Obligation de sécurité et licenciement : enjeux et conséquences.

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Obligation de sécurité et licenciement : enjeux et conséquences.

Obligation de sécurité de l’employeur

L’employeur a une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, conformément à l’article L4121-1 du Code du travail, qui stipule que l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cette obligation inclut la prévention des risques professionnels et l’adaptation des postes de travail aux capacités des salariés.

Licenciement pour inaptitude

Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l’inaptitude est consécutive à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Selon l’article L1235-1 du Code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux du motif invoqué par l’employeur. En cas de doute, ce dernier doit profiter au salarié.

Irrecevabilité des demandes

Les exceptions doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond, conformément à l’article 74 du Code de procédure civile. De plus, l’article 910-4 (abrogé) impose que les parties présentent l’ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions initiales, à peine d’irrecevabilité.

Indemnités et dépens

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles à la partie qui succombe. En cas de condamnation, la partie perdante doit également supporter les dépens de l’instance, conformément à l’article 696 du même code.

L’Essentiel : L’employeur a une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, stipulant qu’il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé. Cette obligation inclut la prévention des risques professionnels et l’adaptation des postes de travail. Le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse si l’inaptitude résulte d’un manquement de l’employeur à cette obligation. En cas de doute, la présomption doit profiter au salarié.
Résumé de l’affaire : Un directeur, engagé par la société Cristel en mai 2001, a déclaré une maladie professionnelle en novembre 2014. Après plusieurs visites médicales, des restrictions de travail lui ont été imposées, notamment l’évitement de charges lourdes. En juin 2020, il a pris sa retraite, mais a été réembauché par la même société en septembre 2020 dans le cadre d’un cumul emploi-retraite. En février 2022, il a été placé en arrêt de travail pour une rechute de sa maladie professionnelle.

En juin 2022, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Auch pour réclamer des rappels de salaires et des dommages-intérêts, invoquant le non-respect de l’obligation d’adaptation et du droit au repos. En février 2023, il a été déclaré inapte à son poste, ce qui a conduit à un licenciement pour inaptitude en mars 2023. Le conseil de prud’hommes a ensuite déclaré inopposable la convention de forfait en jours et a condamné la société à verser diverses sommes au directeur.

En avril 2024, la cour d’appel d’Agen a confirmé ce jugement, mais a également condamné le directeur aux dépens d’appel. En juin 2023, il a de nouveau saisi le conseil de prud’hommes, contestant son licenciement et demandant des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le conseil a déclaré son incompétence pour la demande relative à l’obligation de sécurité et a débouté le directeur de ses autres demandes.

En janvier 2025, la cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant irrecevable la demande d’infirmation concernant l’incompétence et rejetant les demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le directeur a été condamné à verser des frais à la société Cristel.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’infirmation du jugement relatif à l’incompétence du conseil de prud’hommes ?

La demande d’infirmation du jugement relatif à l’incompétence du conseil de prud’hommes est fondée sur l’article 910-4 du code de procédure civile, qui stipule que « à peine d’irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond ».

Cet article précise que l’irrecevabilité peut être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Ainsi, la cour a jugé que la demande d’infirmation, mentionnée dans les troisièmes écritures de l’appelant, était irrecevable car tardivement formée.

Quel est le critère pour établir un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Selon l’article L. 1235-1 alinéa 3 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux du motif de licenciement.

Il forme sa conviction sur les éléments fournis par les parties et justifie dans le jugement le montant des indemnités qu’il octroie.

En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

Dans cette affaire, le licenciement a été justifié par une inaptitude avec impossibilité de reclassement, mais les éléments fournis n’ont pas établi que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Quel est le rôle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude ?

L’obligation de sécurité de l’employeur est un principe fondamental inscrit dans l’article L. 4121-1 du code du travail, qui impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Si l’inaptitude d’un salarié est consécutive à un manquement à cette obligation, le licenciement peut être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cependant, dans cette affaire, la cour a jugé que la demande relative au manquement à l’obligation de sécurité n’était pas recevable, ce qui a conduit à la confirmation du licenciement.

