Obligations contractuelles et paiement des créances : enjeux et conséquences

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Obligations contractuelles et paiement des créances : enjeux et conséquences

L’Essentiel : Dans le cadre d’un projet de construction de six maisons et de douze logements à [Localité 3], une société de construction (le Vendeur) a mandaté une entreprise de plomberie (l’Acheteur) pour réaliser des travaux pour un montant initial de 223 518,90 euros. Après ajustements, le montant final s’est élevé à 211 102,02 euros. La réception des travaux a eu lieu le 2 février 2022. L’Acheteur a constaté un impayé de 43 668,09 euros et a assigné le Vendeur devant le tribunal judiciaire, réclamant le paiement du solde et d’une retenue de garantie. Le tribunal a statué en faveur de l’Acheteur.

Contexte de l’affaire

Dans le cadre d’un projet de construction de six maisons et de douze logements à [Localité 3], une société de construction (la SCCV) a mandaté une entreprise de plomberie (la société CF2C) pour réaliser des travaux de plomberie, de chauffage et de ventilation, pour un montant initial de 223 518,90 euros. Ce montant a été ajusté par des ordres de services, le montant final du marché s’élevant à 211 102,02 euros. La réception des travaux a eu lieu le 2 février 2022, avec des réserves levées le 14 juin 2022.

Litige sur le paiement

La société CF2C a constaté un impayé de 43 668,09 euros et a mis en demeure la SCCV par courrier recommandé le 28 septembre 2022. Un paiement partiel de 23 628,09 euros a été effectué le 18 novembre 2022. Par la suite, la société CF2C a demandé la libération d’une retenue de garantie de 10 555,10 euros, sans succès. En conséquence, la société CF2C a assigné la SCCV devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 9 mars 2023, réclamant le paiement du solde du marché et de la retenue de garantie.

Demandes des parties

Dans ses conclusions du 15 mars 2024, la société CF2C a demandé la condamnation de la SCCV à lui verser 17 555,10 euros, ainsi que 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3 500 euros pour frais irrépétibles. De son côté, la SCCV a demandé des délais de paiement et a contesté les frais irrépétibles dans ses conclusions du 17 mai 2024.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué en faveur de la société CF2C, condamnant la SCCV à lui verser 17 555,10 euros, avec des intérêts au taux légal majoré à compter de la mise en demeure. La demande de dommages et intérêts pour résistance abusive a été rejetée, la société CF2C n’ayant pas prouvé le préjudice subi. La demande de délai de paiement formulée par la SCCV a également été rejetée, le tribunal considérant que la SCCV avait déjà bénéficié de délais suffisants et que sa situation financière ne justifiait pas un report supplémentaire.

Condamnation aux dépens

Enfin, la SCCV, perdante dans cette affaire, a été condamnée à payer les dépens, ainsi qu’une somme de 2 500 euros à la société CF2C au titre des frais irrépétibles. Le tribunal a ainsi tranché en faveur de la société CF2C, confirmant ses droits à être payée pour les travaux réalisés.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la demande en paiement formée par la société CF2C

L’article 1103 du code civil stipule que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Dans cette affaire, il est établi que le marché entre la société CF2C, en tant que prestataire, et la SCCV, en tant que maître d’ouvrage, était d’un montant de 211 102,02 euros.

Les ordres de services et les factures fournies par la société CF2C montrent que la SCCV devait encore 43 668,09 euros, en plus d’une retenue de garantie de 10 555,10 euros, à la date de la mise en demeure du 28 septembre 2022.

La société CF2C a reçu des paiements partiels, mais la SCCV n’a pas prouvé avoir effectué d’autres paiements.

Ainsi, la créance de la société CF2C s’élève à 17 555,10 euros, et la SCCV est condamnée à payer cette somme, avec des intérêts au taux légal majoré de 7 points, conformément à l’article 11.2.4 du contrat, à compter de la mise en demeure.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

L’article 1231-6 du Code civil précise que « le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire ».

Dans cette situation, la société CF2C n’a pas démontré le préjudice subi en raison du retard de paiement.

