Prescription de l’action en diffamation et demande d’aide juridictionnelle

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Prescription de l’action en diffamation et demande d’aide juridictionnelle

La demande d’aide juridictionnelle produit un effet interruptif des délais pour agir, sous réserve qu’elle se rapporte à l’action en vue de laquelle la demande est formulée et qu’elle soit déposé dans le délai qu’elle interrompt.

En application de l’article 65, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, dans sa version issue de la loi du 4 janvier 1993, l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions se prescrivent après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

En conséquence, celui qui agit sur le fondement de la loi de 1881, doit le faire dans les trois mois de la publication, et interrompre la prescription tous les trois mois pendant toute la durée de la procédure, le délai repartant à compter de chaque acte.

Aucune distinction n’est faite selon que la victime a décidé d’agir devant la juridiction pénale, ou civile.

L’acte de poursuite, au sens de ce texte est celui par lequel le demandeur manifeste à son adversaire l’intention de continuer l’action engagée.

L’article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles, dispose que, sans préjudice de l’application de l’article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l’article 44 du présent décret, lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration du dit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :

1° de la notification de la décision d’admission provisoire ;

2° de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

3° de la date à laquelle le demandeur de l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;

4° en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d’aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente.

Cependant, selon le texte précité la demande en justice ou le recours doit être introduit dans un nouveau délai de même durée à compter (3°) de la date à laquelle le demandeur à l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée.

L’Essentiel : Le 6 juillet 2019, un quotidien a publié un article sur un dirigeant d’entreprise condamné à trente ans de réclusion criminelle, entraînant des accusations de diffamation. Ce dernier a assigné la société de presse et son directeur de publication devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir des dommages-intérêts. Le tribunal a déclaré son incompétence, transférant l’affaire à Marseille. La cour d’appel a confirmé cette décision, condamnant le dirigeant d’entreprise aux dépens. En août 2023, une nouvelle assignation pour diffamation a été déposée, mais le juge a déclaré l’action prescrite, condamnant le dirigeant d’entreprise à verser une indemnité à la société de presse.
Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

Le 6 juillet 2019, un quotidien a publié un article sur un dirigeant d’entreprise condamné à trente ans de réclusion criminelle, suscitant des accusations de diffamation de la part de ce dernier.

Procédure judiciaire initiale

Le dirigeant d’entreprise a assigné la société de presse et son directeur de publication devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir des dommages-intérêts. Cependant, le tribunal a déclaré son incompétence, transférant l’affaire au tribunal judiciaire de Marseille.

Décisions judiciaires

La cour d’appel a confirmé cette décision et a condamné le dirigeant d’entreprise aux dépens. Une demande d’aide juridictionnelle pour un pourvoi en cassation a été rejetée, ce qui a conduit à une nouvelle assignation pour diffamation en août 2023.

Exceptions soulevées par les défendeurs

Les défendeurs ont soulevé une exception de nullité et une fin de non-recevoir, arguant que l’action en diffamation était prescrite, car plus de trois mois s’étaient écoulés depuis la dernière décision judiciaire.

Décision du juge de la mise en état

Le juge a déclaré l’action prescrite, condamnant le dirigeant d’entreprise aux dépens et à verser une indemnité à la société de presse. Il a estimé que la demande d’aide juridictionnelle n’interrompait pas le délai de prescription.

Appel du dirigeant d’entreprise

Le dirigeant d’entreprise a interjeté appel de cette décision, demandant l’infirmation de l’ordonnance et la reconnaissance de son action comme non prescrite.

Prétentions des parties en appel

Le dirigeant d’entreprise a demandé des dommages-intérêts, tandis que la société de presse et ses représentants ont demandé la confirmation de la décision de première instance et des indemnités pour frais irrépétibles.

Conclusion de la cour d’appel

La cour a confirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, condamnant le dirigeant d’entreprise aux dépens d’appel et accordant une indemnité à la société de presse pour les frais engagés.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la prescription

L’action en diffamation doit être engagée dans un délai de trois mois à compter de la publication, conformément à l’article 65, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881. Cet article stipule que « l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions se prescrivent après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait. »

Il est donc impératif que le demandeur manifeste son intention de poursuivre l’action dans ce délai, en interromptant la prescription tous les trois mois par un acte de poursuite.

