Prescription de l’action en paiementL’article L.218-2 du code de la consommation stipule que « L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Cette disposition ne s’applique pas aux prêts professionnels, comme l’a confirmé la Première chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 3 juin 2015 (n°14-16.950). Dans le cas présent, le contrat de crédit-bail a été conclu pour un usage professionnel, ce qui exclut l’application de l’article L.218-2. Par conséquent, la durée de prescription applicable est celle de l’article 2224 du code civil, qui prévoit un délai de cinq ans pour les actions en paiement. Force obligatoire des contratsConformément à l’article 1103 du code civil, « les contrats régulièrement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements contractuels pris, et que les stipulations du contrat de crédit-bail doivent être appliquées, y compris en ce qui concerne les paiements dus. Indemnités et frais de justiceL’article 700 du code de procédure civile prévoit que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ». Toutefois, l’application de cet article est laissée à l’appréciation du juge, qui peut décider de ne pas accorder cette indemnité si l’équité ne le justifie pas. L’article 696 alinéa premier du code de procédure civile précise que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ». Dans ce cas, Mme [X], ayant succombé au principal, est tenue de supporter les dépens de l’instance d’appel. |
L’Essentiel : L’article L.218-2 du code de la consommation stipule que l’action des professionnels pour les biens ou services fournis aux consommateurs se prescrit par deux ans. Cependant, cette disposition ne s’applique pas aux prêts professionnels. Dans le cas présent, le contrat de crédit-bail, conclu pour un usage professionnel, exclut l’application de cet article. La durée de prescription applicable est donc celle de l’article 2224 du code civil, prévoyant un délai de cinq ans pour les actions en paiement.
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Résumé de l’affaire : Le 18 décembre 2018, une professionnelle de santé a signé un contrat de crédit-bail avec la société Diac pour la location d’un véhicule Renault Grand Scénic, avec des loyers mensuels de 685,21 euros et une option d’achat finale de 11 600 euros. Le montant total des versements mensuels, incluant des prestations complémentaires, s’élevait à 748,67 euros. Le véhicule a été livré le 16 janvier 2019. La professionnelle a déclaré un revenu annuel de 66 000 euros, mais dès mars 2019, des prélèvements ont été rejetés pour insuffisance de provision.
Malgré quelques régularisations, la société Diac a constaté des impayés récurrents, notamment en mars 2020, et a envoyé plusieurs mises en demeure. Un courrier recommandé du 18 mai 2020 a été retourné non réclamé, entraînant la résiliation du contrat le 2 juillet 2020. Après cette résiliation, la professionnelle a effectué des paiements sporadiques. En novembre 2021, la société Diac a de nouveau mis en demeure la professionnelle, sans succès. Le 16 juin 2022, la société Diac a assigné la professionnelle devant le tribunal judiciaire de Libourne, réclamant 20 103,35 euros. Le tribunal a jugé, le 21 novembre 2022, que l’action était prescrite et a déclaré la demande irrecevable. La société Diac a interjeté appel, arguant que la prescription ne s’appliquait pas, car le contrat était à usage professionnel. La cour d’appel a infirmé la décision initiale, considérant que la prescription de deux ans ne s’appliquait pas, et a condamné la professionnelle à verser 19 412,50 euros à la société Diac, avec intérêts. La demande de frais de justice a été rejetée, et la professionnelle a été condamnée aux dépens de l’instance d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est l’impact de la qualité de consommateur sur la prescription de l’action en justice ?L’article L.218-2 du code de la consommation stipule que « L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Dans cette affaire, la société Diac conteste la qualité de consommateur de Mme [X], qui exerce une activité d’infirmière et a conclu le contrat pour les besoins de son activité professionnelle. Ainsi, l’article L.218-2 ne s’applique pas, car il ne concerne que les consommateurs. La cour a donc conclu qu’aucune prescription n’est encourue, la durée de 5 ans prévue par l’article 2224 du code civil n’étant pas écoulée entre la conclusion du contrat et l’assignation. Quel est le fondement juridique des obligations contractuelles dans le cadre d’un crédit-bail ?L’article 1103 du code civil dispose que « les contrats régulièrement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Cela signifie que les parties au contrat de crédit-bail sont tenues de respecter les obligations qui en découlent. Dans ce cas, la société Diac a fourni des preuves de l’existence d’un montant impayé lors de la résiliation, ainsi que le montant de l’indemnité de résiliation, conformément aux dispositions contractuelles. Quel est le régime des frais de justice et des dépens dans le cadre d’une procédure civile ?L’article 700 du code de procédure civile prévoit que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ». Cependant, la cour a estimé que l’équité ne commandait pas d’appliquer ces dispositions en faveur de la société Diac, rejetant ainsi la demande de frais irrépétibles. De plus, l’article 696 alinéa premier du même code stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens ». En conséquence, Mme [X], qui a succombé au principal, supportera la charge des dépens de l’instance d’appel. |
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 31 MARS 2025
N° RG 22/05469 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-NAE7
S.A. DIAC
c/
[T] [X]
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 novembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de LIBOURNE (RG : 22/00144) suivant déclaration d’appel du 05 décembre 2022
APPELANTE :
S.A. DIAC prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Anne TOSI de la SELARL TOSI, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ E :
[T] [X]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Non représentée, assignée à étude par acte de commissaire de justice
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 février 2025 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel BREARD, conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
ARRÊT :
– par défaut
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1. Le 18 décembre 2018 Mme [T] [M] épouse [X] a souscrit un contrat de crédit-bail maintenance avec la SA Diac pour la location d’un véhicule Renault Grand Scénic, qui prévoyait le règlement de 36 loyers de 685,21 euros chacun et une option finale d’achat s’élevant à 11 600 euros. En comprenant les prestations complémentaires facultatives, notamment l’assurance décès incapacité, le versement mensuel s’élevait à 748,67 euros.
