Obligations du bailleur en matière de logement décentLe bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent, conformément aux alinéas 1er et 2ème de l’article 6 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, modifiée par la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021. Cette obligation implique que le logement ne doit pas présenter de risques manifestes pour la sécurité physique ou la santé des occupants, être exempt d’infestations nuisibles, et répondre à un niveau de performance minimal défini par le décret en Conseil d’État. Les caractéristiques d’un logement décent sont précisées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, qui énonce que le gros œuvre doit être en bon état, que les matériaux de construction ne doivent pas présenter de risques pour la santé, et que les installations électriques et de plomberie doivent être conformes aux normes de sécurité. Indécence du logement et préjudice de jouissanceL’indécence d’un logement ne peut être appréciée uniquement sur la base des normes techniques, mais doit également tenir compte de la dangerosité ou de l’état de dysfonctionnement des équipements. La Cour d’appel de Paris a précisé que l’indécence se caractérise par des éléments qui rendent l’usage du logement impossible ou dangereux (Cour d’appel de Paris, 14/10/2010, RG N° 1108000707). Dans le cas présent, les désordres tels que l’humidité dans la cave, les problèmes d’évacuation des eaux, et l’installation électrique défectueuse ont été retenus comme éléments constitutifs d’indécence, justifiant ainsi l’allocation de dommages et intérêts pour trouble dans la jouissance du logement. Obligation de délivrance et réparation des désordresL’article 6 alinéa 3 de la Loi n° 89-462 impose au bailleur de délivrer un logement en bon état d’usage et de réparation, ainsi que d’assurer la jouissance paisible du logement. Le bailleur doit également effectuer toutes les réparations nécessaires, autres que locatives, pour maintenir le logement en état d’usage. En l’espèce, le bailleur a été reconnu défaillant dans ses obligations d’entretien, ce qui a conduit à la condamnation à verser des dommages et intérêts au locataire pour le préjudice de jouissance subi. Compensation des créances entre bailleur et locataireL’article 20-1 de la Loi n° 89-462 permet au locataire de demander la mise en conformité du logement si celui-ci ne satisfait pas aux exigences de décence. En cas de non-respect de cette obligation par le bailleur, le locataire peut demander une réduction du loyer ou suspendre son paiement jusqu’à l’exécution des travaux nécessaires. Dans cette affaire, le locataire a été condamné à payer des arriérés locatifs, mais cette dette a été compensée avec les dommages et intérêts dus par le bailleur, conformément aux principes de compensation des créances. Frais de justice et dépensLes articles 696 et 700 du Code de procédure civile stipulent que la partie perdante doit supporter les dépens et, sauf considération d’équité, les frais irrépétibles de procédure exposés par l’autre partie. Dans cette affaire, le bailleur a été condamné à payer les dépens et les frais irrépétibles de procédure, en raison de sa défaillance dans l’exécution de ses obligations. |
L’Essentiel : Le bailleur doit remettre un logement décent, exempt de risques pour la sécurité et la santé des occupants, conformément à la Loi n° 89-462. Les caractéristiques d’un logement décent incluent un gros œuvre en bon état et des installations conformes aux normes de sécurité. L’indécence se caractérise par des éléments rendant l’usage du logement dangereux. Le bailleur est également tenu d’assurer la jouissance paisible du logement et de réaliser les réparations nécessaires, sous peine de dommages et intérêts pour le locataire.
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Résumé de l’affaire : Un propriétaire d’immeuble a conclu un bail d’habitation avec un locataire en mars 2013, moyennant un loyer mensuel de 600 euros. En janvier 2016, le locataire a signalé divers désordres dans le logement, qu’il considérait indécents. En juin 2021, il a assigné le propriétaire devant le Tribunal de proximité pour obtenir une expertise judiciaire, qui a été ordonnée en novembre 2021. L’expert a remis son rapport en mai 2022, et le locataire a saisi le juge des contentieux de la protection en décembre 2022, demandant des dommages et intérêts, la réalisation de travaux, et la suspension du paiement des loyers.
