L’Essentiel : Monsieur [D] [T], médecin généraliste, a contesté une décision implicite de la CPAM des Bouches-du-Rhône concernant une notification d’indu de 17.827,50 € pour prescription indue de médicaments. Après le transfert de l’affaire au tribunal judiciaire de Marseille, l’audience est prévue pour le 29 mai 2024. Monsieur [D] [T] argue que la demande est prescrite et que la notification présente des vices de procédure. En réponse, la CPAM défend la régularité de sa demande, affirmant que les prescriptions hors AMM constituent une fraude. Le tribunal a finalement déclaré l’action prescrite et condamné la CPAM à verser des frais de justice.
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Contexte de l’affaireMonsieur [D] [T], médecin généraliste, a contesté une décision implicite de rejet de la CPAM des Bouches-du-Rhône concernant une notification d’indu d’un montant de 17.827,50 € pour prescription indue de médicaments hors autorisation de mise sur le marché. Ce recours a été introduit par lettre recommandée le 13 décembre 2018. Procédure judiciaireL’affaire a été transférée au tribunal judiciaire de Marseille suite à la loi du 18 novembre 2016. Après une phase de mise en état, l’audience a été programmée pour le 29 mai 2024. Monsieur [D] [T] a formulé plusieurs arguments pour contester la demande de la CPAM, notamment la prescription de l’action et des vices de procédure. Arguments de Monsieur [D] [T]Monsieur [D] [T] a soutenu que la demande de paiement était prescrite, que la notification d’indu était entachée de vices de procédure, et que les griefs formulés par la CPAM n’étaient pas fondés. Il a demandé l’annulation de la notification et le rejet des demandes de la CPAM, tout en réclamant des frais de justice. Arguments de la CPAMLa CPAM a défendu la régularité de la procédure et a demandé la confirmation de la notification d’indu. Elle a soutenu que l’action n’était pas prescrite et a contesté les arguments de Monsieur [D] [T], affirmant que les prescriptions hors AMM constituaient une fraude. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré l’action en recouvrement de créances de la CPAM prescrite, en appliquant la prescription triennale. Il a également condamné la CPAM à verser 1.500 € à Monsieur [D] [T] au titre des frais de justice et a ordonné la prise en charge des dépens de l’instance. ConclusionLa décision du tribunal a été mise à disposition au greffe le 25 novembre 2024, et elle est susceptible d’appel dans un délai d’un mois. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la durée de la prescription applicable à l’action en recouvrement d’un indu par la CPAM ?La durée de la prescription applicable à l’action en recouvrement d’un indu par la CPAM est régie par l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « L’action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s’ouvre par l’envoi au professionnel ou à l’établissement d’une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations. » Ainsi, en l’absence de fraude, le délai de prescription est de trois ans à compter de la date de paiement de la somme indue. Il est également précisé que si la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l’organisme peut délivrer une contrainte, qui, à défaut d’opposition du débiteur, comporte tous les effets d’un jugement. Dans le cas présent, Monsieur [D] [T] soutient que la CPAM n’a pas agi dans le délai de trois ans, ce qui rend son action prescrite. Quelles sont les conditions de la fraude selon le code de la sécurité sociale ?L’article R. 147-11 du code de la sécurité sociale définit les conditions constitutives de la fraude. Il dispose que : « Sont qualifiés de fraude, pour l’application de l’article L. 114-17-1, les faits commis dans le but d’obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d’une prestation injustifiée au préjudice d’un organisme de sécurité sociale, y compris dans l’un des cas prévus aux sections précédentes, lorsque aura été constatée l’une des circonstances suivantes : 1° L’établissement ou l’usage de faux, la notion de faux appliquée au présent chapitre étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d’accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l’obtention de l’avantage ou de la prestation en cause ; 2° La falsification, notamment par surcharge, la duplication, le prêt ou l’emprunt d’un ou plusieurs documents originairement sincères ou enfin l’utilisation de documents volés de même nature ; 3° L’utilisation par un salarié