Elle n’a pas non plus expliqué comment ce préjudice ne serait pas suffisamment réparé par les intérêts moratoires stipulés dans le contrat.

Par conséquent, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive est rejetée.

Sur la demande de délai de paiement formée par la SCCV

L’article 1343-5 du Code civil dispose que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ».

La SCCV a justifié sa demande de délai de paiement par des difficultés financières liées à la non-vente d’un appartement.

Cependant, elle a déjà effectué un paiement partiel de 13 000 euros et a bénéficié de délais précédents.

De plus, la société CF2C a démontré que la SCCV avait des liens avec la société GC Immo, qui est bénéficiaire.

Ainsi, la demande de report de paiement est rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante, en l’occurrence la SCCV, est condamnée aux dépens.

Les frais de sommation ne sont pas inclus dans les dépens, car ils ne figurent pas dans la liste limitative de l’article 695 du code de procédure civile.

Ces frais sont considérés comme des frais irrépétibles.

La SCCV, étant condamnée aux dépens, devra verser à la société CF2C la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

GB/CT

Jugement N°
du 22 NOVEMBRE 2024

AFFAIRE N° :
N° RG 23/01091 – N° Portalis DBZ5-W-B7H-I6KM / Ch1c1
DU RÔLE GÉNÉRAL

S.A.S. CF2C CHASTANG

Contre :

SCCV LE CLOS DE NOELINE

Grosse : le

la SELARL AUVERJURIS
la SELARL AVK ASSOCIES

Copies électroniques :

la SELARL AUVERJURIS
la SELARL AVK ASSOCIES

Copie dossier

la SELARL AUVERJURIS
la SELARL AVK ASSOCIES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CLERMONT-FERRAND

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE,

dans le litige opposant :

S.A.S. CF2C CHASTANG
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Me Dominique VAGNE de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

DEMANDERESSE

ET :

SCCV LE CLOS DE NOELINE
GC IMMO
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Charles-Philippe GROS de la SELARL AVK ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

DEFENDERESSE

LE TRIBUNAL,
composé de :

Madame Géraldine BRUN, Vice-Présidente,

assistée lors de l’appel des causes et du délibéré de Madame Charlotte TRIBOUT, Greffier.

Après avoir entendu, en audience publique du 24 Septembre 2024 les avocats en leurs plaidoiries et les avoir avisés que le jugement sera rendu ce jour par mise à disposition au greffe, le tribunal prononce le jugement suivant :

EXPOSE DU LITIGE

En vue de la construction de six maisons et 12 logements à [Localité 3], la SCCV Le Clos de Noeline (la SCCV) a confié à la société CF2C Chastang (la société CF2C) le lot plomberie sanitaire VMC chauffage gaz pour un montant de 223 518,90 euros.

Des ordres de services ont porté le montant du marché à la somme de 211 102,02 euros.

La réception des ouvrages a été prononcée le 2 février 2022 avec réserves levées le 14 juin 2022.

Se plaignant de l’absence de règlement du solde dû pour un montant de 43 668,09 euros, la société CF2C mettait en demeure, par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 septembre 2022 la SCCV de régler cette somme.

Un règlement partiel de 23 628,09 euros est intervenu le 18 novembre 2022.

Par courrier recommandé du 21 février 2023, la société CF2C demandait, en vain, à la SCCV la libération de la retenue de garantie d’un montant de 10 555,10 euros.

Procédure

C’est dans ces conditions que, par acte du 9 mars 2023, la société CF2C a assigné la SCCV devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand aux fins de la voir condamner à payer le solde du marché à hauteur de 20 000 euros outre 10 555,10 euros au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal majoré.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2024.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières conclusions du 15 mars 2024, la société CF2C sollicite :
– la condamnation de la SCCV à lui payer les sommes de :
> 17 555,10 euros au titre du solde de son marché et des retenues de garantie, avec intérêts au taux légal majoré de 7 points à compter de la mise en demeure du 28 septembre 2022 ;
> 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
> 3 500 euros au titre de ses frais irrépétibles,
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,
– le rejet des demandes de la SCCV formées à son encontre,
– la condamnation de la SCCV aux dépens comprenant le coût de la sommation de payer.