Le tribunal a rendu un jugement en mars 2024, constatant l’indécence du logement et ordonnant au propriétaire d’effectuer des travaux dans un délai de trois mois. Il a également condamné le propriétaire à verser 16 800 euros au locataire pour préjudice de jouissance, tout en déboutant le propriétaire de sa demande d’expulsion et de dommages et intérêts. Le locataire a été condamné à payer un arriéré locatif de 4 336,30 euros. Le propriétaire a interjeté appel en mai 2024, contestant la décision sur plusieurs points, notamment l’indécence du logement et le montant des dommages et intérêts. En réponse, le locataire a demandé la confirmation du jugement et a ajouté des demandes d’indemnisation pour préjudice de jouissance. La cour a examiné les arguments des deux parties, notamment sur l’état du logement et les obligations du bailleur. Elle a confirmé que le logement présentait des éléments d’indécence, mais a réduit le montant des dommages et intérêts à 13 200 euros. L’astreinte pour les travaux a été maintenue, et le locataire a été condamné à payer l’arriéré locatif. La cour a également rejeté la demande de résiliation du bail et d’expulsion du locataire, considérant que les manquements du locataire n’étaient pas suffisamment graves. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique concernant l’indécence d’un logement loué ?L’indécence d’un logement est régie par l’article 6 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, modifiée par la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021. Cet article stipule que : « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un niveau de performance minimal au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. » Les caractéristiques du logement décent sont définies par décret, et le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 précise que tout logement mis en location doit répondre à des critères spécifiques, tels que : – Le gros œuvre en bon état d’entretien et de solidité. Ainsi, l’indécence d’un logement ne peut être appréciée uniquement sur la base des normes techniques, mais doit également tenir compte de la dangerosité ou de l’état de dysfonctionnement des équipements. Quel est le rôle de l’expert judiciaire dans l’évaluation de l’indécence d’un logement ?L’expert judiciaire a pour mission d’évaluer l’état du logement et de déterminer si celui-ci répond aux critères de décence. Selon les articles 237 et 238 du code de procédure civile, l’expert doit fonder ses conclusions sur ses propres observations ou celles d’un sapiteur. Dans l’affaire en question, l’expert a relevé plusieurs désordres, notamment une installation électrique défectueuse et des problèmes d’humidité. Cependant, la cour a noté que l’expert n’avait pas toujours établi ses constatations sur ses propres observations, ce qui a conduit à une remise en question de la validité de son rapport. Il est essentiel que l’expert puisse justifier ses conclusions par des éléments tangibles et vérifiables, car cela conditionne la reconnaissance de l’indécence du logement par le tribunal. Quel est le fondement juridique des obligations du bailleur en matière d’entretien du logement ?Les obligations du bailleur sont principalement énoncées dans l’article 6 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Cet article impose au bailleur de : – Délivrer au locataire un logement en bon état d’usage et de réparation. Ces obligations sont renforcées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, qui précise les critères de décence. En cas de manquement à ces obligations, le locataire peut demander des réparations ou des dommages et intérêts. Dans le cas présent, le bailleur a été jugé défaillant dans son obligation d’entretien, ce qui a conduit à la reconnaissance d’un préjudice de jouissance pour le locataire. Quel est le régime des dommages et intérêts en cas de préjudice de jouissance ?Le régime des dommages et intérêts en cas de préjudice de jouissance est fondé sur l’article 6 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui stipule que le bailleur doit garantir le locataire des vices ou défauts de nature à faire obstacle à la jouissance paisible du logement. Dans cette affaire, le tribunal a évalué le préjudice de jouissance à un montant correspondant à un tiers du loyer, mais la cour a modifié cette évaluation en considérant que le préjudice devait être réduit à un cinquième du loyer, soit 120 euros par mois, à partir de la date à laquelle le locataire a signalé les désordres. Cette évaluation tient compte des travaux réalisés et de la persistance des désordres, et le montant total des dommages et intérêts a été fixé à 13 200 euros. Quel est le cadre juridique de l’astreinte en cas de non-exécution des travaux ?L’astreinte est régie par l’article 1er du code de procédure civile, qui permet au juge d’ordonner une astreinte pour garantir l’exécution d’une obligation. Dans le cas présent, le tribunal a ordonné à bailleur de réaliser des travaux sous astreinte de 100 euros par infraction constatée pendant quatre mois. Cette mesure vise à inciter le bailleur à respecter ses obligations d’entretien et à garantir la mise en conformité du logement. L’astreinte est une sanction financière qui s’applique tant que l’obligation n’est pas exécutée, et elle peut être liquidée par le juge de l’exécution. La cour a confirmé cette astreinte, mais a précisé que celle-ci ne devait porter que sur les obligations clairement définies par le rapport d’expertise, notamment la mise en étanchéité de la cave et la remise en état des installations sanitaires. |
du 18 mars 2025
R.G : N° RG 24/00739 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPTG
[E]
c/
[V]
BD
Formule exécutoire le :
à :
Me Philippe PONCET
la SELARL JURILAW AVOCATS CONSEILS
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE DE LA FAMILLE ET DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
ARRET DU 18 MARS 2025
APPELANT :
d’un jugement rendu le 08 mars 2024 par le Tribunal de proximité de Sedan
Monsieur [R] [E]
[Adresse 2]
[Localité 3] / Belgique
Représenté par Me Philippe PONCET, avocat au barreau de REIMS
INTIME :
Monsieur [L] [V]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Justine POTIER de la SELARL JURILAW AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau des ARDENNES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. Bertrand DUEZ, président de chambre
Madame Christel MAGNARD, conseiller
Madame Claire HERLET, conseiller
GREFFIER :
Madame Lucie NICLOT, greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 11 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 mars 2025,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025 et signé par M. Bertrand DUEZ, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige,
Monsieur [R] [E] est propriétaire d’un immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 1].