d’un organisme local d’assurance maladie des facilités conférées par cet emploi ; 4° Le fait d’avoir bénéficié, en connaissance de cause, des activités d’une bande organisée au sens de la sous-section 2, sans y avoir activement participé ; 5° Le fait d’avoir exercé, sans autorisation médicale, une activité ayant donné lieu à rémunération, revenus professionnels ou gains, pendant une période d’arrêt de travail indemnisée au titre des assurances maladie, maternité ou accident du travail et maladie professionnelle. » Il est également précisé que la facturation répétée d’actes ou prestations non réalisés, de produits ou matériels non délivrés, constitue également une fraude. Dans le litige, la CPAM des Bouches-du-Rhône soutient que les prescriptions de Monsieur [D] [T] relèvent de la fraude, mais le tribunal a conclu qu’aucune preuve de fraude n’a été apportée. Quels sont les droits de la défense et le principe du contradictoire dans le cadre d’un contrôle administratif ?Le principe du contradictoire et les droits de la défense sont garantis par plusieurs dispositions, notamment l’article 4.1 et l’article 6.1.1 de la charte du contrôle de l’activité des professionnels de santé par l’assurance maladie. Ces articles stipulent que : « Le professionnel de santé doit être informé des résultats du contrôle administratif d’activité avant l’établissement de toute notification d’indu, afin qu’il puisse faire valoir ses observations. » De plus, les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration renforcent ce principe en stipulant que : « Toute personne a le droit d’être informée des décisions qui la concernent et de faire valoir ses observations avant qu’une décision ne soit prise. » Dans le cas présent, Monsieur [D] [T] soutient que la CPAM a violé ces principes en ne lui notifiant pas les résultats du contrôle administratif, ce qui constitue une irrégularité dans la procédure. Quelles sont les exigences de motivation d’une notification d’indu ?La notification d’indu doit être suffisamment motivée pour respecter les droits du professionnel de santé. Selon la jurisprudence et les exigences légales, la notification doit comporter : – Les dates de versement des prestations par la CPAM, Ces exigences visent à garantir la transparence et à permettre au professionnel de santé de contester la décision de manière éclairée. Dans le litige, Monsieur [D] [T] fait valoir que la notification d’indu est insuffisamment motivée, ce qui pourrait constituer un vice de procédure. Comment la CPAM doit-elle prouver le caractère indu des versements ?La charge de la preuve incombe à la CPAM pour établir le caractère indu des versements. Selon le principe général du droit, c’est à celui qui affirme un fait d’en apporter la preuve. Dans le cadre de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, la CPAM doit démontrer que les actes pour lesquels elle réclame le remboursement n’ont pas été réalisés ou qu’ils ne respectent pas les règles de tarification ou de facturation. Dans le cas présent, Monsieur [D] [T] conteste la réalité des paiements des actes qu’elle prétend avoir versés, ainsi que le caractère indu de ces versements. La CPAM doit donc apporter des éléments probants pour justifier sa demande de remboursement. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
JUGEMENT N°24/04602 du 25 Novembre 2024
Numéro de recours: N° RG 18/11397 – N° Portalis DBW3-W-B7C-VY4F
AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [D] [T]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Joseph MEOT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laura VIENOT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 2]
représentée par Mme [U] (Inspecteur)
DÉBATS : À l’audience publique du 29 Mai 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : MOLCO Karine, Vice-Présidente
Assesseurs : MAUPAS René
MATTEI Martine
L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 25 Novembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 13 décembre 2018, Monsieur [D] [T], médecin généraliste, a saisi le tribunal des affaires de Sécurité Sociale des Bouches-du-Rhône d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après la CPAM ou la Caisse), faisant suite à la notification, par courrier en date du 27 juillet 2018, d’un indu d’un montant de 17.827,50 € au titre du grief suivant : « Prescription indue de médicaments hors autorisation de mise sur le marché, en infraction avec les articles R. 4127-8, 32 et 40 du code de la santé publique. ».
