L’Essentiel : Dans cette affaire, un salarié, exerçant en tant que magasinier cariste, a déposé une déclaration de maladie professionnelle le 10 janvier 2019, fondée sur un certificat médical daté du 26 juillet 2018. La caisse d’assurance maladie a informé l’employeur de la prise en charge de la sciatique par hernie discale. L’employeur a contesté cette décision, entraînant un recours devant la commission de recours amiable, qui a rejeté la demande. Le tribunal judiciaire a ensuite déclaré la décision de prise en charge inopposable à l’employeur. La caisse d’assurance maladie a interjeté appel, mais la cour a confirmé le jugement initial.
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FAITSDans cette affaire, un salarié, exerçant en tant que magasinier cariste, a déposé une déclaration de maladie professionnelle le 10 janvier 2019, fondée sur un certificat médical daté du 26 juillet 2018. Ce certificat mentionnait des douleurs dorsales et des symptômes associés, notamment des lombosciatiques et des cruralgies. La caisse d’assurance maladie a ensuite informé l’employeur de la prise en charge de la sciatique par hernie discale, inscrite dans le tableau des maladies professionnelles. PROCÉDUREL’employeur a contesté cette décision de prise en charge, ce qui a conduit à un recours devant la commission de recours amiable, qui a rejeté la demande. Par la suite, le tribunal judiciaire a rendu un jugement le 11 janvier 2021, déclarant la décision de prise en charge inopposable à l’employeur, en raison de l’absence de preuve que la pathologie mentionnée correspondait aux critères du tableau des maladies professionnelles. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIESLa caisse d’assurance maladie a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de l’opposabilité de la décision de prise en charge. De son côté, l’employeur a soutenu la confirmation du jugement, arguant que la caisse n’avait pas prouvé que la maladie du salarié correspondait aux critères requis par le tableau des maladies professionnelles. La cour a examiné les éléments médicaux et a conclu que la caisse n’avait pas établi l’existence d’une atteinte radiculaire, condition nécessaire pour la prise en charge. DÉCISION DE LA COURLa cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire, déclarant la prise en charge inopposable à l’employeur, et a condamné la caisse d’assurance maladie aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption d’origine professionnelle des maladies selon le Code de la sécurité sociale ?Selon l’article L 461-1 du Code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau. Chaque tableau comporte une liste de maladies ou de symptômes, un délai de prise en charge et/ou une durée minimale d’exposition, et enfin une liste des travaux qui doivent avoir été exécutés par le salarié pour prétendre à une prise en charge. La maladie telle qu’elle est désignée dans les tableaux de maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d’appréciation fixés par chacun des tableaux (2e Civ., 17 mars 2004, pourvoi no 03-11.968). En cas de contestation par l’employeur d’une décision de prise en charge d’une maladie au titre de la législation professionnelle, il appartient à la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu’elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau de maladies professionnelles dont elle invoque l’application sont remplies. À défaut, la prise en charge est déclarée inopposable à l’employeur. Quelles sont les conditions de prise en charge d’une maladie professionnelle ?Pour qu’une maladie soit prise en charge au titre de la législation professionnelle, il est nécessaire que les conditions définies dans le tableau des maladies professionnelles soient remplies. Le tableau des maladies professionnelles n° 98 fait état dans la colonne « désignation des maladies » d’une « sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante ». Le certificat médical initial du 26 juillet 2018 mentionne des ‘dorsolombalgies étagées de D12 à L5, contractures paravertébrales, raideur rachidienne, épisodes répétés de lombosciatiques droite L5 et cruralgies droites…IRM du 06/08/2018…’. Il est donc essentiel de vérifier si la pathologie désignée par le certificat médical initial correspond à celle figurant au tableau n° 98. En l’espèce, le colloque médico-administratif du 12 avril 2019 mentionne un accord du médecin-conseil avec le diagnostic figurant sur le certificat médical initial, mais ne précise pas que la maladie visée par le tableau aurait été objectivée par l’IRM citée. Quel est le rôle de la caisse dans la contestation d’une décision de prise en charge ?En cas de contestation par l’employeur d’une décision de prise en charge d’une maladie au titre de la législation professionnelle, il appartient à la caisse de démontrer que les conditions du tableau de maladies professionnelles dont elle invoque l’application sont remplies. Dans le cas présent, la caisse a été incapable de prouver que la sciatique par hernie discale présentée par le salarié est associée à une