Nullité de revendications de brevets pour défaut de nouveauté et d’activité inventive

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Nullité de revendications de brevets pour défaut de nouveauté et d’activité inventive

Nullité des revendications de brevet pour défaut de nouveauté

La nullité d’un brevet peut être prononcée pour défaut de nouveauté, conformément à l’article L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que la nullité d’un brevet européen est prononcée par décision de justice pour l’un des motifs visés à l’article 138 § 1 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance des brevets européens (CBE).

Selon l’article 52 de la CBE, une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen, comme le précise l’article 54 de la CBE. Pour qu’une invention soit considérée comme dépourvue de nouveauté, elle doit être entièrement divulguée dans une seule antériorité, avec les éléments constitutifs dans la même forme, agencement et fonctionnement en vue du même résultat.

Nullité des revendications de brevet pour défaut d’activité inventive

L’article 56 de la CBE définit l’activité inventive comme la condition selon laquelle une invention ne doit pas découler de manière évidente de l’état de la technique pour une personne du métier. Pour évaluer l’activité inventive, il est nécessaire d’identifier l’état de la technique le plus proche, le problème technique à résoudre, et d’examiner si l’invention revendiquée aurait été évidente pour un professionnel du domaine.

Insuffisance de description

L’article 83 de la CBE impose que l’invention soit exposée de manière suffisamment claire et complète pour permettre à une personne du métier de l’exécuter. Si les revendications d’un brevet sont annulées pour défaut d’activité inventive, les arguments relatifs à l’insuffisance de description deviennent sans objet, car la condition de clarté et de complétude n’est plus pertinente pour des revendications qui ne sont pas valides.

L’Essentiel : La nullité d’un brevet peut être prononcée pour défaut de nouveauté, selon l’article L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle. Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique, constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt. Pour qu’une invention soit dépourvue de nouveauté, elle doit être entièrement divulguée dans une seule antériorité, avec les éléments constitutifs dans la même forme et fonctionnement.
Résumé de l’affaire : L’affaire concerne un litige en matière de propriété intellectuelle entre une société de droit américain, titulaire d’un brevet européen, et un opérateur de télécommunications français. Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement le 8 novembre 2022, déclarant nulles pour défaut de nouveauté les revendications 1 et 15 du brevet EP 1 327 374. Ce jugement a également rejeté les demandes de contrefaçon formulées par la société titulaire du brevet à l’encontre de l’opérateur de télécommunications, ainsi que les demandes de publication de cette dernière.

Suite à ce jugement, la société Intellectual Ventures I a interjeté appel le 27 janvier 2023. Dans ses conclusions, elle a demandé l’infirmation du jugement, arguant que les revendications du brevet étaient nouvelles et impliquaient une activité inventive. En réponse, l’opérateur de télécommunications a demandé la confirmation du jugement initial, tout en soulevant des arguments subsidiaires concernant l’insuffisance de description et le défaut d’activité inventive des revendications.

Le tribunal a examiné les antériorités citées par l’opérateur pour contester la nouveauté des revendications. Il a conclu que ces antériorités ne divulguaient pas un procédé ou un réseau de communication conforme aux caractéristiques des revendications contestées. En conséquence, le tribunal a infirmé le jugement initial sur la question de la nouveauté, mais a confirmé la nullité des revendications pour défaut d’activité inventive.

Finalement, le tribunal a statué que la société Intellectual Ventures I devait payer des frais irrépétibles à l’opérateur de télécommunications et a rejeté les demandes de publication judiciaire. Les désistements des parties concernant certaines demandes ont également été constatés, mettant fin à l’instance entre la société Intellectual Ventures I et la société Huawei Technologies France.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la nullité des revendications 1 et 15 du brevet EP 1 327 374 ?

La nullité des revendications 1 et 15 du brevet EP 1 327 374 est fondée sur l’article L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que la nullité d’un brevet européen est prononcée par décision de justice pour l’un des motifs visés à l’article 138 § 1 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance des brevets européens (CBE).

Cet article précise que les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle, conformément à l’article 52 de la CBE.

Ainsi, pour qu’une invention soit considérée comme nouvelle, elle ne doit pas être comprise dans l’état de la technique, tel que défini à l’article 54 de la CBE. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen.

En l’espèce, le tribunal a jugé que les revendications 1 et 15 étaient nulles pour défaut de nouveauté, car aucune des antériorités invoquées ne divulguait un procédé ou un réseau de communication sans fil ayant les mêmes caractéristiques que celles revendiquées.

Quel est l’impact du désistement de la société Huawei Technologies France sur la procédure ?

Le désistement de la société Huawei Technologies France a un impact significatif sur la procédure, car il entraîne l’extinction de l’instance entre cette société et la société Intellectual Ventures I, conformément aux articles 696 et 700 du Code de procédure civile.

L’article 696 précise que le désistement d’instance peut être total ou partiel et qu’il doit être constaté par le juge. En l’espèce, la société Huawei a accepté de se désister de toutes ses demandes à l’encontre de la société Intellectual Ventures I, ce qui a été constaté par le tribunal.

De plus, la société Huawei conservera à sa charge les frais et dépens exposés dans le cadre de la présente instance, ce qui signifie qu’elle ne pourra pas demander le remboursement de ses frais à la société Intellectual Ventures I. Ce désistement permet également de concentrer la procédure sur les demandes entre la société Intellectual Ventures I et la société [Y] Telecom.

Quel est le fondement des condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles ?

Les condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles sont fondées sur les articles 699 et 700 du Code de procédure civile. L’article 699 stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, qui peuvent être recouvrés directement par l’avocat de la partie gagnante.

En l’espèce, la société Intellectual Ventures I a été condamnée aux dépens d’appel, sauf en ce qui concerne les frais de l’instance l’opposant à la société Huawei, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699.

L’article 700, quant à lui, permet au juge d’allouer à la partie gagnante une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire des frais qui ne peuvent pas être récupérés dans le cadre des dépens. Dans ce cas, la société Intellectual Ventures I a été condamnée à verser à la société [Y] Telecom une somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Quel est le rôle de l’expertise dans le cadre de cette procédure ?

L’expertise joue un rôle crucial dans le cadre de cette procédure, notamment pour vérifier l’exactitude et l’exhaustivité des informations communiquées par la société [Y] Telecom. Selon les demandes formulées, la cour a la possibilité de désigner un expert pour examiner les éléments de preuve fournis par la société [Y] Telecom concernant les stations de base utilisées dans son réseau mobile.

L’article 232 du Code de procédure civile permet au juge d’ordonner une expertise lorsque cela est nécessaire pour éclairer la décision. Dans ce cas, l’expert sera chargé de vérifier la part que représente, dans le nombre total de stations de base en service, le nombre de celles qui ont été fournies par des sociétés autres que Nokia, Ericsson et Huawei.

Cette expertise est essentielle pour établir la réalité des actes de contrefaçon allégués par la société Intellectual Ventures I et pour déterminer le montant des dommages et intérêts qui pourraient être dus en cas de contrefaçon avérée.

Quel est le critère d’appréciation de l’activité inventive selon la CBE ?

Le critère d’appréciation de l’activité inventive est défini par l’article 56 de la CBE, qui stipule qu’une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique.