L’affaire a fait l’objet, en application de la loi du 18 novembre 2016 portant modernisation de la justice du XXIème siècle, d’un dessaisissement au profit du pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judiciaire de Marseille.
Après une phase de mise en état clôturée avec effet différé au 20 décembre 2013, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 29 mai 2024.
Monsieur [D] [T], représenté par son conseil, reprenant ses conclusions en réplique et récapitulatives, soutient que :
– les sommes réclamées dans la notification d’indu, l’action en recouvrement de l’indu et la demande de paiement de l’indu de la CPAM des Bouches-du-Rhône sont prescrites ;
– la notification d’indu litigieuse est entachée de vices de procédure substantiels tirés de l’irrégularité de la procédure de contrôle administratif d’activité ;
– la notification d’indu litigieuse est entachée d’insuffisance de motivation et n’est pas fondée ;
– les griefs ne sont ni établis ni fondés ;
Il demande au tribunal de :
– Annuler la notification de payer en date du 27 juillet 2018, par laquelle la CPCAM des Bouches-du-Rhône lui réclame la somme de 17.827,50 € à titre d’indu ;
– Rejeter la demande en paiement de l’indu de la CPCAM des Bouches-du-Rhône comme irrecevable car prescrite ;
– Rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions de la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;
– Mettre à la charge de la CPCAM des Bouches-du-Rhône la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens ;
A l’appui de ses prétentions, il soutient, en premier lieu, que la demande en paiement de l’indu litigieux est irrecevable pour cause de prescription de l’action puisque le délai de prescription applicable au litige est celui de trois ans prévue à l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, et non pas le délai de prescription de cinq ans prévue à l’article 2224 du code civil, dans la mesure où ce qui lui est reproché est susceptible de relever d’une faute et non pas d’une fraude comme le soutient, sans en rapporter la preuve, la CPAM des Bouches-du-Rhône.
Il soutient également que l’action en recouvrement de l’indu est prescrite car la CPAM des Bouches-du-Rhône n’a pas agi entre le 27 juillet 2018 (date du courrier de notification de l’indu) et le 27 juillet 2021, date de fin du délai de la prescription triennale.
Enfin, il soutient que sa saisine de la présente juridiction n’a pas eu pour effet d’interrompre le délai de prescription au profit de la CPAM des Bouches-du-Rhône dans la mesure où la demande en justice ne produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance que si la demande a été formée par le créancier auprès du débiteur.
En second lieu, il soutient que le contrôle administratif de son activité est irrégulier.
A ce titre, il fait valoir que :
– La CPAM des Bouches-du-Rhône a violé le principe du contradictoire et des droits de la défense au mépris des article 4.1 et 6.1.1 de la charte du contrôle de l’activité des professionnels de santé par l’assurance maladie, qui revêt un caractère normatif qui s’impose à la CPAM, en ne lui notifiant pas préalablement à l’établissement de toute notification d’indu les résultats du contrôle administratif d’activité, afin qu’il puisse faire valoir ses observations ;
– Au-delà de cette charte, la mise en œuvre du principe du contradictoire résulte des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration ainsi que de plusieurs principes édictés par le Conseil d’État dans la mesure où en tant que médecin conventionné il adhère à un contrat administratif avec l’assurance maladie ;
Concrètement, il reproche à la CPAM des Bouches-du-Rhône de :
– Ne pas l’avoir informé de la mise en œuvre d’un contrôle administratif de son activité ;
– Ne pas avoir reçu la notification des conclusions du contrôle ;
– Ne pas avoir été informé des résultats motivés du contrôle ;
– Ne pas l’avoir informé de la possibilité d’être entendu ou de présenter ses observations ;
– Ne jamais avoir pu consulter son dossier auprès de la CPAM.
