Obligations de l’employeur en matière d’entretiens professionnelsL’article L 6315-1 du Code du travail impose à l’employeur d’organiser des entretiens professionnels tous les deux ans, ainsi qu’un bilan tous les six ans, afin d’évaluer les perspectives d’évolution professionnelle du salarié. Ces entretiens doivent être documentés et une copie remise au salarié. En cas de non-respect de ces obligations, notamment dans les entreprises de plus de 50 salariés, l’article L 6323-13 prévoit un abondement du compte personnel de formation (CPF) si le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation non obligatoire. Conditions d’abondement du compte personnel de formationLes conditions d’abondement du CPF, selon l’article L 6323-13, sont cumulatives : le salarié doit n’avoir bénéficié ni des entretiens professionnels ni d’une formation non obligatoire. L’article R 6323-3 fixe le montant de l’abondement à 3.000 € dans les cas prévus. Les actions de formation qui ne sont pas obligatoires au sens de l’article L 6321-2 sont prises en compte pour l’abondement. Temps d’habillage et déshabillageL’article L 3121-3 du Code du travail stipule que le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé, doit faire l’objet de contreparties, soit sous forme de repos, soit financière. L’article L 3121-7 précise que des conventions ou accords d’entreprise doivent prévoir ces contreparties. Pour prétendre à une contrepartie, le salarié doit prouver l’obligation de porter une tenue de travail et de s’habiller dans l’entreprise. Preuve de l’obligation d’habillage sur le lieu de travailPour obtenir une contrepartie pour le temps d’habillage et de déshabillage, le salarié doit démontrer que les deux conditions sont réunies : l’obligation de porter une tenue de travail et celle de s’habiller sur le lieu de travail. En l’absence de preuve de cette obligation, le salarié ne peut prétendre à des dommages et intérêts pour ces temps. Dépens et article 700 du Code de procédure civileSelon l’article 700 du Code de procédure civile, le salarié qui perd au principal doit supporter les dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles. L’équité peut justifier que l’employeur supporte ses propres frais. |
L’Essentiel : L’article L 6315-1 du Code du travail impose à l’employeur d’organiser des entretiens professionnels tous les deux ans et un bilan tous les six ans pour évaluer les perspectives d’évolution professionnelle du salarié. Ces entretiens doivent être documentés, avec une copie remise au salarié. En cas de non-respect, l’article L 6323-13 prévoit un abondement du compte personnel de formation (CPF) si le salarié n’a pas bénéficié des entretiens et d’une formation non obligatoire.
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Résumé de l’affaire : La SAS La Plateforme, appartenant au groupe Saint Gobain, est spécialisée dans la distribution de matériaux pour le bâtiment. Un conseiller technique a été embauché par cette société en contrat à durée indéterminée depuis le 13 août 2007. En novembre 2021, ce salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, demandant un abondement de son compte personnel de formation (CPF), des dommages et intérêts pour l’absence d’entretiens professionnels, ainsi que pour les temps d’habillage et de déshabillage.
