Obligations de garantie et suspension des travaux en cas d’impayé

·

·

Obligations de garantie et suspension des travaux en cas d’impayé

Règle de droit applicable

L’article 1799-1 du code civil impose au maître de l’ouvrage de garantir le paiement des sommes dues à l’entrepreneur lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret. En l’absence de cette garantie, l’entrepreneur peut suspendre l’exécution des travaux après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours. Ce texte est d’ordre public, ce qui signifie que les parties ne peuvent y déroger par des conventions particulières (3ème Civ., 1er décembre 2004, pourvoi n°03-13.949, publié au Bulletin).

Conditions d’application

Le maître de l’ouvrage est débiteur de l’obligation de garantie dès la signature du marché (3ème Civ., 9 septembre 2009, pourvoi n°07-21.225, publié au Bulletin). La garantie peut être sollicitée à tout moment, même après la réalisation des travaux, par l’entrepreneur qui n’a pas été payé (3ème Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n°15-19.648, Publié au Bulletin).

Détermination du seuil

Le décret n° 99-658 du 30 juillet 1999 fixe le seuil à 12 000 euros, et les sommes dues s’entendent du prix convenu au titre du marché, déduction faite des arrhes et acomptes versés.

Exception d’inexécution

L’article 1217 du code civil permet à la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté de refuser d’exécuter ou de suspendre l’exécution de sa propre obligation. L’article 1219 précise qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Application au cas d’espèce

Dans le cas présent, la société Owreiz a mis en demeure la société Pravda arkitect de régler une facture, et cette mise en demeure est restée sans effet pendant plus de quinze jours, permettant ainsi à la société Owreiz de se prévaloir des dispositions de l’article 1799-1. La société Pravda arkitect, en tant que maître de l’ouvrage, n’a pas fourni de garantie de paiement, ce qui a permis à l’entrepreneur de suspendre l’exécution des travaux.

Conséquences de l’absence de paiement

L’absence de paiement par la société Pravda arkitect a conduit à la condamnation de celle-ci à verser à la société Owreiz le montant de la facture impayée, conformément aux dispositions du code civil relatives à l’exécution des obligations contractuelles.

L’Essentiel : L’article 1799-1 du code civil impose au maître de l’ouvrage de garantir le paiement des sommes dues à l’entrepreneur lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret. En l’absence de cette garantie, l’entrepreneur peut suspendre l’exécution des travaux après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours. Le maître de l’ouvrage est débiteur de l’obligation de garantie dès la signature du marché. La garantie peut être sollicitée à tout moment, même après la réalisation des travaux.
Résumé de l’affaire : Le 18 juin 2019, un contrat a été conclu entre un maître d’ouvrage et un entrepreneur pour des travaux de chemisage de conduits de cheminée dans une résidence. Après le versement de plusieurs acomptes, l’entrepreneur a émis une facture de 12 000 euros TTC le 30 juillet 2019, que le maître d’ouvrage a refusé de régler en raison de retards et de malfaçons. En réponse, l’entrepreneur a mis en demeure le maître d’ouvrage par courrier recommandé le 1er août 2019, mais sans succès.

Le 10 novembre 2019, l’entrepreneur a assigné le maître d’ouvrage en référé pour obtenir un paiement provisionnel de 12 000 euros. Cependant, le tribunal de commerce de Paris a débouté l’entrepreneur le 18 juin 2020. Par la suite, le 23 septembre 2020, l’entrepreneur a de nouveau assigné le maître d’ouvrage en paiement au fond. Le jugement du 1er octobre 2021 a condamné le maître d’ouvrage à verser 10 080 euros TTC à l’entrepreneur, ainsi que 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en ordonnant l’exécution provisoire.

Le maître d’ouvrage a interjeté appel le 22 octobre 2021, demandant la réformation du jugement et la résiliation du contrat aux torts de l’entrepreneur, tout en réclamant des dommages et intérêts. L’entrepreneur, en réponse, a demandé la confirmation du jugement initial et des frais supplémentaires.

La cour a examiné les arguments des deux parties, notamment l’application de l’article 1799-1 du code civil, qui impose une garantie de paiement au maître d’ouvrage. La cour a conclu que l’entrepreneur avait le droit de suspendre les travaux en raison de l’absence de paiement et a rejeté les demandes de résiliation du contrat et de dommages-intérêts formulées par le maître d’ouvrage. Le jugement a été confirmé, et le maître d’ouvrage a été condamné aux dépens et à payer des frais irrépétibles à l’entrepreneur.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la mise en demeure de l’entrepreneur ?

La mise en demeure de l’entrepreneur est fondée sur les dispositions de l’article 1799-1 du code civil. Cet article stipule que le maître de l’ouvrage doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret.

