Obligation de vigilance du prestataire de services de paiementLe prestataire de services de paiement, tel que défini par l’article L. 133-1 du Code monétaire et financier, est tenu d’un devoir de non immixtion dans les affaires de son client. Ce principe implique qu’il n’a pas à s’ingérer dans les opérations de paiement régulièrement demandées par son client, sauf en cas d’anomalies apparentes. Cependant, l’article L. 133-4 du même code impose une obligation de vigilance au prestataire lorsque des opérations présentent des caractéristiques inhabituelles. Cette obligation se matérialise par la nécessité d’informer le client des anomalies détectées, ce qui est également stipulé dans les conditions générales de la convention de compte. Caractère inhabituel des opérationsLa jurisprudence a établi que le caractère inhabituel d’une opération doit être apprécié au regard de l’historique de fonctionnement du compte du client. En vertu de l’article 1134 du Code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce qui inclut l’obligation pour la banque de s’informer sur les opérations qui lui apparaissent inhabituelles en raison de leur montant ou de leur nature. Dans le cas présent, les virements effectués par M. [I] étaient significativement plus élevés que ses transactions habituelles, ce qui aurait dû alerter la banque sur la nécessité de vérifier les circonstances entourant ces opérations. Responsabilité de la banque en cas de manquement à l’obligation de vigilanceEn cas de manquement à cette obligation de vigilance, la banque peut être tenue responsable des pertes subies par le client. L’article 1240 du Code civil, qui traite de la responsabilité délictuelle, stipule que toute faute causant un dommage à autrui engage la responsabilité de son auteur. Ainsi, si la banque ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de vigilance, elle peut être condamnée à indemniser le client pour la perte de chance d’éviter une escroquerie, comme cela a été reconnu dans la décision rendue. Évaluation du préjudice et partage de responsabilitéLa détermination du montant des dommages-intérêts doit tenir compte de la part de responsabilité de chaque partie dans la survenance du préjudice. En vertu de l’article 1241 du Code civil, la responsabilité peut être partagée lorsque le comportement du créancier a contribué à la réalisation du dommage. Dans cette affaire, la banque a été reconnue responsable à hauteur de 60 % du préjudice, tandis que M. [I] a été jugé responsable à hauteur de 40 % en raison de son imprudence dans la réalisation des virements. |
L’Essentiel : Le prestataire de services de paiement doit respecter un devoir de non immixtion dans les affaires de son client, sauf en cas d’anomalies. L’article L. 133-4 impose une obligation de vigilance lorsque des opérations sont inhabituelles, nécessitant d’informer le client des anomalies. La jurisprudence souligne que le caractère inhabituel doit être évalué selon l’historique du compte. En cas de manquement, la banque peut être responsable des pertes subies par le client, avec une évaluation du préjudice tenant compte de la responsabilité de chaque partie.
|
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un acheteur a intenté une action en justice contre une banque, la société BNP Paribas, suite à des virements qu’il a effectués vers des comptes étrangers, à la suite d’une escroquerie en ligne. Les virements, d’un montant total de 200 000 euros, ont été réalisés en septembre et octobre 2020 vers des comptes dans des banques allemandes, portugaises et espagnoles, à l’instigation d’un site internet frauduleux. L’acheteur a dénoncé cette escroquerie dans une plainte pénale et a demandé réparation à la banque, qui a été déboutée par le tribunal judiciaire de Paris en décembre 2022.