Le jugement rendu le 13 juin 2023 a statué que la SAS La Plateforme avait respecté ses obligations concernant les entretiens professionnels et que les conditions pour un versement de contrepartie pour les temps d’habillage et de déshabillage n’étaient pas réunies. Le salarié a été débouté de toutes ses demandes, tandis que la société a également été déboutée de sa demande reconventionnelle. Le salarié a interjeté appel le 5 juillet 2023, contestant les décisions du jugement. Dans ses conclusions, le salarié a demandé à la cour d’infirmer le jugement sur plusieurs points, notamment concernant les obligations de l’employeur en matière d’entretiens professionnels et de formation, ainsi que de réclamer des sommes spécifiques pour l’abondement de son CPF et des dommages et intérêts. De son côté, la SAS La Plateforme a demandé la confirmation du jugement, arguant qu’elle avait satisfait à ses obligations. La cour a examiné les obligations de l’employeur en matière d’entretiens professionnels et a conclu que, bien que la société n’ait pas respecté ces obligations, cela ne justifiait pas un abondement du CPF. Concernant les temps d’habillage et de déshabillage, la cour a également rejeté les demandes du salarié, estimant qu’il n’avait pas prouvé l’obligation de se changer sur le lieu de travail. Finalement, le jugement a été confirmé, sauf sur le point relatif aux entretiens professionnels, où la cour a reconnu un manquement sans ouvrir droit à un abondement. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre légal concernant les entretiens professionnels et la formation des salariés ?L’article L 6315-1 du code du travail stipule que tous les deux ans, le salarié doit bénéficier d’un entretien professionnel qui se concentre sur ses perspectives d’évolution professionnelle, sans évaluation, et incluant des informations sur la validation des acquis de l’expérience et l’activation de son compte personnel de formation (CPF). Cet entretien doit donner lieu à un document remis au salarié. Tous les six ans, un état des lieux récapitulatif doit être réalisé pour s’assurer que le salarié a suivi au moins une formation et a bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle. L’article L 6323-13 précise que dans les entreprises d’au moins 50 salariés, si le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation, son CPF doit être abondé selon les conditions définies par décret. Il est important de noter que les conditions d’abondement sont cumulatives, ce qui signifie que le salarié doit avoir manqué à la fois les entretiens et les formations non obligatoires pour bénéficier d’un abondement. Quel est le jugement du conseil de prud’hommes concernant les obligations de l’employeur en matière d’entretiens professionnels ?Le conseil de prud’hommes a jugé que la SAS La Plateforme avait rempli ses obligations en matière de tenue des entretiens professionnels. Cependant, il a été établi que le salarié n’avait pas bénéficié des trois entretiens requis, ce qui constitue un manquement de l’employeur. Néanmoins, le jugement a également précisé que ce manquement ne donnait pas droit à un abondement du CPF, car le salarié avait bénéficié d’au moins une formation non obligatoire durant la période concernée. Ainsi, bien que l’employeur n’ait pas respecté ses obligations en matière d’entretiens, cela n’ouvrait pas droit à un abondement du CPF, conformément aux articles L 6315-1 et L 6323-13. Quel est le cadre légal concernant les temps d’habillage et de déshabillage des salariés ?L’article L 3121-3 du code du travail stipule que le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé, doit faire l’objet de contreparties, soit sous forme de repos, soit sous forme financière. L’article L 3121-7 précise qu’une convention ou un accord d’entreprise doit prévoir ces contreparties. Pour prétendre à une contrepartie, le salarié doit prouver que deux conditions sont réunies : l’obligation de porter une tenue de travail et l’obligation de s’habiller et se déshabiller sur le lieu de travail. Quel a été le jugement concernant la demande de dommages et intérêts pour les temps d’habillage et de déshabillage ?Le salarié a affirmé qu’il avait l’obligation de porter une tenue de travail et de se changer dans les vestiaires de l’entreprise. Cependant, le jugement a conclu qu’il n’avait pas démontré que les salariés étaient contraints de revêtir leur tenue de travail sur le lieu de travail. Le règlement intérieur ne stipule pas que les salariés doivent s’habiller dans l’entreprise, et le fait que des vestiaires soient mis à disposition ne suffit pas à établir cette obligation. Ainsi, le salarié a été débouté de sa demande de dommages et intérêts pour les temps d’habillage et de déshabillage, le jugement confirmant que les conditions pour prétendre à une contrepartie n’étaient pas réunies. Quel est le principe concernant les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile ?Le principe est que le salarié qui perd au principal supporte les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles. L’article 700 du code de procédure civile permet à la cour d’accorder une somme pour couvrir les frais irrépétibles, mais l’équité commande de laisser à la charge de l’employeur ses propres frais. Dans ce cas, la cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700 en cause d’appel, et a condamné le salarié aux dépens d’appel, confirmant ainsi le jugement du conseil de prud’hommes. |
ARRÊT N°25/109
N° RG 23/02442
N° Portalis DBVI-V-B7H-PR5X
FCC/ND
Décision déférée du 13 Juin 2023
Conseil de Prud’hommes
Formation paritaire de TOULOUSE
(F 21/01690)
S. BOST
SECTION COMMERCE
[B] [F]
C/
S.A.S.U. LA PLATEFORME
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
*
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
*
ARRÊT DU VINGT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ
*
APPELANT
Monsieur [B] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A.S.U. LA PLATEFORME, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège.