atteinte radiculaire de topographie concordante, exigée par le tableau n° 98. Les documents produits par la caisse, y compris l’avis du médecin-conseil, ne permettent pas d’établir cette association. Ainsi, la caisse n’a pas réussi à corroborer son avis par des éléments extrinsèques permettant de caractériser l’existence d’une atteinte radiculaire de topographie concordante. En conséquence, la prise en charge doit être déclarée inopposable à l’employeur. Quelle est la décision finale de la cour concernant la prise en charge de la maladie ?La cour a confirmé le jugement rendu le 11 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux, qui avait déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge de la maladie du 26 juillet 2018. La cour a également condamné la caisse primaire d’assurance maladie aux dépens, en raison de son incapacité à prouver que les conditions du tableau de maladies professionnelles étaient remplies. Ainsi, la décision de prise en charge de la maladie par la caisse a été jugée non conforme aux exigences légales, entraînant son inopposabilité à l’employeur. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 22 novembre 2024
(n° , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/02784 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDML4
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Janvier 2021 par le Pole social du TJ de MEAUX RG n° 19-00841
APPELANTE
CPAM 27 – EURE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Société [4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946 substitué par Me Hajera OUADHANE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe LATIL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre
Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller
Monsieur Christophe LATIL, Conseiller
Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 5 juillet 2024, prorogé au 27 septembre 2024, puis au 15 novembre 2024 et au 22 novembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure (la caisse) d’un jugement rendu le 11 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux dans un litige l’opposant à la société [4] (la société).
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [I] [G], salarié de la société en qualité de magasinier cariste, a complété une déclaration de maladie professionnelle, le 10 janvier 2019, sur la base d’un certificat médical initial du 26 juillet 2018 constatant des ‘dorsolombalgies étagées de D12 à L5, contractures paravertébrales, raideur rachidienne, épisodes répétés de lombosciatiques droite L5 et cruralgies droites…IRM du 06/08/2018… »
La caisse a instruit le dossier et le 6 mai 2018 elle a informé la société de la prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la sciatique par hernie discale
L4-L5 inscrite dans le tableau N°98 dont souffre M. [G].
Contestant l’opposabilité de cette décision, la société a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté son recours le 21 novembre 2019 puis le tribunal judiciaire de Meaux lequel, par jugement du 11 janvier 2021, a :
– déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle du 6 mai 2019, de la maladie du 26 juillet 2018 de M. [I] [G],
– rappelé que la caisse devra transmettre à la Carsat le montant des prestations correspondant aux arrêts de travail, soins et toutes autres prestations prescrites déclarées inopposables à la société,
– condamné la caisse aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que la caisse ne rapportait pas la preuve que la pathologie désignée par le certificat médical initial est une pathologie figurant au
tableau 98 des maladies professionnelles alors que n’est pas mentionnée d’atteinte radiculaire de topographie concordante, condition visée au tableau et que la caisse ne verse aucun élément à l’appui de ses prétentions.
Le jugement lui ayant été notifié le 22 janvier 2021, la caisse en a interjeté appel par courrier posté le 18 février 2021.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son avocat, la caisse demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
en conséquence,
– déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de l’affection du
26 juillet 2018 déclarée par M. [G],
– débouter la société de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la société en tous les dépens.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son avocat, la société demande à la cour de :
– confirmer le jugement,
en conséquence et statuant à nouveau,
– constater que la présence d’une atteinte radiculaire de topographie concordante n’est corroborée par aucun élément du dossier et ne pouvait donc être vérifiée au moment de la consultation des pièces avant la prise en charge,
– constater que la caisse ne prouve pas que M. [G] souffre d’une sciatique par hernie discale avec atteinte radiculaire de topographie concordante, conformément à la pathologie désignée au tableau n°98 des maladies professionnelles,
en conséquence,
– prononcer l’inopposabilité de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie du 26 juillet 2018 déclarée par M. [G] à son égard.
