Mobilité professionnelle et indemnités : enjeux et limites.

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Mobilité professionnelle et indemnités : enjeux et limites.

Règle de droit applicable

Le référentiel MRH00201, qui s’applique dans le cadre des mesures de soutien à la mobilité interne et externe, stipule que l’indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique est due lorsque l’allongement du trajet domicile-travail dépasse 15 kilomètres ou 30 minutes. En cas d’allongement supérieur à 70 kilomètres ou 45 minutes, une indemnité renforcée est prévue, dont le montant varie selon la situation familiale de l’agent.

L’article 4.1.1 du référentiel MRH00201 précise que l’agent qui accepte une nouvelle affectation avec un allongement de trajet de plus de 70 kilomètres ou de plus de 45 minutes perçoit une indemnité compensatrice renforcée, dont le montant est fixé à 35 000 euros pour les agents célibataires et peut atteindre 50 000 euros pour ceux se déplaçant vers l’Ile-de-France.

Textes législatifs et références juridiques

Les dispositions du Code du travail, notamment l’article L1231-1, prévoient que tout salarié a droit à une indemnité en cas de modification de son contrat de travail, y compris en matière de changement de lieu de travail. De plus, les référentiels internes de l’employeur, tels que GRH00910 et MRH00201, ont valeur réglementaire et doivent être respectés dans le cadre des relations de travail.

L’article 700 du Code de procédure civile permet également d’allouer des frais de justice à la partie gagnante, mais son application est laissée à l’appréciation du juge.

En l’espèce, la cour a constaté que l’allongement du trajet de M. [T] [B] ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier de l’indemnité renforcée, ce qui a conduit à la confirmation du jugement initial.

L’Essentiel : Le référentiel MRH00201 stipule que l’indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique est due lorsque l’allongement du trajet domicile-travail dépasse 15 kilomètres ou 30 minutes. En cas d’allongement supérieur à 70 kilomètres ou 45 minutes, une indemnité renforcée est prévue, dont le montant varie selon la situation familiale de l’agent. L’article 4.1.1 précise que l’agent acceptant une nouvelle affectation avec un allongement de trajet de plus de 70 kilomètres perçoit une indemnité compensatrice renforcée, fixée à 35 000 euros pour les célibataires.
Résumé de l’affaire : Un conducteur de ligne principal a été employé par la société SNCF Voyageurs depuis le 6 juin 1995. En 2019, la société a décidé de transférer la résidence des agents conducteurs de TGV et des agents commerciaux trains de [Localité 12] à [Localité 11], effectif à partir du 1er septembre 2020. Dans le cadre d’un dispositif d’accompagnement de la mobilité, chaque agent a reçu diverses indemnités, dont une indemnité complémentaire de mobilité et une indemnité mensuelle pour couvrir les frais d’essence.

Certains agents, dont le conducteur, ont demandé une indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique, arguant que le transfert entraînait un allongement significatif de leur trajet domicile-travail. La société a accordé une indemnité supplémentaire de 4 000 euros aux agents dont le trajet avait augmenté de plus de 15 kilomètres ou 30 minutes. Cependant, le conducteur a estimé que son trajet avait augmenté de plus de 70 kilomètres ou 45 minutes, revendiquant une indemnité renforcée de 35 000 euros ou plus.

Le conseil de prud’hommes de Nîmes a condamné la société à verser au conducteur la somme de 49 872,20 euros, tout en déboutant ses autres demandes. La société a interjeté appel, contestant le jugement et demandant que les demandes du conducteur soient déclarées non fondées. Elle a soutenu avoir appliqué les référentiels en vigueur et que le conducteur ne justifiait pas des préjudices invoqués.

En réponse, le conducteur a demandé la confirmation du jugement initial, arguant qu’il remplissait les conditions pour obtenir l’indemnité compensatrice. La cour a finalement constaté que l’allongement du trajet ne remplissait pas les critères requis pour l’indemnité renforcée, confirmant ainsi le jugement du conseil de prud’hommes et déboutant le conducteur de ses demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique ?