En l’espèce, la publication litigieuse a eu lieu le 6 juillet 2019. L’assignation devant le tribunal judiciaire de Marseille a été effectuée le 8 août 2023, soit plus de trois mois après l’arrêt de la cour d’appel du 23 février 2022, qui avait déclaré le tribunal de Paris incompétent.

La demande d’aide juridictionnelle formée par le demandeur n’a pas eu d’effet interruptif sur le délai de prescription, car elle visait uniquement à permettre un pourvoi en cassation contre l’arrêt de compétence.

Ainsi, le délai de prescription a repris à compter de la notification de la décision de rejet de la demande d’aide juridictionnelle, le 9 novembre 2022, et le demandeur n’a pas agi dans le délai imparti.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont régies par l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles exposés par elle. »

Dans cette affaire, le demandeur a succombé, ce qui justifie qu’il supporte les dépens d’appel. De plus, la cour a décidé d’allouer à la société anonyme La Provence une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, en application de l’article 700 précité.

Le demandeur n’est pas fondé à solliciter une indemnité pour ses propres frais, car il a perdu son action.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 05 MARS 2025

N° 2025/108

Rôle N° RG 24/09747 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BNPXH

[N] [K]

C/

S.A. LA PROVENCE

[T] [O]

[U] [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe PAYAN

Me Béatrice DUPUY

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du juge de la mise en état de Marseille en date du 13 Mai 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/10053.

APPELANT

Monsieur [N] [K]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 13055-2024-012048 du 12/09/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

Né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 4] (83)

Demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Philippe PAYAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [T] [O]

Demeurant [Adresse 3]

Monsieur [U] [X]

Né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6] (13)

Demeurant [Adresse 3]

S.A. LA PROVENCE

Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité au siège social

Demeurant [Adresse 3]

tous trois représentés par Me Béatrice DUPUY de l’AARPI LOMBARD-SEMELAIGNE-DUPUY-DELCROIX, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 07 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anastasia LAPIERRE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 mars 2025,

Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Anastasia LAPIERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Le 6 juillet 2019, le quotidien La Provence a publié un numéro spécial, intitulé ’10 crimes en Provence’, dans lequel un article était consacré, sous le titre ‘le prédateur aux deux visages’, à M. [N] [K], qui a été condamné à une peine de trente ans de réclusion criminelle.

Reprochant à la société anonyme La Provence (la SA La Provence), à M. [T] [O] et à son directeur de publication de l’époque, M. [U] [X], de l’avoir diffamé, M. [K] les a assignés, par acte du 18 août 2020, devant le tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir des dommages-intérêts.

Par ordonnance du 16 juin 2021, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal judiciaire de Paris territorialement incompétent pour statuer sur ses demandes et désigné, pour en connaitre, le tribunal judiciaire de Marseille.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 février 2022, qui a, par ailleurs, condamné M. [K] aux dépens et à payer la SA La Provence une indemnité de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [K] a formé une demande d’aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en cassation.

Cette demande a été définitivement rejetée par ordonnance du 12 octobre 2022.

Par acte du 8 août 2023, M. [K] a assigné la SA La Provence, M. [T] [O] et M. [X] devant le tribunal judiciaire de Marseille pour diffamation et injures afin d’obtenir des dommages-intérêts.

La SA La Provence, M. [T] [O] et M. [X] ont saisi le juge de la mise en état, par conclusions du 29 décembre 2023, d’une exception de nullité de l’assignation et d’une fin de non recevoir.

