Obligation de délivrance et de réparationLe bailleur est tenu de délivrer un bien en bon état de réparation et d’entretien, conformément à l’article 1719 du Code civil, qui stipule que le bailleur doit garantir au preneur la jouissance paisible du bien loué. Cette obligation inclut la responsabilité de réaliser les réparations nécessaires pour assurer l’étanchéité et la sécurité des locaux loués. Répartition des charges de réparationSelon l’article 606 du Code civil, les grosses réparations, telles que celles affectant la structure du bâtiment, sont à la charge du bailleur, tandis que les réparations locatives, qui concernent l’entretien courant, incombent au preneur. L’article 7 du contrat de bail précise que le preneur est responsable des réparations nécessaires, sauf celles qui relèvent de l’article 606, ce qui implique que la vétusté ne peut être imputée au preneur. Principe du contradictoire en matière d’expertiseLe principe du contradictoire, énoncé à l’article 16 du Code de procédure civile, impose que chaque partie ait la possibilité de discuter des éléments de preuve présentés. La Cour de cassation a précisé que le juge ne peut fonder sa décision sur un rapport d’expertise non contradictoire, sauf s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve, comme le souligne l’arrêt de la chambre mixte du 28 septembre 2012. Conditions d’application de l’astreinteL’astreinte, prévue par l’article 701 du Code de procédure civile, est une sanction pécuniaire destinée à contraindre une partie à exécuter une obligation. Elle ne peut être prononcée que si l’obligation est certaine et que le manquement à cette obligation est établi. Dans le cas présent, l’absence de certitude sur l’origine des désordres et la nature des travaux à réaliser a conduit à l’infirmation de l’ordonnance initiale. Frais de justice et article 700 du Code de procédure civileL’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. La décision de ne pas appliquer cet article repose sur l’équité, tenant compte des circonstances de l’affaire et de la partialité des demandes des parties. |
L’Essentiel : Le bailleur doit délivrer un bien en bon état et garantir la jouissance paisible du bien loué. Les grosses réparations incombent au bailleur, tandis que les réparations locatives sont à la charge du preneur. Le principe du contradictoire impose que chaque partie puisse discuter des preuves présentées. L’astreinte est une sanction pécuniaire pour contraindre à l’exécution d’une obligation, mais nécessite une obligation certaine. L’article 700 permet au juge de condamner la partie perdante à payer des frais non compris dans les dépens.
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Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, la société Lauradaya, en tant que bailleur, a conclu un contrat de bail avec la société Le Discount Alimentaire, qui a été cédée à la société Lidl, preneuse, pour des locaux commerciaux. Le bail, initialement signé en 1993, a été renouvelé pour une nouvelle période de neuf ans à partir de juillet 2023. La preneuse a signalé des désordres affectant la toiture des locaux, notamment des infiltrations d’eau dues à un défaut d’étanchéité, et a demandé au bailleur de remédier à ces problèmes.
Face à l’inaction du bailleur, la preneuse a assigné ce dernier en référé pour obtenir une ordonnance de travaux sous astreinte. Le président du tribunal judiciaire d’Avignon a rendu une ordonnance le 15 avril 2024, condamnant la société Lauradaya à réaliser les travaux nécessaires pour mettre fin aux infiltrations, avec une astreinte de 300 euros par jour en cas de retard. La société Lauradaya a été également condamnée à verser une indemnité de 1 500 euros à la société Lidl pour les frais de justice. La société Lauradaya a interjeté appel de cette ordonnance, contestant la décision du juge des référés. Elle a soutenu que le rapport d’expertise sur lequel le juge s’est fondé n’était pas contradictoire et que les infiltrations n’empêchaient pas l’exploitation des locaux. En réponse, la société Lidl a défendu la validité de l’ordonnance, arguant que les infiltrations constituaient un trouble manifestement illicite et qu’une réfection totale de la toiture était nécessaire. La cour d’appel a finalement infirmé l’ordonnance de première instance, rejetant les demandes de la société Lidl et de la société Lauradaya, tout en précisant que chaque partie devait supporter ses propres dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de l’obligation de délivrance du bailleur ?L’obligation de délivrance du bailleur est régie par l’article 1719 du Code civil, qui stipule que « le bailleur est tenu de délivrer la chose louée en bon état de réparations de toute espèce ». Cette obligation implique que le bailleur doit garantir au preneur la jouissance paisible des locaux loués, ce qui inclut la garantie d’une étanchéité adéquate. En cas de manquement à cette obligation, le preneur peut demander des réparations, comme cela a été le cas dans cette affaire où des infiltrations d’eau ont été signalées. Il est également important de noter que l’article 606 du Code civil précise que les grosses