La demande d’indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique repose sur l’application du référentiel MRH00201, qui stipule que l’agent qui accepte une nouvelle affectation avec un allongement de trajet domicile-travail de plus de 70 kilomètres ou de plus de 45 minutes peut percevoir une indemnité compensatrice renforcée.

Selon l’article 4.1.1 du référentiel MRH00201 :

– Un allongement de trajet domicile-travail de plus de 15 kilomètres ou de 30 minutes donne droit à un forfait de 4 000 euros.

– Un allongement de plus de 70 kilomètres ou de plus de 45 minutes permet de percevoir une indemnité compensatrice renforcée.

Cette indemnité est versée en une seule fois ou échelonnée, selon le choix du salarié.

Quel est le critère d’évaluation du temps de trajet pour l’indemnité ?

Le critère d’évaluation du temps de trajet pour l’indemnité est basé sur le « trajet le plus direct » entre le domicile de l’agent et son nouveau lieu de travail. La SA SNCF Voyageurs a calculé le temps de trajet en tenant compte des conditions de circulation, notamment pendant les heures de pointe.

Les dispositions de la directive TTOO23 précisent que le temps de trajet doit être évalué en fonction des horaires de prise de service et de fin de service, en tenant compte des majorations pour les périodes de circulation difficiles.

Ainsi, l’allongement du temps de trajet pour M. [T] [B] a été évalué à 28 minutes, ce qui est inférieur au seuil requis pour le versement de l’indemnité compensatrice renforcée.

Quel est le statut des indemnités versées au titre des référentiels GRH00910 et MRH00201 ?

Les indemnités versées au titre des référentiels GRH00910 et MRH00201 sont distinctes. L’indemnité forfaitaire de 4 000 euros est versée en sus des indemnités prévues par le référentiel GRH00910.

L’article 4.1.1 du référentiel MRH00201 précise que le montant garanti au salarié comprend les allocations et indemnités acquises par le salarié au titre des référentiels GRH00910 et GRH00939, mais l’indemnité forfaitaire de 4 000 euros vient s’ajouter à ces montants.

Ainsi, les sommes versées au titre du référentiel GRH00910 viennent en déduction des 35 000 euros versés au titre de la mobilité d’un agent célibataire vers une autre région.

Quel est le fondement de la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier ?

La demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier repose sur l’argument que la SA SNCF Voyageurs n’a pas appliqué les dispositions des référentiels GRH00910 et MRH00201, entraînant une inégalité de traitement.

Cependant, la cour a constaté que M. [T] [B] ne justifie pas d’un traitement différencié par rapport à ses collègues et n’apporte pas la preuve d’un préjudice. La SA SNCF Voyageurs a appliqué le référentiel MRH00201, et les indemnités versées étaient conformes aux dispositions applicables.

En conséquence, la cour a rejeté la demande de dommages-intérêts, considérant que M. [T] [B] n’a pas démontré de faute de l’employeur à l’origine de son préjudice.

Quel est l’impact de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement de ses frais de justice. Dans cette affaire, la cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de cet article.

La cour a confirmé le jugement déféré pour le surplus, ce qui signifie qu’elle a maintenu la décision de ne pas accorder d’indemnité au titre de l’article 700, considérant que l’équité ne commandait pas une telle application dans le cas présent.

Ainsi, M. [T] [B] a été condamné aux dépens d’appel, sans obtenir de remboursement de ses frais de justice.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/00882 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IXYZ

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES

06 février 2023

RG :20/00744

S.A. SNCF VOYAGEURS

C/

[B]

Grosse délivrée le 31 MARS 2025 à :

– Me HASSANALY

– Me VEZIAN

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 31 MARS 2025

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NIMES en date du 06 Février 2023, N°20/00744

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Mars 2025.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A. SNCF VOYAGEURS

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Aurore VEZIAN de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Nicolas FRANCOIS de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

Monsieur [T] [B]

né le 06 Octobre 1971 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Loubna HASSANALY de la SELEURL LOUBNA HASSANALY, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Mélissa BOUFASSA, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [T] [B] a été engagé par la société SNCF Voyageurs à compter du 06 juin 1995, en qualité de conducteur de ligne principal et affecté sur le site de dépôt des locomotives de la SNCF de [Localité 12].