[Adresse 2]
[Adresse 2],
[Localité 3]
Représentée par Me Anne VINCENT-IBARRONDO de la SELAS VOLTAIRE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
AF. RIBEYRON, conseillère
Greffière, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre
La SAS La Plateforme, faisant partie du groupe Saint Gobain, a pour activité la distribution de matériaux aux professionnels du bâtiment.
M. [B] [F] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 13 août 2007 en qualité de conseiller technique par la SAS La Plateforme.
La convention collective applicable est celle du négoce des matériaux de construction.
Le 30 novembre 2021, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment d’abondement du compte personnel de formation et de paiement de dommages et intérêts pour absence d’entretiens professionnels et de dommages et intérêts pour les temps d’habillage et déshabillage.
Par jugement en date du 13 juin 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– dit et jugé que la SAS La Plateforme a rempli ses obligations en matière de tenue des entretiens professionnels et du bilan à six ans et formations,
– dit et jugé que les conditions du versement d’une contrepartie aux temps d’habillage et déshabillage ne sont pas réunies en l’espèce,
– débouté M. [F] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la SAS La Plateforme de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [F] aux entiers dépens.
M. [F] a interjeté appel de ce jugement le 5 juillet 2023, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions n° II notifiées par voie électronique en date du 22 novembre 2024, auxquelles il est fait expressément référence, M. [F] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que la SAS La Plateforme a rempli ses obligations en matière de tenue des entretiens professionnels et du bilan à six ans et formations et que les conditions du versement d’une contrepartie aux temps d’habillage et de déshabillage ne sont pas réunies, débouté M. [F] de l’ensemble de ses demandes, et condamné M. [F] aux entiers dépens,
– confirmer le jugement en ce qu’il débouté la SAS La Plateforme de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– réformer le jugement,
– condamner la SAS La Plateforme à abonder le compte personnel de formation de M. [F] à concurrence de :
* 18.000 € pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020,
* 3.000 € supplémentaires par an à compter du 1er janvier 2021,
– condamner la SAS La Plateforme à payer à M. [F] les sommes suivantes :
* 6.000 € de dommages et intérêts pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020,
* 1.000 € de dommages et intérêts supplémentaires par an à compter du 1er janvier 2021,
* 2.832,59 € de dommages et intérêts nets de CSG CRDS en contrepartie des temps d’habillage et de déshabillage pour la période antérieure au 30 novembre 2021,
* 71,63 € supplémentaires par mois de dommages et intérêts nets de CSG CRDS en contrepartie des temps d’habillage et de déshabillage à partir du 1er décembre 2021,
* 3.500 € de dommages et intérêts nets de CSG CRDS sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire en toutes ses dispositions nonobstant appel et sans caution tout en rappelant, pour les besoins de l’exécution provisoire de plein droit, que le salaire mensuel moyen de M. [F] est d’un montant de bruts, (sic)
– condamner la SAS La Plateforme aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique en date du 13 décembre 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la SAS La Plateforme demande à la cour de :
– juger que M. [F] est mal fondé en son appel,
– confirmer le jugement dans toutes ces dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la SAS La Plateforme de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– juger que la SAS La Plateforme a satisfait à l’ensemble des obligations lui incombant, et qu’il n’y a lieu à aucune contrepartie au titre des temps d’habillage et de déshabillage, les conditions prévues par le code du travail n’étant pas réunies,
– débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner M. [F] à verser à la SAS La Plateforme la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner également aux dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 17 décembre 2024.
1 – Sur les entretiens et la formation :
L’article L 6315-1 du code du travail issu de la loi du 5 mars 2014 et modifié par les lois des 8 août 2016 et 5 septembre 2018 prévoit :
– que, tous les 2 ans, le salarié bénéficie d’un entretien professionnel consacré aux perspectives d’évolution professionnelle, ne portant pas sur l’évaluation, comportant également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation (CPF), aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle ; l’entretien donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié ;
– tous les 6 ans, que l’entretien professionnel ci-dessus fasse un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié, afin de s’assurer que le salarié a suivi au moins une formation, qu’il a acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience, et qu’il a bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle ; cet état des lieux donne lieu également à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié ;
– que, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, si le salarié n’a pas, au cours de ces 6 années, bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation autre que celle mentionnée à l’article L 6321-2, son CPF est abondé dans les conditions définies à l’article L 6323-13.