Par acte sous seing privé en date du 8 mars 2013, monsieur [R] [E] a conclu un bail à usage d’habitation avec M. [L] [V] moyennant un loyer de 600€/mois.
Par courrier en date du 4 janvier 2016, M. [L] [V] informait son propriétaire de l’existence de divers désordres dans le logement rendant, selon lui, celui-ci indécent.
Par acte en date du 25 juin 2021 M. [L] [V] a fait assigner M. [R] [E] devant le Tribunal de proximité de Sedan aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Selon décision en date du 10 novembre 2021, le Tribunal a ordonné une expertise judiciaire.
M. [O] [Z], expert désigné, a remis son rapport le 31 mai 2022.
M. [V] a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection sur le fond par acte du 23 décembre 2022, et a réclamé de :
‘ Condamner M. [R] [E] à verser à M. [L] [V] la somme de 16 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,
‘ Enjoindre à M. [R] [E] d’avoir à réaliser les travaux nécessaires pour remédier aux désordres, conformément aux conclusions de l’expert, dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous peine d’astreinte de 100 euros par jour de retard,
‘ Autoriser M. [L] [V] à suspendre le paiement des loyers, avec ou sans consignation, jusqu’à complète exécution des travaux de mise aux normes dont il sera dressé procès-verbal contradictoirement entre le bailleur et le locataire,
‘ Débouter M. [R] [E] de toutes ses demandes,
‘ Condamner M. [R] [E] à verser à M. [L] [V] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner M. [R] [E] en tous les dépens, comprenant notamment les frais d’expertise.
Par jugement du 08 mars 2024 le Tribunal de Proximité de Sedan a :
‘ Constaté le caractère indécent du logement situé [Adresse 4] à [Localité 1], occupé par M. [L] [V] en vertu d’un contrat de bail en date du 8 mars 2013, conclu avec M. [R] [E],
‘ Ordonné à M. [R] [E], dans le délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement, d’effectuer les travaux suivants concernant le logement [Adresse 4] à [Localité 1] :
– remettre en salubrité la cave et remettre en état le sous-sol,
– mettre aux normes l’installation électrique,
– changer le réseau et remettre en conformité l’ensemble sanitaire,
– remettre en état la rive de la toiture afin de la lier au plan de couverture,
– procéder au ravalement de la façade [Adresse 5],
‘ Passe ce Délai : Condamné M. [R] [E] à payer à M. [L] [V] une astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée pendant quatre mois, à faire liquider par le juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de Charleville-Mézières.
‘ Condamné M. [R] [E] à payer à M. [L] [V] la somme de 16 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi pendant son occupation du logement, (1/3 du loyer x 84 mois)
‘ Condamné M. [L] [V] à payer à M. [R] [E] la somme de 4 336,30 euros arrêtée au 05 juin 2023 au titre de l’arriéré locatif, assortie des intérêts au taux légal, à compter de la signification de la présente décision,
‘ Débouté M. [R] [E] de sa demande d’expulsion,
‘ Débouté M. [R] [E] de sa demande de dommages et intérêts,
‘ Condamné M. [R] [E] aux dépens, y compris ceux de référé et les frais d’expertise judiciaire,
‘ Condamné M. [R] [E] à payer à M. [L] [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Le 08 mai 2024, M. [E] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA et déposées à la cour le 22 janvier 2025 M. [E] sollicite, par voie d’infirmation de la décision de :
‘ Voir juger que le logement loué par M. [E] à M. [V] depuis plus de 10 ans ne présente pas un caractère indécent justifiant condamnation de M. [E] à payer à son locataire, à titre de dommages et intérêts une somme de 16 800,00 € correspondant au tiers des loyers perçus pendant la durée courue de la location.
‘ Infirmer le jugement dont appel dans la mesure où il a condamné M. [R] [E] à payer à M. [L] [V] la somme de 16 800,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subit pendant son occupation du logement.
À titre principal de ce chef, juger n’y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de M. [V].
‘ À titre subsidiaire, et si par extraordinaire, la cour devait estimer que M. [E] n’a pas complètement respecté ses obligations de bailleur et que l’octroi de dommages et intérêts au locataire est justifié, voir fixer le montant de ceux-ci à un montant fortement moindre de celui fixé par le jugement déféré.
‘ Infirmer le jugement entrepris du chef de l’astreinte ordonnée à l’encontre de M. [E] et juger n’y avoir lieu à astreinte.
‘ Infirmer dans la mesure utile le jugement entrepris et statuant à nouveau, voir prononcer la résiliation judiciaire du bail conclu entre les parties le 8 mars 2013 aux torts de M. [V] et ordonner l’expulsion de celui-ci et de tout occupant de son chef des lieux loués sis [Adresse 4] [Localité 1], au besoin avec le concours de la force publique.