Par ordonnance du 13 mai 2024, le juge de la mise en état a déclaré l’action prescrite et condamné M. [K] aux dépens et à payer à la SA La Provence une indemnité de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, il a considéré que l’assignation devant le tribunal judiciaire de Marseille a été délivrée plus de trois mois après l’arrêt du 23 février 2022 ; qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la demande d’aide juridictionnelle formée par M. [K] devant le bureau d’aide judiciaire (BAJ) de la Cour de cassation au motif que cette demande avait pour unique objet de lui permettre de former un pourvoi contre l’arrêt du 23 février 2022 ; que l’arrêt de la cour d’appel étant exécutoire, il appartenait à M. [K] d’assigner la SA La Provence, M. [T] [O] et M. [X] devant le tribunal compétent avant le 23 mai 2022 et qu’en tout état de cause, l’ordonnance rejetant la demande d’aide juridictionnelle, en date du 12 octobre 2022, a été notifiée le 9 novembre 2022, de sorte que M. [K] aurait dû faire diligence dans les trois mois de cette notification pour assigner devant le tribunal judiciaire de Marseille et, ainsi, interrompre le délai de prescription.

Par acte du 26 juillet 2024, M. [K] a relevé appel de cette décision en visant tous les chefs de son dispositif.

Prétentions des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 5 décembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé des moyens, M. [K] demande à la cour de :

‘ infirmer l’ordonnance du juge de la mise état du tribunal judiciaire de Marseille en date du

13 mai 2024 ;

‘ juger l’action en diffamation et injures non prescrite ;

‘ renvoyer les parties sur ces chefs de poursuite devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille ;

‘ condamner la SA La Provence et M. [X] à lui payer 1 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions d’intimés, régulièrement notifiées le 15 octobre 2024, auxquelles il convient de renvoyer pour l’exposé des moyens, la SA La Provence, M. [T] [O] et M. [X] demandent à la cour de :

‘ confirmer l’ordonnance et déclarer l’action en diffamation et injures prescrite depuis le 23 mai 2022 et en tout cas depuis le 9 février 2023 ;

‘ condamner M. [K] à payer à la SA La Provence une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement constitué, par acte du

Motifs de la décision

1/ Sur la prescription

1.1 Moyen des parties

M. [K] fait valoir que la demande d’aide juridictionnelle, formée devant le BAJ de la Cour de cassation consacre un acte manifestant sans équivoque son intention de poursuivre la procédure en diffamation ; que le délai de prescription est interrompu lorsqu’un obstacle de droit met la partie poursuivante dans l’impossibilité d’agir, ce qui est le cas du pourvoi en cassation et que la décision de rejet de sa demande d’aide juridictionnelle par le Premier président de la Cour de cassation ne lui ayant pas été notifiée, l’interruption du délai de prescription était toujours en cours lorsqu’il a assigné ses adversaires le 8 août 2023 devant le tribunal judiciaire de Marseille.

La SA La Provence, M. [T] [O] et M. [X] soutiennent que les actions en diffamation et injures doivent être initiées dans les trois mois du premier acte de publication ; qu’un acte interruptif, entendu comme un acte de poursuite ou d’instruction, doit intervenir tous les trois mois, y compris en matière civile, pour que la prescription ne soit pas acquise ; que l’acte de poursuite est celui par lequel le demandeur manifeste son intention de continuer l’action engagée ; qu’en l’espèce, entre le 25 février 2022, date de l’arrêt confirmant l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris, et le 8 août 2023, date à laquelle ils ont été assignés devant le tribunal judiciaire de Marseille, il s’est écoulé plus de trois mois ; que la demande d’aide juridictionnelle formée par M. [K] devant la BAJ de la Cour de cassation est sans effet sur le cours de la prescription dès lors qu’elle avait pour unique objectif l’obtention d’une autorisation de former un pourvoi immédiat à l’encontre de l’arrêt statuant sur la compétence, le délai de prescription continuant pendant ce temps à courir en l’absence de pourvoi dûment formé et qu’il appartenait à M. [K] d’être vigilant et prudent en manifestant par un acte sa volonté de poursuivre l’action en diffamation et injures.

Ils ajoutent qu’à supposer que le délai de prescription ait été interrompu par la demande d’aide judiciaire, cette interruption a pris fin le 9 novembre 2022, date à laquelle la décision de rejet de sa demande d’aide judiciaire lui a été notifiée, or, M. [K] n’a, ensuite, fait diligence qu’en août 2023, soit plus de trois mois plus tard.