L’article L 6323-13 prévoit que, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, si le salarié n’a pas, au cours de ces 6 années, bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation autre que celle mentionnée à l’article L 6321-2, un abondement est inscrit au CPF dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat. En vertu de l’article R 6323-3, l’abondement est fixé à 3.000 €.
Avant l’entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018, les articles L 6315-1 et L 6323-13 prévoyaient que le CPF était abondé si le salarié n’avait pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins 2 des 3 mesures (formation, acquisition d’éléments de certification et progression salariale). Après l’entrée en vigueur de cette loi, et jusqu’au 30 septembre 2021, l’employeur avait un droit d’option entre la règle issue de la loi du 5 septembre 2018 et la règle issue de la loi du 5 mars 2014.
Il résulte des articles L 6313-1 et L 6313-3 que les actions concourant au développement des compétences qui entrent dans le champ des dispositions relatives à la formation professionnelle sont notamment les actions de formation favorisant l’adaptation du travailleur à son poste de travail et à l’évolution des emplois, à son maintien dans l’emploi et au développement de ses compétences.
L’article L 6321-2 vise la formation conditionnant l’exercice d’une activité ou d’une fonction en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires.
Ainsi, seules les actions rendues obligatoires par un texte de référence tel que prévu par l’article L 6321-2 sont concernées par l’exclusion ; les formations imposées par l’employeur ou inscrites dans le plan de développement des compétences, notamment celles favorisant l’adaptation au poste de travail, mais qui ne sont pas rendues obligatoires par un texte de référence, sont prises en compte.
Les salariés embauchés avant l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014 doivent avoir passé leur premier entretien professionnel avant le 7 mars 2016 et leur second entretien professionnel avant le 7 mars 2018.
Toutefois, des ordonnances ont été prises dans le cadre de la crise sanitaire :
– l’ordonnance du 1er avril 2020 a, concernant les entretiens-bilans des 6 ans qui devaient intervenir en 2020, reporté l’échéance au 31 décembre 2020 ;
– l’ordonnance du 2 décembre 2020 a prévu un nouveau report pour les entretiens-bilans des 6 ans, au 30 juin 2021, et le même report pour les entretiens des 2 ans ; elle a également reporté la sanction de l’abondement correctif au 30 septembre 2021.
En l’espèce, la SAS La Plateforme qui emploie au moins 50 salariés se place sur le terrain de la loi du 5 septembre 2018.
M. [F], embauché le 13 août 2007, devait bénéficier :
– d’un entretien biennal avant le 7 mars 2016 ;
– d’un nouvel entretien biennal avant le 7 mars 2018 ;
– d’un entretien-bilan des 6 ans avant le 1er juillet 2021.
La SAS La Plateforme produit les pièces suivantes :
– des comptes-rendus d’entretien d’évaluation et de progrès des 3 octobre 2017, 28 mars 2019, 21 août 2020, 3 octobre 2017, 10 mars 2021, 23 juin 2022, 9 janvier 2023, 21 novembre 2023, 4 avril 2024, 26 août 2024, ainsi que des comptes-rendus d’entretiens d’évaluation et de progrès sans mention des années concernées ;
– des comptes-rendus d’entretiens de ‘synthèse annuelle des évaluations et rémunérations’, datés de septembre 2019, du 8 août 2022 et du ’21 août’ ;
– un document intitulé ‘votre entretien-bilan à 6 ans 2014-2020’ mentionnant la situation de M. [F] en 2020, son évolution professionnelle et salariale depuis 2014, ses années d’entretiens professionnels, et son parcours de formation ; M. [F] a signé le document le 9 novembre 2020 en indiquant n’avoir eu jusqu’alors aucun entretien professionnel relatif à sa formation ;
– des comptes-rendus d’entretiens professionnels et de projet de développement individuel des 10 mars 2021, 8 août et 4 octobre 2022 ;
– l’historique de formation de M. [F] entre novembre 2007 et juin 2022, dont celles sur la période 2014-2020 :
* conseiller pour vendre la couverture du 26 au 28 mars 2014 ;
* la rénovation d’une pièce sèche dans le cadre de la réglementation thermique du 29 février au 2 mars 2016 ;
* prise de cotes, pose de fenêtre et chiffrage sur Giga devis : formation prévue en mai et novembre 2020, annulée ;
* le bon service au bon moment du 30 décembre 2020.