‘ Condamner M. [V] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle équivalente au montant du loyer et charges par mois, du jour du prononcé de la décision d’expulsion, jusqu’au jour de la libération effective des lieux, tant de son chef que du chef de tout autre occupant.
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [V] au paiement des loyers arriérés sauf à condamner M. [V] au paiement de la somme de 7.635,06 € correspondant au montant actualisé ‘ arrêté au 1 er juillet 2024 ‘ des loyers impayés, ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l’Arrêt à intervenir.
‘ Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné M. [E] aux entiers dépens de première instance y compris ceux de référé et d’expertise.
‘ En équité, juger que lesdits dépens seront partagés entre les parties.
‘ Condamner M. [V] à verser à M. [E] la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Aux termes de ses conclusions signifiées et déposées à la cour le 17 octobre 2024 M. [V] sollicite la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions et, y ajoutant de :
‘ Dire et juger que le préjudice de jouissance, retenu pour un montant de 200 € par mois, sera actualisé jusqu’à complète exécution des travaux.
‘ Condamner M. [R] [E] à payer à M. [L] [V] la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi à compter du mois de février 2023 et jusqu’à complète exécution des travaux à hauteur de 200 € par mois.
‘ Déclarer irrecevable la demande de résiliation judiciaire du bail formulée par M. [R] [E] pour la première fois à hauteur d’appel, ainsi que les demandes subséquentes d’expulsion et d’indemnité d’occupation.
‘ Débouter M. [R] [E] de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires.
‘ Condamner M. [R] [E] à verser à M. [L] [V] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
‘ Condamner M. [R] [V] en tous les dépens.
Vu les conclusions récapitulatives de l’appelant signifiées le 22 janvier 2025 et auxquelles il sera renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions récapitulatives de l’intimé signifiées le 17 octobre 2024 et auxquelles il sera renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Vu la clôture de la procédure prononcée le 04 février 2025.
1/ Sur la fin de non-recevoir de la demande de résiliation du bail et d’expulsion du locataire :
Il ressort des articles 564 et 565 du code de procédure civile que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, sauf pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait nouveau.
Ne sont pas nouvelles les prétentions d’appel qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L’article 566 du même code permet enfin aux parties d’ajouter en appel toutes les prétentions qui sont ‘l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire’ des prétentions soumises au premier juge.
En l’espèce l’exposé du litige de la décision déférée mentionne qu’à l’audience du 08 janvier 2024, tenue devant le premier juge, M. [E] a notamment sollicité reconventionnellement aux prétentions de M. [V] d’ordonner l’expulsion de M. [V] et de tous occupant de son chef et de le condamner à une indemnité d’occupation de 700€/mois jusqu’au jour de la libération effective des lieux.
Dès lors, il apparaît que la demande de résiliation de bail, présentée à titre d’appel incident par M. [V], est la conséquence directe des prétentions reconventionnelles soutenues par le bailleur en première instance et se trouve de ce chef recevable en appel.
Pour la bonne forme son bien fondé sera apprécié à la suite des prétentions relatives à la décence du logement.
2/ Sur l’état d’indécence invoquée quant au logement loué :
Les alinéas 1er et 2ème de l’article 6 de la Loi 89-462 du 06 juillet 1989 modifiée par la Loi 2021-1104 du 22 août 2021 et applicables à tous les baux en cours en vertu des articles 41-1 et 10-1 de la même Loi disposent que :
Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un niveau de performance minimal au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’Etat définit le niveau de performance minimal au sens du même article L. 173-1-1 à respecter et un calendrier de mise en ‘uvre échelonnée.
Les caractéristiques correspondant au logement décent sont définies par décret en Conseil d’Etat pour les locaux à usage de résidence principale ou à usage mixte mentionnés au deuxième alinéa de l’article 2 et les locaux visés aux 1° à 3° du même article, à l’exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des règlements spécifiques.
Les caractéristiques du logement décent sont plus précisément définies par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 qui dispose en ses articles 2-3 et 4 que tout logement mis en location doit répondre aux critères suivants :
Art 2- 1°/ Le gros ‘uvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau.
Art 2-4°/ La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;
Art 2-5°/ Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;
Art 2- 6°/ De dispositifs d’ouverture et d’éventuels dispositifs de ventilation en bon état pour permettre un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité, adaptés aux besoins d’une occupation normale.
