Préemption et nullité : l’importance de la mise en cause des parties obligées.

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Préemption et nullité : l’importance de la mise en cause des parties obligées.

Règle de droit applicable

L’article L. 143-14 du Code rural et de la pêche maritime stipule que les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ainsi que les décisions de préemption, sont irrecevables si elles sont intentées au-delà d’un délai de six mois à compter de la publication des décisions motivées de rétrocession.

Conditions de recevabilité de l’action en nullité

La recevabilité de l’action en nullité d’une préemption n’est pas subordonnée à la mise en cause d’autres parties que celles obligées par l’acte contesté. En revanche, l’acquéreur évincé qui sollicite l’annulation de la vente subséquente à la préemption doit impérativement mettre en cause le vendeur initial, car les droits et obligations de ce dernier sont affectés par la décision statuant sur cette demande.

Effet rétroactif de l’annulation

L’annulation d’une décision de préemption a un effet rétroactif, ce qui signifie que l’acte annulé est censé n’avoir jamais existé dans l’ordre juridique. Par conséquent, le compromis de vente initial retrouve son plein effet, et l’acquéreur évincé peut faire valoir ses droits sans avoir à mettre en cause le vendeur initial pour contester la préemption.

Indissociabilité des demandes

Dans le cas où une préemption est suivie d’un acte de vente entre le vendeur initial et la SAFER, l’acquéreur évincé doit mettre en cause le vendeur initial pour toute demande d’annulation, tant de la préemption que de la vente subséquente, car ces deux actes sont indissociables. L’absence de mise en cause du vendeur initial entraîne l’irrecevabilité des demandes d’annulation.

Conséquences de l’irrecevabilité

Si l’acquéreur évincé ne met pas en cause le vendeur initial dans sa demande d’annulation de la préemption et de la vente subséquente, ses demandes seront déclarées irrecevables. Cela souligne l’importance de respecter les exigences procédurales pour garantir la recevabilité des actions en justice dans le cadre des préemptions et des ventes de biens immobiliers.

L’Essentiel : L’article L. 143-14 du Code rural et de la pêche maritime stipule que les actions en justice contestant les décisions de rétrocession sont irrecevables si intentées au-delà d’un délai de six mois. La recevabilité de l’action en nullité d’une préemption n’est pas subordonnée à la mise en cause d’autres parties, mais l’acquéreur évincé doit impérativement mettre en cause le vendeur initial. L’annulation d’une décision de préemption a un effet rétroactif, rendant l’acte annulé inexistant.
Résumé de l’affaire : Les 25 et 26 août 2016, une venderesse et un acquéreur ont signé un compromis de vente pour un terrain en zone NC, au prix de 40.000 euros. En octobre 2016, un avenant a été ajouté, incluant d’autres parcelles sans modifier le prix. Le 24 octobre 2016, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural de Bretagne (SAFER) a été informée de la vente par le notaire. Le 23 décembre 2016, la SAFER a exercé son droit de préemption sur l’ensemble des parcelles. Le 18 janvier 2017, la SAFER a acquis les parcelles au même prix.

Le 14 juin 2017, l’acquéreur a assigné la SAFER en annulation de la préemption. Le tribunal de grande instance de Lorient a jugé, le 23 septembre 2018, la préemption nulle et a annulé la vente entre la SAFER et la venderesse, condamnant la SAFER aux dépens et à verser 1.500 euros à l’acquéreur. La SAFER a interjeté appel le 13 novembre 2018. La cour d’appel a ordonné que l’acquéreur appelle la venderesse à la cause. En octobre 2020, l’acquéreur a assigné la venderesse en intervention forcée.

Le 14 septembre 2021, la cour d’appel a confirmé le jugement de première instance, précisant que le compromis de vente initial retrouvait son plein effet. La SAFER a formé un pourvoi en cassation, qui a été accueilli le 26 octobre 2023. La Cour de cassation a annulé les arrêts précédents, soulignant que l’acquéreur devait avoir mis en cause la venderesse pour ses demandes d’annulation, ce qu’il n’avait pas fait. La cour a déclaré irrecevables les demandes de l’acquéreur et a condamné celui-ci aux dépens, laissant les frais irrépétibles à la charge de chaque partie.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est l’impact de la nullité de la préemption sur la vente subséquente ?