La convention collective applicable est celle du ferroviaire.

En 2019, la SA SNCF Voyageurs a décidé de transférer la résidence des agents conducteurs de TGV (ADC) et agents commerciaux trains (ASCT), dont l’appelant, de [Localité 12] à [Localité 11] ce qui entraînait le transfert de leur lieu de prise de service et de fin de service de [Localité 12] à [Localité 11]. La mesure a été effective à compter du 1er septembre 2020 (au 1er décembre 2019 pour les gestionnaires de moyens).

Dans le cadre du « dispositif d’accompagnement de la mobilité résultant des mesures d’organisation et d’évolution de l’emploi », repris dans le Référentiel GRH0910, qui prévoit des mesures d’accompagnement des salariés concernés en prenant en compte leur environnement personnel et familial, chaque agent concerné a ainsi perçu au titre de ce dispositif :

– une indemnité complémentaire de mobilité d’un montant de 1.227,00 euros à 3.683,00 euros accordée sur décision du DRH conformément aux dispositions de l’annexe 6 du GRH00910 ;

– une indemnité mensuelle de 42,00 euros pendant 2 ans aux fins de couvrir les frais d’essence ;

– une indemnité de 100,00 euros pendant 2 ans au titre de l’éloignement.

Certains salariés, tel l’intimé, ont en outre sollicité l’application du référentiel MRH00201 « Mesures au soutien de la mobilité interne et externe sur la période 2019-2021 » et à ce titre une indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique, au motif que leur

changement de résidence entraînait un allongement de leur trajet domicile-travail.

La SA SNCF Voyageur a consenti de leur verser une indemnité supplémentaire de mobilité en application de ce référentiel de 4.000 euros pour tous les personnels dont l’allongement du temps de parcours entre leur domicile et leur lieu d’affectation est au moins de 15 kilomètres ou de 30 minutes.

Toutefois, certains agents, dont l’intimé, ont estimé que cette réorganisation entraînait un allongement du trajet de plus de 70 kilomètres ou 45 minutes et ont revendiqué le paiement d’une indemnité renforcée prévue pour les agents dans cette situation, soit 35 000 euros ou plus selon la situation familiale des agents.

C’est dans ces conditions que M. [T] [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes en paiement d’indemnités lequel, par jugement de départage du 06 février 2023, a :

– condamné la société Sncf Voyageurs à payer à M. [T] [B] la somme de 49 872,20 euros nets ;

– débouté M. [T] [B] de ses demandes de dommages-intérêt, de condamnation sous astreinte et d’exécution provisoire ;

– condamné la Sa Sncf Voyageurs à verser à M. [T] [B] la somme de 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la Sa Sncf Voyageurs à verser à M. [T] [B] la somme de 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que les indemnités auxquelles la Sa Sncf Voyageurs a été condamnée porteront intérêt au taux légal huit jours après la notification du présent jugement ;

– condamné la Sa Sncf Voyageurs aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 10 mars 2023, la Sa Sncf Voyageurs a interjeté appel de cette décision.

En l’état de ses dernières écritures en date du 27 janvier 2025, la Sa Sncf Voyageurs demande à la cour de :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nîmes (départage) en date du 06 février 2023 sur les chefs de jugement critiqués en ce que le conseil de prud’hommes statuant en départage a :

– Condamné la société Sncf Voyageurs à verser à M. [T] [B] la somme de 49.872,20 euros nets

– Condamné la société Sncf Voyageurs à verser à M. [T] [B] la somme de 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– Dit que les indemnités auxquelles la société Sncf Voyageurs a été condamnée, porteront intérêt au taux légal huit jours après la notification du présent jugement

– Condamné la société Sncf Voyageurs aux entiers dépens de l’instance ;

Statuant a nouveau :

– juger les demandes de M. [B] non fondées ;

– débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [B] à payer à la Sncf la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [B] aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

– elle a appliqué volontairement les référentiels GRH00910 et MRH00201, le salarié ne peut prétendre à l’indemnité forfaitaire majorée,

– le salarié ne justifie pas des préjudices qu’il invoque.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 décembre 2024, M. [T] [B] demande à la cour de :