Art 3- 3°/ Des installations d’évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ;
Enfin, il est constant que l’indécence d’un élément d’équipement ou d’une installation, au sens de l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, ne peut s’apprécier uniquement en fonction des normes techniques et DTU en vigueur mais doit également relever que l’élément d’équipement ou l’installation en question présentent une dangerosité ou un état de dysfonctionnement tel qu’ils en interdisent l’usage. (Cour d’appel de Paris 14/10/2010 RG N° 1108000707)
En l’espèce pour caractériser l’indécence du logement M. [V] invoque (conclusions page 4/11) les désordres suivants :
Installation électrique défectueuse,
Présence d’eau dans la cave empêchant son utilisation et générant de l’humidité dans le logement,
Accès au jardin limité en raison de la présence d’une cage à chien et d’une cabane appartenant au propriétaire,
Porte de garage électrique défectueuse, ne fonctionnant pas quand la température dépasse 25°C.
Problème évacuation douche (chasse d’eau du WC remontant dans la douche)
Fuite sur la toiture du garage.
En premier lieu la cour écartera d’emblée les points numéros 3, 4 et 6 de la liste invoquée dans les conclusions de M. [V].
En effet la gène dans l’accès au jardin ne relève pas des caractéristiques du ‘logement décent’ prévus par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
De même les difficultés relatives à la gène dans l’utilisation de la cave ou du garage peuvent le cas échéant relever d’une difficulté de jouissance des lieux donnés à bail mais ne peuvent pas constituer un élément constitutif de l’indécence du logement puisqu’il ressort du point 7 de l’article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 que ne sont visées par ce texte que les pièces principales du logement au sens de l’article R. 111-1 du code de la construction et de l’habitation, c’est à dire les pièces destinées au séjour ou au sommeil.
Pour les mêmes raisons la cour écartera au titre de ‘l’indécence’ les désordres du logement relevés par l’expert et tenant :
Au passage d’animaux (oiseaux) dans les combles, (rapport d’expertise page 15)
A la nécessité de procéder à un rejointoiement de la façade sur rue (rapport d’expertise page 15)
Bris de la plaque de la fosse septique (rapport d’expertise page 17)
En effet le rapport d’expertise ne mentionne pas que les désordres en maçonnerie de façade ou l’introduction d’oiseaux en toiture interdisent l’usage de la maison ou en rende son occupation dangereuse au sens de l’article 2- 4° du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
De même la fissuration de la plaque de fibro-ciment de la fosse septique n’empêche pas l’occultation actuelle de cette fosse. Si elle est à changer au titre de l’obligation de délivrance du bailleur, il n’est pas établi que ce désordre constitue un élément d’indécence du logement.
La présence d’eau en cave ne sera donc appréciée au titre de ‘l’indécence’ invoquée qu’en fonction de la possible humidité induite aux ‘pièces à vivre’.
Sur ce :
A) Humidité du logement :
Il ressort du rapport effectué par la direction départementale des territoires 08 le 25/05/2016 (pièce communiquée par M. [V] n° 8) que le désordre d’humidité est circonscrit à la cave et à sa trappe d’accès.
Le rapport de l’expert judiciaire mentionne (page 10) :
‘La cave sous l’entrée et la cuisine présente des entrées d’eau régulière qui la rendent complètement inutilisable. Nous avons fait ouvrir la trappe sous escalier que M. [V] a recouvert de plusieurs couches de bois et de carton, car la trappe existante est complètement déglinguée et pourrie par l’humidité.’
‘La cave est jonchée de gravats et baigne dans l’eau, elle est juste insalubre et inutilisable. Par ailleurs l’humidité permanente peut ruiner la structure… On citera humidité et salpêtre dans les pieds de mur de l’entrée et de la cuisine, qui sont peut-être liés au niveau du terrain extérieur et au pied de mur.’
Ainsi le rapport de M. [Z] ne lie pas la présence d’eau en cave avec une humidité dans les pièces habitables.
Seul le terrain extérieur entraîne une humidité en pied de mur (entrée-cuisine) sans que l’expert ne précise que ce désordre est d’une ampleur telle qu’il compromet le confort ou l’usage de ces pièces.
B) Installation électrique :
Il ressort du rapport de l’expert judiciaire (page 11) que :
‘Le tableau électrique de la maison, disposé dans l’entrée, ne transpire pas la bonne santé. [‘.] M. [V] est accompagné en réunion d’expertise par un électricien qui explique à l’expert que l’installation n’a pas été conçue en 220 V monophasé, mais en 400 V triphasé, avec des protections et des câblages non conformes entre chaque pièce. [‘.] M. [M] trouve inutile de faire passer un organisme de contrôle, car l’installation de cette maison est dangereuse et totalement inepte, il faut la refaire entièrement depuis le compteur et passer l’alimentation en 220 monophasé. [‘.] Cette anomalie est susceptible de caractériser une indécence du logement.’
M. [E] critique les conclusions de l’expert judiciaire en indiquant que ce dernier ne s’est pas fondé sur ses propres observations mais a reproduit des estimations de M. [M] électricien assistant M. [V].
