Obligation de communication du taux de périodeLe prêteur est tenu de communiquer à l’emprunteur, lors de la conclusion d’une opération de crédit, le taux de période et la durée de celle-ci, conformément aux articles L. 313-4 du code monétaire et financier, L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et au décret n° 2011-135 du 1er février 2011. Cette obligation vise à garantir la transparence des conditions de crédit et à protéger l’emprunteur contre des pratiques abusives. Sanction en cas de non-respect de l’obligationLe défaut de mention du taux de période dans les documents contractuels est sanctionné par la déchéance totale ou partielle du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, proportionnellement à la gravité du manquement et au préjudice subi par l’emprunteur. Cette sanction ne peut être appliquée que si l’écart entre le taux effectif global (TEG) mentionné et le taux réel est supérieur à la décimale prescrite par l’article R. 313-1 du code de la consommation, en défaveur de l’emprunteur. Conditions de la déchéance des intérêtsLa déchéance du droit aux intérêts conventionnels est encourue dès qu’il existe une erreur de plus d’une décimale en défaveur de l’emprunteur, comme le stipule l’article L. 313-2 du code de la consommation. Le TEG doit être indiqué par écrit dans le contrat, et son calcul doit être conforme aux exigences légales, sans inclure des frais non imposés par le prêteur. Jurisprudence relative à la déchéanceLa jurisprudence a établi que la déchéance du droit aux intérêts est laissée à l’appréciation des juges, qui doivent prendre en compte le comportement de l’emprunteur et les circonstances de l’affaire. Les décisions de la Cour de cassation, notamment celles des 5 juin 2019 et 10 juin 2020, précisent que le juge doit évaluer la gravité du manquement et le préjudice subi pour déterminer la proportion de la déchéance. Effets de la cassation sur les demandesLa cassation d’un chef de dispositif entraîne la remise des parties dans l’état où elles se trouvaient avant la décision censurée, conformément à l’article 624 du code de procédure civile. Cela signifie que les demandes non atteintes par la cassation restent définitives, et seules celles relatives à la déchéance des intérêts peuvent être réexaminées par la juridiction de renvoi. |
L’Essentiel : Le prêteur doit communiquer à l’emprunteur le taux de période et sa durée lors de la conclusion d’un crédit, selon les articles L. 313-4 et R. 313-1 du code de la consommation. En cas de non-respect, le prêteur peut subir une déchéance de son droit aux intérêts conventionnels, proportionnelle à la gravité du manquement. La déchéance est encourue si l’écart entre le taux effectif global et le taux réel dépasse une décimale en défaveur de l’emprunteur.
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Résumé de l’affaire : L’affaire concerne un emprunteur qui, par l’intermédiaire d’un courtier, a contracté un prêt de 3 800 000 euros auprès d’une banque luxembourgeoise, garanti par une hypothèque. Ce prêt, remboursable in fine après dix ans, était destiné à rembourser des prêts antérieurs et à financer des besoins en trésorerie. Une partie des fonds a été placée sur un contrat d’assurance-vie, dont les revenus étaient censés couvrir les intérêts du prêt.
En janvier 2008, l’emprunteur a assigné la banque et le courtier en nullité du prêt, invoquant des irrégularités dans le contrat, notamment concernant le taux effectif global. La banque a ensuite appelé en intervention des notaires pour être garantie contre toute condamnation. L’affaire a été renvoyée à un autre tribunal, où un protocole d’accord a été signé entre l’emprunteur et l’assureur, entraînant une extinction partielle de l’instance. En mars 2019, le tribunal a débouté l’emprunteur de ses demandes contre la banque et le courtier, tout en le condamnant à payer une somme importante à la banque. L’emprunteur et la banque ont interjeté appel. En mars 2021, la cour d’appel a confirmé le jugement, mais a modifié certaines condamnations financières. L’emprunteur a ensuite formé un pourvoi en cassation, qui a partiellement annulé la décision de la cour d’appel en ce qui concerne la déchéance des intérêts. En 2023, l’emprunteur a saisi la cour d’appel de renvoi, mais ses demandes ont été déclarées irrecevables en raison de l’autorité de chose jugée. La cour a finalement statué que la banque avait manqué à son obligation de communiquer le taux de période, mais a débouté l’emprunteur de sa demande de déchéance des intérêts, le condamnant à rembourser une somme substantielle à la banque. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la demande de déchéance des intérêts conventionnels par l’emprunteur ?L’emprunteur soutient que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque est fondée sur la violation des articles L. 313-2 du code de la consommation et 1907 du code civil. Ces articles stipulent que le taux effectif global (TEG) doit être clairement indiqué dans le contrat de prêt. En vertu de l’article R. 313-1 du code de la consommation, le prêteur est également tenu de communiquer le taux de période et la durée de celle-ci. L’absence de mention de ces éléments dans le contrat de prêt constitue une irrégularité qui, selon l’emprunteur, entraîne la déchéance totale de la banque à tout droit aux intérêts conventionnels. Il est précisé que la déchéance est encourue dès qu’il existe une erreur de plus d’une décimale en défaveur de l’emprunteur, ce qui, selon lui, est le cas ici. Quel est l’impact de la jurisprudence sur la communication des taux dans les contrats de prêt ?La jurisprudence a établi que, selon les articles L. 313-4 du code monétaire et financier et L. 313-1 du code de la consommation, le prêteur doit communiquer de manière expresse le taux de période et la durée de celle-ci lors de la conclusion d’une opération de crédit. Cette obligation de communication est essentielle pour garantir la transparence et la protection de l’emprunteur. En l’espèce, la Cour de cassation a jugé que le défaut de mention du taux de période dans le contrat de prêt constitue une violation des obligations du prêteur. Cependant, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels n’est pas automatique et doit être proportionnelle à la gravité du manquement et au préjudice subi par l’emprunteur. Quel est le rôle de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner une partie à payer à l’autre une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire des frais de justice qui ne peuvent pas être récupérés. Dans cette affaire, plusieurs condamnations ont été prononcées sur le fondement de cet article, notamment à l’encontre de l’emprunteur et de la banque. La cour a condamné l’emprunteur à verser des sommes à la banque et à son liquidateur, en tenant compte des frais engagés par ces derniers dans le cadre du litige. Cette disposition vise à assurer une certaine équité entre les parties en compensant les frais de justice supportés par la partie qui a gagné le procès. Quel est le principe de l’autorité de la chose jugée dans cette affaire ?L’autorité de la chose jugée est un principe fondamental du droit qui stipule qu’une décision de justice, une fois devenue définitive, ne peut plus être remise en cause. Dans cette affaire, la cour a souligné que certaines demandes de l’emprunteur étaient irrecevables en raison de l’autorité de la chose jugée, notamment celles qui avaient déjà été tranchées par des décisions antérieures. Cela signifie que l’emprunteur ne peut pas revenir sur des demandes qui ont déjà été rejetées par les juridictions précédentes, ce qui limite la portée de ses prétentions dans le cadre de l’appel. Ce principe vise à garantir la sécurité juridique et à éviter que les mêmes questions soient jugées plusieurs fois, ce qui pourrait entraîner des incohérences dans les décisions de justice. Quel est le lien entre la défaillance de l’emprunteur et les obligations contractuelles ?La défaillance de l’emprunteur dans le paiement des intérêts échus constitue une violation de ses obligations contractuelles. L’article 1134 du code civil stipule que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, ce qui implique que l’emprunteur est tenu de respecter les termes du contrat de prêt. En l’espèce, la banque a démontré que l’emprunteur n’a pas acquitté les intérêts dus depuis la date de l’acte authentique, ce qui a conduit à la déchéance du terme. Cette défaillance a des conséquences directes sur les obligations de l’emprunteur, notamment en ce qui concerne le remboursement du capital et des intérêts, et justifie les demandes de la banque en paiement des sommes dues. Quel est le rôle des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation dans cette affaire ?Les articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation régissent les conditions d’octroi des crédits à la consommation, y compris les prêts immobiliers. Ces dispositions visent à protéger les emprunteurs en imposant des obligations d’information et de transparence aux prêteurs. Dans cette affaire, l’emprunteur a invoqué ces articles pour soutenir que le prêt contracté était soumis aux règles de protection des consommateurs, notamment en ce qui concerne la mention du TEG et des conditions de remboursement. La cour a reconnu que le prêt était effectivement soumis à ces dispositions, mais a également constaté que l’emprunteur n’avait pas démontré que le TEG mentionné était erroné ou qu’il avait subi un préjudice en raison de l’absence de mention du taux de période. Ainsi, bien que les articles du code de la consommation soient pertinents, leur application dépend des circonstances spécifiques de chaque cas. |
Chambre 3-3
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 20 MARS 2025
Rôle N° RG 23/12507 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BL7SP
[S] [O]
C/
S.A. NORDEA BANK
Société KPMG LUXEMBOURG
Copie exécutoire délivrée
le : 20/03/25
à :
Me Géraldine PUCHOL
Me Françoise BOULAN
Arrêt en date du 20 Mars 2025 prononcé sur saisine de la cour suite à l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 1er mars 2023, qui a cassé et annulé l’arrêt n° 147 rendu le 4 mars 2021 par la Cour d’Appel de NIMES (Chambre 1ère), statuant sur l’appel du jugement du Tribunal de Grande Instance d’AVIGNON en date du 18 mars 2019.
DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION
Monsieur [S] [O]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Géraldine PUCHOL de la SELARL SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Roland MARMILLOT de la SELARL SOCIETE D’AVOCAT ROLAND MARMILLOT, avocat au barreau d’AVIGNON, plaidant
DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION
S.A. NORDEA BANK Société anonyme de droit luxembourgeois, poursuites et diligences de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 2] (LUXEMBOURG)
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Aurélien CHARDEAU de la SELEURL AURELIEN CHARDEAU AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, plaidant
Société KPMG LUXEMBOURG, agissant en qualité de liquidateur de la société NORDEA BANK suivant acte du 14/11/2019, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 2] (LUXEMBOURG)
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Aurélien CHARDEAU de la SELEURL AURELIEN CHARDEAU AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 21 Janvier 2025 en audience publique .Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme OUGIER, présidente de chambre, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président,
Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre
Mme Magali VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2025
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Suivant offre acceptée le 13 avril 2007, réitérée le 16 mai 2007 par acte authentique dressé par Mme [M] avec le concours de M. [I], notaires, M. [O] (l’emprunteur) a, par l’intermédiaire de la société Axess finances devenue la société SURE finances (le courtier), souscrit auprès de la société luxembourgeoise Nordea Bank (la banque) un prêt de 3 800 000 euros garanti par une hypothèque.
Ce prêt, remboursable in fine au terme de dix années, à taux variable, libellé en euros et converti en francs suisses, était affecté, d’une part, au remboursement par anticipation de prêts immobiliers consentis par la société Crédit immobilier de France à hauteur de 486 420,04 euros, d’autre part, aux besoins en trésorerie de l’emprunteur à hauteur de 600 000 euros, outre 50.500 euros de frais. Le surplus, soit 2 570 000 euros, était placé sur un contrat d’assurance-vie souscrit simultanément le 13 avril 2007 auprès de la société de droit luxembourgeois Lombard international assurances, nanti au profit de la banque et dont les revenus devaient permettre de financer le paiement des intérêts de l’emprunt.
Par exploits du 11 janvier 2008, invoquant la méconnaissance de dispositions du code de la consommation relatives aux crédits immobiliers ainsi que l’irrégularité du taux effectif global, l’emprunteur a assigné la banque et le courtier devant le tribunal de grande instance de Nice en nullité du prêt et de la stipulation d’intérêts, subsidiairement en déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels, ainsi qu’en responsabilité pour indemnisation.
La SA Nordea Bank a ensuite, par actes du 7 octobre 2011, appelé en intervention forcée Mme [R] [M] et M. [Y] [I] pour être relevée et garantie de toute condamnation prononcée à son encontre au bénéfice de M. [S] [O].
Par ordonnances du 9 décembre2011 et du 16 novembre 2012, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice a, à la demande de la banque, renvoyé l’affaire au tribunal de grande instance d’Avignon déjà saisi par l’assignation délivrée le 14 mars 2011 par M. [O] à l’encontre de la société Lombard international assurances en annulation du contrat d’assurance-vie.
Le 16 janvier 2015, la société Lombard international assurances et M. [S] [O] ont signé un protocole d’accord, et, par ordonnance du 31 août 2015, le juge de la mise en état a constaté l’extinction partielle de l’instance.
Par jugement contradictoire du 18 mars 2019, le tribunal de tribunal de grande instance d’Avignon a
débouté M. [O] de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la SA Nordea Bank et de la SAS Axess Finances,
condamné M. [O] à payer à la SA Nordea Bank la somme de 1 230 000 d’euros,
dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de signification du jugement,
débouté la SA Nordea Bank de sa demande tendant à être relevée et garantie de ses condamnations par Mme [M] et M. [I],
débouté la SAS Axess Finances de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre de M. [O],
débouté Mme [M] et M. [I] de leur demande de dommages et intérêts formée à l’encontre de la SA Nordea Bank,
débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
condamné M. [O] à payer à la SA Nordea Bank la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [O] à payer à la SAS Axess Finances la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la SA Nordea Bank à payer à Mme [M] et à M. [I] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [O] aux dépens de l’instance,
admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [O] et la SA Nordea Bank ont interjeté appel de cette décision.
La société KPMG Luxembourg est intervenue volontairement en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank.
Par arrêt contradictoire du 4 mars 2021, la cour d’appel de Nîmes a
confirmé le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné M. [O] à payer à la SA Nordea Bank la somme de 1 230 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification du jugement et a débouté la société Nordea Bank du surplus de sa demande en paiement,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
condamné M. [O] à payer à la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme de 4 829 936,32 € avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8% à compter du 26juin2019,
condamné M. [O] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [O] à payer à la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la société Nordea Batik la somme de 8 000 euros,
condamné M. [O] à payer à la société S.U.R.E. Finances anciennement dénommée Axess Finances la somme de 8 000 euros,
condamné la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la société Nordea Batik, à payer à Mme [M] et M. [I] la somme de 5 000 euros,
rejeté le surplus des demandes.