A ce titre, il soutient également que le contrôle est nul du fait que les agents de la CPAM des Bouches-du-Rhône et éventuellement du service du contrôle médical ne justifient pas avoir été agrées et assermentés conformément à l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, peu importe que le patient n’ait pas été auditionné.
Enfin, toujours au titre de l’irrégularité du contrôle administratif de son activité, il soutient que la CPAM a violé la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’information, aux fichiers et aux libertés tirés de ce que la CPAM n’apporte pas la preuve d’avoir respecté les prescriptions des délibérations de la CNIL n° 88-31 du 22 mars 1988 et n° 89-117 du 24 octobre 1989, alors que pour la réalisation du contrôle la CPAM utilise un système de traitement des données appelé SIAM – ERASME.
Il reproche notamment à la CPAM :
– de ne pas établir qu’elle s’est conformée à son obligation de demande d’avis allégé à la CNIL ;
– de ne pas avoir informé le comité paritaire médical local de la motivation, de la mise en route et des résultats de la requête dans le système SIAM ;
– de ne pas avoir enregistré les critères et le raisonnement sur lesquels sont fondés le contrôle ;
– de ne pas démontrer que la requête a été effectuée par l’intermédiaire d’un agent de la CPAM ou de l’ELSM titulaire d’une habilitation spécifique.
En troisième lieu, il soutient que la notification de payer l’indu est irrégulière.
A ce titre, il soutient que la notification de l’indu est insuffisamment motivée puisque l’ensemble des éléments fournis dans le tableau récapitulatif joint n’étaient pas de nature à satisfaire à l’exigence légale de motivation faute de :
– comporter les dates de versement des prestations par la CPAM,
– indiquer le nom et prénom de l’assuré social,
– préciser, pour chaque somme réclamée, les motifs de droit et de fait permettant à la CPAM de la considérer comme indue,
et que ce tableau est illisible et incompréhensible.
En quatrième lieu, il soutient que la notification de payer est infondée.
A ce titre, il fait valoir que la CPAM des Bouches-du-Rhône ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la réalité des paiements des actes qu’elle prétend avoir versés ainsi que le caractère indu de ces versements.
Enfin, il soutient que les griefs qui lui sont reprochés sont infondés. Il fait valoir que la notification d’indu repose sur des motifs de droit erronés et est mal fondée dans la mesure où il considère que les articles R. 4127-8, R. 4127-32 et R. 4137-40 du code de la santé publique n’interdisent pas les prescriptions médicales hors AMM (autorisation de mise sur le marché) pour autant qu’elles soient établies avec prudence, dans l’intérêt du patient et conformément aux données acquises de la science et que la CPAM des Bouches-du-Rhône ne prouve pas une faute de sa part sur le plan civil ou déontologique.
Il fait également valoir que la CPAM a commis une erreur de fait en soutenant que les deux médicaments prescrits, contenant du fentanyl, seraient hors AMM alors qu’en l’espèce, les prescriptions sont parfaitement adaptées à la situation du patient au regard de l’AMM et des recommandations de la HAS (Haute Autorité de Santé).
Enfin, il soutient que la CPAM des Bouches-du-Rhône a validé à priori ses prescriptions médicales puisqu’il a établi deux protocoles de soins l’un en 2015 et l’autre le 14 mai 2018 dans le cadre d’une affection de longue durée (ALD), prévoyant la prise en charge des médicaments litigieux pour le traitement de la douleur du patient, résultant de sa situation cancéreuse, validées par le praticien-conseil de la CPAM.
La CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée par une inspectrice juridique, soutenant oralement ses conclusions, demande au tribunal de :
– Recevoir ses conclusions ;
– Confirmer le bien-fondé et la régularité de la procédure d’indu ;
– Débouter Monsieur [D] [T] de toutes ses demandes ;
– Condamner Monsieur [D] [T] au paiement de la somme de 17.827,50 € au titre de l’indu ;
– Condamner Monsieur [D] [T] à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
A l’appui de ses prétentions, elle soutient que son action n’est pas prescrite car il convient d’appliquer la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil. A titre subsidiaire, si le tribunal appliquait la prescription triennale de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, seules trois prescriptions antérieures au 10 août 2015 d’un montant total de 2.320,12 € seraient prescrites.