La cour relève que l’expert judiciaire a indiqué :
‘ L’expert n’est pas électricien et n’a donc pas de compétence pour formuler un état de conformité. Il propose immédiatement de faire passer un organisme de contrôle du type APAVE avec des frais supplémentaires’
Toutefois l’expert judiciaire ne s’est pas fait aider d’un sapiteur et a reproduit sans possibilité de les évaluer les estimations de l’électricien assistant M. [V].
Ainsi la cour relève que sur ce point M. [Z] n’a pas établi son rapport sur ses propres observations ou celle d’un sapiteur travaillant sous ses instructions comme le lui impose les articles 237 et 238 du code de procédure civile.
En conséquence la cour ne peut déduire une quelconque constatation sur ce point du rapport de l’expert judiciaire.
Toutefois M. [E] produit un devis établi par l’entreprise Ladruelle Electricité en date du 10 juin 2024 (pièce appelant n° 13) portant sur la remise aux normes du tableau électrique pou 1.727,00€ TTC.
Il est donc acquis que le tableau électrique n’est pas aux normes sans qu’il soit établi que l’installation électrique est dangereuse et donc relève de l’indécence au sens de l’article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
C) Problème évacuation douche :
Cette difficulté n’est pas contestée et se trve corroborée par le rapport de l’expert judiciaire qui précise (page 13) que :
‘ La chasse d’eau du WC à proximité remonte dans la douche par son siphon’
C’est un problème au niveau d’évacuation et de montage par le plombier du propriétaire.
L’installation est à refaire et estimons la remise en conformité de l’ensemble sanitaire à 2000 €, imputable à [C] [E].’
La remontée d’eaux des WC dans la douche contrevient indubitablement à l’article 3- 3° du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ci-dessus rappelé, de sorte que ce désordre est de nature à caractériser une indécence du logement au sens de ce texte.
En conséquence l’indécence du logement ne sera retenue au sens de l’article 6 alinéas 1er et 2ème de la Loi du 06 juillet 1989 que pour le dysfonctionnement relatif au système d’évacuation des eaux des toilettes.
Toutefois l’ensemble des désordres relevés par l’expert et retenus par la cour peuvent s’apprécier au regard de l’obligation de délivrance du bailleur, visée par l’article 6 alinéa 3 de la Loi du 06 juillet 1989, la cour devant restituer aux fais dont elle est saisie leurs exactes qualifications juridiques.
3/ Sur l’entretien dû par le bailleur et les dommages et intérêts du locataire :
L’article 6 alinéa 3 de la Loi du 06 juillet 1989 impose au bailleur de :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;
d) De ne pas s’opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée.
En l’espèce, même si l’indécence du logement n’a pas été retenue pour ces désordres il est acquis aux termes du rapport d’expertise judiciaire non contesté sur ces points :
Que la cave du logement est inutilisable.
Que la toiture du garage présente une fuite.
Que la porte électrique du garage fonctionne mal.
Que la plaque occultante de la fosse septique est à changer.
Que les ouvertures en liaison toiture maçonnerie sont susceptibles de laisser entrer des oiseaux dans les combles.
Que le tableau de fusibles est à changer.
M. [V] a averti le bailleur de ces dysfonctionnements dès le 04 janvier 2016 par LRAR (pièce intimé n° 4) et a déploré l’inertie de M. [E] par un second courrier du 03 décembre 2020 (pièce intimé n° 12).
M. [E] a rejeté toute tentative amiable de résolution du litige avec l’assureur de protection juridique de M. [V] ainsi qu’avec la commission départementale de conciliation (pv du 14 octobre 2016 pièce intimé n° 9).
Ainsi sur le fondement des article 6 alinéa1er – 2ème et 3ème de la Loi du 06 juillet 1989 il sera constaté que le logement loué à M. [V] par M. [E] présente des éléments partiels caractéristiques d’indécence (remontées des eaux vannes dans la douche) et que le bailleur est défaillant dans son obligation d’assurer les réparations à sa charge pour les six points ci-dessus énoncés.
Par substitution partielle de motifs, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a considéré que M. [V] devait être indemnisé de son préjudice de jouissance des lieux loués, mais infirmée en ce qu’elle a évalué ce préjudice à un tiers du montant du loyer à compter du début de la durée d’occupation.
Il apparaît que des travaux et interventions (façade, toiture, électricité, salle de bain) ont bien eu lieu, comme le reconnaît M. [V] dans ses écritures en réplique.
M. [V] considère toutefois que ces interventions sont insuffisantes notamment en ce que tableau électrique a été changé mais pas l’installation en son entier et que les dysfonctionnements du système d’évacuation des eaux des WC et de cave, ainsi que les fuites en toiture du garage perdurent. (Conclusions intimé page 6/11)
Au regard des éléments de dysfonctionnement du logement la proportion du loyer devant faire l’objet d’une réfaction sera réduite à un cinquième soit 120€ (600€/5) et le début de la période à indemniser sera fixé au 04 janvier 2016, lettre par laquelle M. [V] se plaint des désordres à son bailleur jusqu’au jour de l’ordonnance de clôture pour répondre à la demande d’actualisation formulée en cause d’appel par M. [V].