Le véhicule a été livré le 16 janvier 2019.
Mme [X], exerçant une activité libérale déclarée au répertoire SIRENE comme relevant des activités d’infirmiers, a déclaré lors de la signature du contrat un revenu annuel de 66 000 euros sans aucune charge, étant propriétaire de sa résidence. Son avis d’impôt 2018 joint à la fiche de dialogue a fait état au titre de ses revenus de BNC professionnels à hauteur de 798 397 euros.
Dès le mois de mars 2019 le prélèvement sur le compte de Mme [X] a été rejeté pour provision insuffisante.
Le 22 mars 20219, un courrier a été adressé par l’organisme de crédit. Plusieurs rappels d’impayés ont été adressés par la société Diac au cours de l’année 2019.
Mme [X] a régularisé sa situation, toutefois en mars 2020 la société Diac a déploré une nouvelle fois le non-règlement du loyer du mois de mars à échéance.
Par courrier du 24 mars 2020, une nouvelle relance avant mise en demeure a été adressée à Mme [X] pour la somme de 1 577,73 euros représentant l’arriéré augmenté des intérêts de retard et des indemnités contractuelles. Il lui a été demandé de régler cette somme sous peine de remboursement immédiat du capital restant du majoré des intérêts avec restitution du véhicule.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 mai 2020, la société Diac a mis en demeure de procéder au règlement des sommes dues sous peine de résiliation du contrat de location dans les huit jours. Le courrier est revenu avec la mention « pli avisé non réclamé ».
La résiliation du contrat a donc été prononcée le 2 juillet 2020.
Mme [X] a procédé après la résiliation à des versements épisodiques.
Le 4 novembre 2021, la société Diac a adressé un nouveau courrier recommandé mettant en demeure Mme [X] de procéder au règlement des sommes dues. Ce courrier revenait avec la mention « pli avisé non réclamé ».
2. Par acte d’huissier du 16 juin 2022, la société Diac a fait assigner Mme [X] devant le tribunal judiciaire de Libourne, aux fins, notamment, d’obtenir, sa condamnation à lui verser la somme de 20 103,35 euros, assortie des intérêts de retard au taux contractuel à compter du 14 juin 2022.
3. Par jugement réputé contradictoire du 21 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Libourne a :
– constaté que l’action de la société Diac est prescrite.
En conséquence :
– déclaré l’action de la société Diac irrecevable.
4. La société Diac a relevé appel de ce jugement par déclaration du 5 décembre 2022, en ce qu’il a :
– constaté que l’action de la société Diac est prescrite.
En conséquence :
– déclaré l’action de la société Diac irrecevable.
5. Par dernières conclusions déposées le 27 février 2023, la société Diac demande à la cour de :
– réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
En conséquence :
– condamner Mme [X] au paiement de la somme en principal de 20 103,35 euros, outre intérêts de retard à compter du décompte arrêté au 14 juin 2022 ;
– condamner Mme [X] au paiement de la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais relatifs à la procédure d’appréhension, ainsi que l’ensemble des frais inhérents à la procédure, tels que précisément décrits dans les articles 695 et suivants du code de procédure civile, outre les émoluments des Commissaires de Justice, figurant à l’article A444-32 du code de commerce.
6. Mme [X] n’a pas constitué avocat. Elle a été assignée et signifiée des dernières conclusions par remise de l’acte à l’étude.
7. L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 17 février 2025.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 3 février 2025.
I Sur la recevabilité de l’action.