Elle soutient également que le contrôle administratif d’activité est régulier.
A l’appui de ce moyen elle fait essentiellement valoir que :
– La charte du contrôle de l’activité des professionnels de santé par l’assurance maladie n’a pas de valeur normative et n’a pas pour vocation à se substituer aux textes législatifs, réglementaires et conventionnels ;
– la notification de l’indu est suffisamment motivée car elle comporte les textes applicables, la période du contrôle, les griefs reprochés avec en annexe un tableau récapitulatif mentionnant toutes les informations utiles, la date de notification de l’indu, sa référence, son montant et la période concernée, la possibilité pour Monsieur [D] [T] de formuler des observations ou de demander à être entendu, les conclusions tirées à la suite du contrôle administratif, les voies et délais de recours tant devant la commission de recours amiable que pour le recours judiciaire ;
– L’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale ne s’applique pas au contrôle de l’activité des professionnels de santé et elle n’a pas à révéler l’identité de ses agents ;
– Elle n’a commis aucune violation de la loi informatique et liberté n° 78/17 du 6 janvier 1978 et les délibérations de la CNIL n° 88-91 du 22 mars 1988 et n° 89-117 du 24 octobre 1989 dans la mesure où le contrôle objet du litige s’inscrit dans le thème n° 27 « activité d’un praticien conseil, d’un auxiliaire médical ou d’un tiers » qui est un thème du répertoire national visé par la CNIL et pour lequel aucune formalité supplémentaire n’est requise ;
– Elle n’avait pas à informer le comité paritaire médical local de sa requête dans le système d’information SIAM ;
Sur le fond, elle soutient essentiellement que c’est à Monsieur [D] [T] de rapporter la preuve par des éléments probants de la nécessité de prescrire ces médicaments hors AMM et que l’indu n’est pas justifié, ce qu’il ne fait pas en l’espèce.
Elle soutient également qu’il est de jurisprudence constante que la notification d’indu et son tableau annexe suffisent à démontrer le bien-fondé de l’indu et que les « images décomptes » permettent d’attester du paiement des actes litigieux prescrits par Monsieur [D] [T].
Enfin, concernant le moyen de la partie adverse tiré du fait que le service du contrôle médical aurait validé les protocoles de soins, elle fait essentiellement valoir que la pièce adverse n° 2 est illisible, que la pièce adverse n° 2 bis concerne une période postérieure à la période litigieuse, et que ces protocoles ne présument pas de la bonne motivation par le médecin de la nécessité de recourir à des médicaments hors AMM.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.
La présente affaire a été mise en délibéré au 23 septembre 2024, prorogé au 25 novembre 2024.
Sur la prescription
L’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale dispose notamment que « En cas d’inobservation des règles de tarification ou de facturation :
1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7, L. 162-22-7-3 et L. 162-23-6 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1, L. 162-22-6 et L. 162-23-1 ;
[…]
l’organisme de prise en charge recouvre l’indu correspondant auprès du professionnel ou de l’établissement à l’origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l’assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement. »
Il mentionne que « L’action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s’ouvre par l’envoi au professionnel ou à l’établissement d’une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations. ».
L’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale dispose également qu’en cas de rejet total ou partiel des observations de l’intéressé, le directeur de l’organisme d’assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l’intéressé de payer dans le délai d’un mois.
Enfin, cet article dispose que lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l’organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.
La demande en justice entraine l’interruption du délai de prescription à l’égard de celui qui la forme. En revanche, il est de jurisprudence constante que seule constitue, pour le défendeur à une action, une demande en justice interrompant la prescription celle par laquelle il prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire, même lorsque la procédure est orale. En l’absence d’une telle demande reconventionnelle, aucun acte interruptif de prescription n’a été formé, et le délai de prescription continue donc à courir (Civ. 2e, 1er février 2018, n° 17-14.664).
En cas de fraude, c’est la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil qui doit être appliquée.
L’article R. 147-11 du code de la sécurité sociale relatif à la pénalité de l’article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, dispose que :
« Sont qualifiés de fraude, pour l’application de l’article L. 114-17-1, les faits commis dans le but d’obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d’une prestation injustifiée au préjudice d’un organisme d’assurance maladie, d’une caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ou, s’agissant de la protection complémentaire en matière de santé, de l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé ou de l’aide médicale de l’Etat, d’un organisme mentionné à l’article L. 861-4 ou de l’Etat, y compris dans l’un des cas prévus aux sections précédentes, lorsque aura été constatée l’une des circonstances suivantes :
1° L’établissement ou l’usage de faux, la notion de faux appliquée au présent chapitre étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d’accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l’obtention de l’avantage ou de la prestation en cause ;
2° La falsification, notamment par surcharge, la duplication, le prêt ou l’emprunt d’un ou plusieurs documents originairement sincères ou enfin l’utilisation de documents volés de même nature ;
3° L’utilisation par un salarié d’un organisme local d’assurance maladie des facilités conférées par cet emploi ;
4° Le fait d’avoir bénéficié, en connaissance de cause, des activités d’une bande organisée au sens de la sous-section 2, sans y avoir activement participé ;
5° Le fait d’avoir exercé, sans autorisation médicale, une activité ayant donné lieu à rémunération, revenus professionnels ou gains, pendant une période d’arrêt de travail indemnisée au titre des assurances maladie, maternité ou accident du travail et maladie professionnelle.
Est également constitutive d’une fraude au sens de la présente section la facturation répétée d’actes ou prestations non réalisés, de produits ou matériels non délivrés. »
En l’espèce, Monsieur [D] [T] soutient que la demande en paiement de l’indu litigieux est irrecevable pour cause de prescription de l’action de la Caisse.
Il indique que le délai de prescription applicable au litige est celui de trois ans prévus à l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, et non pas le délai de prescription de cinq ans prévus à l’article 2224 du code civil, dans la mesure où ce qui lui est reproché est susceptible de relever seulement d’une faute et non pas d’une fraude comme le soutient, sans en rapporter la preuve, la CPAM des Bouches-du-Rhône. Il fait également valoir que l’absence de fraude se déduit du fait que la CPAM des Bouches-du-Rhône n’a engagé aucune procédure de pénalité financière.
Il soutient que l’action en recouvrement de l’indu est prescrite car la CPAM des Bouches-du-Rhône n’a pas délivré de mise en demeure, ni déposé de conclusions ou soutenu oralement lors d’une audience des conclusions reconventionnelles avant le 27 juillet 2021, date de fin du délai de la prescription triennale.
Enfin, il allègue que sa saisine de la présente juridiction n’a pas eu pour effet d’interrompre le délai de prescription au profit de la CPAM des Bouches-du-Rhône dans la mesure où la demande en justice ne produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance que si la demande a été formée par le créancier auprès du débiteur.
La CPAM des Bouches-du-Rhône soutient que son action n’est pas prescrite car les prescriptions de Monsieur [D] [T] hors AMM doivent être qualifiées de fraude de sorte qu’il convient d’appliquer la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil.
A titre subsidiaire, si le tribunal appliquait la prescription triennale de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, elle soutient que seules les prescriptions antérieures au 10 août 2015 d’un montant total de 2.320,12 € seraient prescrites.
En l’espèce, le grief reproché à Monsieur [D] [T] est la « prescription indue de médicaments hors autorisation de mise sur le marché, en infraction avec les articles R. 4127-8, 32 et 40 du code de la santé publique ».