Le préjudice de M. [V] sera donc évalué à 13.200 euros au 04 février 2025.
Compte tenu des travaux partiellement réalisés, la cour ne saurait liquider le préjudice pour le futur à raison d’une indemnité à échoir jusqu’à la réalisation de la réfection de la totalité des désordres.
À ce titre l’astreinte ordonnée par le premier juge sera confirmée en son principe et son montant mais modifiée en ses obligations.
Il appartiendra à M. [V] de justifier par de nouvelles et plus amples constatations techniques de la persistance des désordres et de leur importance pour le futur.
4/ Sur l’astreinte pour les travaux de remise en état :
Pour les raisons ci-dessus énoncées, la décision d’ordonner à M. [E] de faire procéder aux travaux de réfection du logement sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée pendant quatre mois, à faire liquider par le juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de Charleville-Mézières, sera confirmée en son principe et ses modalités financières mais modifiée en ses obligations, l’astreinte ne devant porter que sur les obligations suivantes au regard de l’appréciation faite par la cour du rapport d’expertise déposé par M. [Z] :
Procéder à la mise en étanchéité de la cave et du sous-sol
Procéder tous travaux nécessaires à éviter les remontées d’eau vannes dans la douche et les éviers-lavabo.
Remettre en état la rive de la toiture afin de la lier au plan de couverture,
5/ Sur la demande de résiliation du bail et la condamnation aux loyers échus
A) Sur la demande de suspension du paiement des loyers
Pour rejeter la demande de suspension du paiement des loyers et condamner M.[V] à payer à M. [E] un arriéré locatif de 4 336,30 euros arrêtée au 05 juin 2023 et rejeter la demande de d’expulsion du locataire le premier juge avait retenu au titre de ses motifs décisoires que :
‘ Même si les désordres présentés par les lieux loués répondent aux critères de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire ne prouve pas qu’ils rendent les lieux inhabitables, ceci d’autant plus que ce dernier occupe le logement depuis 2013.
Par conséquent, il ne peut être fait droit à la demande d’exception d’inexécution présentée par ce dernier.
Il sera donc débouté de sa demande de suspension du paiement des loyers.
…/…
Il résulte de l’extrait de compte de la location du logement situé [Adresse 4] à [Localité 1] établi par Angle Droit Immo Ardennes, que le compte locataire de Monsieur [L] [V], présente un solde débiteur de 4 336,30 euros au 05 juin 2023,correspondant à un arriéré locatif.
…/…
En revanche, l’expulsion des lieux de Monsieur [L] [V] ne saurait être ordonnée.
En premier lieu, il convient de rappeler qu’en application des dispositions de l’article 768 du code de procédure civile, le Tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties, en cas de dépôt, ou sur leurs prétentions invoquées lors l’audience, la procédure, étant orale. Or, le Tribunal observe que le dispositif des écritures de Monsieur [R] [E] ne comporte aucune demande tendant à voire prononcer la résiliation judiciaire du bail,
…/…
En second lieu, en tout état de cause, les conditions d’une résiliation judiciaire ne sont pas réunies. Le Tribunal observe en effet que Monsieur [L] [V] a toujours poursuivi le paiement régulier des loyers et charges même partiellement en dépit du caractère indécent du logement, de sorte qu’il y a lieu de retenir, compte tenu des circonstances de l’espèce, que l’absence de paiement intégral et à bonne date des loyers et charges, et d’une manière générale le retard de paiement d’une partie des loyers seulement, ne constitue pas un manquement suffisamment grave du locataire à ses obligations.’
La demande de résiliation du bail ayant été déclarée recevable bien que présentée pour la première fois en cause d’appel, au visa de l’article 566 du code de procédure civile, M. [E] sollicite le prononcé de la résiliation du bail aux torts de M.[V] et l’expulsion de ce dernier et actualise les loyers échus et impayés à la somme de 7.635,06€ au 01er juillet 2024.
B) Sur les loyers échus
L’article 20-1 de la Loi du 06 juillet 1989 dispose que :
‘Si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. A défaut d’accord entre les parties ou à défaut de réponse du propriétaire dans un délai de deux mois, la commission départementale de conciliation peut être saisie et rendre un avis dans les conditions fixées à l’article 20. La saisine de la commission ou la remise de son avis ne constitue pas un préalable à la saisine du juge par l’une ou l’autre des parties.
L’information du bailleur par l’organisme payeur de son obligation de mise en conformité du logement, telle que prévue à l’article L. 843-1 du code de la construction et de l’habitation, tient lieu de demande de mise en conformité par le locataire.
Le juge saisi par l’une ou l’autre des parties détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu’à l’exécution de ces travaux. Le juge transmet au représentant de l’Etat dans le département l’ordonnance ou le jugement constatant que le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6.’
En l’espèce l’examen du compte locatif de M. [V] arrêté au 01/07/2024 (pièce appelant n° 14) montre un solde débiteur pour M. [V] de – 7.635,06 €, ce solde n’étant pas constitué par la cessation du paiement de toute échéance par le locataire mais par le paiement régulier par M.[V] de la somme de 600€/mois faisant fi de l’actualisation du loyer se montant à 707,55€ en 07/2024.
M. [V] ne conteste pas dans ses conclusions ce montant se limitant à soulever l’irrecevabilité de la demande.
Les motifs qui ont conduit le premier juge a rejeter la demande de suspension du paiement des loyers sollicitée par M. [V] au visa de l’article 20-1 de la Loi du 06 juillet 1989 sont de plus fort toujours d’actualité en cause d’appel, la cour ayant réduit les critères d’indécence du logement retenus par le premier juge.
Dès lors M. [V] ne pouvait, comme il l’a fait de sa propre autorité, refuser l’indexation de son loyer depuis au moins 2019.
La décision déférée sera confirmée sur ce point sauf à être actualisée.
M. [V] sera donc condamné au paiement de l’arriéré locatif arrêté au 01/07/2024 à la somme de 7.635,06 €.
Toutefois cette dette locative devra être compensée avec les dommages et intérêts alloués à M. [V] au titre de la présente décision. (13.200€)
C) Sur la demande de résiliation du bail
Enfin, pour les mêmes motifs que ceux retenus par le premier juge que la cour adoptera au visa de l’article 955 du code de procédure civile, il sera considéré que le bailleur étant défaillant dans son obligation d’entretient des locaux, la rétention partielle par le locataire d’une partie de son loyer mensuel ne sera pas jugée suffisamment grave pour entraîner la résiliation du bail et l’expulsion de M. [V].
La décision déférée sera également confirmée sur ce point.
6/ Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Il ressort des articles 696 et 700 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens et que, sauf considération d’équité, la partie tenue aux dépens doit supporter les frais irrépétibles de procédure exposés par l’autre partie.
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la mise à la charge de M. [E] des dépens et des frais irrépétibles de procédure de première instance, sauf à réduire les sommes allouées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à 800€ pour la première instance.
M. [E] qui succombe en grande partie à son appel sera également tenu aux dépens de l’appel et à payer à M. [V] la somme de 1.000€ au titre des frais irrépétibles de procédure d’appel.
La cour, statuant publiquement par décision contradictoire dans les limites de l’appel principal et de l’appel incident,
Confirme le jugement prononcé par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sedan prononcé le 08 mars 2024 (RG N° 11-2300008) en toutes ses dispositions déférées excepté :
Le montant des dommages et intérêts alloués à M. [V] pour l’indécence du logement et la carence du bailleur dans l’exécution des réparations qui lui incombent.
Les obligations assortissant l’astreinte provisoire prononcée.
Le montant des loyers échus.
Le montant des frais irrépétibles de procédure de première instance.
Statuant de nouveau sur ces dispositions :
Condamne M. [R] [E] à payer à M. [L] [V] la somme de 13.200 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble dans la jouissance du logement sis [Adresse 4] à [Localité 1].
Dit que cette somme concerne les troubles de jouissance arrêtés au 04 février 2025.
Dit que l’astreinte provisoire, confirmée en son principe et en ses modalités, ne concernera que les travaux suivants à exécuter par et aux frais du bailleur :
Procéder à la mise en étanchéité de la cave et du sous-sol
Procéder tous travaux nécessaires à éviter les remontées d’eau vannes dans la douche et les éviers-lavabo.
Remettre en état la rive de la toiture afin de la lier au plan de couverture,
Condamne M. [L] [V] à payer à M. [R] [E] la somme de 7.635,06 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 01/07/2024.
Condamne M. [R] [E] à payer à M. [L] [V] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles de procédure de première instance.
Y ajoutant :
Déclare recevable la demande de M. [E] tenant au prononcé de la résiliation du bail relatif aux locaux loués le 08 mars 2013 et sis [Adresse 4] à [Localité 1], mais rejette cette demande ainsi que la prétention tendant à l’expulsion du locataire.
Ordonne la compensation des dommages et intérêts dus par M. [E] à M.[V] avec l’arriéré locatif dû par M.[V] à M. [E].
Déboute M. [L] [V] de sa demande tendant à ordonner la condamnation de M. [R] [E] à des dommages et intérêts pour les troubles de jouissances à venir et dit qu’il lui appartiendra, le cas échéant, de saisir à nouveau la Justice sur ce point.
Condamne M. [R] [E] aux dépens de l’appel.
Condamne M. [R] [E] à payer à M. [L] [V] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure d’appel.
Le greffier Le président
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