Sur pourvoi formé par M. [O] et par arrêt du 1er mars 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation a
cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il condamne M. [O] à payer à la société KPMG Luxembourg, en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 à compter du 26 juin 2019 et en ce qu’il condamne M. [O] à payer à la société KPMG Luxembourg, prise en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes,
mis hors de cause la société S.U.R.E. Finances,
remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence,
condamné la société KMPG Luxembourg prise en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank aux dépens,
En application de l’article 700 du code de procédure civile,
rejeté les demandes formées par la société S.U.R.E. finances et la société KMPG Luxembourg prise en sa qualité de liquidateur de la société Nordea Bank et condamné la société KMPG Luxembourg, ès qualités, à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros.
Sur requête en rectification d’erreur matérielle de M. [O], et par arrêt du 27 novembre 2024, la Cour de cassation a rectifié le dispositif de son arrêt du 1er mars 2023 en ce sens qu’elle « casse et annule, mais seulement en ce qu’il rejette la demande formée par M. [O] de déchéance totale de tout droit de la société Nordea bank aux intérêts conventionnels et, en conséquence, condamne M. [O] à payer à la société KPMG Luxembourg, en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 à compter du 26 juin 2019 et en ce qu’il condamne M. [O] à payer à la société KPMG Luxembourg, prise en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes »,
Le 6 octobre 2023, M. [O] a saisi la cour d’appel de renvoi et intimé la SA Nordea Bank, la société KPMG Luxembourg ès qualités, Mme [M] et M. [I].
Par ordonnance du 26 décembre 2023, le désistement de M. [O] à l’égard de Mme [M] et M. [I] a été constaté.
La SA Nordea bank et la SA KPMG Luxembourg agissant en qualité de liquidateur de la SA Nordea bank ont conclu. L’arrêt rendu est donc contradictoire en vertu de l’article 467 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 janvier 2025.
PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 mai 2024, M. [S] [O], appelant, demande à la cour, au visa des articles anciens L. 312-1 et suivants, L. 313-1, L. 313-3, L. 313-4, L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation, et des articles 1304 ancien, 1907 et 2224 du code civil, de
réformer le jugement rendu le 18 mars 2019, sauf en ce qu’il a constaté que le prêt en date du 13 avril 2007 est bien soumis aux dispositions du code de la consommation relatives à l’emprunt immobilier,
constater que la société Nordea bank n’a pas mentionné le taux de période de l’emprunt,
constater que le TEG mentionné sur l’offre de prêt du 13 avril 2007 est usuraire et en tout état de cause erroné de plus d’une décimale,
En conséquence,
dire et juger que l’offre de prêt valant contrat acceptée en date du 13 avril 2007 est contraire aux dispositions du code de la consommation et du code civil précitées,
prononcer la déchéance totale de la société Nordea bank à tout droit aux intérêts conventionnels et à défaut dans les proportions que la Cour fixera, et de ce fait,
condamner la société coopérative KPMG Luxembourg, agissant en qualité de liquidateur de la société Nordea bank à rembourser à M. [S] [O] la somme de 1 500 euros correspondant au paiement des frais de dossier,
dire et juger que le capital effectivement emprunté s’est élevé à la somme de 3 661 000 euros, compte tenu qu’un disponible de 143 580 euros n’a jamais été versé à M. [O] par la société de droit luxembourgeois Nordea bank, savoir :
‘ 486 420,04 euros effectivement versés par la société de droit luxembourgeois Nordea bank au titre du remboursement par anticipation des prêts immobiliers consentis par le Crédit immobilier de France,
‘ 600 000 euros effectivement versés par la société de droit luxembourgeois Nordea Bank pour des besoins en trésorerie,
‘ 2 570 000 euros effectivement versés par la société de droit luxembourgeois Nordea bank et placés, à sa demande, sur le contrat d’assurance-vie de la société Lombard international assurance SA nanti à son profit,
condamner M. [S] [O] à restituer à la société coopérative KPMG Luxembourg, agissant en qualité de liquidateur de la société Nordea bank la somme de 1 086 420 euros en conséquence de la déchéance totale du droit aux intérêts,
prononcer la mainlevée judiciaire de toutes sûretés mobilières et immobilières relatives à la convention de prêt litigieuse et, notamment, l’hypothèque conventionnelle de premier rang consentie par M. [O], sur sa résidence principale située à [Localité 5], lieudit [Adresse 3] au profit de la société Nordea bank,
condamner la société coopérative KPMG Luxembourg, agissant en qualité de liquidateur de la société Nordea bank à verser à M. [S] [O] la somme de 45 000 (quarante-cinq mille) euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance, d’appel, de Cour de cassation et de cour d’appel de renvoi.