8. La société appelante rappelle que la décision attaquée concerne un crédit bail d’un véhicule à usage professionnel. Elle souligne que le premier juge a relevé d’office la prescription en application de l’article L.218-2 du code de la consommation. Elle conteste la qualité de consommateur de son adversaire, Mme [X] exerçant une activité d’infirmière et ayant conclu le contrat relatif au véhicule financé pour les besoins de son activité.
Elle estime l’article L.218-2 du code de la consommation inapplicable au présent litige, soulignant au surplus qu’elle a procédé à la délivrance de l’assignation moins de 5 ans après le premier incident de paiement non régularisé.
***
Sur ce :
9. L’article L.218-2 du code de la consommation dispose ‘L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans’.
Il est constant que l’article L.218-2 ne s’applique pas à un prêt professionnel (Première chambre civile de la Cour de Cassation le 3 juin 2015, n°14-16.950).
10. La cour observe qu’il ressort de l’article 1.1 du contrat conclu entre les parties (pièce 1 de l’appelante) ‘1.1 Le présent contrat a pour objet la location par le bailleur de véhicule(s) à usage professionnel devant rester immatriculé(s) en France et vendu(s) par le réseau agréé en France métropolitaine’.
Le caractère professionnel du crédit bail n’est pas remis en cause.
Aussi, l’article L.218-2 du code de la consommation, qui ne peut s’appliquer qu’en faveur d’un consommateur et non d’une personne s’engageant pour les besoins de sa profession, ne saurait être invoqué.
Il s’ensuit qu’aucune prescription n’est encourue, la durée de 5 ans prévue par l’article 2224 du code civil ne s’étant pas écoulée entre la conclusion du contrat le 18 décembre 2018 et l’assignation du 28 juin 2022.
Le moyen tiré de la prescription sera donc rejeté et la décision attaquée sera infirmée.
II Sur la créance de la société Diac.
11. La société en demande sollicite le paiement par son adversaire de la somme de 20.103,35 ‘, avec intérêts de retard à compter du 14 juin 2022.
Elle verse notamment au soutien de cette demande :
– le contrat de crédit-bail du 18 décembre 2018,
– sa demande de règlement en date du 16 janvier 2019,
– la facture du garage Renault du 16 janvier 2019,
– le procès-verbal de livraison du même jour,
– la notice d’assurance afférente à la police conclue dans le cadre du crédit bail,
– une fiche de dialogue à destination d’un client commerçant, artisan ou professionnel libéral,
– la photocopie de la carte nationale d’identité de la partie intimée,
– l’enregistrement au répertoire SIRENE de l’activité de Mme [X],
– l’avis d’impôt 2018 sur le revenu de 2017 de l’intimée,
– le tableau d’amortissement du crédit-bail,
– une lettre recommandée de mise en demeure de régler sous 8 jours un montant de 1.577,73 ‘, sous peine de résiliation du contrat, de devoir restituer le véhicule objet de ce dernier, présentée le 22 mai 2020,
– une lette recommandé de mise en demeure de régler la somme de 22.810 ‘ dans un délai de 15 jours présentée le 9 novembre 2021,
– un décompte contentieux en date du 14 juin 2022,
– un justificatif du calcul de l’indemnité de résiliation,
– un historique des mouvements antérieurs à la date de résiliation,
– un justificatif du calcul des intérêts de retard au 6 décembre 2021.
***
Sur ce :
12. En vertu de l’article 1103 du code civil, les contrats régulièrement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
13. La cour constate qu’il ressort du décompte contentieux, confirmé par l’historique des mouvements antérieurs à la date de résiliation, qu’il existait lors de la résiliation un montant impayé de 1.613,79 ‘, auquel il y a lieu d’ajouter le montant de l’indemnité de résiliation de 18.628 ‘, résultant de l’application des dispositions contractuelles.
En revanche, il ne saurait être décompté les intérêts de retard sur ceux-ci, ou des frais de justice qui relèvent des indemnités prévues par l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [X] sera donc condamnée à verser à la société Diac une somme de 19.412,50 ‘ avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2021.
III Sur les demandes annexes.
18.En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Néanmoins, l’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de ce texte au profit de la partie appelante. La demande faite au titre des frais irrépétibles sera donc rejetée.
19.Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement Mme [X], qui succombe au principal, supportera la charge des dépens de la présente instance d’appel.
LA COUR,
Infirme la décision rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Libourne le 21 novembre 2022 ;
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [X] à payer à la société Diac la somme de 19.412,50 ‘ avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2021 ;
Y ajoutant,
Rejette la demande faite en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d’appel ;
Condamne Mme [X] aux entiers dépens de la présente instance d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
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