L’acheteur a interjeté appel, soutenant que la banque avait manqué à son obligation de vigilance en ne détectant pas les anomalies dans les virements, qui étaient inhabituels par rapport à son comportement habituel. Il a également fait valoir que la plateforme frauduleuse était déjà inscrite sur la liste noire de l’Autorité des marchés financiers (AMF) avant le dernier virement. En réponse, la banque a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que l’acheteur, en tant qu’investisseur averti, avait agi de son plein gré et qu’elle n’avait pas à s’immiscer dans ses décisions d’investissement. Le tribunal a examiné les éléments de l’affaire, notamment les ordres de virement signés par l’acheteur et les circonstances entourant ces transactions. Il a conclu que la banque n’avait pas respecté son obligation de vigilance, notamment en ne s’enquérant pas des raisons des virements, qui étaient manifestement inhabituels. En conséquence, le jugement a été infirmé, et la banque a été condamnée à verser des dommages-intérêts à l’acheteur, ainsi qu’à couvrir les frais de la procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la responsabilité de la banque dans cette affaire ?La responsabilité de la banque est fondée sur l’obligation de vigilance qui lui incombe en tant que prestataire de services de paiement. Selon l’article L. 133-1 du Code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement doit exécuter les ordres de paiement de manière diligente et sécurisée. En l’espèce, la banque a manqué à son obligation de vigilance en ne s’informant pas des circonstances des virements, qui étaient manifestement inhabituels par rapport aux transactions habituelles du client. L’article 6 de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000, qui transpose la directive européenne sur les services de paiement, précise que le prestataire doit s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour le client. Ainsi, la banque aurait dû alerter le client sur le caractère anormal des virements, conformément à la clause de vigilance stipulée dans la convention de compte. Quel est le rôle de l’obligation de non-ingérence dans la relation entre la banque et son client ?L’obligation de non-ingérence impose à la banque de ne pas s’immiscer dans les affaires de son client, comme le stipule l’article L. 133-1 du Code monétaire et financier. Cela signifie que la banque n’est pas tenue de vérifier la légitimité des opérations demandées par le client, tant qu’elles sont conformes aux instructions données. Cependant, cette obligation trouve une limite dans le devoir de vigilance. Si une opération présente des anomalies apparentes, la banque doit agir en conséquence. L’article 6 de la loi n° 2000-230 souligne que le prestataire doit être vigilant face aux opérations inhabituelles. Dans ce cas, les virements effectués par le client, en raison de leur montant et de leur fréquence, auraient dû alerter la banque sur un potentiel risque d’escroquerie. Quel impact a eu la connaissance de la banque sur le site Pantheraeurope sur sa responsabilité ?La connaissance de la banque concernant le site Pantheraeurope, inscrit sur la liste noire de l’AMF, aurait dû influencer son obligation de vigilance. L’article L. 561-2 du Code monétaire et financier impose aux établissements financiers de prendre en compte les alertes émises par les autorités de régulation. Dans cette affaire, la banque n’a pas pu justifier qu’elle avait pris en compte cette information lors de l’exécution des virements. Le fait que le site ait été signalé avant le dernier virement aurait dû inciter la banque à s’enquérir des circonstances entourant les opérations. En ne le faisant pas, elle a manqué à son obligation de vigilance, ce qui a contribué à la perte de chance du client d’éviter l’escroquerie. Quel est le lien entre la négligence du client et la responsabilité de la banque ?La négligence du client peut réduire la responsabilité de la banque, comme le stipule l’article 1240 du Code civil, qui prévoit que la réparation du préjudice peut être diminuée en fonction de la faute de la victime. Dans cette affaire, le client a été jugé imprudent en effectuant des virements importants sans vérifier la légitimité des investissements. Cependant, la banque a également une obligation de vigilance. Le tribunal a estimé que la banque avait manqué à cette obligation, ce qui a conduit à une évaluation de la perte de chance du client à 40 %. Ainsi, bien que la négligence du client ait été reconnue, elle n’a pas exonéré la banque de sa responsabilité, mais a simplement réduit le montant des dommages-intérêts dus au client. Quel est le montant des dommages-intérêts accordés au client et sur quelle base a-t-il été déterminé ?Le montant des dommages-intérêts accordés au client s’élève à 77 600 euros. Ce montant a été déterminé sur la base de la perte de chance d’éviter l’escroquerie, évaluée à 40 % des sommes perdues, soit 194 000 euros. Cette évaluation prend en compte le manquement de la banque à son obligation de vigilance, qui aurait pu alerter le client sur le risque d’escroquerie. L’article 1231-1 du Code civil précise que la réparation du préjudice doit être intégrale, mais peut être ajustée en fonction des circonstances. Dans ce cas, le tribunal a jugé que la banque devait indemniser le client pour la part de son préjudice qui était directement imputable à son manquement. En outre, la banque a également été condamnée à verser 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet de condamner la partie perdante à payer les frais irrépétibles de l’autre partie. |
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRÊT DU 12 MARS 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01841 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHAH6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2022 – tribunal judiciaire de Paris 9ème chambre 3ème section – RG n° 21/05972