Par des conclusions notifiées par la voie électronique le 6 janvier 2025, la SA Nordea bank et la SA KPMG Luxembourg ès qualités de liquidateur de la SA Nordea bank, intimées, demandent à la cour, au visa des articles 623 et suivants du code de procédure civile, des articles L. 312-1 et suivants et R. 313-1, anciens, du code de la consommation, de
I. A titre liminaire, sur le périmètre de la saisine de la cour d’appel,
déclarer irrecevables les demandes de M. [O] tendant à
o « réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Avignon le 18 mars 2019, sauf en ce qu’il a constaté que le prêt en date du 13 avril 2007 est bien soumis aux dispositions du code de la consommation relatives à l’emprunt immobilier »,
o « dire et juger que l’offre de prêt valant contrat acceptée en date du 13 avril 2007 est contraire aux dispositions du code de la consommation et du code civil précitées »,
o « prononcer la mainlevée judiciaire de toutes sûretés mobilières et immobilières relatives à la convention de prêt litigieuse et, notamment, l’hypothèque conventionnelle de premier rang consentie par M. [O], sur sa résidence principale située à [Localité 5], lieudit [Adresse 3] au profit de la société Nordea bank »,
II. Sur les demandes de Nordea bank,
déclarer son appel recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
o dit que la somme de 1 230 000 euros à laquelle M. [S] [O] a été condamné à payer à la SA Nordea bank sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de signification du jugement,
o condamné M. [S] [O] à payer à la SA Nordea bank la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
o débouté la SA Nordea bank de toutes demandes plus amples ou contraires,
Statuant à nouveau,
constater la défaillance de M. [O] dans l’exécution de ses obligations de régler les intérêts échus du prêt et de constituer des sûretés au profit de Nordea bank, conformément aux stipulations des articles 2 et 8 c) et d) des conditions particulières du contrat de prêt,
condamner M. [O] à régler l’intégralité des sommes dues à Nordea bank, à savoir :
o le montant principal du prêt restant à payer, à savoir la somme de 1 230 000 euros,
o les intérêts du prêt échus à la date de la décision de la cour d’appel à intervenir depuis la date de conclusion du contrat de prêt,
o les intérêts de retard sur les sommes dues jusqu’à leur complet règlement aux taux définis par l’article 9 des conditions générales du prêt et
o la créance de dépassement de devise du prêt (article 3 des conditions générales du prêt),
o l’indemnité conventionnelle égale à 5% des sommes dues conformément aux stipulations de l’article 5 b) des conditions générales du contrat de prêt,
o soit la somme totale due par M. [O] au 26 juin 2019 de 5 111 043,72 CHF soit 4 829 936,32 euros, somme à parfaire à la date de la décision de la cour d’appel à intervenir,
III. En tout état de cause, sur le rejet des prétentions de M. [O] en appel,
débouter M. [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,
IV. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
condamner M. [O] à verser à Nordea bank la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
sur l’étendue de la saisine de la cour
M. [O] fait valoir que si le moyen ayant conduit à la cassation concernait uniquement la demande de déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels, ce chef de dispositif est dans un lien de dépendance nécessaire avec celui l’ayant débouté de ses demandes à l’encontre de la banque, de sorte que la cassation de l’un entraîne automatiquement celle de l’autre, conformément à l’article 624 du code de procédure civile. A tout le moins, le dispositif de l’arrêt de cassation est entaché d’une erreur matérielle, en ce qu’il ne vise pas expressément le dispositif ayant débouté M. [O] de ses demandes à l’encontre de la banque.
A l’inverse, les intimées soutiennent que la cour n’est saisie que de la question de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, les autres demandes de M. [O] ayant été définitivement rejetées. Celles reprises par l’appelant devant la cour de renvoi doivent être déclarées irrecevables en vertu de l’autorité de chose jugée.
Sur ce,
Par arrêt du 1er mars 2023 rectifié le 27 novembre 2024, la Cour de cassation a « cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il rejette la demande formée par M. [O] de déchéance totale de tout droit de la société Nordea bank aux intérêts conventionnels et, en conséquence, condamne M. [O] à payer à la société KPMG Luxembourg, en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 à compter du 26 juin 2019 et en ce qu’il condamne M. [O] à payer à la société KPMG Luxembourg, prise en qualité de liquidateur de la société Nordea Bank, la somme 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ».
Elle a, à cet effet, considéré qu’il résulte des articles L. 313-4 du code monétaire et financier, L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et le dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2011-135 du 1er février 2011, « qu’à l’occasion de la conclusion d’une opération de crédit, le prêteur est tenu de communiquer à l’emprunteur, de manière expresse, le taux de période et la durée de celle-ci ».