réparations, telles que celles concernant l’étanchéité, incombent au bailleur, sauf stipulation contraire dans le contrat de bail. Ainsi, la SCI Lauradaya, en tant que bailleur, avait l’obligation de s’assurer que les locaux étaient en bon état, ce qui n’était manifestement pas le cas. Quel est le rôle du juge des référés dans ce type de litige ?Le juge des référés, selon l’article 835 alinéa 1er du Code de procédure civile, a pour mission de statuer en urgence sur les demandes qui ne souffrent pas de délai. Dans cette affaire, le juge des référés a été saisi pour ordonner des travaux de réfection de la toiture afin de mettre fin aux infiltrations d’eau. Il a fondé sa décision sur des éléments de preuve, notamment des constats d’huissier et un rapport d’expertise. Cependant, la jurisprudence, comme le souligne la Cour de cassation dans un arrêt du 28 septembre 2012, indique que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande d’une seule partie. Cela signifie que le juge doit s’assurer que les éléments de preuve sont contradictoires et corroborés par d’autres pièces. Dans ce cas, le juge des référés a été critiqué pour avoir pris en compte un rapport d’expertise non contradictoire, ce qui pourrait constituer une violation du principe du contradictoire. Quel est l’impact de la vétusté sur les obligations du bailleur et du preneur ?L’article 7 du contrat de bail stipule que le preneur est responsable des réparations nécessaires, sauf celles qui relèvent de l’article 606 du Code civil, qui sont à la charge du bailleur. La vétusté est un facteur déterminant dans la répartition des responsabilités. L’article 606 du Code civil précise que les grosses réparations, telles que celles concernant l’étanchéité, sont à la charge du bailleur, sauf stipulation contraire dans le contrat. Dans cette affaire, la SCI Lauradaya a soutenu que les travaux de réfection de la toiture étaient dus à la vétusté, ce qui aurait dû les mettre à la charge du preneur. Cependant, le contrat de bail ne contenait pas de clause spécifique sur la vétusté, ce qui a conduit à une incertitude quant à la responsabilité des travaux. Ainsi, l’absence de clause sur la vétusté dans le contrat de bail a joué un rôle crucial dans la décision du juge, qui a infirmé l’ordonnance initiale. Quel est le principe de l’astreinte dans le cadre d’une décision de référé ?L’astreinte est régie par l’article 701 du Code de procédure civile, qui permet au juge d’ordonner une somme d’argent à payer par une partie en cas de non-exécution d’une décision de justice. Dans cette affaire, le juge des référés a imposé une astreinte de 300 euros par jour de retard pour la SCI Lauradaya si elle ne procédait pas aux travaux dans le délai imparti. L’astreinte a pour but de contraindre le débiteur à exécuter l’obligation qui lui incombe. Cependant, la mise en œuvre de l’astreinte doit être justifiée par l’existence d’une obligation claire et précise, ce qui a été remis en question dans cette affaire en raison des doutes sur la responsabilité des travaux. Le juge a finalement décidé de rejeter la demande d’astreinte, considérant que la SCI Lauradaya avait exécuté les travaux conformément à l’ordonnance initiale, ce qui a conduit à l’absence de dommage imminent. Quel est le rôle des articles 699 et 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?Les articles 699 et 700 du Code de procédure civile traitent des frais de justice et des indemnités. L’article 700 permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés pour la défense de ses droits. Dans cette affaire, le juge a condamné la SCI Lauradaya à verser 1.500 euros à la société Lidl en application de l’article 700, en raison de la nécessité de couvrir les frais engagés par la partie gagnante. Cependant, la cour a finalement décidé de ne pas appliquer l’article 700 dans sa décision finale, considérant que chaque partie avait partiellement succombé à ses demandes. Cela signifie que les frais de justice seraient à la charge de chaque partie, ce qui est conforme à l’équité dans le cadre de ce litige. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°78
N° RG 24/01596 – N° Portalis DBVH-V-B7I-JF7I
CC
PRESIDENT DU TJ D’AVIGNON
15 avril 2024 RG :23/00536
S.C.I. LAURADAYA
C/
S.N.C. LIDL
Copie exécutoire délivrée
le 14/03/2025
à :
Me Julie MIOT
Me Frédéric FRANC
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 14 MARS 2025
Décision déférée à la cour : Ordonnance du Président du TJ d’AVIGNON en date du 15 Avril 2024, N°23/00536
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Christine CODOL, Présidente de Chambre
Agnès VAREILLES, Conseillère
Yan MAITRAL, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 Février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.C.I. LAURADAYA, société civile immobilière au capital de 8.232,25 €, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Avignon sous le numéro 327 544 102, dont le siège social est sis [Adresse 2], à [Localité 5], représentée par son gérant, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Julie MIOT de l’AARPI AVENIO AVOCAT, Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