– débouter la SA SNCF Voyageurs de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes en son audience de départage du 30 décembre 2022 en ce qu’il a :

– condamné la société Sncf Est Tgv LR à payer à M. [T] [B] la somme de 49 872,80 euros nets ;

– dit que les indemnités auxquelles la société Sncf Est Tgv LR a été condamnée porteront intérêt au taux légal à compter du huitième jour après la notification du présent jugement

En conséquence,

– juger la nécessité d’appliquer à M. [B] les référentiels GRH00910 et MRH00201 en raison de leur mobilité allant de [Localité 12] à [Localité 11] et ce sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard dans les 8 jours de la notification du jugement à venir,

– juger que M. [B] remplit toutes les conditions permettant d’obtenir le versement d’une indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique conformément à l’application du MRH00201,

– condamner la SA SNCF Voyageurs au paiement de la somme de 55 000,00 euros nets à titre de rappels de salaire relatif à l’indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique conformément à l’application du MRH00201, déduction faite de la somme de 4 000 euros bruts déjà versée, et ce sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard dans les 8 jours de la notification du jugement à venir,

– prononcer les intérêts légaux dans les 8 jours de la notification de la décision à intervenir,

De plus, il est demandé à la cour d’appel de Nîmes de bien vouloir :

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes le 6 février 2023 en ce qu’il a :

– débouté M. [T] [B] de ses demandes de dommages et intérêts et de condamnation sous astreinte ;

En conséquence,

– juger que M. [B] a subi un préjudice moral, financier et une inégalité de traitement en raison de l’absence de versement de cette indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique conformément à l’application du MRH00201, ainsi que du manquement par sa direction à l’application intégrale des référentiels GRH00910 et GRH00936.

– condamner la SA SNCF Voyageurs au paiement de la somme de 10 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, financier et de la rupture d’égalité subie pour manquement à l’application des référentiels GRH00910, MRH00201 et GRH0936,

En outre,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes le 30 décembre 2022 en ce qu’il a :

– condamné la Sa Sncf Voyageurs à verser à M. [T] [B] la somme de 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en lieu et place de la somme de 600 euros sollicitée ;

En conséquence,

– condamner la Sa Sncf Voyageurs au paiement à M. [B] de la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance,

– condamner la Sa Sncf Voyageurs au paiement à M. [B] de la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la présente procédure d’appel,

– condamner la Sa Sncf Voyageurs au paiement des entiers dépens de première instance et de la présente procédure d’appel.

Il soutient que :

– les référentiels GRH00910 et MRH00201 doivent recevoir application en raison de sa mobilité allant de [Localité 12] à [Localité 11] dès lors qu’il remplit toutes les conditions permettant d’obtenir

le versement d’une indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique conformément à l’application du MRH00201,

– il a subi un préjudice moral, financier et une inégalité de traitement en raison de l’absence de versement de cette indemnité compensatrice de changement d’affectation géographique conformément à l’application du MRH00201, ainsi que du manquement par sa Direction à l’application intégrale des référentiels GRH00910 et GRH00936.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 18 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 28 janvier 2025. L’affaire a été fixée à l’audience du 28 février 2025.

MOTIFS

Sur l’indemnité due en application du référentiel MRH00201

Le MRH00201 est un référentiel Voyageurs qui vient compléter les dispositions du référentiel GRH00910 (dispositif d’accompagnement de la mobilité résultant des mesures d’organisation et d’évolution de l’emploi) dans le cadre des mesures au soutien de la mobilité interne et externe sur la période 2019-2022. Ce référentiel n’est applicable qu’en présence de ‘situations d’excédents’ comme l’énonce son article 4, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, et ce que ne soutient pas l’appelant au demeurant ou, tout au moins, ne le démontre pas.

La SA SNCF Voyageurs admet que le référentiel MRH00201 a été volontairement appliqué aux personnels de l’ET TGV Sud-Est (ADC et Sédentaires) ayant vu leur résidence d’emploi transférée au service SA 2020 de [Localité 12] vers [Localité 11], fin 2019.

L’application au cas d’espèce des référentiels MRH00201 et GRH00910 n’est pas discutée.