Quel est l’impact de l’article 700 du code de procédure civile sur les frais de justice ?

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

Dans cette affaire, M. [U] [B] a été condamné à verser à la société Cristel une somme de 1500 euros sur le fondement de cet article, tandis qu’il a été débouté de sa propre demande fondée sur le même article.

Cela souligne l’importance de cet article dans la répartition des frais de justice entre les parties.

ARRÊT DU

01 AVRIL 2025

ALR/LI*

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N° RG 24/00678 – N° Portalis DBVO-V-B7I-DH4Q

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[U] [B]

C/

SAS CRISTEL

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Grosse délivrée

le :

à

Me Pierre THERSIQUEL

Me Gilles SOREL

ARRÊT n°

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

[U] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Pierre THERSIQUEL, avocat au barreau de GERS

APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUCH en date du 03 Juin 2024 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F 23/00046

d’une part,

ET :

SAS CRISTEL prise en la personne de son président actuellement en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis – [Adresse 3] – [Localité 4]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par Me NOBLET, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

d’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 11 Février 2025 devant la cour composée de :

Président : Nelly EMIN, Conseiller,

Assesseurs : Pascale FOUQUET, Conseiller

Anne Laure RIGAULT, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience

Greffière : Laurence IMBERT

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par contrat à durée indéterminée du 2 mai 2001, M. [U] [B] a été engagé par la société Cristel, exploitant le magasin à enseigne  » Intermarché  » situé à [Localité 4] (32), en qualité de directeur, catégorie cadre, niveau 7 au forfait annuel de 215 jours de travail par an. Il était responsable du rayon liquide.

La convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 (IDCC 2216) s’applique à la relation de travail.

Le 26 novembre 2014, M. [U] [B] a déclaré une maladie professionnelle.

Lors de la visite médicale de reprise en date du 13 avril 2015, le médecin du travail a conclu en ces termes :  » reprise à temps plein avec respect de restrictions suivantes : éviter les portes et postures antéfléchies répétées, aide à la manutention par transpalettes électriques, et d’auxiliaire professionnelle pendant six mois, à revoir dans six mois « .

Suite à la visite du 23 novembre 2015, le médecin du travail conclu :  » maintien des restrictions : port de charges lourdes, postures antéfléchies répétées, aide à la manutention par auxiliaire professionnelle à prolonger six mois. « .

Suite à la visite du 10 novembre 2016, le médecin du travail a mentionné  » Acte en évitant le port de charges et les postures antéfléchies répétées du tronc.  »

M. [U] [B] a fait valoir ses droits à la retraite, en juin 2020.

Dans le cadre d’un cumul emploi-retraite, et par un second contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2020, M. [U] [B] a été engagé par la société Cristel.

Le 28 février 2022, M. [U] [B] a été placé en arrêt de travail pour rechute d’accident de travail – maladie professionnelle (lombalgie avec sciatique bilatérale).

Par requête du 14 juin 2022, M. [U] [B] a saisi le conseil de prud’hommes d’Auch d’une demande de rappel de salaires (au titre des heures supplémentaires pour les années 2019, 2020 et 2021, de la contrepartie obligatoire en repos, des jours fériés travaillés, la prime annuelle 2022, la prime exceptionnelle annuelle 2022) et de dommages et intérêts au titre du non-respect de l’obligation d’adaptation, du non-respect du droit au repos et du droit au respect de la vie personnelle et familiale).

Suite à sa visite médicale de reprise du 16 février 2023, le médecin du travail a déclaré M. [U] [B] inapte à son poste avec dispense de recherches de reclassement pour la société Cristel.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 février 2023, M. [U] [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 mars 2023.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mars 2023, M. [U] [B] a été licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par décision du 17 avril 2023, le conseil de prud’hommes d’Auch a :

– déclaré inopposable à M. [U] [B] la convention de forfait en jours,

– condamné la société Cristel à verser à M. [U] [B] les sommes de :

1 582.70 ‘ brut au titre des heures supplémentaires réalisées et non payées,

158.27 ‘ bruts à titre de congés payés y afférents,

26 741.45 ‘ brut au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel,

2 674.14 ‘ brut à titre de congés payés y afférents,

680.75 ‘ brut au titre des jours fériés travaillés,

– pris acte que la société Cristel s’engager à verser à M. [U] [B] les sommes de :

524.59 ‘ bruts à titre de majoration conventionnelle de 15%

1 500 ‘ brut au titre de la prime exceptionnelle de décembre 2022

– condamné la société Cristel à verser à M. [U] [B] la somme de 1 000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs autres demandes

– dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de l’instance.

Par arrêt en date du 9 avril 2024, la cour d’appel d’Agen a :

– confirmé le jugement du 17 avril 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

– condamné M. [U] [B] aux dépens d’appel ;

– condamné M. [U] [B] à payer à la société Cristel la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [U] [B] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par requête du 6 juin 2023, M. [U] [B] a saisi une seconde fois le conseil de prud’hommes d’Auch contestant son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement et sollicitant le paiement des sommes suivantes :

– 29 074.98 ‘ net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

– 16 960.41 ‘ net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2 400 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision du 3 juin 2014, le conseil de prud’hommes d’Auch :

– s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de sécurité sociale pour connaître de la demande relative au manquement à l’obligation de sécurité,

– a débouté M. [U] [B] de l’ensemble de ses autres demandes,

– a condamné M. [U] [B] aux dépens de l’instance,

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 4 juillet 2024, M. [U] [B] a régulièrement déclaré former appel du jugement, en désignant la société Cristel en qualité de partie intimée et en indiquant que l’appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu’il cite.

L’ordonnance de clôture a été prononcée 16 janvier 2025 et l’affaire a été fixée pour plaider à l’audience du 11 février 2025.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions initiales enregistrées au greffe le 3 octobre 2024, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, M. [U] [B] demande à la cour de :

– le recevoir en ses demandes, les déclarant bien fondées.

– constater que la société Cristel a manqué à son obligation de sécurité ;

En conséquence :

– condamner la société Cristel au paiement d’une somme de 29.074,98 ‘, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité ;

– constater que son licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

– condamner la société Cristel au paiement d’une somme de 16.960,41 ‘ à titre de dommages-intérêts ;

– condamner la société Cristel au paiement d’une somme de 2.400 ‘ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Cristel en tous les dépens.

Dans ses conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 15 janvier 2025, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, M. [U] [B] demande à la cour de :

– d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Auch le 29 mai 2024 (RG 23/00101) en ce qu’il :

* s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de sécurité sociale pour connaître de la demande relative au manquement à l’obligation de sécurité,

* la débouté de l’ensemble de ses autres demandes,

* l’a condamné aux dépens de l’instance.

Statuant à nouveau,

– le recevoir en ses demandes, les déclarant bien fondées.

– constater que la société Cristel a manqué à son obligation de sécurité ;

En conséquence :

– condamner la société Cristel au paiement d’une somme de 29.074,98 ‘, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité ;

– constater que son licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

– condamner la société Cristel au paiement d’une somme de 16.960,41 ‘ à titre de dommages-intérêts ;

– condamner la société Cristel au paiement d’une somme de 2.400 ‘ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Cristel en tous les dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. [U] [B] fait valoir que :

– sa demande d’infirmation de la décision du chef de l’incompétence du conseil des prud’hommes est recevable puisque l’ancien article 910 – 4 du code de procédure civile mentionne  » l’ensemble de leurs prétentions sur le fond  » et non les exceptions de procédure,

– la société a manqué à son obligation de sécurité, d’une part, faute d’organiser des entretiens annuels portant sur la charge de travail, de sorte qu’il n’y a eu aucun contrôle de ses jours travaillés (aucun document récapitulatif annuel et le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation), d’autre part, faute de respect de son droit au repos, ce qui a porté atteinte à sa vie personnelle et familiale (il a systématiquement travaillé plus de 48 heures par semaine, n’a pas bénéficié de la totalité de son congé annuel légal, la société n’a pas défini les modalités d’exercice du droit à la déconnexion et l’a contraint à intervenir la nuit lors du déclenchement de l’alarme dans le magasin, y compris pendant sa maladie professionnelle). La surcharge de travail est la cause de l’inaptitude d’origine professionnelle.