Or, « pour rejeter la demande de déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels, l’arrêt retient que, si les parties ont expressément fait référence, dans leur convention, à l’article R. 313-1 du code de la consommation pour le calcul du taux effectif global et que les exigences de ce texte doivent être respectées, la mention du taux de période n’est, en revanche, pas obligatoire ».
La Cour de cassation en a conclu qu’« en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Il est de jurisprudence constante que « la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises en l’état où elles se trouvaient avant la décision censurée et l’affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteint par la cassation » (2è Civ., 28 mai 1990 pourvoi n°89-14.349, et encore 9 décembre 2021 pourvoi n°13-19.094).
Pour autant, comme l’a précisé l’arrêt rectificatif du 27 novembre 2024, seul le rejet de la demande formée par M. [O] aux fins de déchéance de la société Nordea bank de son droit aux intérêts conventionnels est atteint par la cassation, cette cassation affectant les dispositions de condamnation en principal et frais irrépétibles -lesquelles sont en conséquence également cassées. Le débouté prononcé sur toutes les autres prétentions de M. [O] est en revanche définitif.
Dès lors, sont effectivement hors saisine de la cour et donc irrecevables, les demandes de l’appelant tendant encore à voir
« réformer le jugement rendu le 18 mars 2019 sauf en ce qu’il a constaté que le prêt en date du 13 avril 2007 est bien soumis aux dispositions du code de la consommation relatives à l’emprunt immobilier »,
« dire et juger que l’offre de prêt valant contrat acceptée en date du 13 avril 2007 est contraire aux dispositions du code de la consommation et du code civil précitées »,
« prononcer la mainlevée judiciaire de toutes sûretés mobilières et immobilières relatives à la convention de prêt litigieuse et notamment l’hypothèque conventionnelle de premier rang consentie par M. [O], sur sa résidence principale située à [Localité 5], lieudit [Adresse 3] au profit de la société Nordea bank ».
Sur la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels
M. [O] soutient que, par combinaison de l’article L. 313-2 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat conclu le 11 avril 2007, et de l’article 1907 du code civil, le TEG devait être indiqué par écrit dans le contrat, et que, par application de l’article R. 313-1 du code de la consommation alors en vigueur, le taux de période et la durée de la période devaient lui également être expressément communiqués en sa qualité d’emprunteur.
Or le contrat de prêt ne comportait aucune mention du taux de période ni de sa durée et la déchéance du droit aux intérêts est encourue dès lors qu’il existe une erreur de plus d’une décimale en sa défaveur, et qu’il en découle pour lui un préjudice financier.
Le TEG se calculant par la multiplication du taux de période par le nombre de périodes, il s’élève en réalité à 21,86423% sur les 365 jours composant l’année civile, et non à 4,32%, ou à minima à 4,5733% si le premier versement n’est pas intégré au calcul.
Son préjudice financier est incontestable, d’autant que les conditions financières du prêt étaient totalement fausses.
L’appelant en conclut qu’au regard des manquements énoncés et de l’impératif de proportionnalité de la déchéance, elle doit être prononcée pour le tout, de sorte qu’il ne reste devoir à la SA Nordea bank que la somme de 1 086 420 euros perçue.
Il s’oppose à la fin de non-recevoir soulevée par les intimées au motif de prescription de cette demande de déchéance, en considérant d’une part qu’elle n’avait pas été formulée dans les premières conclusions prises en appel et doit donc être déclarée irrecevable, et, d’autre part qu’elle n’est pas fondée puisque la prescription courant à compter du contrat a nécessairement été interrompue par l’assignation signifiée le 11 janvier 2008 à la SA Nordea bank et dans laquelle cette demande était déjà portée.
La SA Nordea bank et son liquidateur la SA KPMG Luxembourg exposent qu’il n’existe aucune sanction prévue par les textes en cas de non-respect de l’obligation de mentionner le taux de période imposée par l’article R. 313-1 ancien du code de la consommation, et que la sanction désormais instaurée par une jurisprudence constante porte sur la déchéance de la banque de son droit aux intérêts dans une proportion qui est fixée par le juge, mais sous réserve que l’écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’article R. 313-1.
Or les intimées considèrent que M. [O] ne rapporte pas la preuve -qui lui incombe- d’une erreur dans le calcul du TEG qui lui aurait causé un préjudice. Les calculs produits par l’appelant incluent à tort les frais liés à l’assurance-vie souscrite ainsi que le premier versement effectué, alors que cela avait été expressément écarté par l’arrêt de cassation.
Elles observent encore qu’aucun préjudice n’est davantage démontré, l’opération montée par M. [O] ayant pour seul but de spéculer sur les variations des valeurs boursières et le TEG n’étant clairement pas un élément déterminant du consentement de l’emprunteur.
Enfin, les intimées soulignent que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels est facultative et laissée à l’appréciation des juges, rappelant qu’en l’espèce tant le comportement de l’emprunteur à l’égard de la banque que les explications qu’il livre sont empreintes de mauvaise foi.