Lorsque le maître de l’ouvrage ne fournit pas de garantie de paiement, l’entrepreneur peut suspendre l’exécution du contrat après une mise en demeure restée sans effet pendant un délai de quinze jours.

Il est précisé que cette mise en demeure a été effectuée par la société Owreiz le 1er août 2019, et qu’elle est restée sans réponse, permettant ainsi à l’entrepreneur de se prévaloir de l’article 1799-1 pour suspendre les travaux.

Quel est le rôle de l’article 1217 du code civil dans cette affaire ?

L’article 1217 du code civil énonce que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation.

Dans le cas présent, la société Owreiz, en raison du non-paiement de la facture n° 3 par la société Pravda arkitect, a pu invoquer cette disposition pour justifier la suspension des travaux.

Cet article permet également de provoquer la résolution du contrat ou de demander réparation des conséquences de l’inexécution, ce qui est pertinent dans le cadre de la contestation des obligations contractuelles entre les parties.

Quel est l’impact de l’absence de garantie de paiement sur les obligations des parties ?

L’absence de garantie de paiement a un impact significatif sur les obligations des parties, comme le stipule l’article 1799-1 du code civil.

Cet article précise que tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur demeure impayé, celui-ci peut surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure.

Dans cette affaire, la société Pravda arkitect n’a pas fourni de garantie de paiement, ce qui a permis à la société Owreiz de suspendre les travaux et de revendiquer le paiement des sommes dues.

Quel est le fondement de la demande reconventionnelle de l’acheteur ?

La demande reconventionnelle de l’acheteur repose sur l’article 1219 du code civil, qui permet à une partie de refuser d’exécuter son obligation si l’autre partie n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

La société Pravda arkitect soutient que l’entrepreneur a commis des fautes dans l’exécution du marché, justifiant ainsi sa demande de résiliation du contrat.

Cependant, la cour a constaté que les éléments fournis par l’acheteur ne démontraient pas de manquement de la part de l’entrepreneur, ce qui a conduit à rejeter la demande reconventionnelle.

Quel est le rôle de l’article 700 du code de procédure civile dans cette décision ?

L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais irrépétibles engagés dans le cadre d’une procédure.

Dans cette affaire, la société Owreiz a demandé le paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de cet article, en raison des frais engagés pour défendre ses droits.

La cour a accordé cette demande, condamnant la société Pravda arkitect à verser cette somme, ce qui souligne l’importance de cet article dans le cadre des litiges commerciaux.

Quel est le principe de l’exécution provisoire dans ce jugement ?

L’exécution provisoire est ordonnée par le tribunal pour permettre à la partie gagnante de bénéficier rapidement de la décision rendue, même en cas d’appel.

Dans ce jugement, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire, ce qui signifie que la société Pravda arkitect devait s’acquitter des sommes dues à la société Owreiz immédiatement, malgré l’appel interjeté.

Ce principe est essentiel pour garantir l’efficacité des décisions judiciaires et éviter que la partie gagnante ne soit lésée par des délais d’appel prolongés.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 5

ARRET DU 12 MARS 2025

(n° /2025, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18478 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERCT

Décision déférée à la Cour : jugement du 01 octobre 2021 -tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2020040522

APPELANTE

S.A.R.L. PRAVDA ARCHITECT prise en la personne de son représentant légal, domcilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Corinne HAREL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1103

INTIMEE

S.A.R.L. OWREIZ – LES COMPAGNONS D’OVRAIGNE prise en la personne de son représentant légal, domcilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Corinne ARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0549

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Emmanuel BOUTIE, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

Greffier, lors des débats : M. Alexandre DARJ

ARRET :

– contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Manon CARON,greffière présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 18 juin 2019, la société Pravda arkitect a accepté un devis de la société Owreiz – Les compagnons d’Ovraigne (la société Owreiz) pour la réalisation de différents travaux de chemisage de conduits de cheminée dans une résidence située à [Localité 5] (27).

Différents acomptes ont été réglés à l’entrepreneur.

Le 30 juillet 2019, l’entrepreneur a, au titre de la facture n° 3, réclamé un règlement complémentaire pour un montant de 12 000 euros TTC (10 000 euros HT).

Faisant état de différents désagréments sur le chantier, de retards et de non-finitions et malfaçons, la société Pravda arkitect n’a pas réglé pas le montant de cette facture.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 1er août 2019, la société Owreiz a mis en demeure la société Pravda arkitect de régler la dernière facture.

Le 10 novembre 2019, la société Owreiz a assigné, en référé devant le président du tribunal de commerce de Paris, la société Pravda arkitect aux fins de la voir condamner à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 12 000 euros.

Le 18 juin 2020, le président du tribunal de commerce de Paris a débouté la société Owreiz de l’ensemble de ses demandes.