En application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 21 mai 2024 pour l’exposé des moyens développés et soutenus à l’audience.
Selon l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau.
Chaque tableau comporte une liste de maladies ou de symptômes, un délai de prise en charge et/ou une durée minimale d’exposition, et enfin une liste des travaux qui doivent avoir été exécutés par le salarié pour prétendre à une prise en charge.
La maladie telle qu’elle est désignée dans les tableaux de maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d’appréciation fixés par chacun des tableaux (2e Civ., 17 mars 2004, pourvoi no03-11.968).
En cas de contestation par l’employeur d’une décision de prise en charge d’une maladie au titre de la législation professionnelle, il appartient à la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu’elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau de maladies professionnelles dont elle invoque l’application sont remplies. A défaut, la prise en charge est déclarée inopposable à l’employeur.
En l’espèce il convient de rechercher, le libellé de la maladie mentionnée au certificat médical initial étant différent de celui figurant au tableau n° 98, si l’avis du médecin-conseil favorable à la prise en charge de la pathologie était fondé sur des éléments médicaux extrinsèques.
Le tableau des maladies professionnelles n° 98 fait état dans la colonne « désignation des maladies » d’une « sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante ».
Le certificat médical initial du 26 juillet 2018 mentionne lui des ‘dorsolombalgies étagées de D12 à L5, contractures paravertébrales, raideur rachidienne, épisodes répétés de lombosciatiques droite L5 et cruralgies droites…IRM du 06/08/2018… »
Le colloque médico-administratif du 12 avril 2019 mentionne :
‘Accord du médecin conseil avec le diagnostic figurant sur le CMI,
Code syndrome : 098AAM51A,
Libellé du syndrome : sciatique par hernie discale L4 L5 « .
A la rubrique ‘Conditions médicales réglementaires du tableau remplies’, il est mentionné ‘sans objet’.
Le médecin-conseil ne précise pas non plus que la maladie visée par le tableau aurait été objectivée par l’IRM citée dans le certificat médical initial.
Si le certificat médical initial ne mentionne pas l’existence d’une sciatique, il n’en est pas de même du colloque précité qui, lui, fait bien référence à une sciatique mais non à l’atteinte radiculaire de topographie concordante.
Interrogé par les services administratifs de la caisse, le docteur [E], en sa qualité de médecin-conseil, a confirmé le 22 janvier 2019 que la maladie de M. [G] était une sciatique par hernie discale L4-L5 mais sans préciser non plus l’atteinte radiculaire de topographie concordante.
Ainsi, aucun des documents produits par la caisse ne permet d’établir que la sciatique par hernie discale présentée par l’assuré est associée à une atteinte radiculaire de topographie concordante pourtant expressément exigée par le tableau.
L’avis du médecin-conseil n’est pas corroboré par des éléments extrinsèques permettant de caractériser l’existence d’une atteinte radiculaire de topographie concordante telle que requise par le tableau.
Dés lors il n’est pas établi que la maladie prise en charge par la caisse soit celle désignée dans le tableau n°98 des maladies professionnelles et à défaut pour la caisse de démontrer que les conditions du tableau de maladies professionnelles dont elle invoque l’application sont remplies, la prise en charge doit être déclarée inopposable à la société.
La décision du premier juge doit donc être confirmée.
La caisse, succombant en cette instance, devra en supporter les dépens.
LA COUR,
CONFIRME le jugement (RG n° ) rendu le 11 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux,
CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure aux dépens.
La greffière, La présidente.
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