La nullité de la préemption entraîne la nullité de la vente subséquente, car ces deux actes sont indissociables. L’article L.143-14 du code rural et de la pêche maritime précise que les actions contestant les décisions de préemption sont irrecevables si elles ne respectent pas les délais, mais il n’exige pas la mise en cause d’autres parties que celles obligées par l’acte contesté.

Ainsi, l’acquéreur évincé peut contester la préemption sans avoir à mettre en cause le vendeur initial. Cependant, si l’acquéreur souhaite annuler la vente subséquente, il doit impérativement mettre en cause le vendeur initial, car ses droits et obligations sont affectés par cette décision.

En l’espèce, l’acquéreur a demandé la nullité de la préemption et de la vente, mais n’a pas mis en cause le vendeur initial, ce qui rend ses demandes irrecevables.

Quel est le rôle de l’intervention volontaire dans cette affaire ?

L’intervention volontaire permet à une partie de se joindre à une instance en cours pour défendre ses intérêts. L’article 554 du code de procédure civile stipule que toute personne ayant un intérêt peut intervenir dans une instance.

Dans cette affaire, le vendeur initial a souhaité intervenir pour protéger ses droits, mais l’acquéreur n’a pas respecté l’obligation de mise en cause. La cour a jugé que l’intervention de la venderesse était nécessaire, mais que l’acquéreur n’avait pas respecté cette exigence, rendant ainsi sa demande irrecevable.

L’irrecevabilité de l’intervention de la venderesse a été confirmée, car l’acquéreur n’a pas mis en cause le vendeur initial dans sa demande de nullité de la vente.

Quel est le fondement des dépens et des frais irrépétibles dans cette affaire ?

Les dépens sont les frais de justice qui incombent à la partie perdante, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Dans cette affaire, l’acquéreur a été condamné aux dépens de première instance et d’appel, car il a succombé dans ses demandes.

Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement de ses frais non compris dans les dépens. La cour a décidé de laisser à la charge de chaque partie les frais exposés, considérant qu’il n’était pas inéquitable de répartir ces frais, étant donné les circonstances de l’affaire.

Ainsi, l’acquéreur a été condamné à supporter les dépens, tandis que les frais irrépétibles ont été laissés à la charge de chaque partie.

1ère chambre B

ARRÊT N°

N° RG 24/01931

N° Portalis DBVL-V-B7I-UU45

(Réf 1ère instance : 17/01278)

SA SAFER BRETAGNE

C/

M. [U] [Y]

Mme [X] [F]

– intervention forcée –

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 1er AVRIL 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Président : Madame Véronique VEILLARD, présidente de chambre

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, président de chambre

Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, conseillère

GREFFIER

Madame Morgane LIZEE lors des débats et Madame Elise BEZIER lors du prononcé

DÉBATS

A l’audience publique du 15 octobre 2024, devant Madame Véronique VEILLARD, et Monsieur Philippe BRICOGNE, magistrats rapporteurs, tenant l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT

Contradictoire, prononcé publiquement le 1er avril 2025 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré initialement prévu le 17 décembre 2024

****

APPELANTE

SA SAFER BRETAGNE au capital de 1.854.000 ‘, inscrite au registre du commerce et des sociétés de SAINT BRIEUC sous le numéro B 496 180 225, agissant sur poursuites et diligences de ses dirigeants sociaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Marceline OUAIRY JALLAIS de la SELARL QUESNEL DEMAY LE GALL-GUINEAU OUAIRY-JALLAIS BOUCHER BEUCHER -FLAMENT, postulant, avocat au barreau de RENNES et par Me Typhaine GUENNEC de la SELARL LE MAGUER RINCAZAUX EISENECKER CHANET EHRET GUENNEC, plaidant, avocat au barreau de LORIENT

INTIMÉS

Monsieur [U] [Y]

né le 27 mars 1960 à [Localité 14]

[Adresse 9]

[Localité 13]

Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, postulant, avocat au barreau de RENNES et par Me Thomas GIROUD, plaidant, avocat au barreau de NANTES

Madame [X] [F] – intervenante forcée

née le 13 novembre 1954 à [Localité 15]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. Les 25 et 26 août 2016 Mme [X] [F], venderesse, et M. [U] [Y], acquéreur, ont conclu au prix de 40.000 ‘ un compromis de vente portant sur un terrain situé à [Localité 13] (56) lieu-dit [Adresse 11] cadastré section ZA n° [Cadastre 6] (9 ha 41 a 31 ca).