M. [F] estime que :
– ni les entretiens d’évaluation et de progrès, ni les entretiens de synthèse annuelle des évaluations et rémunérations, ne constituent les entretiens professionnels obligatoires ;
– aucun entretien n’a eu lieu à l’occasion du bilan des 6 ans, M. [F] ayant simplement reçu et signé le document ;
– les formations listées auxquelles il a participé n’ont pas à être prises en compte car il s’agit de formations obligatoires liées à la sécurité, notamment après un changement de service au sens de l’article R 4141-15.
Or, il résulte des articles L 6315-1 et L 6323-13 et du mot ‘et’ (et non pas ‘ou’), que les conditions de l’abondement correctif sont cumulatives : le salarié ne doit avoir bénéficié ni des trois entretiens, ni d’une formation non obligatoire, et il ne suffit pas qu’il n’ait pas bénéficié des 3 entretiens, ou bien qu’il n’ait pas bénéficié d’une formation non obligatoire.
Certes, les entretiens d’évaluation et de progrès, qui faisaient chaque trimestre le bilan de la qualité du travail du salarié et ne portaient pas sur les perspectives d’évolution professionnelle, ne peuvent pas être assimilés aux entretiens professionnels tels que prévus par l’article L 6315-1 ; il en est de même pour les entretiens de synthèse annuelle des évaluations et rémunérations ; ainsi, sur la période jusqu’au 30 juin 2021, la société justifie d’un seul entretien professionnel et de projet de développement individuel du 10 mars 2021 de sorte qu’il n’est pas justifié des 3 entretiens, sans même qu’il soit utile d’examiner la question de la réalité de la tenue de l’entretien-bilan des 6 ans.
En revanche, M. [F] a bien bénéficié d’au moins une formation non obligatoire sur la période 2014-2020. En effet, toutes les formations effectuées n’étaient pas obligatoires comme conditionnant l’exercice des fonctions au sens de l’article L 6321-2, par exemple les formations ‘conseiller pour vendre la couverture’ du 26 au 28 mars 2014 et ‘le bon service au bon moment’ du 30 décembre 2020 qui étaient de simples formations d’adaptation à l’emploi.
Ainsi, la société a bien rempli ses obligations en matière de formation, mais non en matière d’entretiens professionnels, contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes ; il demeure que le seul non-respect de l’obligation relative aux entretiens professionnels ne générait pas l’obligation d’abondement.
Il en résulte que la SAS La Plateforme n’avait pas à abonder le CPF du salarié au titre des années 2014 à 2020 et le salarié sera débouté de sa demande de ce chef.
S’agissant des années postérieures (2021 à 2024), M. [F] ne peut pas davantage réclamer un abondement annuel de 3.000 € dans la mesure où la nouvelle période de 6 ans n’est pas échue.
Enfin, M. [F] ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait du manquement de l’employeur à son obligation d’organiser régulièrement des entretiens professionnels, et il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 1.000 € par an à compter de l’année 2014.
Le jugement sera confirmé sur le débouté de ces diverses demandes.
2 – Sur les temps d’habillage et déshabillage :
L’article L 3121-3 du code du travail dispose que le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail, fait l’objet de contreparties ; ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.
L’article L 3121-7 ajoute qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche, prévoit soit d’accorder des contreparties aux temps d’habillage et de déshabillage soit d’assimiler ces temps à un temps de travail effectif.
Pour pouvoir prétendre à une contrepartie, le salarié doit démontrer que sont réunies les deux conditions cumulatives : d’une part, l’obligation de porter une tenue de travail, et, d’autre part, l’obligation de s’habiller et se déshabiller dans l’entreprise ou sur le lieu de travail.