– le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’employeur n’a pas respecté les préconisations de la médecine du travail puisque l’accident, qui a été qualifié de rechute de maladie professionnelle, s’est déroulé lors du port carton particulièrement lourd de bouteilles. Il est demeuré responsable du rayon vins et alcools malgré la prohibition du port de charges lourdes par le médecin du travail.

Dans ses dernières conclusions n°3 enregistrées au greffe le 15 janvier 2025, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimée, la société Cristel demande à la cour, par application des articles L4121-1 et suivants et L1235-3 du code du travail, de :

– rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou infondées,

* confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Auch le 3 juin 2024 en ce qu’il a :

déclaré être incompétent au profit du tribunal de sécurité sociale pour connaître de la demande relative au manquement à l’obligation de sécurité ;

débouté M. [U] [B] de l’ensemble de ses autres demandes,

Condamné M. [U] [B] aux dépens de l’instance.

En conséquence,

* rejeter l’ensemble des conclusions de M. [U] [B] comme injustes et mal fondées ainsi que l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;

* débouter M. [U] [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

A titre reconventionnel,

* condamner M. [U] [B] à lui verser la somme de 3 500 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Cristel fait valoir :

– l’irrecevabilité de la demande d’infirmation du jugement de son chef relatif à l’incompétence, par application de l’ancien article 910 – 4 du code de procédure civile. La demande d’infirmation a été présentée et soutenue dans les écritures récapitulatives,

– l’absence de manquement à l’obligation de sécurité :

* sur la charge de travail : par arrêt du 9 avril 2024, la cour d’appel d’Agen a déclaré inopposable la convention de forfait jours au salarié et a condamné l’employeur au versement de diverses sommes (au titre des heures supplémentaires réalisées et non payées, des congés payés y afférents, des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel, les congés payés y afférents, et les jours fériés travaillés), de sorte que le salarié a déjà été indemnisé au titre de sa charge de travail. Les plannings et les attestations communiquées par le salarié ne sont pas concordantes et ne peuvent justifier l’amplitude horaire déclarée. Le manquement à l’obligation de sécurité n’est pas rapporté.

* sur le respect du droit au repos et du droit au respect de la vie personnelle : la preuve n’est pas rapportée de ce que son droit au repos n’aurait pas été respecté, ni qu’il aurait été appelé pendant ses jours de congés (relevés de la société Artel).

– le bien-fondé du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement : le salarié prétend que l’employeur n’aurait pas respecté les préconisations du médecin du travail, ce qui est inexact ainsi que cela résulte du compte rendu de visite du 22 juin 2020. Le salarié a sollicité à être réembauché pour bénéficier d’un cumul emploi retraite au sein de la société, ce qui démontre une entière satisfaction. Les pièces communiquées par le salarié datent des années 2013, 2015. Le salarié a changé d’attitude suite à l’arrivée de la nouvelle direction, qui a refusé de lui attribuer une augmentation de salaire. Le salarié ne devait pas effectuer de mise en rayon le 28 février 2022, de sorte qu’il ne s’est pas blessé, comme il le prétend sans preuve, en manipulant une charge. Les déclarations du salarié mentionnées au dossier médical ne sont pas révélatrices mais rapportent les seuls propos du salarié, lequel n’a jamais mentionné d’accident sur le lieu de travail. C’est le refus d’augmentation qui a conduit le salarié à bénéficier d’un arrêt de travail. Et si, la pathologie du salarié a pu être reconnue professionnelle, aucune action fautive ne peut être imputée à la société. La simple reconnaissance du caractère professionnel ne démontre pas le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. La fiche de demande d’indemnité temporaire d’inaptitude remise par le médecin du travail le 16 février 2022 ne permet pas d’établir un lien entre l’inaptitude et la maladie professionnelle du 26 novembre 2014.