Selon l’article 4.1.1 du référentiel MRH00201 l’agent qui accepte une nouvelle affectation qui

représente :

– un allongement de trajet domicile-travail de plus de 15 kilomètres (30 kilomètres aller-retour) ou un allongement de son temps de trajet domicile-travail de plus entre 30 et 45 minutes (60

à 90 minutes aller-retour) perçoit un forfait de 4 000 euros,

– un allongement de plus de 70 kilomètres (140 kilomètres aller-retour) ou de plus de 45 minutes (90 minutes aller-retour) entre son domicile et son nouveau lieu de travail, perçoit une indemnité compensatrice renforcée comme suit :

Forfait normal

Forfait majoré (Marié / Pacsé)

+ Par enfant à

charge

Mobilité vers l’Ile-

de-France

50.000,00 ‘

55.000,00 ‘

+ 5.000,00 ‘

Mobilité vers

d’autres régions

35.000,00 ‘

40.000,00 ‘

+ 5.000,00 ‘

Cette indemnité compensatrice renforcée de changement d’affectation géographique est ainsi versée en une seule fois ou échelonnée sur le trimestre suivant sa mutation effective, au choix discrétionnaire du salarié.

Conformément aux dispositions de l’article 4.1.1 du référentiel : ‘Le montant ainsi garanti au salarié par le dispositif cadre comprend :

– les allocations et indemnités suivantes des lors qu’elles sont acquises par le salarié au titre des référentiels GRH 00910 et GRH 00939 :

– allocation de changement de résidence,

– indemnité de changement de résidence,

– indemnité exceptionnelle de changement de résidence,

– indemnité complémentaire de mobilité,

– indemnité de changement d’emploi,

– indemnité de perte d’emploi du conjoint,

– indemnité exceptionnelle de mobilité Province vers l’Île-de-France.

auxquelles s’ajoute l’indemnité compensatrice de changement d’affectation dont le montant correspond au complement permettant d’atteindre le forfait garanti ci-dessus par le présent dispositif.’

Ainsi les sommes versées au titre du référentiel GRH00910 viennent donc en déduction des 35.000,00 euros versés au titre de la mobilité d’un agent célibataire vers une autre région.

Par contre, l’indemnité forfaitaire de 4.000,00 euros vient en sus des indemnités versées au titre du GRH00910.

Pour l’application de ce dispositif, la SA SNCF Voyageurs indique que le calcul du temps de trajet des agents commerciaux tient compte des conditions de circulation difficiles à certains créneaux horaires de la journée, notamment lorsque la prise de service (PS) ou la fin de service (FS) se situe dans les tranches horaires suivantes définies au référentiel TT00023 (‘Temps alloués au personnel de conduite pour effectuer diverses opérations au cours du service’ applicable aux agents de conduite mais pouvant être étendu aux agents commerciaux, personnel roulant) :

– entre 07h00 et 10h00 ;

– entre 16h00 et 19h00.

L’appelant ne démontre pas que ces créneaux ne sont pas représentatifs.

La SA SNCF Voyageurs ajoute qu’il a ainsi été procédé au calcul du nombre de PS et FS concernées par ces horaires sur une semaine type, qu’il est ensuite effectué un calcul de la proportion de ces journées par rapport au total des journées sur le roulement, le taux de trajets effectués en période de pointe ayant été estimé à 21%, qu’enfin, une majoration de 15% sur le temps de trajet est appliquée sur ce pourcentage calculé, conformément aux dispositions de la directive TTOO23.

M. [T] [B] conteste l’application de ce référentiel dont les pondérations sont pourtant favorables au salarié lequel ne précise pas ses horaires. Peu importe à ce titre que la SNCF ait mis en place des navettes pour desservir les gares de [Localité 12] et [Localité 11] en comptant un temps de trajet de 50 mn.

L’appelant soutient également que l’employeur aurait dû appliquer les Directives TT0026 pour les conducteurs, ou VO178 pour les contrôleurs, qui régissent le temps alloué aux agents de conduite pour effectuer diverses opérations en cours de service lesquelles fournissent le temps de marche à pied entre le point où les agents descendent du train jusqu’au point le plus extrême des quais en sorte que c’est ce temps d’allongement qui aurait dû être pris en compte par l’employeur. Or le référentiel MRH00201 en l’espèce applicable n’envisage que le trajet domicile-travail, soit le point de prise et de fin de service, étant constaté que le temps de descente du train, de marche sur le quai puis de passage par les plate formes et sortie de la gare était déjà du temps qu’accomplissait le salarié, sa nouvelle affectation n’ayant rien modifié sur ce plan.

