Obligation de sécurité de l’employeurL’employeur est tenu, en vertu de l’article L. 4121-1 du Code du travail, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Cela inclut des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Compétence des juridictions prud’homalesLa juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, à l’exclusion des accidents du travail, dont l’indemnisation relève des juridictions de sécurité sociale. Cette distinction est fondée sur le principe que les conséquences d’un accident du travail ne peuvent être examinées que par les juridictions compétentes en matière de sécurité sociale. Licenciement pour inaptitudeLe licenciement pour inaptitude est considéré comme sans cause réelle et sérieuse si l’inaptitude du salarié est consécutive à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. En revanche, si l’employeur prouve qu’il a respecté ses obligations, le licenciement peut être validé. L’article L. 1232-1 du Code du travail stipule que le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Inaptitude et avis du médecin du travailL’avis du médecin du travail, qui déclare un salarié inapte, s’impose aux parties et au juge, conformément à l’article L. 4624-7 du Code du travail. Si cet avis mentionne que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement, l’employeur n’est pas tenu de rechercher un reclassement, ce qui est en accord avec l’article R. 4624-45 du même code. |
L’Essentiel : L’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés, incluant la prévention des risques professionnels. La juridiction prud’homale est compétente pour les demandes de dommages et intérêts pour manquement à cette obligation, à l’exclusion des accidents du travail. Le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle si l’inaptitude résulte d’un manquement de l’employeur. L’avis du médecin du travail s’impose et, s’il mentionne l’impossibilité de reclassement, l’employeur n’est pas tenu de rechercher une solution.
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Résumé de l’affaire : Un salarié a été engagé par une société pour exercer en tant que peintre briqueteur. Au cours de son emploi, il a subi plusieurs arrêts de travail pour des raisons de santé, notamment des accidents du travail. Le 24 juillet 2020, il a été victime d’un nouvel accident en soulevant un pot de peinture. Suite à cet incident, un médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste le 19 avril 2021. Le 20 mai 2021, la société a procédé à son licenciement pour inaptitude, invoquant l’impossibilité de reclassement.
Le salarié a contesté ce licenciement devant le conseil de prud’hommes, qui a rendu un jugement en décembre 2022, le déboutant de ses demandes. En février 2023, le salarié a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. De son côté, la société a demandé la confirmation du jugement initial et une indemnité au titre de l’article 700. La cour a d’abord examiné la question de l’obligation de sécurité de l’employeur, concluant que la société avait pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés, y compris la mise en place d’un document unique d’évaluation des risques et des formations à la sécurité. En ce qui concerne le licenciement, la cour a noté que l’inaptitude du salarié n’était pas directement liée à un manquement de l’employeur, puisque l’accident ayant conduit à l’inaptitude était dû à un acte isolé sans contre-indication médicale. Finalement, la cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant les demandes du salarié et le condamnant aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement de l’obligation de sécurité de l’employeur ?L’obligation de sécurité de l’employeur est fondée sur l’article L. 4121-1 du code du travail, qui stipule que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cela inclut des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur doit donc démontrer qu’il a mis en œuvre toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour garantir la sécurité des salariés. Quel est le rôle de la juridiction prud’homale concernant les accidents du travail ?La juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, mais elle n’est pas compétente pour indemniser les dommages résultant d’un accident du travail. Ces derniers relèvent de la compétence exclusive des juridictions de sécurité sociale. Ainsi, la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ne concerne pas les conséquences d’un accident du travail, ce qui permet à la juridiction prud’homale d’examiner les autres dommages invoqués. Quel est l’impact de l’avis du médecin du travail sur le licenciement pour inaptitude ?L’avis du médecin du travail, qui déclare un salarié inapte, s’impose aux parties et au juge, comme le stipule l’article L. 4624-7 du code du travail. Si cet avis mentionne que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement, l’employeur n’est pas tenu de rechercher un reclassement. Dans ce cas, le licenciement pour inaptitude est justifié, et le salarié ne peut pas prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Quel est le lien entre l’inaptitude et les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité ?Il est établi que si l’inaptitude d’un salarié est consécutive à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, le licenciement pour inaptitude peut être considéré comme sans cause réelle et sérieuse. Cependant, dans cette affaire, il a été démontré que l’inaptitude du salarié n’était pas directement liée aux manquements de l’employeur. L’accident ayant provoqué l’inaptitude était dû à un acte isolé, sans contre-indication médicale, ce qui justifie le licenciement. Quel est le principe de l’article 700 du code de procédure civile dans ce contexte ?L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais exposés pour la défense de ses droits. Cependant, la cour a estimé que l’équité ne commandait pas d’appliquer cet article dans cette affaire, ce qui signifie que la demande de l’employeur pour obtenir des frais sur ce fondement a été rejetée. Cela souligne que la décision de la cour était fondée sur les circonstances particulières de l’affaire et non sur une obligation automatique d’indemnisation. |
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 02 AVRIL 2025
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/00927 – N° Portalis DBVK-V-B7H-PXES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 DECEMBRE 2022 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RG F 21/01271
APPELANT :
Monsieur [J] [X]
[Adresse 1]
Représenté par Me Julie DE RUDNICKI de la SELARL R & C AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me FEBVRE Catherine, avocate au barreau de Montpellier
INTIMEE :
S.A.S. BORDELET, inscrite au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 399 953 959 et dont le siège social est situé :
[Adresse 2]
Représentée par Me Antoine PORTAL de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, substitué par Me ROUX, avocat au barreau de Vichy
Ordonnance de clôture du 15 Janvier 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Février 2025,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
M. Jean-Jacques FRION, Conseiller
Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
* *
FAITS ET PROCÉDURE
[J] [X] a été engagé par la SAS JC BORDELET à compter du 2 septembre 2013. Il exerçait les fonctions de peintre briqueteur avec un salaire mensuel brut en dernier lieu de 2 280,82′ pour 169 heures de travail.