1.2 Réponse de la cour

En application de l’article 65, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, dans sa version issue de la loi du 4 janvier 1993, l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions se prescrivent après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

En conséquence, celui qui agit sur le fondement de la loi de 1881, doit le faire dans les trois mois de la publication, et interrompre la prescription tous les trois mois pendant toute la durée de la procédure, le délai repartant à compter de chaque acte.

Aucune distinction n’est faite selon que la victime a décidé d’agir devant la juridiction pénale, ou civile.

L’acte de poursuite, au sens de ce texte est celui par lequel le demandeur manifeste à son adversaire l’intention de continuer l’action engagée.

En l’espèce, la publication objet du litige a eu lieu le 6 juillet 2019.

Il n’est pas contesté que le délai de prescription a été régulièrement interrompu, à la faveur de l’action engagée par M. [K] devant le tribunal judiciaire de Paris et ce jusqu’au 23 février 2022, date à laquelle la cour d’appel, statuant sur l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance du juge de la mise en état, a rendu l’arrêt déclarant ce tribunal incompétent pour statuer.

M. [K] a assigné la SA La Provence, M. [T] [O] et M. [X] devant le tribunal judiciaire de Marseille par acte du 8 août 2023.

Entre ces deux dates, M. [K] justifie avoir déposé une demande d’aide juridictionnelle devant le BAJ de la Cour de cassation afin d’obtenir le bénéfice de l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un pourvoi à l’encontre de l’arrêt.

L’article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles, dispose que, sans préjudice de l’application de l’article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l’article 44 du présent décret, lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration du dit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :

1° de la notification de la décision d’admission provisoire ;

2° de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

3° de la date à laquelle le demandeur de l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;

4° en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d’aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente.

Il résulte de ce texte que la demande d’aide juridictionnelle produit un effet interruptif des délais pour agir, sous réserve qu’elle se rapporte à l’action en vue de laquelle la demande est formulée et qu’elle soit déposé dans le délai qu’elle interrompt.

En l’espèce, M. [K] a déposé, après l’arrêt rendu par la cour d’appel le 23 février 2022, une demande d’aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en cassation.

L’interruption de délai résultant de l’article 43 précité est attachée à la demande d’aide juridictionnelle se rapportant à l’action en justice ou au recours en vue desquels elle est déposée.

Or, en l’espèce, la demande d’aide juridictionnelle était destinée à permettre à M. [K] de se pourvoir en cassation à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris se déclarant incompétente pour statuer sur ses demandes indemnitaires pour diffamation et injures et désignant pour en connaitre le tribunal judiciaire de Marseille.

Elle se rapportait donc à l’action ou au recours en vue desquels elle a été déposée.

En conséquence, cette demande d’aide juridictionnelle a interrompu le délai de prescription de l’action en diffamation.

Cependant, selon le texte précité la demande en justice ou le recours doit être introduit dans un nouveau délai de même durée à compter (3°) de la date à laquelle le demandeur à l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée.

En l’espèce, la demande d’aide juridictionnelle formée par M. [K] a été définitivement rejetée par ordonnance du 12 octobre 2022.

Cette décision de rejet a été notifiée par le bureau d’aide juridictionnelle à la SCP Nicolay de Lanouvelle, avocat à la Cour de cassation et conseil de M. [K], le 9 novembre 2022.

Le délai pour agir a donc repris à cette date.

Or, il s’est écoulé plus de trois mois entre la notification de l’ordonnance, et l’assignation devant le tribunal judiciaire de Marseille, qui a été délivrée le 8 août 2023.

En conséquence, l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille doit être confirmée en ce qu’elle a déclaré l’action prescrite.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

M. [K], qui succombe, supportera les dépens d’appel et n’est pas fondé à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité justifie d’allouer à la SA La Provence une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille le 13 mai 2024 ;

Y ajoutant,

Condamne M. [N] [K] aux entiers dépens d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile ;

Déboute M. [N] [K] de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés devant la cour ;

Condamne M. [N] [K] à payer à la SA La Provence une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés devant la cour.

Le greffier La présidente


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