APPELANT
Monsieur [S] [I]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 7] (Maroc)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Gaël COLLIN de la SELARL COLMAN AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : C907, avocat plaidant
INTIMÉE
S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 4]
N° SIREN : 662 042 449
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Ayant pour avocat plaidant Me Dominique PENIN de MORGAN LEWIS & BOCKIUS UK LLP, avocat au barreau de Paris, toque : J11, substitué à l’audience par Me Virginia BARAT de MORGAN LEWIS & BOCKIUS UK LLP, avocat au barreau de Paris, toque : J11
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Vincent BRAUD, président de chambre
M. Marc BAILLY, président de chambre
Mme Laurence CHAINTRON, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. Marc BAILLY dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Vincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 16 décembre 2022 qui, à la suite de l’assignation délivrée le 27 avril 2021 par M. [S] [I] à la société Bnp Paribas au moyen de laquelle il recherche sa responsabilité à raison de trois virements d’un montant total de 200 000 euros qu’il a ordonnés les 9 et 17 septembre et 20 octobre 2020 vers des comptes dans des banques allemande, portugaise et espagnole à l’instigation d’un site en ligne nommé Pantheraeurope au terme d’une opération qui s’est avérée être une escroquerie qu’il a dénoncée dans une plainte pénale, complétée d’une constitution de partie civile, l’a débouté de ses demandes et condamné à payer à la banque la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu l’appel interjeté par M. [S] [I] par déclaration au greffe en date du 13 janvier 2023 ;
Vu les dernières conclusions en date du 7 avril 2023 de M. [S] [I] qui fait valoir :
– que la plate forme en ligne Pantheraeuropa a été désactivée et est inscrite sur la liste noire de l’AMF depuis le 9 octobre 2020, avant le dernier des virements litigieux,
– que la banque connaissait le mode opératoire des escroqueries financières de ce type sur lesquels alertent depuis 2015 les autorités que sont l’APCR et aussi l’AMF mais encore le parquet de Paris,
– que s’il ne remet pas en cause la validité des ordres de virements qu’il a donnés, il n’en reste pas moins que la banque a manqué à son obligation de vigilance lui imposant de déceler les anomalies intellectuelles dans le fonctionnement du compte que sont les montants très inhabituels des virements, leur fréquence et leurs destinations à l’étranger,
– que lorsque le banquier décèle des opérations autorisées mais inhabituelles par rapport au comportement normal de son client, son devoir de vigilance se matérialise par une alerte adressée à son client sur le caractère anormal du fonctionnement de son compte bancaire comme il est au demeurant stipulé dans le contrat liant les parties, que cette alerte ne peut s’apparenter au devoir de mise en garde et de conseil, ce qui est précisé dans l’exemplaire de la convention de compte de la Bnp Paribas elle-même datée du mois d’avril 2020,
– que sa perte de chance ne saurait être inférieure à 75% des sommes investies et perdues, de sorte qu’il demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de :
‘- CONDAMNER la BNP Paribas au paiement de dommages et intérêts d’un montant de 150.000 euros au bénéfice de Monsieur [S] [I] en réparation de son préjudice financier ;
– CONDAMNER la BNP Paribas à 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’à tous les dépens de la présente instance ainsi que de la première instance’.
Vu les dernières conclusions de la société Bnp Paribas du 5 juillet 2023 qui poursuit la confirmation du jugement, le débouté des prétentions adverses et l’obtention d’une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en exposant :
– que M. [I], avant sa retraite, était averti puisqu’il était directeur d’une fondation de maisons de résidence seniors et avait répondu dans son questionnaire être familier des supports d’investissements sur les actions internationales y compris des pays émergents, les produits de défiscalisation, à haut rendement y compris ceux ‘sans protection du capital’,
– que rien n’objective dans ses pièces qu’il aurait été victime d’une escroquerie au marché du Forex ou aux options binaires, le seul courriel provenant du prétendu escroc étant relatif à un investissement immobilier, ce qui rend inopérantes les considérations de M. [I] sur des escroqueries de ce type et les alertes afférentes des autorités,
– qu’il a réalisé ces virements seul, de son plein gré en se rendant en l’agence et en affirmant qu’il s’agissait de placements immobiliers, et ce, en remettant même des copies de factures d’achat de parts de SCPI à la demande de la banque, de sorte qu’il lui était impossible de connaître le but réel des opérations,
– à titre principal, que les virements litigieux ont été réalisés et confirmés par M. [I], sans que Bnp Paribas ne prenne la moindre part à ces prétendus investissements, et que ces ordres autorisés ne présentaient aucune anomalie apparente qui aurait pu attirer l’attention d’un banquier normalement vigilant, que, tenue par son obligation de non-immixtion, elle ne saurait se voir reprocher la moindre faute, à la différence de l’appelant qui a de toute évidence commis une série de négligences graves et fautives en se laissant duper par des stratagèmes grossiers qu’une personne normalement attentive aurait détectés et qu’il était seul à pouvoir déceler,
– à titre subsidiaire, que M. [I] ne justifie nullement ni du caractère certain et actuel, ni du quantum du préjudice qu’il invoque, ni de son lien de causalité avec une prétendue faute de la banque.