Les dispositions des articles R. 4127-8, R. 4127-32 et R. 4127-40 du code de la santé publique sont afférentes aux devoirs généraux des médecins et à leurs devoirs envers les patients.
En effet, l’article R. 4127-8 du code de la santé publique dispose que :
« Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance.
Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins.
Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. ».
L’articles R. 4127-32 du code de la santé publique dispose que : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents. ».
L’article R. 4127-40 du code de la santé publique dispose que : « Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. ».
Il convient de noter qu’il résulte des fiches versées par la CPAM des Bouches-du-Rhône que les deux médicaments prescrits par Monsieur [D] [T] (RECIVIT 533 le 02 juin 2015 puis EFFENTORA 400) font l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) par un laboratoire titulaire d’une AMM. Il s’agit d’antalgiques fort (Niveau III OMS) à base de citrate de fentanyl.
Il ressort également des fiches versées par la CPAM des Bouches-du-Rhône que le service médical rendu est considéré comme de « Niveau important ou majeur ».
Ces fiches font état d’un « statut de remboursement » pour les pathologies suivantes :
– ALD insuffisance médullaires et autres cytopénies chronique
– ALD bilharzione compliquée
– ALD déficit immunitaire primitif grave, infection par VIH
– ALD hémoglobinopathies hémolyses
– ALD paraplégie
– ALD scoliose idiopathique structurale évolutive
– Lymphome de HODGKIN, lymphome non hodgkinien, LLC LA ADULTE
– Mélanome cutanée
– Myelome multiple
– Cancer invasif du col utérin
Ces deux médicaments peuvent être prescrits pour le traitement des accès douloureux paroxystiques chez les adultes ayant un cancer et recevant déjà un traitement de fond morphinique pour des douleurs chroniques d’origine cancéreuse.
Il ressort des différents courriers échangés entre Monsieur [D] [T] et d’autres médecins que le patient qui a fait l’objet des prescriptions de ces médicaments est atteint d’une addiction à la morphinothérapie liée notamment à des coliques sur un cancer du côlon, une éventration partielle post chirurgicale, de lésions cervicales et du rachis dorsal et lombaire.
Il ressort également que la prise en charge de ce patient à fait l’objet d’un premier protocole de soins établi le 26 juin 2015 et valable jusqu’au 26 juin 2018 qui mentionne la prise de RECIVIT 533 et EFFENTORA 400 et qui est signé par le médecin conseil de la CPAM. Un second protocole de soins du 14 mai 2018 au 14 mai 2021 a été établi qui mentionne la prise de EFFENTORA.
Dans ses conclusions, la CPAM des Bouches-du-Rhône indique que Monsieur [D] [T] a prescrit des médicaments hors AMM sans justifier au regard des dispositions légales que :
– Cette prescription est hors AMM ;
– Elle est nécessaire au regard de l’état du patient ;
– Il n’y a pas d’autres alternatives ;
– Ces informations sont inscrites sur le dossier médical du patient.
Elle admet dans ses conclusions que Monsieur [D] [T] a commis des fautes. En effet, au titre de sa demande afférente aux frais irrépétibles elle a écrit que « La Caisse a répondu point par point à chaque critique de Monsieur [T] [D] pour tenter d’échapper au paiement de l’indu qui découle à juste titre des fautes qu’il a commises dans l’exercice de son activité de professionnel de santé … ».
L’absence de fraude est également caractérisée par le fait que la CPAM des Bouches-du-Rhône n’allègue pas et ne démontre pas avoir engagé une procédure de pénalité financière à l’encontre de Monsieur [D] [T].
Enfin, les conditions posées par l’article R. 147-11 du code de la sécurité sociale relatif à la fraude ne sont pas réunies. En effet, les prescriptions médicales de Monsieur [D] [T] n’avaient pas pour but d’obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéficie d’une prestation injustifiée au préjudice de la CPAM des Bouches-du-Rhône. En outre, il n’a été établi ni fait usage d’aucun faux document ni d’aucune falsification, d’aucune facturation répétée d’actes ou prestations non réalisés, de produits ou matériels non délivrés, et aucune des autres circonstances mentionnées à cet article n’est démontrée.
