, elle fait valoir :

-l’insuffisance des diligences de l’administration française.

Elle sollicite en outre la condamnation du représentant de l’Etat à lui payer la somme de 1 000 euros en paiement de ses frais irrépétibles.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 31 mars 2025, a requis la confirmation de l’ordonnance.

Le préfet du Pas-de-Calais n’a ni comparu ni communiqué ses observations écrites.

A l’audience, le conseil de Mme [S] [T] [P] a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel.

Mme [S] [T] [P] a été entendue en ses observations.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par Mme [S] [T] [P] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 29 Mars 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.

Sur le fond

Sur la confidentialité de l’entretien avec l’avocat:

Le droit à avocat est prévu par les art. L. 744-4 et R. 743-21 du CESEDA. Un local réservé aux avocats garantissant la confidentialité des échanges est aménagé dans chaque lieu de rétention. (CE 30 juillet 2003 n°236016).

Par ailleurs, en application de l’art. 743-12, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le juge ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l’étranger.

En l’espèce, Mme [S] [T] [P] soutient que, alors que ni son conseil ni elle-même n’avait fait un signe évoquant que leur entretien était terminé, un policier avait fait irruption dans la pièce, ce qui donnait à penser que celui-ci avait entendu leurs échanges et que la confidentialité de ceux-ci n’était pas assurée.

Les policiers présents ont expliqué qu’ils pouvaient voir les personnes en entretien à travers une vitre et qu’ils entendaient un ‘brouhaha’ régnant autour de la salle, sans pouvoir comprendre les propos tenus.

Il en ressort que l’entrée du policier dans la salle d’entretien s’est faite en fin d’entretien, alors que Mme [S] [T] [P] et son conseil se confirmaient l’une à l’autre qu’elles pouvaient autoriser le policier à entrer et débuter les débats. Le policier n’a pas surpris de propos confidentiels et Mme [S] [T] [P] a pu s’exprimer librement devant son conseil. Il n’apparaît donc pas de grief caractérisé et le moyen sera rejeté.

Sur les diligences entreprises par l’administration française et les perspectives d’éloignement:

L’article L 742-4 du CESEDA dispose que :

‘Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.’

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet.

En l’espèce, les autorités vietnâmiennes ont été saisies le jour du placement en rétention et relancées le 28 mars 2025. L’entier dossier de l’intéressée leur a été adressé. L’administration française a ainsi parfaitement accompli les diligences lui incombant.

Rien ne permet de conclure à ce jour à une absence de perspectives d’éloignement.

Le moyen sera donc rejeté.

En conséquence, l’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel interjeté par Mme [S] [T] [P] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 29 Mars 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen, prolongeant la mesure de rétention administrative le concernant pour une durée supplémentaire de trente jours ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions

Rejette la demande en paiement de frais irrépétibles.

Fait à Rouen, le 31 Mars 2025 à 16h30.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


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