Représentée par Me Sandra KABLA de la SAS OLLYNS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Rémi LORIEAU, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.N.C. LIDL, Société en nom collectif, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 343 262 622, représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis,
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Florence DU CHATELIER de la SELEURL SELARL FLORENCE DU CHATELIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Frédéric FRANC, Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
Affaire fixée en application des dispositions de l’ancien article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Février 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 14 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
Vu l’appel interjeté le 7 mai 2024, enregistré le 10 mai 2024, par la SCI Lauradaya à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue le 15 avril 2024 par le président du tribunal judiciaire d’Avignon dans l’instance n° RG 23/00536 ;
Vu l’avis du 21 mai 2024 de fixation de l’affaire à bref délai ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 19 février 2025 par la SCI Lauradaya, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 18 février 2025 par la SNC Lidl, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l’ordonnance du 21 mai 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 13 février 2025, reportée au 20 février 2025.
***
Par acte sous seing privé du 3 février 1993, la société Lauradaya a donné à bail, pour une durée de 9 ans à compter du 15 mars 1993, à la société Le Discount Alimentaire, aux droits de laquelle est venue la société Lidl suite à une cession de fonds de commerce intervenue le 30 juillet 1998, des locaux commerciaux situés dans le [Adresse 4] à [Localité 5] (84). Ce bail a été renouvelé pour la dernière fois, pour une durée de 9 ans prenant effet le 1er juillet 2023.
Le preneur y exploite une activité de « vente de tous produits vendus en hypermarchés et supermarchés alimentaires ».
Affirmant que les locaux commerciaux loués sont affectés depuis 2021 de désordres, à savoir un défaut d’étanchéité de la toiture entraînant des infiltrations d’eau dans l’espace de vente du magasin à chaque épisode pluvieux important, la société Lidl a sollicité, en vain, la SCI Lauradaya aux fins de reprise des désordres.
Par exploit du 14 novembre 2023, la société Lidl a fait assigner la société Lauradaya en exécution sous astreinte de travaux de réfection de l’étanchéité de la totalité de la couverture du local litigieux ainsi qu’en paiement d’une provision, devant le président du tribunal judiciaire d’Avignon statuant en matière de référé.
Par ordonnance de référé du 15 avril 2024, le président du tribunal judiciaire d’Avignon a, au visa des article 835 alinéa 1er du code de procédure civile et de l’article 1719 du code civil, statué ainsi :
« Condamnons la SCI Lauradaya à procéder ou faire procéder par toute entreprise de son choix aux travaux de toiture nécessaires pour faire cesser définitivement toutes infiltrations d’eaux pluviales dans les locaux donnés à bail à la SNC Lidl, situés [Adresse 4] à [Localité 5] (84), et ce dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente ordonnance,
Disons que, passé ce délai, une astreinte provisoire de 300,00 euros par jour de retard commencera à courir, et ce pendant un délai de 60 jours au-delà duquel il sera à nouveau statué si le bailleur n’a pas réalisé les travaux mis à sa charge,
Disons n’y avoir lieu de nous réserver la liquidation de l’astreinte,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
Condamnons la SCI Lauradaya à payer à la SNC Lidl la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la SCI Lauradaya aux entiers dépens,
Rejetons toutes autres demandes. ».
La société Lauradaya a relevé appel le 7 mai 2024 de cette ordonnance de référé pour la voir infirmer, annuler, ou réformer en toutes ses dispositions.
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Dans ses dernières conclusions, la société Lauradaya, appelante, demande à la cour, au visa des articles 16, 834 et 835 du code de procédure civile, de l’article 1719 du code civil, et des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :
« – Infirmer l’ordonnance du tribunal judicaire d’Avignon du 15 avril 2024, en ce qu’elle a :
– condamné la SCI Lauradaya à procéder ou faire procéder par toute entreprise de son choix aux travaux de toiture nécessaires pour faire cesser définitivement toutes infiltrations d’eaux pluviales dans les locaux donnés à bail à la S.N.C. Lidl, situés [Adresse 4] à [Localité 5] (84) et ce dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente ordonnance,
– dit que, passé ce délai, une astreinte provisoire de 300,00 euros par jour de retard commencera à courir, et ce pendant un délai de 60 jours au-delà duquel il sera à nouveau statué si le bailleur n’a pas réalisé les travaux mis à sa charge,
– condamné la SCI Lauradaya à payer à la S.N.C. Lidl la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné la SCI Lauradaya aux entiers dépens,
– rejeté toutes autres demandes de la SCI Lauradaya.