Il résulte de ces éléments que la prescription de ces médicaments par Monsieur [D] [T] ne constitue pas une fraude mais est seulement susceptible de constituer une faute.
Dès lors, il convient d’appliquer la prescription triennale prévue à l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.
La notification d’indu a été adressée à Monsieur [D] [T] par lettre recommandée avec demande d’avis de réception signé et distribué le 10 août 2018.
La CPAM des Bouches-du-Rhône était donc fondée à récupérer les sommes qu’elle estime indument versées à compter du 10 août 2015.
Il résulte du tableau annexé à la notification d’indu que quatre prescriptions médicales ont été faites antérieurement au 10 août 2015 pour un montant de 2.320,12 €.
En outre, la notification de l’indu a eu pour effet d’interrompre le délai de prescription triennal. Dès lors, à compter du 10 août 2018, un nouveau délai de prescription de trois ans a commencé à courir.
Conformément aux dispositions de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, si le débiteur ne s’acquitte pas de sa dette, la Caisse doit lui envoyer une mise en demeure, et si celle – ci reste sans effet lui notifier ou faire signifier une contrainte.
Le délai de prescription peut également être interrompu par l’envoi au débiteur par la Caisse d’un courrier réclamant le paiement de l’indu de prestations.
Lorsque, comme en espèce, le débiteur a saisi le tribunal, l’interruption du délai de prescription ne s’applique qu’au demandeur. Le créancier, défenseur à l’instance, bénéficie toutefois de l’interruption du délai de prescription s’il fait une demande reconventionnelle.
En l’espèce, la CPAM des Bouches-du-Rhône ne justifie pas de l’envoi d’une mise en demeure, ni d’une contrainte à Monsieur [D] [T]. Il n’est pas versé non plus au dossier de courrier justifiant qu’elle a réclamé le paiement de la créance au titre de cet indu.
Pendant la phase de mise en état, le tribunal avait invité la CPAM des Bouches-du-Rhône à adresser ses conclusions et ses pièces pour le 15 septembre 2022, puis pour le 30 novembre 2022 alors que Monsieur [D] [T] avait jusqu’au 10 janvier 2023 pour le faire.
Par courriel du 15 septembre 2022, la CPAM sollicitait « un renvoi pour réplique » en indiquant que la partie adverse lui avait transmis des conclusions le 19 avril 2022. Elle ne formulait toutefois aucune demande reconventionnelle.
Les premières conclusions adressées par la CPAM des Bouches-du-Rhône à la partie adverse et au greffe du tribunal sont datées du 17 janvier 2023.
Si dans ces conclusions, la Caisse demande au tribunal de condamner Monsieur [D] [T] au paiement de la somme de 17.827,50 € au titre de l’indu, force est de constater que cette demande n’a pas eu pour effet d’interrompre le délai de prescription triennal qui avait pris fin le 10 août 2021, faute de diligences de la part de la CPAM des Bouches-du-Rhône afin d’obtenir le paiement de l’indu avant cette date.
En conséquence, il convient de déclarer prescrite l’action en recouvrement de créances de la CPAM des Bouches-du-Rhône à l’égard de Monsieur [D] [T].
Sur les demandes accessoires
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la CPAM des Bouches-du-Rhône qui succombe supportera les dépens de l’instance.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, il convient d’allouer à Monsieur [D] [T] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,
DÉCLARE prescrite l’action en recouvrement de créances de la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône pour le paiement de la somme de 17.827,50 € au titre d’un indu de prestations sur la période du 1er janvier 2015 au 30 juin 2018, notifiée par courrier en date du 27 juillet 2018 ;
CONDAMNE la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône à payer à Monsieur [D] [T] la somme de 1500 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que la présente décision est susceptible d’appel dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2024.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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