Ainsi, pour le cas de M. [T] [B], il convient de prendre en compte le trajet suivant :

– entre le domicile de l’agent et son ancienne résidence administrative, en l’espèce [Localité 12] au [Adresse 6] ;

– et le trajet entre le domicile de l’agent et sa nouvelle résidence administrative, en l’espèce [Localité 11] au [Adresse 1].

Sachant que la SA SNCF Voyageurs prend en charge les frais de parking sur [Localité 12], le trajet le plus direct en train ( gratuit pour les agents) occasionne, selon la SA SNCF Voyageurs, un allongement entre les gares de [Localité 12] et [Localité 11], de :

– 43 minutes en TER ;

– 33 minutes en TGV.

Pour ces raisons, la SA SNCF Voyageurs a versé à M. [T] [B] l’indemnité de 4.000,00 euros.

La SNCF Voyageurs avance que seule la notion de ‘trajet le plus direct’ doit être retenue pour apprécier les distances. En effet, en l’absence de toute précision du référentiel, seul le trajet le plus direct doit être pris en considération indépendamment des coûts de trajet, notamment celui de l’autoroute. A ce titre, l’appelant produit un document intitulé « Précisions et préconisations

pour la mise en ‘uvre du dispositif cadre » préconisant des trajets sans péage alors que l’intimée dénie toute valeur réglementaire à ce document contrairement aux référentiels qui ont valeur réglementaire, il n’est justifié ni de l’origine ni de la mise en vigueur de ce document qui sera donc écarté des débats. Il ne saurait être pris en compte un autre trajet que celui qualifié de ‘plus direct’ sauf à tenir compte des choix personnels des agents dans la détermination de leur trajet qui échapperaient à tout contrôle et à toute analyse rationnelle. Il suffit d’imaginer un salarié qui décide d’utiliser une bicyclette pour prétendre dépasser nettement les 45 mn d’allongement de trajet requis.

Concernant M. [T] [B], la SA SNCF Voyageurs a calculé, en application de la directive TTOO23 visée ci-dessus, que l’allongement du temps de trajet, moyenne prise entre les calculs de MAPPY et VIA MICHELIN, est de 28 minutes, soit 28,9 minutes après majoration pour tenir compte des heures de pointe et de 43,65 kilomètres par trajet, soit un seuil inférieur à celui permettant le déclenchement du paiement de l’indemnité compensatrice renforcée de changement d’affectation géographique.

M. [T] [B] soutient que le rallongement de son trajet est de 55 mn.

La cour constate que les données résultant de la consultation des sites Mappy et Via Michelin confirment un allongement du temps de trajet inférieur à 45 mn et un allongement de moins de 70 km.

Ainsi, les temps de trajet sont :

– de 31 mn sur le site de [Localité 12] selon le salarié, de 35 mn selon la moyenne des sites Mappy et ViaMichelin,

– du domicile du salarié au site montpelliérain : 1h04 mn et 1 h00 selon les sites Mappy et ViaMichelin, soit une moyenne de 1h02 soit en donnée majorée : (62×15%x29%) + 62= 64,7 -31 (valeur favorable à la salariée) = 33,7 mn.

M. [T] [B] ne pouvant prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice renforcée, sa demande de majoration en raison de sa situation familiale est sans objet.

M. [T] [B] prétend que les frais professionnels sont exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale et de celle de la CSG et de la CRDS.

Or le caractère forfaitaire des sommes allouées est exclusif de toute notion de frais professionnels, l’indemnité allouée ayant pour objet d’accompagner le salarié dans le processus de mobilité géographique. Il sera à cet égard rappelé que l’indemnité est versée à l’agent ‘Qu’il choisisse de déménager ou pas’ en sorte que ces indemnités n’ont nullement pour objet de couvrir des frais réellement exposés étant au surplus rappelé que les trajets en train pour rejoindre le lieu de travail et frais de parking sont pris en charge par l’employeur. En outre, ne constituent pas des frais professionnels les frais qu’engage le salarié pour se rendre sur son lieu de travail.