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 26 novembre 2024 ;
Il ressort des explications des parties et des pièces que M. [I] a donné, au guichet de la banque, trois ordres de virements dont les récépissés signés par lui sont produits aux débats, le 9 septembre 2020 de 50 000 euros en faveur d’une société Formas Fidalagas Unipessoa ayant son compte dans les livres de la Banco BPI avec comme motif les références d’un n° de contrat, le 17 septembre 2020 de 50 000 euros en faveur d’une société JFO Park Services S.L. ayant son compte dans les livres de la Banco Santander SA avec comme motif ‘placement immobilier’ et le 20 octobre 2020 de 100 000 euros en faveur d’une société BG Jim Conseil Gmbh ayant son compte dans les livres de la Deutsche Bank AG Postbank Branch avec comme motif les références d’un n° de contrat.
Il n’est pas contesté par M. [I] que l’ordre de virement a été exécuté conformément à sa demande et que les sommes dont il a ordonné le virement ont rejoint le compte désigné par lui du bénéficiaire souhaité.
Il en résulte qu’aucune mauvaise exécution de l’opération ne peut être reprochée à la banque.
En l’espèce, il ne ressort pas des pièces et explications données par M. [I] qu’il démontre avoir informé la banque qu’il était en lien avec une société Pantheraeurope – ce qu’elle conteste – laquelle société n’est pas citée dans les ordres de virements.
En conséquence et compte tenu de cette méconnaissance, la banque ne pouvait tirer aucune conclusion, quant aux virements demandés par M. [I], de l’inscription de la société Pantheraeurope sur la liste noire de l’AMF en date du 9 octobre 2020.
Le prestataire de services de paiement est tenu d’un devoir de non immixtion dans les affaires de son client et n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées par son client ne sont pas périlleuses pour lui-même ou des tiers.
Ainsi, la banque prestataire de services de paiement n’a pas, légalement à l’égard de son client, l’obligation de contrôler la régularité ou le caractère avisé du placement envisagé par lui auprès d’une société tierce au moyen du virement bancaire.
S’il est exact que le devoir de non ingérence trouve une limite dans l’obligation de vigilance de l’établissement de crédit prestataire de services de paiement, c’est à la condition que l’opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, que ne suffit pas nécessairement à constituer une opération revêtant un caractère simplement inhabituel au regard de l’historique de fonctionnement du compte.
Toutefois, en l’espèce M. [I] invoque les conditions générales de la convention de compte de dépôt ‘service bancaire de base’ qui le lient à la Bnp Paribas lesquelles stipulent expressément en la clause X intitulée ‘obligation de vigilance’ que :
‘Il est fait obligation à la Banque de s’informer auprès de ses clients pour les opérations qui lui apparaîtront inhabituelles en raison notamment de leur modalités, de leur montant ou de leur caractère exceptionnel au regard de celle traitées jusqu’alors par ces derniers.
Le Client s’engage à signaler à la Banque toute opération exceptionnelle par rapport aux opérations habituellement enregistrées sur son compte et à lui fournir toutes informations ou documents requis’.
Le principe de la force obligatoire des contrats impose donc à la banque de justifier avoir satisfait à cette obligation, la prétendue qualité d’investisseur averti de M. [I] étant indifférente dès lors que ce ne sont pas les obligations de la banque en qualité de prestataire de services d’investissement qui sont en cause.
Ainsi que le fait valoir M. [I], il n’est pas contestable que les paiements ordonnés, par leurs montants notoirement plus élevés que ses transactions usuelles et par leur destination à l’étranger revêtaient un caractère inhabituel au sens de la stipulation appliquée de sorte qu’il appartient à la banque de justifier s’être informée auprès de M. [I] de leurs circonstances et de leur contexte pour satisfaire à l’obligation de vigilance imposée par le contrat.
En effet, il est manifeste à la lecture des relevés de compte que les opérations d’un montant également important qui y figurent mis en exergue par la banque correspondent à une même vente immobilière puisque chaque opération mentionne ‘vente [D]/[I] [L](…) notaire’) réalisée par M. [I], ce qui n’enlève donc pas aux virements litigieux ordonnés leur caractère inhabituel.