2. Ce terrain se trouve en zone NC destinée à la protection des richesses naturelles en raison notamment de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol, selon le plan de zonage du plan d’occupation des sols de la commune de [Localité 13] actuellement en vigueur.

3. Les 5 et 9 octobre 2016, les cocontractants ont conclu un avenant ajoutant à la cession les parcelles cadastrées section ZA lieu-dit [Adresse 11], n° [Cadastre 1] (1 a) et lieu-dit [Localité 10] n° [Cadastre 2] (1 a 7 ca) et n° [Cadastre 5] (48 ca) sans modification du prix.

4. Le 24 octobre 2016, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural de Bretagne (la SAFER) recevait de la part de maître [I], notaire à [Localité 12] (84), chargé de la vente, une déclaration d’intention d’aliéner l’informant du projet de vente entre Mme [F] et M. [Y].

5. Le 23 décembre 2016, la SAFER signifiait, par acte d’huissier de justice, son intention d’exercer son droit de préemption sur la totalité des parcelles, dans les termes suivants : ‘Je vous informe que la préemption qui résulte du présent acte est exercée en fonction de l’objectif de l’article L. 143-2 du code rural :

1°) L’installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs,

2°) La consolidation d’exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l’amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans les conditions prévues à l’article L. 331-2.’

6. Par acte du 18 janvier 2017 établi par maître [I], la SAFER a acquis de Mme [F] les parcelles au prix de 40.000 ‘.

7. Le 14 juin 2017, M. [Y] a assigné la SAFER devant le tribunal de grande instance de Lorient en annulation de la décision de préemption.

8. Par jugement du 23 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Lorient a :

– jugé nulle la préemption signifiée le 23 décembre 2016 par la SAFER,

– jugé nul l’acte de vente entre la SAFER et Mme [F],

– condamné la SAFER aux dépens,

– condamné la SAFER à payer à M. [Y] la somme de 1.500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

9. Le 13 novembre 2018, la SAFER a interjeté appel de l’ensemble des chefs du jugement.

10. Par arrêt avant dire droit du 1er septembre 2020, la cour d’appel de Rennes a enjoint à M. [Y] d’appeler Mme [F] à la cause.

11. Le 12 octobre 2020, M. [Y] a assigné celle-ci en intervention forcée.

12. Par arrêt du 14 septembre 2021, la cour d’appel de Rennes a :

– déclaré irrecevable la demande d’irrecevabilité de l’intervention forcée de Mme [X] [F],

– confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

– y ajoutant,

– précisé que l’acte de vente intervenu entre la SAFER et Mme [X] [F] était l’acte reçu le 18 janvier 2017 par maître [I], notaire associé à [Localité 12] (84),

– dit que le compromis de vente des 25 et 26 août 2016 conclu entre Mme [F], venderesse, et M. [Y], acquéreur, retrouvait son plein effet,

– débouté Mme [F] de sa demande de garantie à l’encontre de M. [Y] du paiement des frais, taxes, dépens, débours, honoraires et autres imposition qu’elle serait amenée à supporter en conséquence de l’annulation de l’acte de vente du 18 janvier 2017,

– débouté la SAFER de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAFER aux dépens et à payer à M. [Y] la somme de 2.500 ‘ et à Mme [F] la somme de 2.880 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