En l’espèce, M. [F] affirme que les salariés avaient l’obligation de porter une tenue de travail et de se changer dans les vestiaires de l’entreprise, et ajoute que, ni la convention collective nationale ni les accords d’entreprise ne prévoyant une contrepartie, il est dû une contrepartie correspondant au salaire. Il sollicite des dommages et intérêts de 2.832,59 € calculés sur la base d’un temps journalier de 10 minutes consacré à l’habillage et au déshabillage, d’un salaire horaire majoré de 25 %, et des congés payés de 10 %, sur la période de 3 ans précédant la saisine du conseil de prud’hommes du 30 novembre 2021, ainsi que des dommages et intérêts calculés selon les mêmes bases soit 71,63 € par mois à compter du 1er décembre 2021.
Le règlement intérieur de la SAS La Plateforme, que ce soit en sa version applicable antérieurement au 18 octobre 2021 ou en sa version applicable à compter du 18 octobre 2021, prévoit que :
– la direction met à disposition une tenue de travail, renouvelée selon les nécessités et conformément à la procédure interne relative à la dotation des vêtements de travail (article 21) ;
– tout membre du personnel a la stricte obligation d’utiliser, selon les consignes particulières prises à cet effet, les moyens de protection individuels (en particulier : gants, chaussures de sécurité, bottes, vêtements chauds, lunettes etc) ou collectifs mis à sa disposition (article 7) ;
– des armoires individuelles munies de serrures sont mises à disposition de chaque salarié pour y déposer ses vêtements et objets personnels, et que les effets personnels doivent impérativement être déposés dans les vestiaires (article 4).
La procédure interne de la SAS La Plateforme prévoit une dotation, pour chaque salarié, de vêtements aux couleurs de la société (suivant les besoins et le service d’affectation : gilet polaire, gilet sans manches, parka, pantalons, chemises, tee-shirts) et de chaussures de sécurité.
La SAS La Plateforme ne conteste nullement que M. [F] a l’obligation de porter des vêtements de travail et chaussures de sécurité fournis par l’entreprise. Seule est en discussion l’obligation de s’habiller et se déshabiller sur le lieu de travail.
M. [F] affirme que cette dernière obligation existait puisque des vestiaires et armoires étaient mis à disposition des salariés et que d’ailleurs la CGT a revendiqué le paiement comme du temps de travail des temps d’habillage et déshabillage (cf courrier de revendication et compte-rendu). Il produit les attestations de MM. [S], [G], [W] et [M], anciens salariés, disant qu’ils devaient revêtir leur tenue de travail et leurs équipements de protection individuels dans les vestiaires ce qui nécessitait 10 minutes par jour pour se changer à la prise de poste et à la fin de la journée de travail.
Toutefois, ni ces salariés ni le règlement intérieur ne disent que les salariés ont l’obligation de laisser leurs vêtements de travail et chaussures de sécurité dans les locaux de l’entreprise, d’arriver le matin et de repartir le soir avec leurs vêtements et chaussures de ville, et de revêtir leurs vêtements de travail et chaussures de sécurité dans les locaux de l’entreprise, la seule mise à disposition de vestiaires et d’armoires ne l’induisant pas. Simplement, si les salariés font le choix d’arriver en tenue et chaussures de ville et de se changer dans les vestiaires de l’entreprise, ils doivent ranger leurs effets personnels dans leurs armoires. D’ailleurs, les salariés perçoivent une indemnité ‘vêtement NS’ de 6 € par mois qui leur permet de financer le nettoyage des vêtements à leur domicile.
M. [F] ne démontrant pas que les salariés ont l’obligation de revêtir et d’ôter leur tenue de travail sur le lieu de travail, il ne peut pas prétendre aux dommages et intérêts sollicités, le jugement étant confirmé de ce chef.
3 – Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le salarié qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles. L’équité commande de laisser à la charge de l’employeur ses propres frais.
La cour,
Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a dit et jugé que la SAS La Plateforme a rempli ses obligations en matière de tenue des entretiens professionnels, ce chef étant infirmé,
Statuant à nouveau sur ce chef,
Dit que la SAS La Plateforme n’a pas respecté ses obligations en matière d’entretiens professionnels sur la période antérieure au 30 juin 2021 mais que ce seul manquement n’ouvre pas droit à abondement,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne M. [B] [F] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. TACHON C. BRISSET
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