Le 23 septembre 2020, la société Owreiz a assigné, au fond, la société Pravda arkitect en paiement de la somme de 12 000 euros TTC.

Par jugement du 1er octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

Condamne la société Pravda arkitect à payer à la société Owreiz la somme de 8 400 euros HT soit 10 080 euros TTC, avec intérêts calculés au taux légal à compter de la date de la mise en demeure le 23 septembre 2019,

Condamne la société Pravda arkitect à payer à la société Owreiz la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire,

Rejette les demandes des parties autres, plus amples ou contraires,

Condamne la société Pravda arkitect aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.

Par déclaration en date du 22 octobre 2021, la société Pravda arkitect a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Owreiz.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2021, la société Pravda arkitect demande à la cour de :

Réformer purement et simplement la décision rendue par le tribunal de commerce de Paris le 1er octobre 2021,

En conséquence,

Statuant à nouveau,

Relever que la société Owreiz a renoncé à toute garantie de paiement,

Juger que la société Owreiz a commis une faute dans l’exécution du marché,

Ordonner la résiliation du marché aux torts exclusifs de la société Owreiz,

Débouter purement et simplement le demandeur de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Reconventionnellement,

Condamner la société Owreiz à payer à la société Pravda arkitect la somme de 28 800 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamner la société Owreiz à payer à la société Pravda arkitect la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Harel, conformément aux dispositions de 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2022, la société Owreiz demande à la cour de :

Confirmer le jugement du 1er octobre 2021,

Y ajoutant,

Condamner la société Pravda arkitect au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 28 novembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 11 décembre 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur l’application des dispositions de l’article 1799-1 du code civil

Moyens des parties

La société Pravda arkitect soutient essentiellement que la société Owreiz ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’article 1799-1 du code civil en cours de procédure alors qu’aucun des courriers adressés au maître de l’ouvrage ne vise l’obligation de fournir une garantie de paiement conforme cet article dans le délai de quinze jours.

Elle précise que l’absence de communication d’une garantie de paiement, qui n’avait jamais été sollicitée par l’entrepreneur, ne met pas à néant les obligations réciproques des parties dans l’exécution du marché.

En réplique, la société Owreiz fait valoir que l’article 1799-1 est applicable en l’espèce.

Elle argue que l’article 1799-1 du code civil n’impose pas que l’entrepreneur adresse une mise en demeure de fournir une garantie mais autorise, à défaut de garantie fournie, l’entrepreneur à suspendre le chantier quinze jours après mise en demeure de paiement restée infructueuse ce qui est le cas dans le cadre du présent litige, la mise en demeure de paiement du 1er août 2019 étant restée sans effet pendant plus de quinze jours.

Elle ajoute que la Cour de cassation retient que la garantie de paiement peut être sollicitée à tout moment y compris en fin de chantier si celui-ci n’est pas soldé de sorte que la demande de garantie de paiement était recevable et qu’elle était bien fondée à suspendre le chantier en application de l’article 1799-1 du code civil.

Réponse de la cour

Selon l’article 1799-1 du code civil, le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat. Lorsque le maître de l’ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l’établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l’article 1779 tant que celles-ci n’ont pas reçu le paiement de l’intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l’ouvrage entre les mains de la personne ou d’un mandataire désigné à cet effet. Lorsque le maître de l’ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu’il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d’une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance ou un organisme de garantie collective, selon les modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. Tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l’issue d’un délai de quinze jours. Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas lorsque le maître de l’ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.

Selon le décret n° 99-658 du 30 juillet 1999, le seuil en cause est fixé à 12 000 euros et les sommes dues s’entendent du prix convenu au titre du marché, déduction faite des arrhes et des acomptes versés lors de la conclusion de celui-ci.

L’article 1799-1 étant d’ordre public, les parties ne peuvent y déroger par des conventions particulières (3ème Civ., 1er décembre 2004, pourvoi n°03-13.949, publié au Bulletin).

Le maître de l’ouvrage est débiteur de l’obligation de garantie dès la signature du marché (3ème Civ., 9 septembre 2009, pourvoi n°07-21.225, publié au Bulletin) et la garantie peut être sollicitée à tout moment, même après la réalisation des travaux, par l’entrepreneur qui n’a pas été payé par le maître de l’ouvrage (3ème Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n°15-19.648, Publié au Bulletin).

Au cas d’espèce, suivant devis accepté le 18 juin 2019, la société Pravda arkitect a confié à la société Owreiz la réalisation de divers travaux de chemisage de conduits de cheminée pour un montant total de 40 500 euros HT soit 48 600 euros TTC et les deux premières factures établies les 10 décembre 2018 et 26 juin 2019 ont été acquittées par la société Pravda arkitect pour un montant total de 24 000 euros HT soit 28 000 euros TTC.