13. Pour statuer ainsi, la cour d’appel a retenu qu’elle avait déjà jugé dans son arrêt avant-dire droit que l’intervention de Mme [F] était nécessaire de sorte que M. [Y] n’était pas irrecevable à vouloir appeler celle-ci à la cause et que la SAFER était en revanche irrecevable à soulever cette irrecevabilité. Sur le fond, la cour a retenu que la décision de préemption signée par l’autorité compétente n’était pas annexée à la signification effectuée par l’huissier de justice le 23 décembre 2016, ni au courrier de notification adressé le même jour au notaire de sorte que le défaut de production d’une décision de préemption dûment signée par le président du conseil d’administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet ne permettait pas d’apprécier si la décision de préemption avait été prise de manière régulière par une autorité compétente. La cour a retenu que la nullité des notifications entraînait la nullité de la préemption et par voie de conséquence celle de la vente intervenue le 18 janvier 2017 entre la venderesse et la SAFER en exécution de cette préemption.

14. La SAFER a formé un pourvoi en cassation.

15. Par un arrêt du 26 octobre 2023, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a retenu :

– que M. [Y] avait sollicité dès la première instance la nullité de la vente intervenue entre Mme [F] et la SAFER et qu’en conséquence, l’irrecevabilité opposée à une telle demande ne constituait pas une évolution du litige au sens des articles 554 et 555 du code de procédure civile, la cour d’appel ayant violé les textes susvisés,

– que le dispositif de l’arrêt avant dire droit s’est borné à enjoindre à M. [Y] d’appeler à la cause Mme [F] et n’a pas tranché la fin de non-recevoir de sorte que la cour d’appel a violé les article 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile.

16. La Cour de cassation a cassé et annulé en toutes leurs dispositions les arrêts rendus le 1er septembre 2020 et le 14 septembre 2021, a remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les a renvoyées devant la cour d’appel de Rennes autrement composée, condamnant M. [Y] aux dépens et rejetant les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile.

17. Pour statuer ainsi, la Cour de cassation a jugé :

– que M. [Y] avait sollicité dès la première instance la nullité de la vente intervenue entre Mme [F] et la SAFER et que la fin de non-recevoir opposée à une telle demande ne constituait pas une évolution du litige au sens des articles 554 et 555 précités, la cour d’appel ayant violé les textes susvisés,

– que le dispositif de l’arrêt avant dire droit s’était borné à enjoindre à M. [Y] d’appeler à la cause Mme [F] et n’avait pas tranché la fin de non-recevoir, la cour d’appel ayant violé les textes susvisés.

18. La SAFER a régularisé une déclaration de saisine le 28 mars 2024.

19. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er octobre 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

20. La SAFER expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 27 septembre 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

– à titre principal,

– déclarer irrecevable l’intervention volontaire de Mme [F],

– déclarer irrecevables les demandes de M. [U] [Y] tendant à la nullité de :

* la préemption exercée par la SAFER selon un acte d’huissier de justice signifié à maître [I], notaire, le 23 décembre 2016,

* l’acte de vente régularisé avec Mme [F] le 18 janvier 2017 et tous les actes subséquents,

– à titre subsidiaire,

– déclarer irrecevable la demande de M. [Y] tendant à la nullité de l’acte de vente régularisé avec Mme [F] le 18 janvier 2017 et tous actes subséquents,

– à titre infiniment subsidiaire,

– débouter M. [Y] et Mme [F] de toutes leurs demandes,

– en toute hypothèse,

– condamner M. [Y] à lui payer la somme de 10.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Y] aux entiers dépens.

21. M. [U] [Y] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 9 septembre 2024 aux termes desquelles il demande à la cour, statuant dans les limites de la cassation, de :

– rejeter l’irrecevabilité soulevée par la SAFER,

– juger recevable l’intervention volontaire de Mme [F],

– juger que la décision à intervenir sera opposable à Mme [F],

– juger ce que de droit sur les prétentions de Mme [F], distinctes de la discussion relative à la recevabilité de son intervention volontaire,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 25 septembre 2018, et particulièrement en ce qu’il a :

* jugé nulle la préemption exercée par la SAFER et signifiée par acte du 23 décembre 2016,

* jugé nulle la vente intervenu entre la SAFER et Mme [F],

* condamné la SAFER à lui payer la somme de 1.500 ‘ au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens,

* condamné la SAFER aux dépens,

– en conséquence,

– rejeter les demandes de la SAFER,

– y ajoutant,

– juger que le compromis de vente des 25 et 26 août 2016 doit retrouver son plein effet,