Or, la Bnp Paribas ne justifie pas s’être enquise de ces éléments relativement aux deux premiers virements de 50 000 euros chacun, ordonnés à 8 jours d’intervalle, ni avoir sollicité de M. [I] des documents afférents que ce dernier se devait de lui remettre en exécution du second alinéa de la clause, le récépissé des ordres ne mentionnant, de manière manuscrite que l’accord du conseiller avec un renvoi à un ‘compte rendu’ qui n’est pas produit aux débats.
Elle en justifie, s’agissant du troisième virement demandé d’une somme de 100 000 euros, par l’obtention de la part de M. [I] d’une facture, partiellement en langue allemande et partiellement en langue française, réputée émise par une société allemande ‘BG-Jim Conseil Gmbh’ dont le siège social est indiqué à ‘Frankfurt’ mais qui mentionne un numéro de ‘RCS’ pour registre du commerce et des sociétés, qui énonce que correspond au montant de 100 000 euros ‘typologie : SCPI Commerce Metro AG’, de sorte qu’il en ressort une certaine ambiguïté apparente tenant à la nature de l’investissement constitué de parts d’une société civile de placement immobilier distribuée par une société allemande.
Il s’y ajoute que, sur cette même facture, est mentionnée l’adresse de la banque de la société qui l’a émise, soit la ‘Postbank Ndl der Deutsche Bank’ sise à ‘Köln’ alors que l’IBAN donné par M. [I] aux fins de réalisation du virement mentionne une adresse de la seule Postbank à [Localité 6].
La Bnp Paribas ne justifie pas, ainsi, avoir exercé l’obligation conventionnelle de vigilance à laquelle elle était astreinte au titre des deux premiers virements et y avoir satisfait insuffisamment s’agissant du troisième virement dès lors qu’elle ne s’est pas plus enquise des circonstances de l’émission d’une facture présentant des éléments soulevant des questions et également contradictoires avec l’IBAN remis à l’appui de la demande de virement.
Or ce manquement, comme le fait valoir M. [I], est à l’origine d’une perte de chance de voir son attention attirée sur l’éventualité d’une escroquerie dont il expose avoir été l’objet.
A cet égard, compte tenu de la relation des faits effectuée par M. [I], étayée par ses pièces et de son dépôt de plainte simple puis de sa constitution de partie civile, la banque ne peut utilement soutenir qu’il n’aurait pas subi les détournements dont il se plaint.
C’est en revanche à juste titre que la banque fait valoir :
– que M. [I] a contribué à la constitution de son préjudice dès lors qu’il était d’une imprudence fautive de se laisser circonvenir par ses interlocuteurs pour effectuer d’importants virements au seul vu d’un prétendu contrat, produit par lui en première instance et par la banque en appel, qui n’est constitué que de promesse de gains de 1,5 % par mois, suspecte comme bien supérieure à ce qu’offre le marché régulé,
– que, contrairement à la banque ainsi qu’il résulte de ce qui précède, il avait quant à lui connaissance du nom de la société Pantheraeurope qui se présentait comme sa cocontractante et qu’il était donc en mesure de s’enquérir auprès des autorités de tutelle de son sérieux ce qu’il s’est abstenu de faire,
– que la perspective d’un gain important, étayée par de prétendus premiers gains d’intérêts virés sur son compte à hauteur de deux fois la somme de 3 000 euros l’a entretenu dans sa volonté de satisfaire aux sollicitations de ses interlocuteurs.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, de la part du préjudice imputable à M. [I], la perte de chance de ne pas effectuer ces virements et de conserver les sommes afférentes, perdues à hauteur de 194 000 euros, imputable au défaut ci-dessus caractérisé de la banque à son obligation de vigilance doit être évaluée à 40 % , de sorte que la Bnp Paribas doit être condamnée à payer à M. [S] [I] la somme de 77 600 euros.
Il y a lieu d’infirmer le jugement en conséquence de ce qui précède, de condamner la Bnp Paribas aux entiers dépens ainsi qu’à payer à M. [S] [I] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que la société Bnp Paribas a manqué à son obligation conventionnelle de vigilance relativement aux virements litigieux ;
En conséquence, CONDAMNE la société Bnp Paribas à payer à M. [S] [I] la somme de 77 600 euros de dommages-intérêts ;
CONDAMNE la société Bnp Paribas à payer à M. [S] [I] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Bnp Paribas aux entiers dépens.
* * * * *
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?