Par dernières conclusions du 17 mai 2024, la SCCV demande que lui soit accordé des délais de paiements outre le rejet de la demande de frais irrépétibles.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement formé par la société CF2C

L’article 1103 du code civil énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, il ressort des ordres de services versés au débat que le marché liant les parties était d’un montant de 211 102,02 euros (pièce 2 demandeur). Neuf situations de facturation ont été transmises par la société CF2C à la société SCCV correspondant au montant du marché et laissant apparaître la retenue de garantie prévu au contrat. Il ressort du décompte transmis par la société CF2C à la société SCCV le 28 septembre 2022 par lettre recommandée avec accusé de réception qu’à cette date, cette dernière restait devoir les sommes de 43 668,09 euros outre 10 555,10 euros de retenue de garantie.

La société CF2C démontre que des règlements partiels lui sont parvenus le 18 novembre 2022 à hauteur de 23 668,09 euros (pièce 9 demandeur) puis, le 17 mai 2023 à hauteur de 13 000 euros. La société SCCV ne démontre pas avoir effectué d’autre règlement en exécution de ses obligations à paiement.

Dès lors, la créance de la société CF2C s’élève à la somme de 17 555,10 euros.

En conséquence, il convient de condamner la SCCV à payer à la société CF2C la somme de 17.555,10 euros, avec intérêts au taux légal majoré de 7 points, conformément à l’article 11.2.4 du contrat liant les parties, ce à compter du 28 septembre 2022, date de la mise en demeure.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

En application de l’article 1231-6 du Code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

En l’espèce, la société CF2C n’explique pas le préjudice subi du fait de ce retard de paiement, ni n’indique de quelle façon il ne serait pas suffisamment réparé par les intérêts moratoires stipulés au contrat la liant à la SCCV.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sera rejetée.

Sur la demande de délai de paiement formée par la SCCV

L’article 1343-5 du Code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

En l’espèce, la SCCV explique n’avoir pu régler le solde du marché de la société CF2C en raison d’un appartement réservé finalement non vendu. Elle produit ainsi des courriels de décembre 2022 retraçant la non réalisation d’une vente d’un appartement du projet immobilier construit. Elle a pourtant versé, en mai 2023, la somme de 13 000 euros en règlement partiel de sa dette. De plus, elle a déjà bénéficié de larges délais pour régler sa dette. De plus, ainsi que le démontre la société CF2C, la SCCV a pour actionnaire la société GC Immo, les deux sociétés ayant les mêmes dirigeants et actionnaires et le même siège social. D’ailleurs, il ressort des pièces versées au débat que la société CF2C s’adressait, en vue du règlement de sa dette, à la société GC Immo et non à la SCCV le 14 septembre 2022 (pièce 5 demandeur), de même que le potentiel acquéreur du dernier appartement réservé n’ayant pas obtenu son financement (pièce 1 défendeur). Il est enfin démontré que le dernière bilan déposé par la société GC Immo révèle un résultat bénéficiaire (pièce 16 demandeur).

Compte tenu de ces éléments, il convient de rejeter la demande de report du paiement de la dette d’un an.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SCCV, qui perd le procès, sera condamnée aux dépens.

Les frais de sommation ne sont pas compris dans les dépens puisque ne faisant pas partie de la liste limitative de ceux-ci prévue à l’article 695 du code de procédure civile. Ces frais sont compris dans les frais irrépétibles.

La SCCV, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à la société CF2C la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

CONDAMNE la SCCV LE CLOS DE NOELINE à payer à la SAS CF2C CHASTANG la somme de 17.555,10 euros, avec intérêts au taux légal majoré de 7 points à compter du 28 septembre 2022 ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

REJETTE la demande de délai de paiement formée par la SCCV LE CLOS DE NOELINE,

CONDAMNE la SCCV LE CLOS DE NOELINE à payer à la SAS CF2C CHASTANG la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCCV LE CLOS DE NOELINE aux dépens.

Le Greffier Le Président


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