– juger que Mme [F] est liée par le compromis de vente passé avec lui les 25 et 26 août 2016, lequel devra être exécuté,

– condamner la SAFER à le garantir des frais, taxes, dépens, débours, honoraires et autres impositions que Mme [F] serait amenée à supporter consécutivement à l’annulation de la vente qu’elle a conclue avec la SAFER, outre le montant des frais non compris dans les dépens, et qui pourraient être alloués à Mme [F] au détriment de M. [Y],

– et rejetant toute demande contraire comme étant irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

– condamner la SAFER à lui verser la somme de 10.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

– la condamner aux dépens au titre de la procédure d’appel, avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

22. Mme [X] [F] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 9 septembre 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour au visa de l’article 554 du code de procédure civile, de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son intervention volontaire,

– condamner M. [Y] à la garantir des frais, taxes, dépens, débours, honoraires et autres imposition qu’elle serait amenée à supporter consécutivement à l’annulation de la vente [F] / SAFER,

– condamner la partie succombante au paiement de la somme de 3.960 ‘ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la partie succombante aux dépens, recouvrés par maître Bourges, avocat au barreau de Rennes conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

23. Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

* * *

MOTIVATION

24. À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.

1) Sur l’irrecevabilité des demandes pour défaut de mise en cause des parties obligées

25. La SAFER soutient que, sous peine d’irrecevabilité de sa demande, l’acquéreur évincé qui sollicite l’annulation de la décision de préemption mais aussi l’annulation de la vente intervenue au profit de la SAFER doit obligatoirement mettre en cause le vendeur initial dont les droits et obligations sont nécessairement affectés, que tel n’est pas le cas pour M. [Y] qui, en qualité d’acquéreur évincé, n’a pas mis en cause en première instance Mme [F], venderesse initiale, que l’annulation de la décision de préemption n’a pas d’effet direct sur la vente intervenue entre le vendeur et la SAFER dont l’annulation subséquente doit être sollicitée, au surplus en présence de toutes les parties audit acte, qu’en conséquence, l’action de M. [Y] est irrecevable.

26. M. [Y] fait valoir :

– que la jurisprudence invoquée par la SAFER, qui en fait une interprétation a contrario, n’a pas exigé la mise en cause du vendeur initial,

– que l’annulation judiciaire d’une préemption a un effet rétroactif qui aboutit à ce que l’acte annulé est censé n’avoir jamais existé dans l’ordre juridique,

– que le compromis conclu sous la réserve du droit de préemption retrouve son plein effet et le bénéficiaire peut faire valoir ses droits et demander la finalisation de la vente,

– que l’annulation d’une décision de préemption, comme de décisions de rétrocessions ultérieures, peuvent d’ailleurs être poursuivies en tant que telles, sans qu’elles soient nécessairement assorties de prétentions tendant à l’annulation des actes de transfert de propriété,

– que la nullité des actes de vente comme des actes de rétrocession conclus postérieurement à la décision de préemption annulée s’impose de plein droit, comme la simple conséquence de l’effet rétroactif s’attachant à l’annulation de la préemption,

– que le compromis ou la promesse liant le vendeur initial et l’acquéreur évincé retrouve son plein effet,

– qu’en conséquence, la recevabilité de l’action en nullité d’une décision de préemption n’est pas subordonnée à la mise en cause du vendeur initial.

27. Mme [F] estime qu’elle retrouve la qualité de tiers au lien d’instance et est recevable en son intervention volontaire conformément aux dispositions de l’article 554 du code de procédure civile.

Réponse de la cour

28. L’article L.143-14 du code rural et de la pêche maritime dispose que sont irrecevables les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural ainsi que les décisions de préemption s’il s’agit de la mise en cause du respect des objectifs définis à l’article L. 143-2 intentées au-delà d’un délai de six mois à compter du jour où les décisions motivées de rétrocession ont été rendues publiques.

29. Il est constant que la recevabilité de l’action en annulation de la décision de préemption n’est pas subordonnée à la mise en cause d’autres parties que celles obligées par l’acte faisant l’objet de la contestation.