Pour évaluer l’activité inventive, il convient de déterminer l’état de la technique le plus proche, le problème technique objectif à résoudre, et d’examiner si l’invention revendiquée aurait été évidente pour la personne du métier.

Dans le cas présent, la société [Y] a soutenu que les revendications 1 et 15 du brevet EP 374 étaient dépourvues d’activité inventive, en se basant sur le document US 581 combiné à d’autres documents. Cependant, la société Intellectual Ventures I a répliqué que le document US 581 ne suggérait pas l’établissement d’une table de priorités conforme à son brevet.

Ainsi, l’appréciation de l’activité inventive repose sur la capacité de la personne du métier à combiner les documents de l’état de la technique pour arriver à la solution revendiquée, sans faire preuve d’inventivité.

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 21 FEVEIER 2025

(n°22, 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 23/02592 – n° Portalis 35L7-V-B7H-CHCNT

Décision déférée à la Cour : jugement du 08 novembre 2022 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°18/00406

APPELANTE

Société INTELLECTUAL VENTURES I LLC, société de droit américain, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 6]

ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

Représentée par Me Julien FRENEAUX de la SAS BARDEHLE – PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque P 0390

INTIMÉES

S.A. [Y] TELECOM, prise en la personne de son président du conseil d’administration, M. [M] [Y], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 397 480 930

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avocate au barreau de PARIS, toque K 111

Assistée de Me Sophie MICALLEF plaidant pour la SAS HOYNG – ROKH – MONEGIER, avocate au barreau de Paris, toque P 512

S.A.S.U. HUAWEI TECHNOLOGIES FRANCE, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 451 063 739

Représentée par Me Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P 438

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 novembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente

Mme Marie SALORD, Présidente de chambre

M. Gilles BUFFET, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 18/00406) qui a :

– dit que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 sont nulles pour défaut de nouveauté,

– ordonné, à l’initiative de la partie la plus diligente, la transmission de la décision, une fois passée en force jugée, à l’INPI aux fins d’inscription au Registre National des Brevets,

– rejeté par conséquent toutes les demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet,

– rejeté la demande de publication présentées par la société [Y] Telecom,

– condamné la société Intellectual Ventures I aux dépens et autorisé Me Desrousseaux à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– condamné la société Intellectual Ventures I à payer à la société [Y] la somme de 100 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et celle de 200 000 euros à la société Huawei Technologies France sur le même fondement,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision, sauf en ce qui concerne sa transcription au Registre National des Brevets,

Vu l’appel interjeté le 27 janvier 2023 par la société de droit américain Intellectual Ventures I LLC,

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2023 par la société Huawei Technologies France , qui demande à la cour de :

– lui donner acte de ce qu’elle se désiste de l’ensemble de ses demandes qu’elles aient été formées devant le tribunal judiciaire dans l’instance RG 18/00406 ayant conduit au jugement frappé d’appel ou devant la cour d’appel à l’encontre de la société Intellectual Ventures II (sic), et notamment de sa demande en nullité des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP B 1 327 374,

– lui donner acte de ce qu’elle accepte le désistement de la société Intellectual Ventures II (sic) de ses demandes à son encontre sur le fondement des articles 696 et 700 du code de procédure civile,

-juger que la société Huawei Technologies France conservera à sa charge les frais et dépens exposés dans le présent litige,

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 septembre 2024 par la société Intellectual Ventures I LLC, qui demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 8 novembre 2022 dans l’affaire enrôlée sous le n°RG 18/00406, en ce qu’il a :

– dit que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 sont nulles pour défaut de nouveauté,

– ordonné,à l’initiative de la partie la plus diligente, la transmission de la décision, une fois passée en force jugée,à l’INPI aux fins d’inscription au Registre National des Brevets,

– rejeté par conséquent toutes les demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet,

– condamné la société Intellectual Ventures I aux dépens et autorisé Me Desrousseaux à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– condamné la société Intellectual Ventures I à payer à la société [Y] la somme de 100 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et celle de 200 000 euros à la société Huawei Technologies France sur le même fondement,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision, sauf en ce qui concerne sa transcription au Registre National des Brevets,

Et statuant à nouveau,

– débouter les sociétés [Y] Telecom et Huawei Technologies France de l’ensemble de leurs demandes,

– dire et juger qu’en exploitant en France, entre le 12 janvier 2013 et le 9 octobre 2021, un réseau de télécommunication mobile supportant notamment la technologie 4G, la société [Y] Telecom a commis des actes de contrefaçon par utilisation du procédé objet de la revendication 1 de la partie française du brevet européen EP 1 327 374 appartenant à la société Intellectual Ventures I LLC,

– dire et juger qu’en fabricant, utilisant et détenant à cette fin en France, entre le 12 janvier 2013 et le 9 octobre 2021, un réseau de télécommunication mobile supportant notamment la technologie 4G, la société [Y] Telecom a commis des actes de contrefaçon de la revendication 15 de la partie française du brevet européen EP 1 327 374 appartenant à la société Intellectual Ventures I LLC,

– donner acteà la société Intellectual Ventures I LLC de ce que ses demandesà l’encontre de la société [Y] Telecom pour contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 327 374 ne s’étendent pas à des équipements de communication (a’ l’exclusion des Terminaux Cellulaires), logiciels ou services de la société Nokia Corporation et de ses filiales, y compris la société Nokia Solutions And Networks OY (ci-après collectivement désignées « Nokia »), considérés seuls ou dans toute éventuelle combinaison arguée de contrefaçon dans laquelle ils reproduisent l’un quelconque des éléments de l’une quelconque des revendications invoquées (y compris dans le cas ou’ ils réalisent une étape d’une revendication de procédé), dans la mesure ou’ lesdits équipements de communication, logiciels ou services ont été fabriqués, utilisés, vendus, offertsà la vente, loués, importés ou distribués par Nokia, ou dans la mesure ou’ Nokia les a fait fabriquer,

– donner acte à la société Intellectual Ventures I LLC de ce que ses demandesà l’encontre de la société [Y] Telecom pour contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 327 374 ne s’étendent pas à des produits ou services des sociétés Telefonaktiebolaget LM Ericsson et Ericsson Inc et de leurs filiales, y compris la société Ericsson France, (ci-après collectivement désignées « Ericsson »), y compris des moyens de communication avec des Terminaux Cellulaires (mais non compris les Terminaux Cellulaires) et y compris les services fournis pour un réseau d’un opérateur sans fil, ces produits ou services étant considérés seuls ou dans toute éventuelle combinaison arguée de contrefaçon dans laquelle ils reproduisent l’un quelconque des éléments de l’une quelconque des revendications invoquées (y compris dans le cas ou’ ils réalisent une étape d’une revendication de procédé), dans la mesure ou’ lesdits produits ou services ont été fabriqués, utilisés, vendus, offertà la vente, loués, importés, distribués ou opérés par Ericsson, ou dans la mesure ou’ Ericsson les a fait fabriquer,

– donner acteà la société Intellectual Ventures I LLC de ce que ses demandesà l’encontre de la société [Y] Telecom pour contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 327 374 ne s’étendent pas à des produits, technologies, procédés ou services de la société Huawei Technologies Co. Ltd. et de ses filiales, y compris la société Huawei Technologies France, (ci-après collectivement désignées « Huawei »), considérés seuls ou dans toute éventuelle combinaison arguée de contrefaçon dans laquelle ils reproduisent l’un quelconque des éléments de l’une quelconque des revendications invoquées (y compris dans le cas ou’ ils réalisent une étape d’une revendication de procédé), dans la mesure ou’ lesdits produits, technologies, procédés ou services ont été fabriqués, utilisés, vendus, offertsà la vente, loués, importés ou distribués par Huawei, ou dans la mesure ou’ Huawei les a fait fabriquer,

– donner acteà la société Intellectual Ventures I LLC de ce que les limitations de l’étendue de ses demandesà l’encontre de la société [Y] Telecom, telles que formulées ci-dessus, ne bénéficient en aucun cas aux produits, technologies, procédés ou services d’autres fournisseurs que Nokia, Ericsson et Huawei et/ouà l’utilisation de tels produits, technologies, procédés ou services,

– donner acteà la société Intellectual Ventures I LLC de ce qu’elle se désiste de ses demandesà l’encontre de la société Huawei Technologies France au titre des articles 696 et 700 du code de procédure civile,

– donner acteà la société Intellectual Ventures I LLC de ce qu’elle accepte le désistement de la société Huawei Technologies France de l’ensemble de ses demandesà son encontre,

– donner acteà la société Intellectual Ventures I LLC de ce que la limitation de l’étendue de ses demandesà l’encontre de la société [Y] Telecom et le désistement de ses demandesà l’encontre de la société Huawei Technologies France au titre des articles 696 et 700 du code de procédure civile, tels que formulés ci-dessus, n’emportent acquiescementà aucun chef du jugement entrepris ni aux appels incidents des sociétés [Y] Telecom et Huawei Technologies France, ni aux demandes qu’elles ont forméesà son encontre, y compris notamment leur demande d’annulation du brevet EP 1 327 374,

– condamner la société [Y] Telecomà payerà la société Intellectual Ventures I LLC des dommages et intérêts au titre des actes de contrefaçon des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 qu’elle a commis au cours de la période du 12 janvier 2013 au 9 octobre 2021 ;

– avant dire droit sur le montant des dommages et intérêts :

– ordonner à la société [Y] Telecom de communiquer à la société Intellectual Ventures I LLC, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la part que représente, dans le nombre total de stations de base en service dans son réseau mobile au cours de la période du 12 janvier 2013 au 9 octobre 2021, le nombre de celles qui lui ont été fournies par des sociétés autres que Nokia, Ericsson, et Huawei,

– commettre tel expert qu’il plaira à la cour de désigner, aux frais avancés de la société [Y] Telecom, avec pour mission de vérifier l’exactitude et l’exhaustivité des informations communiquées par cette dernière en exécution de l’arrêt à intervenir ;

– dans l’attente de l’issue des mesures de droit d’information et d’expertise, condamner d’ores et déjà la société [Y] Telecomà payerà la société Intellectual Ventures I LLC la somme de 20 000 000 euros à titre de provisionà valoir sur le montant des dommages et intérêts,

– ordonner la publication du dispositif de l’arrêtà intervenir dans cinq journaux ou magazines au choix de la société Intellectual Ventures I LLC, et aux frais la société [Y] Telecom, dans la limite de 15 000 euros HT par insertion,

– ordonnerà la société [Y] Telecom d’afficher en page d’accueil du site internet www.bouyguestelecom.fr un encart occupant au moins 10% de la surface de la page d’accueil au-dessus de la ligne de flottaison et contenant le lien hypertexte suivant : « Publication Judiciaire : condamnation de la société [Y] Telecom pour contrefaçon du brevet EP 1 327 374 appartenant à la société Intellectual Ventures I LLC », lequel lien devra renvoyer vers une copie intégrale de la minute de l’arrêtà intervenir, et ce pendant une durée de deux mois sous astreinte de 50 000 euros par jour de retardà compter de la signification de l’arrêtà intervenir,

-condamner la société [Y] Telecomà payerà la société Intellectual Ventures I LLC la somme de 600 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et la somme de 200 000 euros sur le même fondement au titre de la procédure d’appel,

– condamner la société [Y] Telecom aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être directement recouvrés par la SAS SPE Bardehle Pagenberg, avocats, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2024 par la société [Y] Telecom qui demande à la cour de :

– confirmer le jugement du 8 novembre 2022 en ce qu’il a prononcé la nullité des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 pour défaut de nouveauté,

A titre subsidiaire,

– prononcer la nullité des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 pour défaut d’activité inventive,

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé l’invention objet du brevet EP 1 327 374 suffisamment décrite et statuant à nouveau, prononcer la nullité des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 pour insuffisance de description,

En tout état de cause,

– confirmer le jugement du 8 novembre 2022 en ce qu’il a rejeté toutes les demandes de la société Intellectual Ventures I LLC fondées sur la contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 327 374,

– confirmer le jugement du 8 novembre 2022 en ce qu’il a dit que la décision une fois passée en force de chose jugée serait transmise à l’INPI aux fins d’inscription au Registre National des Brevets,

– confirmer le jugement du 8 novembre 2022 en ce qu’il a rejeté la demande de publication de la société Intellectual Ventures I LLC,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Intellectual Ventures I LLC à verser, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, 100 000 euros à la société [Y] Telecom et 200 000 euros à la société Huawei Technologies France (sic),

– débouter la société Intellectual Ventures I LLC de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

– condamner la société Intellectual Ventures I LLC :

– à prendre en charge et à avancer les frais de publication de l’arrêt à intervenir, par extraits au choix de la société [Y] Telecom, dans au plus cinq journaux et revues de son choix, sans que la valeur globale de ces publications n’excède la somme de 25 000 euros augmentée de la TVA en vigueur, somme qui devra être consignée entre les mains de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris en qualité de séquestre, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard ; la cour dira que M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris attribuera cette somme sur production de la commande de ces publications,

– à publier, l’arrêt à intervenir par extraits au choix de la société [Y] Telecom, sur la page d’accueil du site Internet accessible à l’adresse http:// www.intellectualventures.com/, ou de tout site qui lui serait substitué, en partie supérieure de la page d’accueil du site, en caractères « times new roman », de taille 12, droits, de couleur noire et sur fond blanc, sans mention ajoutée, pendant une durée de six mois à compter de sa première mise en ligne et ce dans les 48 heures de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration de ce délai ;

– condamner la société Intellectual Ventures I LLC à payer à la société [Y] Telecom la somme de 120 000 euros au titre des frais de la présente procédure d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Intellectual Ventures I LLC aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Grappotte-Benetreau, en application de l’article 699 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture du 12 septembre 2024 ;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société de droit américain Intellectual Ventures I LLC (ci-après la société IV) appartient au groupe Intellectual Ventures et indique avoir pour activité l’acquisition et l’exploitation d’inventions. Le groupe se présente comme particulièrement actif dans le domaine des réseaux de télécommunications.

Elle est titulaire inscrite d’un brevet européen désignant la France EP 1 327 374 (ci-après le brevet  EP 374 ) déposé le 9 octobre 2001 par la société Nokia Corporation et issu d’une demande internationale PCT WO 02/32160 revendiquant la priorité de quatre demandes anglaises (dont GB n° 0024705 du 9 octobre 2000). En cours de procédure, la demande a été cédée à la société Spyder Navigations LLC aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société IV. La publication du brevet est intervenue le 22 juillet 2009. Ce brevet a expiré le 9 octobre 2021.

Reprochant à la société [Y] Telecom (ci-après la société [Y]), l’un des principaux opérateurs de télécommunications en France, d’utiliser le procédé objet de la revendication 1 du brevet EP 374 et de fabriquer, utiliser et détenir à cette fin un réseau de communication sans fil objet de la revendication 15 du même brevet dans le cadre de l’exploitation en France de son réseau de télécommunication mobile supportant notamment la technologie 4G, la société IV a, selon acte d’huissier de justice du 12 janvier 2018, fait assigner cette dernière devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris, en contrefaçon des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 374.

La société Huawei Technologies France, (ci-après la société Huawei), fournisseur des équipements de réseau de la société [Y] Telecom, est intervenue volontairement à l’instance.

La société [Y] Telecom a, par actes d’huissier du 10 octobre 2018, fait assigner les sociétés Ericsson France et Nokia Solutions and Networks, également fournisseurs d’équipements de réseau, en intervention forcée, afin d’obtenir leur garantie pour le cas où des condamnations viendraient à être prononcées à son encontre.

Ces deux sociétés ayant conclu un accord de licence avec la société IV, celle-ci a modifié ses demandes et la société [Y] Telecom s’est partiellement désistée de son instance à l’égard des sociétés Nokia Solutions And Networks et Ericsson France. Les désistements ont été constatés par une ordonnance du juge de la mise en état du 18 octobre 2019, rectifiée le 25 octobre suivant.

C’est dans ce contexte qu’a été rendu le jugement dont appel.

Sur le désistement partiel

La société IV a modifié l’étendue de ses demandes en contrefaçon de brevet contre la société [Y] et s’est en conséquence désistée de ses demandes à l’encontre de la société Huawei au titre des articles 696 et 700 du code de procédure civile.

La société Huawei a accepté ce désistement et s’est désistée elle-même de toutes ses demandes à l’encontre de la société IV et notamment de sa demande en nullité des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374.

La société IV a accepté le désistement de l’ensemble des demandes de la société Huawei à son encontre.

Les désistements sont en conséquence parfaits en ce qu’ils concernent l’instance opposant les sociétés IV et Huawei et seront constatés au dispositif du présent arrêt, l’instance se poursuivant entre la société IV, d’une part, et la société [Y] Télécom, d’autre part.

Conformément à l’accord intervenu entre les parties, la société Huawei conservera à sa charge les frais et dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la présente instance.

Sur la portée du brevet EP 374

Le brevet EP 374 déposé le 9 octobre 2001 et délivré le 22 juillet 2009 a pour titre « Priorités des services dans un réseau multi-cellulaire ».

L’invention concerne des réseaux de communication sans ‘l exploitant plusieurs normes de communication et en particulier, mais pas exclusivement, des réseaux de communication sans ‘l prenant en charge des fonctionnalités de 2ème et 3ème génération.

Le paragraphe [0002] de la description enseigne que dans un proche avenir, les réseaux mobiles de deuxième génération (2G) seront complétés et partiellement remplacés par des réseaux mobiles dc troisième génération (3G), ce qui entrainera, dans de nombreuses parties du monde, la transition d’une situation où la norme 2G est la seule technologie de réseaux mobiles, à une situation où coexistent deux technologies de réseaux mobiles dominantes, la 2G et la 3G.

Ainsi, un opérateur de réseau pourra à l’avenir proposer un réseau mobile basé sur les technologies GSM et 3GPP, où la technologie pourra être déployée en utilisant plusieurs porteuses 3GPP à 5MHz. De même, la taille des cellules dans les deux normes (GSM et 3GPP) peut différer, allant des picocellules et des microcellules en intérieur ou au niveau de la rue, jusqu’aux grandes macrocellules. Il faudra alors que l’opérateur décide comment desservir le trafic demandé avec les différentes technologies de réseau et les types de cellules disponibles à cet effet [0003] avec comme objectif de maximiser le nombre d’utilisateurs desservis et d’assurer une certaine probabilité de couverture prédéfinie dans la zone de couverture [0004].

Selon le paragraphe [0006], dans les systèmes proposés actuellement, l’opérateur doit s’appuyer sur des algorithmes de sélection de cellule ou de transfert intercellulaire fournis par le fabricant ce qui peut ne pas aboutir une répartition satisfaisante des différents types de connexions dans les technologies et les types de cellules disponibles du point de vue de l’opérateur.

Selon le paragraphe [0011], un objet de l’invention est de proposer une technique améliorée de sélection d’une cellule cible dans un système de communication sans fil prenant en charge plus d’une norme de communication.

Il est ajouté que l’invention propose un procédé pour déterminer une attribution de cellule pour un utilisateur dans un réseau sans fil, le réseau comportant une pluralité de types de cellules et les utilisateurs ayant au moins l’un d’une pluralité de types de services, comprenant l’établissement d’une table de priorités comprenant, pour chaque type de service une priorité, pour chaque type de cellule [0012].

Selon le paragraphe [0026], le premier type de table de priorités peut être utilisé pour déterminer une attribution de cellule pour un équipement d’utilisateur connecté au réseau, et selon le paragraphe [0029], le second type de table de priorités peut être utilisé pour déterminer une attribution de cellule pour un équipement d’utilisateur qui est inactif.

L’invention propose par conséquent une table de priorités qui permet à un opérateur de réseau d’associer facilement différents types de connexions demandées à une technologie et un type de cellule priorisés. La table de priorités est de préférence utilisée en mode inactif ou en mode connecté quand l’équipement d’utilisateur effectue une sélection de cellule ou un transfert intercellulaire [0032].

Il est indiqué au paragraphe [0033] de la description que pour maximiser le nombre d’utilisateurs desservis, les différents types de connexions doivent être desservis dans un type de cellule et avec une technologie qui le permettent. A cette fin, l’invention propose une table de priorités qui permet à l’opérateur d’associer facilement différents types de connexions demandées à une technologie et un type de cellule priorisés. La table de priorités sera alors utilisée en mode inactif ou en mode connecté quand un équipement d’utilisateur effectue une sélection de cellule (mode inactif) ou un transfert intercellulaire (mode connecté).

La description enseigne deux exemples qu’elle présente comme non limitatifs. L’exemple choisi est celui d’un réseau ayant à la fois des services 2G (GSM)et 3G (3GPP) et prenant également en charge des services 2G améliorés (de type EDGE). En outre, pour chacun des services, l’exemple suppose que le réseau fournisse à la fois des microcellules et des macrocellules. Selon le paragraphe [0038], la figure 1 illustre une couverture comportant trois cellules GSM ainsi qu’une couverture cellulaire 3GPP à l’intérieur de chaque cellule GSM. Dans l’exemple, on suppose que la couverture 3GPP est plus restreinte que la couverture GSM. Chacune des cellules 3GPP est prise en charge par une station de base. Les stations de base GSM peuvent également prendre en charge des opérations GSM améliorées, de type EDGE par exemple. En outre, la structure cellulaire proprement dite, pour chaque type de norme, peut varier. Par exemple, certaines stations de base peuvent combiner des microcellules et des·macrocellules.

Selon le paragraphe [0040], l’équipement de l’utilisateur (en principe un téléphone mobile) se trouve à l’intérieur de la zone de couverture cellulaire GSM et 3GPP et peut donc potentiellement être connecté au réseau en utilisant l’une ou l’autre norme. L’objet de l’invention est donc de veiller à ce que l’équipement de l’utilisateur se connecte au réseau en utilisant celle des normes de réseau qui est la plus appropriée pour optimiser l’efficacité générale du réseau.

Les paragraphes [0041] à [ 0046] décrivent les éléments de réseau aptes à mettre en oeuvre le procédé.

Les paragraphes [0048] et [0049] décrivent le procédé : chaque table de priorités, spécifique à une cellule, recense tous les types de services disponibles dans le réseau (voix, navigation sur internet, synchronisation des applications) en fonction de tous les types de cellules disponibles dans le réseau, et attribue une priorité à chacune de ces cellules données pour chacun de ces types de services donnés. La table de priorités est définie pour être spécifique à une cellule. Si un équipement d’utilisateur nécessitant un certain type de service est actuellement connecté à une cellule donnée et peut être connecté, par transfertintercellulaire, à plus d’un type de cellule, la cellule est choisie conformément à la table de priorités définie pour la cellule dans laquelle l’équipement d’utilisateur est actuellement connecté.

En mode inactif, l’équipement d’utilisateur est allumé mais le canal qui transmet des informations d’utilisateur, par exemple le canal de conversation, n’est pas établi. Le réseau de base, et plus spécifiquement le centre de commutation mobile, connait la zone de localisation de l’équipement d’utilisateur inactif, laquelle zone se compose d’un groupe de cellules. En mode inactif, l’équipement d’utilisateur (UE) est domicilié dans une cellule donnée et si l’équipement d’utilisateur inactif se déplace dans le réseau, le contrôleur de réseau radio (RNC) ou le contrôleur de station de base (BSC) sélectionne la nouvelle cellule dans laquelle l’UE sera domiciliée. Ce processus est appelé sélection de cellule. En mode inactif, l’UE doit écouter les messages de recherche émanant du réseau et envoyer au réseau de base une actualisation de sa zone de localisation [0051].

En mode «connecté», un canal pour transmettre des informations d’utilisateur est établi. Le réseau de base connait spécifiquement l’emplacement de la cellule de l’UE et un transfert intercellulaire intervient quand un UE change de cellule [0052]. Dans le .mode connecté, comme dans le mode inactif, l’UE effectue des mesures de transfert intercellulaire et de sélection de cellule et les envoie au contrôleur de réseau radio (RNC) ou au contrôleur de station de base (BSC) lequel décide ensuite à quelle cellule l’UE doit être associé [0053]. De ce fait, en mode connecté comme en mode inactif, il convient d’effectuer une attribution de cellule, soit pour la sélection de cellule dans le mode inactif, soit pour le transfert intercellulaire dans le mode connecté [0054].

Le paragraphe [0055] présente un exemple de table de priorités établie pour des équipements d’utilisateur connectés, laquelle présente, en ordonnée, les différents types de cellules et, en abscisses, les différents types de services disponibles. Il décrit un exemple d’attribution de cellule au moyen de la table de priorités : conformément aux techniques connues de transfert intercellulaire l’UE renvoie des mesures de cellules au contrôleur de station de base lequel détermine que trois cellules renvoient des valeurs de

mesure qui sont suffisamment bonnes pour effectuer un transfert : une microcellule GSM, une microcellule EDGE et une microcellule 3GPP.

Comme l’UE est actuellement connecté dans une microcellule GSM spécifique, le contrôleur de station de base compare le type des cellules disponibles à la table de priorités de cette cellule. En référence à cette table le BSC examine la colonne 5, à savoir la colonne pour le type d’appel en cours (interactif 32 kbit/s). Cette colonne indique que les trois cellules disponibles pour le transfert intercellulaire correspondent à des cellules ayant des priorités de 1 (microcellule EDGE), 3 (microcellule 3GPP) et 5 (microcellule GSM). Sur cette base, la cellule ayant la priorité la plus élevée pour le transfert intercellulaire est donc la microcellule EDGE et par conséquent, c’est cette cellule qui est sélectionnée pour le transfert qui s’effectue par l’intermédiaire du contrôleur de station de base [0057].

Le tableau 2 correspond à une table de priorité établie pour un équipement d’utilisateur en mode inactif ; il comporte, en ordonnée, les différents types de cellules et, en abscisses, les normes que l’équipement peut prendre en charge [0060].
Les paragraphes [0062] et suivants récapitulent l’invention à savoir que l’équipement d’utilisateur effectue des mesures de sélection de cellule (mode inactif) ou de transfert intercellulaire (mode connecté), qu’il envoie au contrôleur de station de base ou au contrôleur de réseau radio, lequel sélectionne alors la cellule cible en utilisant les tables de priorités décrites ci dessus (mode inactif ou mode connecte), en commençant par le type de cellule ayant la priorité la plus élevée dans la colonne correspondant au service recherche (ou à la norme prise en charge en mode inactif) et l’équipement utilisateur est alors connecté à cette cellule (si cette cellule figurait dans le rapport de mesures de l’équipement d’utilisateur). Dans le cas contraire, la priorité suivante est alors sélectionnée et, si aucune des cellules de la liste de priorités ne figure dans le rapport de mesures de l’ équipement d’utilisateur, il n’est pas tenu compte de l’étape d’attribution basée sur le service et les autres critères de sélection de la meilleure cellule sont appliqués.

Aux fins de l’invention, le brevet comporte 24 revendications dont seules sont opposées les revendications 1 et 15 suivantes :

1. Procédé pour déterminer une attribution de cellule pour un utilisateur dans un réseau sans fil, le réseau comportant une pluralité de types de cellule et les utilisateurs ayant au moins l’un d’une pluralité de types de services, comprenant l’établissement d’une table de priorités comprenant, pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule.

15. Réseau de communication sans fil comportant une pluralité de types de cellules pour prendre en charge des utilisateurs ayant au moins l’un d’une pluralité de types de services, dans lequel on établit une table de priorités dans laquelle, pour chaque type de service, une priorité est définie pour chaque type de cellule.

Sur la validité du brevet EP 374

La société appelante conclut à l’infirmation du jugement du 8 novembre 2022 qui a déclaré nulles pour défaut de nouveauté les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet européen EP 1 374 dont elle est titulaire. Elle fait valoir en substance qu’aucune des antériorités opposées ne divulgue un procédé comportant l’ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP 374, ni un réseau de communication sans fil comportant l’ensemble des caractéristiques de la revendication 15 du brevet EP 374, et ce dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique et que par conséquent, l’objet des revendications 1 et 15 du brevet EP 374 est nouveau au regard des documents opposés, que pour un homme du métier, l’invention objet des revendications 1 et 15 du brevet EP 374 ne peut pas découler d’une manière évidente d’une quelconque combinaison des documents opposés et que c’est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen de nullité tiré d’une prétendue insuffisance de description de l’objet des revendications 1 et 15 du brevet EP 374.

La société [Y] sollicite quant à elle, à titre principal, la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré nulles pour défaut de nouveauté les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet européen EP 1 374, et à titre subsidiaire poursuit la nullité des revendications opposées pour défaut d’activité inventive ainsi que pour insuffisance de description.

Sur la nullité des revendications 1 et 15 du brevet EP 374

Selon l’article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138 § 1 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance des brevets européens (CBE).

Aux termes de l’article 52 de CBE, ‘les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle’.

En application du § 1 de l’article 138 de cette même convention, sous réserve des dispositions de l’article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si :

a/ l’objet du brevet européen n’est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57 (…).

Sur le défaut de nouveauté

Selon l’article 54 de la CBE :

1. Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique. 

2. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. 

3. Est également considéré comme compris dans l’état de la technique le contenu de demandes de brevet européen telles qu’elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au paragraphe 2 et qui n’ont été publiées qu’à cette date ou à une date postérieure.

(‘).

Il est constant que pour être comprise dans l’état de la technique et privée de nouveauté, l’invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat.

La société [Y] invoque, pour détruire la nouveauté des renvendications 1 et 15 du brevet EP 374, à titre principal le document US 6 094 581 (US 581) et à titre subsidiaire les documents EP 0 844 798 (EP 798), WO 95/07010 dit Leih et EP 0 941 006 (EP 006).

Le document US 581 est un brevet américain publié le 25 juillet 2000 et intitulé « Structures cellulaires hiérarchiques sur mesure dans un système de communication ».

L’invention se rapporte à des systèmes de télécommunications et plus particulièrement aux techniques pour diriger le trafic radio vers des serveurs préférés lorsque plus d’un serveurs existe. Le document est compris dans l’état de la technique et est cité dans la description du brevet EP 374 au paragraphe [0009].

Ce document décrit un procédé de sélection d’une cellule parmi une pluralité de cellules ayant des zones de service différentes les unes par rapport aux autres, destiné à être utilisé par une unité mobile (revendication 1), aux fins d’amélioration globale du réseau, une cellule étant attribuée en fonction des caractéristiques du mobile et les fonctionnalités des cellules. Il enseigne en particulier que les cellules sont définies par leur taille (micro, macro,…) et le standard supporté (GSM, GPRS,…) et affectées à une ‘couche’ (layer). Les unités mobiles sont affectées à une ‘couche’ en fonction de leur ‘classe’ ( GPRS, GSM). La sélection de cellule est effectuée en utilisant un algorithme dit « HCS » (pour Hierarchical Cell Structur ou structure cellulaire hiérarchique).

Les figures 2a et 2b du document illustrent un mode de réalisation du procédé et montrent que l’affectation des cellules aux différentes couches n’est pas la même selon que le terminal mobile est capable de supporter uniquement la technologie GSM ou à la fois la technologie GSM et la fonctionnalité GPRS. Ainsi, lorsque le terminal mobile supporte uniquement la technologie GSM, aucune cellule n’est affectée à la couche 1 et les cellules de la couche 2 (microcellules) sont les premières testées pour déterminer si l’une d’elles est disponible. Si tel est le cas, cette microcellule est sélectionnée. Si, à l’inverse, aucune microcellule n’est disponible, c’est alors au tour des cellules de la couche 3 (macrocellules) d’être testées pour déterminer si l’une d’elles est disponible. Lorsque le terminal mobile supporte à la fois la technologie GSM et la fonctionnalité GPRS, les cellules de la couche 1 (macrocellules) sont les premières testées pour déterminer si l’une d’elles est disponible. Si tel est le cas, cette macrocellule est sélectionnée. Si, à l’inverse, aucune macrocellule n’est disponible, c’est alors au tour des cellules de la couche 2 (microcellules) d’être testées pour déterminer si l’une d’elles est disponible (colonne 7, lignes 21-45).

Pour autant, le document US 581 ne divulgue pas un procédé d’attribution de cellule comprenant l’établissement d’une table de priorité comportant, pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule tel que revendiqué, la société [Y] ne pouvant convertir dans ses écritures comme l’a fait la société Huawei devant le tribunal, la figure 2a ou plus précisément une partie de la figure 2a, en table de priorité pour en déduire que les revendications 1 et 17 du brevet EP 374 ne sont pas nouvelles, étant ajouté que le tribunal a relevé à juste titre que les deux documents se distinguent par une étape de découpage.

Par conséquent, le brevet US 581 ne décrit ni un procédé ni un réseau de communication sans fil ayant la même forme et le même agencement que ceux divulgués par les revendications 1 et 15 du brevet EP 374.

Le document US 581 n’est donc pas destructeur de la nouveauté de ces revendications.

Le document EP 798 est une demande de brevet européen publiée le 27 mai 1998 et intitulée « Procédé pour attribuer des stations mobiles à des cellules d’un réseau radio mobile ». Il est cité dans le rapport de recherche international du brevet EP 374 et concerne l’attribution des stations mobiles à des cellules de réseaux radio mobiles, en particulier dans un réseau GSM. Chaque cellule dispose d’une interface radio, GSM ou DCS. Ces deux interfaces correspondent respectivement à des bandes de fréquences différentes du réseau GSM. Une station mobile apte à gérer ces deux interfaces du réseau GSM est dite « dual band ». Les cellules du réseau GSM peuvent être de différentes tailles (parapluie, normales, microcellules, picocellules). Dans ce contexte, le document EP 798 propose pour chaque cellule du réseau et son interface associée, une ou plusieurs priorités.

La figure 7 montre une liste de priorités associant à chaque cellule (Z1 à Z12) et son interface associée (GSM ou DCS), deux priorités en fonction de la vitesse de déplacement de la station mobile. Les valeurs P figurant dans la colonne « s » (slow) correspondent aux priorités associées aux cellules Z1 à Z12 pour une station mobile se déplaçant lentement et les valeurs figurant dans la colonne « f » (fast) correspondent aux priorités associées à ces mêmes cellules pour une station mobile se déplaçant rapidement.

Pour autant ce document EP 798 ne divulgue pas un réseau comportant une pluralité de types de cellules ni un réseau comportant une pluralité de types de services à laquelle ne correspondent pas « les autres distinctions » mentionnées dans le document qui sont relatives aux cellules du réseau mobile, ni encore une table de priorités au sens du brevet EP 374.

Par conséquent, le document EP 798 ne décrit ni un procédé ni un réseau de communication sans fil ayant la même forme et le même agencement que ceux divulgués par les revendications 1 et 15 du brevet EP 374.

Le document EP 798 n’est donc pas destructeur de la nouveauté de ces revendications.

Le document Leih (WO 95/07010) est une demande de brevet international publiée le 9 mars 1995 intitulée  « Système mobile de communications sélectionnant des domaines disponibles ». Il concerne un système pour communication mobile comprenant une station mobile et un domaine de communication avec au moins une station de communication, lequel domaine de communication chevauche, au moins en partie, un autre domaine de communication dans une certaine zone. Dans un domaine de communication, il est possible d’établir une liaison entre une station mobile et une ou plusieurs stations de communication dudit domaine de communication. Ce domaine de communication peut comprendre un pays, une région ou un site usine (page 1, lignes 5 à 23).

La figure 1 illustre un premier domaine de communication A et un second domaine de communication B. Chaque domaine correspond à la zone qui est couverte par un réseau mobile. La zone dans laquelle les deux domaines de communication A et B se recouvrent est indiquée par C. Un téléphone mobile 1 se déplace dans la direction du domaine B. Lorsqu’il se déplace jusque dans la zone C, une communication sera possible soit avec le domaine A soit avec le domaine B (traduction page 8, lignes 11 à 36). Dans la zone C, un téléphone mobile exécute une sélection d’un domaine de communication disponible à partir de listes de préférences mémorisées dans le réseau ( traduction page 1, lignes 5 à 15). La sélection parmi la pluralité de domaines disponibles peut être réalisée en tenant compte de la nature du service impliqué (traduction page 4, ligne 4 à 8). Dans un domaine particulier, plusieurs services peuvent être disponibles. Ces services peuvent inclure la téléphonie, le facsimilé, la messagerie vocale, le transfert de données (traduction page 3, lignes 1 à 3).

Ainsi, le système comprend une liste de préférences séparée pour chaque utilisateur et pour chaque service supporté. La liste de préférences à utiliser pour la sélection peut être compilée sur la base de préférences concernant les charges, le support de certains services, et la fiabilité des réseaux respectifs (traduction, page 11, ligne 36 à page 12, ligne 3).

Pour autant, ce document Leih ne divulgue pas un réseau comportant une pluralité de types de cellules à laquelle ne correspond pas une pluralité de domaines de communication, ni une table de priorités au sens du brevet EP 374.

Par conséquent, le document Leih ne décrit ni un procédé ni un réseau de communication sans fil ayant la même forme et le même agencement que ceux divulgués par les revendications 1 et 15 du brevet EP 374.

Le document Leih n’est donc pas destructeur de la nouveauté de ces revendications.

Enfin le document EP 006 est une demande de brevet européen publiée le 8 septembre 1999 intitulée « Procédé de sélection de cellule dans un système cellulaire de radiocommunications mobiles ». L’invention concerne les systèmes cellulaires de radiocommunications mobiles, et plus particulièrement la sélection de cellule lors de l’accès par une station mobile au réseau cellulaire, pour une communication [0001] et [0002].

Un tel réseau est constitué par un réseau dans lequel sont progressivement introduits, dans une infrastructure existante, correspondant à un système tel qu’un système de deuxième génération (en particulier un système GSM), de nouveaux moyens d’accès radio à cette infrastructure, correspondant à un système tel qu’un système de troisième génération (en particulier un système UMTS), en vue de l’introduction progressive de nouveaux services, en particulier des services de transmission de données à haut débit [0007].

La figure 2 du document illustre le procédé de sélection de cellule pour une communication dans un tel réseau : la station mobile sélectionne une première cellule en utilisant l’algorithme de sélection de cellule mis en oeuvre et exécuté dans la station mobile ; cette cellule ainsi sélectionnée est utilisée pour l’accès au réseau pour une communication donnée ; la connexion peut être transférée vers une cellule constituant une meilleure cellule en termes de service. Dans le cas d’un transfert, celui-ci doit être organisé vers une cellule utilisant une autre technologie. Pour cela, il est déterminé si des cellules candidates dudit autre type peuvent être déterminées. Il est déterminé ensuite si un transfert est possible vers l’une ou l’autre de ces cellules candidates considérées dans un certain ordre de préférence [0029].

Pour autant, ce document EP 006 ne divulgue pas un réseau comportant une pluralité de types de cellules, seules différentes technologies de réseau mobile étant visées, ni par conséquent une table de priorités au sens du brevet EP 374, les préférences résultant de mesures réalisées sur des cellules et existant dans l’art antérieur ne correspondant pas à des priorités prédéfinies dans une table comportant, pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule.

Par conséquent, le document EP 006 ne décrit ni un procédé ni un réseau de communication sans fil ayant la même forme et le même agencement que ceux divulgués par les revendications 1 et 15 du brevet EP 374.

Le document EP 006 n’est donc pas destructeur de la nouveauté de ces revendications.

Aucune des antériorités opposées ne divulgue donc un procédé comportant l’ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP 374 ni un réseau de communication sans fil comportant l’ensemble des caractéristiques de la revendication 15 du brevet EP 374, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique. Dès lors, les revendications 1 et 15 du brevet EP 374 sont nouvelles.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a dit que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 sont nulles pour défaut de nouveauté.

Sur le défaut activité inventive

Selon l’article 56 de la CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique.

Pour apprécier l’activité inventive d’un brevet, il convient de déterminer d’une part, l’état de la technique le plus proche, d’autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d’examiner si l’invention revendiquée aurait été évidente pour la personne du métier.

La personne du métier est d’une façon générale celle du domaine technique où se pose le problème que l’invention, objet du brevet, se propose de résoudre et il est constant qu’il peut s’aider de la description et des dessins pour reproduire l’invention.

Il n’est pas contesté que la personne du métier est en l’espèce, ainsi que l’a retenu tribunal, un ingénieur spécialiste des technologies de communication mises en oeuvre dans les réseaux mobiles.

La société [Y] poursuit à titre subsidiaire la nullité des revendications 1 et 15 du brevet EP 374 pour défaut d’activité inventive au regard du document US 581 (D1) combiné aux connaissances générales de la personne du métier ou à l’un quelconque des documents EP 798 et Leih. La société IV réplique que le document D1 ne suggérait aucunement à la personne du métier l’établissement d’une table de priorités conforme au brevet EP 374 et, se contente d’indiquer, s’agissant du défaut d’activité inventive au regard du document D1 combiné à l’un quelconque des documents EP 798 et Leih, que « comme exposé supra (soit au titre de la nouveauté) aucun des documents D1 (US 581), EP 798 et Leih ne divulgue un réseau comportant une pluralité de types de cellules ni une table de priorités au sens du brevet EP 374 ».

Il a été dit que le document US 581 est un brevet américain publié le 25 juillet 2000, intitulé « Structures cellulaires hiérarchiques sur mesure dans un système de communication » qui est cité dans la description du brevet EP 798 [0009]. Il concerne les systèmes de radiocommunication et plus particulièrement les techniques permettant de diriger le trafic radio vers des serveurs préférés lorsqu’il existe plusieurs serveurs disponibles et constitue selon l’intimée l’état de la technique le plus proche. Ce document relève en effet du même domaine technique et poursuit le même objectif que le brevet contesté, à savoir optimiser les performances du réseau radio par l’attribution de cellules pour desservir un mobile.

Pour autant, la société [Y], qui se contente d’affirmer que « s’il était considéré que le brevet EP 374 est nouveau dès lors que le document D1 ne décrit pas son fonctionnement avec des types de cellule caractérisées par leur technologie », le brevet EP 374 serait dénué d’activité inventive au regard de ce document D1 combiné aux connaissances générales de l’homme du métier, au motif que celui-ci « aurait aisément abouti à la solution revendiquée en partant de D1 et en étendant la solution décrite aux normes successivement développées (3G, 4G, 5G ‘) », ne procède à aucune démonstration susceptible de détruire l’activité inventive des revendications 1 et 15 du brevet qui lui est opposé.

La société [Y] soutient également que le brevet EP 374 est dépourvu d’activité inventive de par la combinaison du document D1 (US 581) et du brevet EP 798.

La différence entre le document US 581 et le brevet EP 374 opposé réside dans le mode de réalisation lorsque l’équipement utilisateur est connecté. Dans le document US 581 aucune différence n’est faite entre deux unités mobiles présentant les mêmes capacités mais connectées à différents types de service.

L’effet de cette différence est mentionné aux paragraphes [0006] et [0035] du brevet EP 374 :

[0006] Dans les systèmes proposés actuellement, l’opérateur devrait s’appuyer sur des algorithmes de sélection de cellule ou de transfert intercellulaire

fournis par le fabricant, ce qui pourrait ne pas aboutir à une répartition satisfaisante des différents types de connexions dans les technologies et les types de cellules disponibles du point de vue de l’opérateur.

[0035] Sans la présente invention, l’opérateur devrait s’appuyer sur des algorithmes d’attribution de cellule fournis par le fabricant, ce qui pourrait ne pas aboutir à une répartition satisfaisante des différents types de connexions dans les technologies et les types de cellules disponibles du point de vue de l’opérateur.

La personne du métier, ingénieur spécialiste des technologies de communication mises en oeuvre dans les réseaux mobiles, partant du document US 581 se trouverait donc confrontée au problème de trouver un mode de répartition plus satisfaisant des différentes connexions dans les différents types de cellules disponibles. Elle va naturellement se tourner vers des documents relevant du même domaine technique parmi lesquels se trouve le document EP 798.

Ce document, ainsi qu’il a été dit, est une demande de brevet européen déposée le 19 novembre 1997, sous priorité du 19 novembre 1996, publiée le 27 mai 1998 et délivrée le 7 mars 2007. Il concerne un procédé pour attribuer côté réseau des stations mobiles à des cellules au sein de réseaux mobiles lequel accorde à des exploitations de réseaux une plus grande flexibilité lors de l’allocation de ressources radio lorsque différentes interfaces radio sont disponibles dans la zone radio correspondante.

Selon le document EP 798, « le procédé selon l’invention permet une utilisation plus efficace des différentes cellules » (page 5, troisième paragraphe, dernière phrase).

Dès lors, la personne du métier cherchant à résoudre le problème technique posé par l’invention objet du brevet EP 374 va s’intéresser à la solution proposée par ce document, et notamment, à la mise en oeuvre d’une table de priorités en fonction des « types de services spéciaux mis à disposition » dans le réseau (EP 798 page 15 § 1).

Ainsi, en combinant le document EP 798 avec le document US 581, la personne du métier saura, sans faire preuve d’activité inventive, établir une table de priorités pour des unités mobiles présentant non seulement des capacités différentes mais aussi des services différents.

Cette première combinaison des documents US 581 et EP 798 détruit l’activité inventive des revendications 1 et 15 du brevet EP 374.

Par ailleurs, selon la traduction du document Leih (WO 95/07010) (page 4 lignes 8 à 13) « Un autre objet de l’invention consiste à mettre en application un système pour communication mobile de telle façon qu’à tout moment soit sélectionné un domaine de communication qui est le plus adapté pour le service et l’utilisateur ou les utilisateurs de la station mobile en question ».

La personne du métier va donc également se tourner vers ce document relevant du même domaine technique.

Le résumé de l’invention objet du document Leih poursuit en indiquant :

« Le système selon l’invention à cette fin est caractérisé en ce que le système supporte une pluralité de services et en ce que, pour chaque utilisateur, une liste de préférences séparée est fournie pour chaque service supporté.

Du fait qu’un domaine de communication disponible est sélectionné sur la base d’une liste de préférences, si bien qu’il est possible de conclure de la liste de préférences en question quel domaine de communication va être préféré du point de vue de la station mobile et du service particulier fourni par cette station mobile, il est possible à tout moment de déterminer le « meilleur » domaine de communication et de le sélectionner pour établir une connexion » (page 4 lignes 13 à 24).

Dès lors, la personne du métier cherchant à résoudre le problème technique posé par l’invention objet du brevet EP 374 va aussi s’intéresser à la solution proposée par ce document, et notamment à la mise en oeuvre d’une liste de priorités pour chaque « service supporté » dans le réseau. La combinaison de ces listes pour chaque type de service constituera une table de priorités pour chaque type de cellule.

Ainsi, en combinant le document Leih avec le document US 581, la personne du métier saura, sans faire preuve d’activité inventive, établir une table de priorités telle que définie par l’invention objet du brevet EP 374.

Cette seconde combinaison des documents US 581 et Leih détruit également l’activité inventive des revendications 1 et 15 du brevet EP 374.

En conséquence, il y a lieu d’annuler les revendications 1 et 15 du brevet EP 374 pour défaut d’activité inventive.

Sur l’insuffisance de description

Selon l’article 83 de la CBE, l’invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour que la personne du métier puisse l’exécuter.

En l’espèce les revendications opposées ayant été annulées pour défaut d’activité inventive, le moyen de nullité tiré de l’insuffisance de description des mêmes revendications devient sans objet.

En définitive le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 374 sont nulles, sauf à dire qu’elles sont nulles pour défaut activité inventive.

Il sera également confirmé en ce qu’il a rejeté en conséquence toutes les demandes fondées sur la contrefaçon dudit brevet, y compris les demandes de communication de pièces et d’expertise. Les actes requis par la société IV concernant la contrefaçon, outre le fait qu’ils ne sont pas constitutifs de droits, deviennent sans objet.

Les demandes de publication du présent arrêt tant de la société IV que de la société [Y] seront rejetées.

Sur les autres demandes

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles alloués à la société [Y].

En revanche, cette dernière n’a pas qualité à solliciter la confirmation du jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société IV I à verser, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 200 000 euros à la société Huawei.

Partie perdante, la société IV sera en outre condamnée aux dépens d’appel sauf s’agissant de ceux de l’instance l’opposant à la société Huawei, et qui seront recouvrés directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Enfin la société [Y] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l’appel,

Constate le désistement de la société Intellectual Ventures I de ses demandes à l’encontre de la société Huawei Technologies France au titre des articles 696 et 700 du code de procédure civile.

Constate le désistement de la société Huawei Technologies France de l’ensemble de ses demandes qu’elles a formées devant le tribunal judiciaire dans l’instance inscrite au greffe sous le numéro RG 18/00406 ayant conduit au jugement frappé d’appel ou devant la cour d’appel à l’encontre de la société Intellectual Ventures I, et notamment de sa demande en nullité des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374.

Dit les désistements parfaits.

Constate l’extinction de l’instance en ce qu’elle oppose les sociétés Intellectual Ventures I et Huawei Technologies France et le dessaisissement de la cour de ce chef.

Dit que la société Huawei Technologies France conservera à sa charge les dépens qu’elle a exposés au cours de l’instance d’appel.

Dit que l’instance se poursuit entre la société Intellectual Ventures I, d’une part, et la société [Y] Télécom, d’autre part.

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf à dire que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 sont nulles pour défaut activité inventive.

Y ajoutant,

Rejette les demandes de publication judiciaire.

Condamne la société Intellectual Ventures I à payer à la société [Y] Telecom la somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Déclare la société [Y] Telecom irrecevable à solliciter la confirmation du jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Intellectual Ventures I à verser, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 200 000 euros à la société Huawei Technologies France.

Déboute la société Intellectual Ventures I de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Condamne la société Intellectual Ventures I aux dépens d’appel sauf s’agissant de ceux de l’instance l’opposant à la société Huawei, et qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


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