Sur ce,
En l’état des dernières écritures de la SA Nordea bank et de son liquidateur KPMG Luxembourg, aucune fin de non-recevoir n’est soutenue au motif de prescription, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.
Il a été dit par la Cour de cassation qu’en vertu des articles L. 313-4 du code monétaire et financier et L. 313-1 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, et de l’article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n°2011-135 du 1er février 2011, le prêteur est tenu de communiquer à l’emprunteur, à l’occasion de la conclusion d’une opération de crédit, et de manière expresse, le taux de période et la durée de celle-ci.
Le taux de période et la durée de la période peuvent être communiqués dans un document distinct du contrat de prêt mais doivent l’être avant la formation de ce contrat par acceptation de l’offre (1re Civ., 5 juin 2019, pourvoi n°18-16.689).
En l’espèce, c’est à tort que l’appelant indique dans ses dernières écritures qu’ « il est acquis que le contrat de prêt ne mentionnait ni la durée de la période, ni le taux de la période » (page 20).
En effet, la durée de la période figure expressément sur l’annexe 1 de l’offre de prêt sur la précision du TEG : « pour une période d’intérêt de 6 mois » (dernières pages de la pièce 1 des intimées et de la pièce 6 de l’appelant).
Concernant le taux de la période, il n’est pas contesté qu’il n’est effectivement pas mentionné dans les documents contractuels (page 27 des conclusions des intimées).
Comme le défaut de mention du taux effectif global, le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, dans la proportion fixée par le juge. Cette sanction ne peut toutefois trouver application que si l’écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est supérieur à la décimale prescrite par l’article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n°2016-607 du 13 mai 2016 et ce, en défaveur de l’emprunteur (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n°19-11.939).
Et pour déterminer dans quelle proportion doit être prononcée la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, le juge doit prendre en considération la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n°18-24.287 ; Com., 24 mars 2021, pourvoi n°19-14.307).
En l’espèce, les calculs présentés par l’appelant dans ses écritures et le rapport de la société Aequalia consultants qu’il produit en pièce 25 et dont il se prévaut, comportent des erreurs manifestes et échouent à démontrer que le TEG mentionné au contrat était seulement erroné, mais encore qu’il l’était de plus d’une décimale en sa défaveur.
En effet, il retient tout d’abord un taux de période « égal à la division du TEG par 20 » dès lors que le prêt est remboursable en 20 semestres sur 10 ans, alors que le taux effectif global est, par définition même, nécessairement annuel -ce que le contrat de prêt rappelle, de sorte que ce taux porte uniquement sur deux semestres.
Encore, l’appelant intègre dans ses calculs non seulement le premier versement de 2 500 000 euros effectués sur l’assurance-vie souscrite auprès de la société Lombard international assurances pour sa première proposition (mention en première ligne de la page 25 de ses dernières écritures), mais encore les frais liés à la souscription de cette assurance-vie facturés 64 250 euros.
Or la prime d’assurance qui fait partie des frais indirects doit être prise en compte pour la détermination du taux effectif global seulement lorsque la souscription d’un contrat d’assurance sur la vie était imposée par le prêteur.
En l’espèce, la majeure partie de la somme empruntée était destinée à financer la souscription de ce contrat d’assurance-vie de sorte que cet investissement ne constituait pas une condition imposée à l’octroi du prêt, mais l’objectif poursuivi personnellement par l’emprunteur.
En conséquence, ni le premier versement qui initiait l’investissement, ni les frais de souscription de l’assurance-vie ne peuvent être pris en compte dans le calcul du taux effectif global réel.
Il n’est dès lors pas démontré par l’appelant que le taux effectif global mentionné au contrat est erroné et pas davantage que l’absence de mention du taux de la période dans les documents contractuels a pu lui causer un quelconque préjudice alors même qu’il avait une parfaite connaissance de ce taux effectif global.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [O] de sa demande en déchéance totale et, à défaut, partielle, de la société Nordea bank de son droit aux intérêts conventionnels.
– Sur les sommes dues à la SA Nordea bank
Les intimées font valoir que M. [O] est défaillant dans l’exécution de ses obligations contractuelles pour ne pas s’être acquitté du paiement des intérêts échus depuis l’acte authentique du 16 mai 2007 notamment, et que la déchéance du terme a finalement été prononcée le 14 mai 2014 après une première mise en demeure restée vaine le 8 avril 2014.
Elles demandent donc paiement du montant principal du prêt outre les intérêts contractuels et pénalités convenues, et produisent pour qu’il soit fait droit à leur entière demande, les relevés de compte attestant du non-paiement des échéances successives du prêt, un décompte de la créance d’intérêts au 26 juin 2019, et les taux du Libor sur la période concernée, tels qu’appliqués.