30. Ainsi, il ne peut être exigé de l’acquéreur évincé qui conteste une préemption de mettre en cause le vendeur initial ou le rétrocessionnaire, sauf à ajouter à la loi, son action étant valablement engagée à l’égard de la seule SAFER dont il conteste la préemption, quelles que soient les conséquences du succès éventuel de son action quant à la validité de l’acte de vente initial et de l’acte de rétrocession.

31. A contrario, l’acquéreur évincé qui sollicite l’annulation de la vente subséquente à la préemption est irrecevable en cette demande s’il n’a pas mis en cause le vendeur initial dont les droits et obligations seront nécessairement affectés par la décision statuant sur cette demande.

32. Dans le cas où la préemption exercée par la SAFER a été suivie d’un acte de vente entre le vendeur initial et celle-ci et où l’acquéreur évincé sollicite l’annulation de la préemption mais aussi de la vente subséquente, la recevabilité de ses deux demandes implique la mise en cause du vendeur initial pour le tout – et pas seulement pour l’annulation de la vente – dans la mesure où la vente subséquente est en effet indissociable de la préemption et où l’annulation de cette dernière a nécessairement des conséquences sur la vente passée et donc sur les droits et obligations du vendeur initial.

33. En l’espèce, à la suite de la préemption signifiée par voie d’huissier de justice le 23 décembre 2016, la vente des parcelles préemptées a été reçue le 18 janvier 2017 en l’étude de maître [I], notaire à [Localité 12] (84), entre Mme [F], venderesse, et la SAFER, acquéreur.

34. Par assignation du 14 juin 2017, M. [U] [Y] a saisi le tribunal de grande instance de Lorient d’une demande de nullité de la préemption.

35. L’acte de vente du 18 janvier 2017 a été communiqué aux débats par la SAFER suivant bordereau de communication de pièces joint aux conclusions signifiées par RPVA le 5 décembre 2017.

36. Dans ses dernières conclusions de première instance notifiées le 25 janvier 2018, telles que reprises au jugement critiqué, M. [U] [Y] a donc, à sa demande de nullité de la préemption, ajouté une demande de nullité de l’acte de vente intervenu entre Mme [F] et la SAFER.

37. Le tribunal a du reste fait droit à celle-ci en jugeant nul ‘l’acte de vente qui pourrait être intervenu entre la Société Bretonne d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural et Mme [X] [F]’ ayant motivé sa décision par le fait que la signification de la préemption par voie d’huissier du 23 décembre 2016 ne contenait pas la décision de préemption et que cette préemption devait être annulée ainsi que l’acte de vente subséquent.

38. Il s’évince de ces constatations qu’ayant sollicité en première instance la nullité de la vente du bien préempté, M. [Y], qui entendait obtenir l’annulation de la préemption, devait dès ce stade mettre en cause Mme [F], venderesse initiale, partie obligée par l’acte contesté.

39. A défaut de l’avoir fait, ses demandes tant de nullité de la préemption du 23 décembre 2016 que de nullité de la vente du 18 janvier 2017, l’une et l’autre étant indissociables, ne peuvent qu’être déclarées irrecevables, aucune régularisation n’étant enfin possible au stade de l’appel.

40. En conséquence, le jugement du 25 septembre 2018 sera infirmé en toutes ses dispositions, l’intervention forcée de Mme [F] en cause d’appel se trouvant dépourvue d’objet.

2) Sur les dépens et les frais irrépétibles

41. Succombant, M. [Y] supportera les dépens de première instance et d’appel. Le jugement sera infirmé s’agissant des dépens de première instance.

42. Enfin, eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles tant en première instance qu’en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Le jugement sera infirmé s’agissant des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Lorient du 25 septembre 2018,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes formées par M. [U] [Y] tendant à la nullité de la préemption signifiée le 23 décembre 2016 par la SAFER de Bretagne et à la nullité de la vente signée le 18 janvier 2017 sur les mêmes parcelles entre Mme [X] [F] et la SAFER de Bretagne,

Condamne M. [U] [Y] aux dépens de première instance et d’appel,

Laisse à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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