Entre 2016 et 2019, il a connu plusieurs arrêts de travail pour maladie et accidents du travail.
Le 24 juillet 2020, il a été victime d’un nouvel accident du travail en soulevant un pot de peinture.
Le 19 avril 2021, à l’issue de son arrêt de travail, il a été déclaré inapte par le médecin du travail.
Le 20 mai 2021, [J] [X] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 6 décembre 2021, contestant notamment le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier qui, par jugement en date du 13 décembre 2022, l’a débouté de ses demandes.
Le 16 février 2023, [J] [X] a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées au greffe le 24 avril 2023, il conclut à l’infirmation du jugement et à l’octroi des sommes de 10 000′ à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, de 17 251,60′ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 800′ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées au greffe le 28 août 2024, la SAS BORDELET demande de confirmer le jugement
et de lui allouer la somme de 3 000′ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.
Par message déposé sur le réseau privé virtuel des avocats le 6 février 2025, il a été demandé aux avocats de s’expliquer sur l’éventuelle incompétence des juridictions de droit du travail pour statuer sur un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité lorsqu’il s’agit d’un accident du travail.
Sur l’obligation de sécurité :
Attendu que la demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ne concerne pas les conséquences d’un accident du travail, de sorte que la juridiction prud’homale est compétente pour statuer ;
Attendu qu’il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ce qui comprend notamment des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ;
Attendu qu’à l’exclusion des accidents du travail dont le salarié a été victime, pour lesquels l’indemnisation des dommages, qu’ils soient ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive des juridictions de sécurité sociale, il convient, concernant les autres dommages invoqués, que l’employeur établisse avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
Qu’en l’espèce, [J] [X] fait valoir qu’il évoluait dans un climat dangereux sans que l’employeur ait pris les mesures de protection ou de prévention appropriées, ni organisé de suivi de sa charge de travail ou de formation à la sécurité ;
Attendu, cependant, que la SAS JC BORDELET justifie par les éléments qu’elle produit de la tenue d’un document unique d’évaluation des risques professionnels, de l’établissement d’un ‘plan d’action suite à l’analyse de la charge physique’ ainsi que de la mise en place d’un comité de surveillance de la sécurité ;
Qu’elle apporte également la preuve de l’organisation de formation à la sécurité à laquelle le salarié a assisté et de l’acquisition de matériels propres à assurer les sécurités individuelle et collective des salariés, y compris l’achat de palans, de potences motorisées ou de systèmes de captation des poussières ;
Qu’elle établit ainsi la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises et leur adéquation au risque connu ou qu’il aurait dû connaître ;
Attendu qu’il en résulte que l’employeur, qui justifie d’avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, n’a pas méconnu l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ;
Attendu que la demande à ce titre sera donc rejetée ;
Sur le licenciement :
Sur l’origine de l’inaptitude :
Attendu que si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu’il est constant que lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu’il a été dit que la SAS JC BORDELET n’avait pas manqué à son obligation de sécurité ;
Attendu, de même, qu’il résulte des éléments produits que l’accident qui a provoqué l’inaptitude de [J] [X] était dû au fait qu’il avait soulevé un pot de peinture de 20 kg pour lequel il n’avait fait l’objet d’aucune contre-indication médicale ;
Qu’il ne conteste pas que les autres accidents du travail dont il a été victime consistaient seulement en une écharde dans le pouce, le fait de s’être cogné l’avant-bras, d’être tombé sur un barreau de socle de cheminée ou de présenter des irritations sur les mains ;
Attendu qu’il est donc démontré que son inaptitude ne trouvait pas son origine directe dans les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, ayant eu des répercussions sur sa santé ;
Sur l’obligation de reclassement :
Attendu que le salarié a été déclaré inapte à son poste le 19 avril 2021, l’avis qui lui a été délivré par le médecin du travail précisant qu’il serait apte à un poste tenant compte des restrictions médicales, alors que celui délivré à l’employeur mentionne que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ;
Attendu qu’en l’absence de recours exercé en application de l’article L. 4624-7 du code du travail contre l’avis du médecin du travail, celui-ci s’impose aux parties comme au juge ;
Que la cour d’appel constate, d’une part, que la preuve que l’employeur ait obtenu par fraude l’avis d’inaptitude dont il se prévaut ou qu’il s’agisse d’un faux n’est pas rapportée, d’autre part, que cet avis n’a pas, au jour où elle statue, fait l’objet d’un recours en application des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail ;
Qu’il y a donc lieu d’en déduire, peu important que le délai de recours à l’encontre de cet avis n’ait pas couru, que celui-ci s’impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement ;
Attendu que lorsque le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, ce qui est le cas, l’employeur n’est pas tenu de rechercher un reclassement au salarié ;
Attendu qu’il en résulte que c’est à juste titre que le salarié a été débouté de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que le jugement sera donc confirmé ;
* * *
Attendu qu’enfin, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel ;
LA COUR,
Se déclare compétente pour statuer sur la demande relative à l’obligation de sécurité ;
Confirme le jugement ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne [J] [X] aux dépens.
La Greffière Le Président
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