M. [O] ne formule aucune observation sur le quantum demandé mais se contente de tirer les conséquences de la déchéance du prêteur aux intérêts conventionnels qu’il soutenait -demande dont il est débouté.
Il ajoute incidemment que si le capital emprunté le 11 avril 2007 s’élevait à 3 800 000 euros, il n’a jamais disposé de cette somme et ne connaît pas l’affectation des 143 580 euros qui ne lui ont jamais été versés (page 35 de ses dernières conclusions).
Sur ce,
L’article 1134 du code civil dans sa version en vigueur à la date de conclusion du contrat de prêt dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Le prêt contracté par M. [O] le 13 avril 2007, réitéré par acte authentique du 16 mai 2007, était stipulé remboursable en intégralité le 15 juin 2017, avec paiement d’intérêts à échéance semestrielle suivant un taux de 4,32% à la date de l’émission de l’offre mais révisable suivant la variation du marché interbancaire par référence à l’Euribor pour un remboursement en euros, et par référence au Libor pour un remboursement en francs suisses -option finalement retenue par l’emprunteur.
Les échéances d’intérêt n’ont pas été acquittées -ce qui n’est pas contesté, et la SA Nordea bank a donc régulièrement notifié la déchéance du terme le 14 mai 2014 à l’emprunteur.
La SA Nordea bank produit un décompte détaillé qui fait apparaître les sommes débloquées, les intérêts contractuels dus et le taux Libor appliqué, ainsi que l’imputation au crédit des sommes débloquées du contrat d’assurance-vie, pour un solde de 5 111 043,72 francs suisses, soit 4 829 936,32 euros au 26 juin 2019 (pièce 41).
L’acte authentique dressé le 16 mai 2007 mentionne que le montant total du prêt était de 3 800 000 euros, que la date de mise à disposition des fonds était fixée « au plus tard le 15 juin 2007 » et que le prêt pourrait être utilisé en une ou plusieurs tranches, le tout étant, en tout état de cause, intégralement remboursable au 15 juin 2017.
Le 16 octobre 2007, le conseil de M. [O] a saisi la SA Nordea bank d’une « série de difficultés » concernant le crédit immobilier de 3 800 000 euros contracté le 13 avril 2007, et évoqué le fait que ce crédit n’a pas respecté les obligations incombant à la banque et que M. [O] ne dispose pas de toutes les informations qui y sont relatives dans la mesure où l’opération a été constituée par un courtier et où l’essentiel des documents qui lui ont été remis sont rédigés en anglais. Il conclut en préconisant une solution amiable à défaut de laquelle il se verrait contraint de saisir la juridiction compétente, rappelant que « les sanctions prévues par les textes concernent la déchéance des intérêts » (pièce 22 des intimées).
Il n’est aucunement question dans ce courrier d’une quelconque somme qui aurait été soustraite ou non remise à l’emprunteur sur le montant total convenu -lequel devait alors pourtant avoir été intégralement libéré.
Les contestations soulevées à ce sujet par M. [O] dans ses dernières conclusions, de façon incidente dans les développements relatifs au préjudice qu’il soutient avoir supporté et qui justifierait la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels, ne peuvent en conséquence être retenues comme sérieuses.
De même, il ne peut tirer aucun argument utile de la mention des sommes qui est faite tantôt en euros tantôt en francs suisses, le décompte produit par la banque ne souffrant d’aucune confusion ni ambiguïté à ce titre.
Il convient donc de faire intégralement droit à la demande en paiement formulée à hauteur de 4 829 936,32 euros avec intérêts contractuels à compter du 26 juin 2019.
3. Sur les frais du procès
L’appelant qui succombe principalement supportera les entiers dépens.
L’équité commande de le condamner également au paiement d’une somme de 10 000 euros à la SA Nordea bank sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine résultant de l’arrêt de la Cour de cassation du 1er mars 2023 et de son arrêt rectificatif du 27 novembre 2024,
Dit que la SA Nordea bank a manqué à son obligation de communiquer à M. [S] [O] le taux de période applicable au contrat de prêt conclu le 13 avril 2007 réitéré par acte authentique du 16 mai 2007 ;
Dit que M. [S] [O] ne démontre toutefois pas le caractère erroné du taux effectif global mentionné au contrat de prêt ;
Déboute en conséquence M. [S] [O] de sa demande de déchéance de la SA Nordea bank de son droit aux intérêts conventionnels ;
Condamne M. [S] [O] à payer à la SA Nordea bank en la personne de son liquidateur la société KPMG Luxembourg, la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux contractuels à compter du 26 juin 2019 ;
Condamne M. [S] [O] à payer à la SA Nordea bank en la personne de son liquidateur la société KPMG Luxembourg, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne M. [S] [O] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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