Alors que la société Pravda arkitect ne conteste pas avoir conclu ce marché en qualité de maître de l’ouvrage et ne fait pas état du recours à un crédit spécifique ni à un cautionnement, il résulte des éléments du dossier que par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 1er août 2019, la société Owreiz a mis la société Pravda arkitect en demeure de régler la dernière facture du 30 juillet 2019 d’un montant de 10 000 HT soit 12 000 euros TTC.

Alors qu’il n’est pas contesté que cette mise en demeure est restée sans effet à l’issue d’un délai de quinze jours conformément à l’article 1799-1 précité, la société Pravda arkitect ne conteste pas ne pas avoir fourni de garantie de paiement ni lors de la signature du contrat ni lors de son exécution ni avoir réglé le solde des travaux mis à sa charge.

Ainsi, les dispositions de l’article 1799-1 du code civil prévoient la délivrance d’une mise en demeure par l’entrepreneur en cas d’absence de fourniture d’une garantie et de l’existence d’un impayé relatif à l’exécution des travaux, de sorte que la société Owreiz peut valablement se prévaloir de l’application des dispositions de l’article 1799-1 du code civil à son profit et surseoir à l’exécution des travaux.

Sur l’exception d’inexécution

Moyens des parties

La société Pravda arkitect avance que l’entrepreneur a commis des fautes lors de l’exécution du marché, les échanges de courriels et le constat d’huissier dressé le 26 septembre 2019 établissant les malfaçons et non-finitions affectant les travaux réalisés par la société Owreiz.

Elle précise que la société Owreiz n’a pas déféré à la mise en demeure qui lui a été adressée aux fins de terminer les travaux et de reprendre les différents désordres constatés de sorte qu’elle est seule responsable de la résiliation du marché.

En réplique, la société Owreiz fait valoir qu’elle n’a pas été réglée de la situation de travaux n° 3, de sorte qu’elle pouvait invoquer une exception d’inexécution alors qu’elle n’a pas abandonné le chantier.

Elle argue que l’appelante est seule responsable de la suspension du chantier pour défaut de paiement de la situation n° 3.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation,

– poursuivre l’exécution forcée en en nature de l’obligation,

– obtenir une réduction du prix,

– provoquer la résolution du contrat,

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

L’article 1219 du même code dispose qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Au cas d’espèce, deux factures ont été acquittées par la société Pravda arkitect au titre des travaux réalisés par la société Owreiz et il n’est pas contesté que les travaux se sont arrêtés, la 3ème facture établie le 30 juillet 2019 n’ayant pas été réglée par la société Pravda après mise en demeure délivrée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 1er août 2019.

Si la société Pravda arkitect invoque l’existence d’un abandon de chantier par la société Owriez, il résulte des développements précédents que l’entrepreneur a pu valablement se prévaloir des dispositions de l’article 1799-1 du code civil en l’absence de fourniture d’une garantie par le maître de l’ouvrage et la facture du 30 juillet 2019 étant demeurée impayée à l’issue d’un délai de quinze jours après mise en demeure.

Au soutien du moyen tiré de l’exception d’inexécution, la société Pravda arkitect produit aux débats des échanges de courriels intervenus avec la société Owreiz ainsi qu’un procès-verbal de constat établi le 26 septembre 2019.

S’il résulte des constatations réalisées par l’huissier de justice que les cheminées de l’immeuble sont en cours de réfection, s’agissant de la cheminée dans la cuisine, les deux cheminées dans le salon et celle située dans la pièce principale du deuxième étage, force est de constater que ces seuls éléments sont insuffisants à démontrer l’existence d’un manquement de l’entrepreneur dans l’exécution des travaux alors que ces derniers n’ont pas été achevés.

En outre, les seules photographies produites aux débats, non datées, ne permettent pas de caractériser l’existence d’un manquement de la société Owreiz aux règles de l’art.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de la société Pravda arkitect au titre de la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Owreiz et de la condamner à verser à la société Owreiz la somme de 8 400 euros HT soit 10 080 euros TTC au titre de la facture impayée, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

De la même manière, la demande reconventionnelle de la société Pravda arkitect au titre de l’indemnisation du préjudice subi sera rejetée, en l’absence de preuve d’un manquement de la société Owreiz dans la réalisation des travaux, le jugement entrepris étant complété de ce chef.

Sur les frais du procès

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, la société Pravda arkitect, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Owreiz la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Rejette la demande reconventionnelle formée par la société Pravda arkitect ;

Condamne la société Pravda arkitect aux dépens d’appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Pravda arkitect et la condamne à payer à la société Owreiz – Les Compagnons d’Ovraigne la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La greffière, Le président de chambre,


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon