Modification du temps de travail et conséquences sur la relation contractuelle.

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Modification du temps de travail et conséquences sur la relation contractuelle.

Modification du temps de travail

La modification de la durée du travail, qui affecte la rémunération du salarié, est un élément essentiel du contrat de travail supposant l’accord exprès du salarié. Selon l’article L. 3123-6 du Code du travail, le contrat à temps partiel doit être établi par écrit, précisant la durée de travail. En l’espèce, la durée initialement prévue et celle réduite étaient inférieures à la durée légale minimale de 24 heures hebdomadaires, rendant nécessaire l’établissement d’un contrat écrit signé par les parties.

Résiliation judiciaire du contrat de travail

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n’est justifiée qu’en cas de manquements de l’employeur d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail. Si le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement. L’article L. 1226-4 du Code du travail stipule que lorsqu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Créances salariales et intérêts

Les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes, conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil. La capitalisation des intérêts est ordonnée selon les dispositions de l’article 1343-2 du Code civil.

L’Essentiel : La modification de la durée du travail, affectant la rémunération, nécessite l’accord exprès du salarié. Le contrat à temps partiel doit être écrit, précisant la durée de travail. En l’espèce, les durées prévues étaient inférieures à la durée légale minimale de 24 heures hebdomadaires, rendant nécessaire un contrat écrit signé. La résiliation judiciaire à la demande du salarié est justifiée par des manquements graves de l’employeur. Les créances salariales produisent des intérêts au taux légal dès la réception de la convocation.
Résumé de l’affaire : Une secrétaire comptable a été engagée par un dirigeant d’entreprise d’installation d’eau et de gaz en avril 2008, avec un contrat à temps partiel de 15 heures par semaine. En 2016, son temps de travail a été réduit à 55,50 heures par mois, ce qui a été discuté entre les parties. En juin 2018, des tensions ont émergé suite à un déménagement des locaux de l’entreprise, sans préavis pour la salariée, qui a également signalé des retards de paiement de ses salaires. Malgré ses relances, le dirigeant a refusé de valider ses congés et a exprimé des doutes sur son utilité au sein de l’entreprise.

En août 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie. En septembre, elle a de nouveau réclamé ses salaires, mais le dirigeant a contesté ses demandes, affirmant que son absence était injustifiée. En février 2019, un médecin du travail a déclaré la salariée inapte à tous les postes de l’entreprise, mais aucune procédure de licenciement n’a été engagée à ce moment-là. Ce n’est qu’en août 2021, après un entretien préalable, qu’elle a été licenciée pour inaptitude.

En septembre 2020, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Le jugement du 21 septembre 2022 a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat à la date de sa requête, condamnant le dirigeant à lui verser des salaires dus et des indemnités. La salariée a fait appel, demandant une requalification de la résiliation à la date de son licenciement et des sommes supplémentaires. Le dirigeant a également contesté le jugement, soutenant que la résiliation était intervenue plus tôt.

La cour a finalement confirmé certaines décisions tout en infirmant d’autres, notamment en ce qui concerne la résiliation judiciaire, et a condamné le dirigeant à verser des salaires dus et des indemnités.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique applicable à la modification du temps de travail d’un salarié à temps partiel ?

La modification de la durée du travail d’un salarié à temps partiel est régie par l’article L. 3123-6 du Code du travail, qui stipule que « le contrat de travail à temps partiel doit être établi par écrit ».

Cet article précise que toute modification de la durée du travail doit être acceptée expressément par le salarié. En l’espèce, la salariée a vu son temps de travail réduit sans accord écrit, ce qui constitue une violation des dispositions légales.

Il est donc essentiel que toute modification du contrat de travail soit formalisée par un document écrit, signé par les deux parties, afin d’éviter toute ambiguïté sur les conditions de travail.

Quel est le principe de la résiliation judiciaire du contrat de travail ?

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prévue par l’article L. 1231-1 du Code du travail, qui stipule que « le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de manquements de l’employeur ».

Pour qu’une telle demande soit justifiée, les manquements doivent être d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail. Dans le cas présent, la salariée a invoqué le non-paiement de ses salaires et l’absence de reclassification après son inaptitude, mais a attendu plus d’un an et demi pour saisir la juridiction, ce qui a pu affaiblir sa position.

Quel est le régime des salaires dus en cas d’inaptitude d’un salarié ?

L’article L. 1226-4 du Code du travail précise que « lorsqu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ».

Dans cette affaire, la salariée a été déclarée inapte le 12 février 2019 et n’a pas été reclassée ni licenciée dans le mois suivant, ce qui lui donne droit au paiement de ses salaires jusqu’à son licenciement pour inaptitude.

Quel est le fondement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont fondés sur l’article L. 1235-1 du Code du travail, qui stipule que « le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité ».

Cette indemnité est calculée en fonction de l’ancienneté du salarié et de la gravité des manquements de l’employeur. Dans le cas présent, la cour a reconnu que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse, ce qui a conduit à l’octroi de dommages et intérêts.

Quel est le régime des créances salariales en matière d’intérêts ?

Les créances salariales produisent des intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes, conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil.

La capitalisation des intérêts est ordonnée selon les dispositions de l’article 1343-2 du Code civil, qui précise que « les intérêts échus peuvent être capitalisés ». Cela signifie que les intérêts dus sur les salaires impayés s’accumulent et peuvent être réclamés en plus des sommes dues.

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

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ARRÊT DU : 01 AVRIL 2025

PRUD’HOMMES

N° RG 22/04821 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6CU

Madame [B] [N]

c/

Monsieur [K] [U]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Me Olivier MEYER de la SCP GUEDON – MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Thierry FIRINO MARTELL, avocat au barreau de BORDEAUX

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 septembre 2022 (R.G. n°F 20/01362) par le conseil de prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d’appel du 20 octobre 2022,

APPELANTE :

Madame [B] [N]

née le 05 eptembre 1970 à [Localité 4]

de nationalité Ffrançaise

Profession : Secrétaire comptable,

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Olivier MEYER de la SCP GUEDON – MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [K] [U]

de nationalité française,

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Thierry FIRINO MARTELL, avocat au barreau de BORDEAUX

assistée de Me Claire-Marie CHARBIT substituant Me Thierry FIRINO MARTELL

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 février 2025 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire, et madame Laure Quinet, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Laure Quinet, conseillère

Greffière lors des débats : S. Déchamps

lors du prononcé : S. Lachaise

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

1. A compter du 1er avril 2008 Mme [B] [N], née en 1970, a été engagée en qualité de secrétaire comptable par M. [U], qui exploite seul une entreprise d’installation d’eau et de gaz, par contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel à raison de 15 heures par semaine, soit 65 heures par mois.

En 2016, le temps de travail de Mme [N] a été réduit à 55,50 heures par mois dans des conditions discutées entre les parties.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006.

2. Au cours des mois de juin 2018 à septembre 2018, de nombreux échanges écrits ont eu lieu entre les parties desquels il ressort que :

– les locaux de l’entreprise, qui étaient situés [Adresse 1] à [Localité 4], ont été déplacés le 8 juin 2018 dans un autre lieu, [Adresse 3] à [Localité 4], Mme [N] déplorant dans son courrier du 13 juin 2018 ce déménagement inopiné dont elle n’avait pas été prévenue, de s’être vu imposer sur le champ, faute d’activité, de prendre des congés non programmés du 12 juin au 24 juillet 2018 et de ne pas avoir encore perçu son salaire du mois de mai ;

– le 3 juillet, Mme [N] indiquait à M. [U] être dans l’attente d’exercer ses fonctions ainsi que du paiement de son salaire de mai et juin 2018 et sollicitait son accord pour prendre ses congés du 2 au 27 août, comme à l’accoutumée ;

– M. [U] lui répondait le lendemain que sa reprise était prévue le 24 juillet 2018 indiquant ‘pour le mois d’août oublé non validé’ ;

– Mme [N] lui rappelait alors que sans matériel informatique, elle ne pouvait pas faire grand-chose ;

– les 3 et 17 août 2018, M. [U], se référant à un ‘mot’ de la veille de la salariée, rappelait à celle-ci qu’il était dans son rôle ‘en plus de dirigeant’ de ‘PATRON’ ;

– les 8 et 17 août 2018, Mme [N] mettait M. [U] en demeure de lui régler ses salaires de juin et juillet, indiquant n’avoir reçu son salaire du mois de mai que le 24 juillet.

3. Mme [N] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 21 août 2018.

4. Le 11 septembre 2018, Mme [N] réclamait à nouveau le paiement de ces salaires de juin et juillet ainsi que celui du mois d’août.

Le lendemain, M. [U] lui répondait en ces termes :

« Bonjour madame [N] j’ai eu quelques secondes à consacré à votre mail de réclamations des salaires des mois précédant et choses qui vous sont du après accord du dirigeant, mais pour l’instant vous chercher à diriger le dirigeant ça ne passe pas, votre salaire du mois d’août fait hors ma comptabilité peut ètre erroné ne pourra etre accepté et toutes les demandes administratives que vous réclamer à votre dirigeant ne peuvent etre exécuté dans la mesure que celui-ci met en priorité d’autres

travaux qui ne sont pas de bureau notre dernière discussion ma laissé croire que je n’étais utile ou d’une grande nécessitée pour vous au niveau travail par contre quand ca se passe chez moi je souhaite un résultat eh …

Je considére votre absence depuis le 21 aout 2018 qui reste injustifié chez moi de plus de 48 heures et qui répond à un renvoi sans tenir compte de vos arrangements en temps consultante j’ai jusqu’à ce jour une prolongation qui démarre quand’ ».

5. L’arrêt de travail de Mme [N] a été prolongé et, à la suite d’une visite de reprise intervenue le 12 février 2019, le médecin du travail l’a déclarée inapte définitivement à tous les postes de l’entreprise, en ajoutant que tout maintien de la salariée dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.

6. Aucune procédure de licenciement n’a été mise en oeuvre.

7. Par requête reçue le 23 septembre 2020, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux, sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

8. Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée le 12 juillet 2021, M. [U] a convoqué Mme [N] à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 juillet 2021.

Mme [N] a ensuite été licenciée pour inaptitude par lettre datée du 13 août 2021 ainsi rédigée :

« […]

Suite à notre entretien qui s’est tenu le 23 juillet 2021, je vous informe de ma décision de vous licencier, en raison de votre inaptitude à occuper votre emploi, constatée le 12 février 2019 par le médecin du travail et en raison de l’impossibilité de vous reclasser, compte tenu de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que votre maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à votre santé et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de tenter de vous reclasser.

Votre contrat de travail a donc pris fin lorsque je vous ai notifié votre licenciement dans les jours qui ont suivi la réception de cet avis du médecin de travail. En tout état de cause, je vous notifie de nouveau, par la présente, votre licenciement vous précisant que bien évidemment,vous n’effectuerez pas de préavis.

Merci de bien vouloir me restituer les clés du bureau qui sont toujours en votre possession à réception de la présente.

[…] ».

9. Par jugement rendu le 21 septembre 2022, le conseil de prud’hommes, retenant que la diminution du temps de travail n’avait pas fait l’objet d’une réclamation de la part de la salariée et qu’il n’était pas établi que celle-ci s’était faite contre sa volonté, a :

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [N] au 23 septembre 2020 [date de la réception de la requête présentée par Mme [N]],

– condamné M. [U] au versement à Mme [N] des sommes de :

* 9 611,80 euros au titre des salaires pour la période courant à compter du 13 mars 2019 jusqu’au 23 septembre 2020 outre 961,18 euros de congés payés afférents,

* 1 840,11 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– ordonné la délivrance des bulletins de paye, de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de travail rectifiés,

– débouté Mme [N] du surplus de ses demandes,

– condamné M. [U] aux dépens ainsi qu’au paiment à Mme [N] de la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

10. Par déclaration communiquée par voie électronique le 20 octobre 2022, Mme [N] a relevé appel de cette décision.

11. Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 mai 2023, Mme [N] demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 21 septembre 2022 en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail au 23 septembre 2022 [en réalité 2020] et a condamné M. [U] à lui verser la somme de 9 611,80 euros pour la période courant à compter du 13 mars 2019 jusqu’au 23 septembre 2020 outre 961,18 euros de congés payés afférents ainsi que la somme de 1 840,11 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, et l’a déboutée du surplus de ses demandes,

– confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

– prononcer la résiliation du contrat de travail liant Mme [N] à M. [U] à effet du 13 août 2021,

– dire que la rupture produit les effets d’un licenciement abusif,

– condamner M. [U] à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

* rappel de salaire de septembre 2017 à août 2018 : 1 106,29 euros,

* indemnité de congés payés afférents : 110,63 euros,

* salaires du 13 mars 2019 au 13 août 2021 : 18 870,97 euros,

* indemnité de congés payés afférents : 1 887,10 euros,

* indemnité compensatrice de congés payés : 825 euros,

* indemnité compensatrice de préavis : 1 300 euros,

* indemnité de congés payés afférents : 130 euros,

* indemnité légale de licenciement : 2 220,83 euros,

* indemnité sur le fondement de l’article 700. 1° du code de procédure civile : 2 000 euros,

– ordonner la capitalisation des sommes dues à titre d’intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– débouter M. [U] de ses demandes,

– condamner M. [U] aux dépens.

12. Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 avril 2023, M. [U] demande à la cour de’lui accorder l’aide juridictionnelle provisoire, de débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes, et de :

A titre principal :

– réformer le jugement du 21 septembre 2022 en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet du 23 septembre 2020,

– juger que la résiliation du contrat de travail est intervenue le 13 février 2019,

– limiter sa condamnation au paiement d’une indemnité d’un mois de salaire à Mme [N],

A titre subsidiaire,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes le 21 septembre 2022,

En tout état de cause :

– réformer le jugement du 21 septembre 2022 en ce qu’il l’a condamné à verser à Mme [N] la somme de 5000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et limiter la somme qui pourrait lui allouée à ce titre à la somme de 500 euros,

– condamner Mme [N] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 2° du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

13. L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2025 et l’affaire a été fixée à l’audience du 18 février 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’octroi de l’aide juridictionnelle à titre provisoire

14. Aux termes des dispositions de l’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l’article 61 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020, dans les cas d’urgence, sous réserve de l’application des règles relatives aux commissions ou désignations d’office, l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président.

L’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l’intéressé, notamment en cas d’exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion.

L’aide juridictionnelle est attribuée de plein droit à titre provisoire dans le cadre des procédures présentant un caractère d’urgence dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat.

L’aide juridictionnelle provisoire devient définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d’aide juridictionnelle établit l’insuffisance des ressources.

15. M. [U] ne justifiant ni de l’urgence, le litige ayant été engagé en 2020 et l’appel formé le 20 octobre 2022, ni de la saisine du bureau d’aide juridictionnelle suite à cet appel, et ne produisant aucun élément quant à sa situation de ressources, sera débouté de sa demande d’admission à titre provisoire à l’aide juridictionnelle.

Sur la modification du temps de travail

16. Mme [N] sollicite le paiement d’un rappel de salaire à hauteur de 1 106,29 euros pour la période du 1er septembre 2017 au 20 août 2018, exposant que le conseil de prud’hommes a inversé la charge de la preuve en considérant que la modification du temps de travail peut se prouver par tous moyens, alors qu’aux termes de l’article L. 3123-6 du code du travail, le contrat à temps partiel doit être établi par écrit et que le seul contrat écrit est celui du 4 avril 2018, prévoyant un horaire hebdomadaire de 15 heures.

Elle ajoute que son acceptation de la réduction de son temps de travail ne saurait se déduire du seul fait qu’elle était chargée d’établir les bulletins de paie dès lors que l’exécution des directives de l’employeur ne saurait valoir consentement à une modification du contrat de travail.

17. L’intimé conclut à la confirmation du jugement déféré, invoquant la mauvaise foi de Mme [N] qui, bien qu’ayant reçu ses bulletins de paie, en sollicitait néanmoins la délivrance en première instance alors qu’elle n’avait jamais présenté de réclamation à ce titre.

Il ajoute que Mme [N] n’a pas relevé appel du jugement de ce chef de sorte que celui-ci est définitif sur ce point.

Il fait enfin valoir que la modification du contrat peut se prouver par tous moyens et que Mme [N], chargée de l’établissement de ses bulletins de salaire, a nécessairement accepté la réduction de son temps de travail à 55,50 heures par mois.

Réponse de la cour

18. Il sera relevé en premier lieu que Mme [N] a relevé appel du jugement déféré notamment ‘en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes’ et que la demande qu’elle formule en cause d’appel au titre d’un rappel de salaire pour la période du 1er septembre 2017 au 20 août 2018 a été présentée devant le conseil de prud’hommes mais rejetée par celui-ci.

Dès lors, la cour en est valablement saisie.

19. La modification de la durée du travail, qui affecte la rémunération du salarié, est un élément essentiel du contrat de travail supposant l’accord exprès du salarié, d’autant qu’en l’espèce, la durée prévue initialement prévue et a fortiori, celle réduite, étaient inférieures à la durée légale minimale de 24 heures hebdomadaires et que Mme [N] était employée à temps partiel, sitution exigeant l’établissement d’un contrat écrit, signé par les parties, précisant la durée de travail.

20. L’accord ne saurait se déduire du seul fait que la salariée a établi des bulletins de paie correspondant à cette réduction et n’a émis aucune réclamation à ce sujet.

21. Il sera en conséquence fait droit à la demande en paiement de la somme de 1 106,29 euros brut présentée à ce titre, dont les modalités de calcul ne font l’objet d’aucune contestation sérieuse outre l’indemnité de congés payés afférente.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat

22. Mme [N] sollicite la confirmation de la décision dont appel qui a reconnu que la résiliation du contrat devait être prononcée à raison des manquements de l’employeur que, malgré sa décision d’inaptitude du 12 février 2019, elle n’avait ni été reclassée, ni licenciée au 13 mars 2019, date à laquelle il appartenait à son employeur de reprendre le versemment de son salaire.

Elle fait cependant valoir que, contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes, la résiliation de son contrat de travail devait prendre effet au 13 août 2021, date de son licenciement et non, à la date de la saisine de la juridiction.

23. M. [U] conclut à la réformation du jugement soutenant avoir mis fin au contrat de travail par le licenciement verbal qu’il aurait immédiatement notifié à la salariée le 13 février 2019, suite à l’avis d’inaptitude émis la veille par le médecin du travail, et demande à la cour de limiter à trois mois de salaire l’indemnisation due à Mme [N] du fait de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement

Réponse de la cour

24. L’existence d’un licenciement verbal, notifié le 13 février 2019, n’est établie par aucune pièce probante.

25. Lorsqu’un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Si le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n’est justifiée qu’en cas de manquements de l’employeur d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

26. En l’espèce, il ne peut qu’être relevé que Mme [N], qui invoque au soutien de la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, le défaut de reprise du paiement de son salaire dans le délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude émis le 12 février 2019 par le médecin du travail, n’a saisi la juridiction prud’homale que le 23 septembre 2020, soit plus d’un an et demi après, ce délai étant de nature à ôter le caractère de gravité suffisante pour justifier l’impossibilité de poursuivre la relation de travail, étant relevé que l’appelante ne justifie ni ne précise qu’elle a été sa situation dans l’intervalle.

27. Ne justifiant pas des manquements invoqués à l’encontre de l’employeur d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail, comme ayant accepté cette situation depuis le mois de février 2019, Mme [N] sera déboutée de sa demande de résiliation de son contrat aux torts de son employeur présentée le 23 septembre 2020 et le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

28. Il sera ajouté que le contrat de travail de travail de Mme [N] a été dûment rompu par le licenciement pour inaptitude qui lui a été notifié le 13 août 2021, non contesté, en sorte que celle-ci doit être déboutée de ses demandes en paiement au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés pays afférents, de l’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande en paiement des salaires dûs depuis le 12 mars 2019

29. Mme [N] sollicite le paiement des salaires dûs entre le 13 mars 2019 et le 13 août 2021, date de son licenciement.

30. M. [U] n’a pas spécialement conclu sur cette demande.

31. Aux termes des dispositions de l’article L. 1226-4 du code du travail, lorsqu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

32. En l’espèce, Mme [N], déclarée inapte à son poste par le médecin du travail le 12 février 2019, est en droit de prétendre au paiement des salairés dûs entre le 12 mars 2019 et le 13 août 2021, date de son licenciement pour inaptitude, soit la somme non contestée de 18 870,97 euros brut outre 1 887,10 euros brut pour les congés payés afférents.

Sur la demande en paiement au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés

33. Mme [N] sollicite à ce titre le paiement de la somme de 825 euros, demande qui n’a pas été examinée par le conseil de prud’hommes.

34. Cette demande ne fait l’objet d’aucune observation de l’intimé.

Réponse de la cour

35. Aux termes des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il appartient à chacune des parties de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

35. Au constat que l’appelante ne développe dans ses écritures aucun argumentaire au sujet de cette demande, celle-ci sera rejetée.

Sur les autres demandes

36. Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes,la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2.

37. M. [U], partie perdante à l’instance, sera condamné aux dépens ainsi qu’à payer à Mme [N] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel en sus de la somme allouée par les premiers juges sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déboute M. [U] de sa demande d’admission provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [U] aux dépens et à payer à Mme [N] la somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [N] de sa demande de résiliaion judiciaire de son contrat de travail aux torts de M. [U] et de ses demandes en résultant,

Dit que le contrat de travail de Mme [N] a pris fin à la suite de son licenciement pour inaptitude notifié le 13 août 2021,

Condamne M. [U] à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

– 1 106,29 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 1er septembre 2017 au 20 août 2018 outre 110,63 euros brut pour les congés payés afférents,

– 18 870,97 euros brut à titre de rappel de salaires dû entre le 13 mars 2019 et le 13 août 2021 outre 1 887,10 euros brut pour les congés payés afférents,

Déboute Mme [N] de sa demande en paiement de l’indemnité compensatrice de congés payés,

Rappelle que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne M. [U] aux dépens dépens ainsi qu’à payer à Mme [N] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par S. Lachaise, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Lachaise Sylvie Hylaire


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