– le montant des prétentions indemnitaires est totalement infondé et surévalué.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’infirmation du chef de jugement relatif à l’incompétence du conseil de prud’hommes pour connaitre de la demande relative au manquement à l’obligation de sécurité

Selon l’article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public. La demande de communication de pièces ne constitue pas une cause d’irrecevabilité des exceptions. Les dispositions de l’alinéa premier ne font pas non plus obstacle à l’application des articles 103,111,112 et 118.

Selon l’article 910-4 (abrogé) en sa version en vigueur du 01 janvier 2020 au 01 septembre 2024, applicable aux faits, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Par application combinée de ces dispositions, la cour devait être saisie, à peine d’irrecevabilité de l’exception soulevée, in limine litis, et nécessairement dans les écritures initiales de l’appelant.

La demande d’infirmation du jugement du chef relatif à l’incompétence, telle qu’elle résulte du dispositif des écritures, lequel seul lie la cour par application de l’article 954 du code de procédure civile, a été mentionnée dans les troisièmes écritures de l’appelant.

Partant, est irrecevable, comme tardivement formée, la demande d’infirmation du chef d’incompétence au profit du tribunal de sécurité sociale pour connaître de la demande relative au manquement à l’obligation de sécurité.

Sur les demandes en lien avec le licenciement sans cause réelle, ni sérieuse

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée (Cour de cassation, chambre sociale, 3 mai 2018, pourvoi n° 16-26.850 ; Cour de cassation, chambre sociale, 21 octobre 2020 n°19-15.376).

M. [U] [B] soutient que son inaptitude est la conséquence d’un manquement à l’obligation de sécurité de la société Cristel, manquement fondé sur des motifs médicaux, à savoir le non-respect des prescriptions du médecin du travail et que partant son licenciement est dépourvu de cause réelle, ni sérieuse.

La cour a jugé irrecevable la demande d’infirmation du chef d’incompétence au profit du tribunal de sécurité sociale pour connaître de la demande relative au manquement à l’obligation de sécurité.

La cour, qui n’est donc pas saisie de la demande relative au manquement à l’obligation de sécurité, doit statuer sur la demande en licenciement sans cause réelle, ni sérieuse.

Selon l’ article L. 1235-1 alinéa 3 et suivants du code du travail, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux du motif de licenciement forme sa conviction sur les éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement vise une inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Les pièces communiquées de part et d’autre n’établissent pas que le licenciement de M. [U] [B] serait dépourvu de cause réelle et sérieuse pour un motif distinct du manquement à l’obligation de sécurité, dont la cour n’est pas saisie.

Il s’ensuit que les demandes du salarié aux fins de condamnation pour licenciement sans cause réelle, ni sérieuse sont rejetées.

Le jugement ayant débouté M. [U] [B] de ses demandes en lien avec un licenciement sans cause réelle, ni sérieuse, est confirmé.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Par application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [U] [B] succombant, il convient de confirmer le jugement et de le condamner aux dépens d’appel.

Par application de l’article 700 du code de procédure civile, le jugement est confirmé.

En cause d’appel, M. [U] [B] est condamné à verser à la société Cristel la somme 1500 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et est débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la demande d’infirmation du chef d’incompétence au profit du tribunal de sécurité sociale pour connaître de la demande relative au manquement à l’obligation de sécurité.

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 3 juin 2024, en ce qu’il a :

– débouté M. [U] [B] de l’ensemble de ses autres demandes,

– condamné M. [U] [B] aux dépens de l’instance,

Et y ajoutant

Condamne M. [U] [B] à verser à la société Cristel la somme 1500 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [U] [B] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [U] [B] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et par Laurence IMBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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