Et statuant à nouveau :
– Débouter la société Lidl de sa demande tendant à ce que la société Lauradaya soit condamnée à réaliser les travaux nécessaires en toiture pour faire cesser les infiltrations dans les locaux loués,
A titre reconventionnel :
– Condamner la société Lidl à rembourser la société Lauradaya à hauteur du montant engagé par cette dernière pour la réalisation des travaux, à savoir la somme de 28.679,39 euros.
En tout état de cause :
– Débouter la société Lidl de l’ensemble de ses demandes,
– Condamner la société Lidl au paiement de la somme de 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société Lidl aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Julie Miot. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Lauradaya, appelante, expose que le juge des référés s’est fondé sur un rapport d’expertise non contradictoire demandé par la société Lidl contrevenant ainsi au principe du contradictoire. Elle considère que le juge des référés ne pouvait fonder sa décision sur ce seul rapport. Elle estime inopérant la référence à des constats d’huissier, le rôle du commissaire de justice ne pouvant donner son avis sur l’ampleur des désordres et sur leurs causes. Quant aux rapports d’entreprises, ils émanent, selon l’appelant, de la société Lidl elle-même.
L’appelante soutient que le juge des référés a excédé ses pouvoirs car il l’a condamné à réaliser des travaux alors qu’aucune certitude n’est établie sur l’origine des désordres, la nature et l’ampleur des travaux à effectuer et la prise en charge desdits travaux. Elle relève que la société Lidl a toujours été en mesure de continuer l’exploitation des locaux conformément à leur destination contractuelle.
En tout état de cause, la bailleresse indique avoir réalisé les travaux conformément à l’ordonnance déférée. Dès lors, il n’y a pas de dommage imminent.
Elle prétend qu’une réfection partielle de la toiture était suffisante, de sorte que les travaux doivent être mis à la charge du preneur, en application de l’article 7 du contrat de bail.
Elle réfute l’argumentation adverse sur sa mauvaise foi au vu de l’exécution de son obligation de faire et en déduit que la demande d’astreinte doit être rejetée, étant en tout état de cause devenue sans objet.
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Dans ses dernières conclusions, la société Lidl, intimée, demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, des articles 606, 1103, 1719 et 1720 du code civil, de :
« Déclarer mal fondé l’appel interjeté par la Lauradaya ;
Confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré avéré le manquement de la SCI Lauradaya à son obligation de délivrance ;
Confirmer l’ordonnance en date du 15 avril 2024 en ce qu’elle a :
condamné, sous astreinte, la SCI Lauradaya à procéder ou faire procéder par toute entreprise de son choix aux travaux de toiture nécessaires pour faire cesser définitivement toutes infiltrations d’eaux pluviales dans les locaux donnés à bail à la SNC Lidl, situés [Adresse 4] à [Localité 5] (84),
rejeté l’intégralité des demandes de la SCI Lauradaya,
condamné la SCI Lauradaya au paiement d’une indemnité de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
En tout état de cause,
Débouter la SCI Lauradaya de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
La débouter de sa demande reconventionnelle ;
Condamner la SCI Lauradaya au paiement d’une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Lidl, intimée, expose que le principe du contradictoire a été respecté car le rapport d’expertise et les rapports d’entretien lui ont été communiqués et que ce rapport est corroboré par deux procès-verbaux de constat, ainsi qu’un devis d’une société d’étanchéité.
Elle soutient que les infiltrations d’eau répétées qui ont détérioré des marchandises et les dalles du faux plafond constituent un trouble manifestement illicite en raison du manquement à l’obligation de délivrance.
Elle invoque également un dommage imminent caractérisé par le risque de chute des dalles du faux plafond et de courts-circuits électriques.
Elle prétend qu’au vu de l’état de la toiture, une réfection totale s’impose, ne serait-ce que pour des questions d’assurance décennale. Dès lors, la charge de la réfection de la toiture incombe à la bailleresse. En procédant à une réfection totale de la toiture, la bailleresse a reconnu qu’elle s’imposait et elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Les travaux étant effectués, la société Lidl renonce à son appel incident.
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Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
Par un arrêt de la chambre mixte, la cour de cassation a posé le principe selon lequel « si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire des parties, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties » ( Ch. mixte., 28 septembre 2012, pourvoi n 11-18.710).
Ainsi, le juge ne peut se fonder sur un rapport d’expertise amiable que s’il est corroboré par d’autres pièces, que les parties aient ou non assisté aux opérations d’expertise.
Cass. 2e Civ., 9 février 2023, pourvoi n° 21-15.784
En l’espèce, le juge des référés s’est fondé sur deux constats établis par des commissaires de justice les 9 décembre 2022 et 30 octobre 2023 ainsi que du rapport de visite non contradictoire du 2 avril 2023 pour retenir l’existence de désordres graves affectant la toiture qui ne remplit plus son rôle premier, à savoir assurer l’étanchéité du bâtiment.
Le constat du 9 décembre 2022 fait état de diverses auréoles du faux plafond à l’entrée du bâtiment, d’une dalle trouée au niveau de l’allée 2 avec un seau contenant du liquide disposé sous le trou, de dalles trouées au niveau de l’allée 3 et de l’allée 4 avec des seaux disposés dessous contenant du liquide, ainsi que des traces d’infiltration sur d’autres dalles.
Le constat du 30 octobre 2023 relève des dalles du faux plafond trempées ou tachées, présentant des traces et taches d’infiltrations d’eau, avec un goutte à goutte tombant du plafond au niveau du rayon fruits et légumes, un ruissellement d’eau au niveau d’un pilier provenant du plafond avec large flaque sur le sol évoluant du rayon gâteau en direction des banques réfrigérées.
L’avis de l’expert technique missionné par le preneur mentionne des traces d’infiltration qui se manifestent par des taches sur les plaques de faux plafond localisées sur une ligne traversant le magasin de part en part.
Il est ainsi établi par ces trois pièces, et non seulement par le rapport de visite, que l’étanchéité des lieux loués n’est pas assurée.
Le contrat de bail du 15 mars 1993 a été renouvelé le 15 mars 2002 puis le 1er janvier 2012 pour une durée de 9 ans. Il a fait l’objet d’une demande de renouvellement par acte de commissaire de justice du 15 juin 2023.
Ainsi, à la date de constatation des désordres, le bail était prolongé tacitement.
L’article 7 du contrat de bail met à la charge du preneur toutes les réparations qui pourraient être nécessaires à l’exception de celles qui seraient prévues par l’article 606 du code civil qui restent à la charge du bailleur.
Aucune clause du contrat ne met à la charge du preneur les travaux rendus nécessaires par la vétusté.
Seul le rapport de visite non contradictoire fait état de la vétusté du revêtement d’étanchéité qui présente de nombreuses fissures permettant à l’eau de s’infiltrer. Il est préconisé des travaux de réfection de l’étanchéité sur la totalité de la couverture.
Contrairement à ce qu’a indiqué le juge des référés, le locataire a pu continuer à exploiter les locaux et le trouble manifestement illicite retenu ne se fonde que sur ce rapport de visite non contradictoire.
Par conséquent l’ordonnance doit être infirmée en toutes ses dispositions.
La société Lidl démontre subir des infiltrations d’eau conséquentes. Le bailleur a exécuté la décision de première instance mais demande à titre reconventionnel le remboursement du coût de la réfection totale de la toiture. Or, ainsi qu’il le fait lui-même valoir, l’origine des désordres n’est pas établie et la prise en charge des travaux dépend non seulement de l’application de l’article 606 du code civil mais aussi de l’état de vétusté de l’ancienne étanchéité qui pourrait conduire à laisser à la charge du bailleur le coût de la réfection de la toiture, le contrat de bail ne comportant aucune clause de vétusté.
Du fait de cette incertitude, il ne peut être fait droit à la demande reconventionnelle de provision présentée par le bailleur.
L’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie succombe partiellement à ses demandes et gardera donc à sa charge les dépens par elle exposés.
La Cour,
Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Rejette la demande de la société Lidl tendant à ce que la société Lauradaya soit condamnée à réaliser les travaux nécessaires en toiture pour faire cesser les infiltrations dans les locaux loués,
Rejette la demande de la société Lauradaya tendant à faire rembourser par la société Lidl le montant engagé par le bailleur pour la réalisation des travaux, à savoir la somme de 28.679,39 euros,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie gardera à sa charge les dépens par elle exposés.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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