C’est donc à juste titre que l’employeur a soumis l’indemnité à cotisations et contributions sociales.

Sur la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, financier et de la rupture d’égalité subie pour manquement à l’application des référentiels GRH00910, MRH00201 et GRH0936, reconnue par le jugement rendu le 30 décembre 2022

M. [T] [B] expose que dans un premier temps, la société SNCF a refusé d’appliquer les dispositions fixées par les référentiels, qu’au mépris de cette opposition, la SNCF n’a prévu aucune réelle compensation pour les agents pour faire face à une telle modification de leur lieu de travail de [Localité 12] vers [Localité 11], que pour seules « compensations financières », les salariés concernés ont bénéficié :

– d’une prime unique de 1227,00 euros qui, en tout état de cause est majorée en fonction du nombre d’enfants à charge et 1227 euros d’indemnité accordé par le directeur d’établissement. – du remboursement de leurs frais d’essence à hauteur de 42,00 euros par mois pendant 2 ans et sur facture,

– d’une indemnité d’éloignement de 62 euros par mois/pendant 2 ans et proratisé en fonction du temps partiel de certains salariés.

Il considère que ces avantages sont bien insignifiants en comparaison aux incidences financières de la modification de leur lieu de travail de [Localité 12] à [Localité 11] sur le long terme et non uniquement limitée à une durée de deux ans, qu’en cours d’instance devant le conseil de prud’hommes, l’employeur a fini par reconnaître l’application du référentiel MRH00201 en versant la somme forfaitaire de 4 000 euros bruts au personnel partie à l’instance, et même, pour certains, les 45 000 euros sollicités, preuve de la réticence abusive de l’employeur et de l’inégalité de traitement subie par les salariés.

Or d’une part M. [T] [B] ne justifie pas en quoi sa situation aurait été traitée différemment de ses collègues auxquels il se compare et qui ont rencontré les mêmes difficultés que lui avant d’obtenir, ou non, satisfaction selon leur situation personnelle, d’autre part il ne justifie d’aucun préjudice dans la mesure où la SA SNCF Voyageur a appliqué spontanément le référentiel MRH00201 que rien ne justifiait d’appliquer étant rappelé qu’il ne concerne que les ‘situations d’excédents’ dont nul ne démontre que tel était le cas en l’espèce.

En effet, concernant M. [S], l’intimée démontre que l’allongement du temps de trajet était supérieur à 45 minutes en sorte qu’il a bénéficié du versement de l’indemnité renforcée, il en allait de même concernant M. [R] ( 95 minutes A/R) et de M. [P] (93 minutes A/R). Aucune inégalité de traitement ne peut être invoquée. Pour les autres salariés que cite M. [T] [B] ces derniers n’ont obtenu satisfaction qu’après avoir obtenu une décision en leur faveur de la part du conseil de prud’hommes, ils se trouvaient donc dans la même situation que l’appelant. La différence de traitement s’explique donc par la décision intervenue.

M. [T] [B] évoque la situation de salariés déplacés d'[Localité 8] à [Localité 10] qui auraient perçu l’indemnité compensatrice renforcée de changement d’affectation géographique alors qu’il reconnaît lui-même que la distance entre ces deux villes est de 104 Km soit un allongement de plus de 70 kilomètres.

Enfin, concernant le préjudice moral et financier, il appert que M. [T] [B] a fait le choix d’utiliser son véhicule personnel, que l’employeur est tenu par les seuls référentiels concernant l’indemnisation des mobilités intervenues lesquels s’imposent aux parties, M. [T] [B] ayant fait le choix de demeurer sur [Localité 9] après avoir librement accepté son changement de lieu d’affectation.

Eu égard à ce qui précède, M. [T] [B] ne rapporte pas la preuve d’une faute de la part de l’employeur à l’origine du préjudice financier et moral dont il demande réparation.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Réforme le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné la société Sncf Voyageurs à payer à M. [T] [B] la somme de 49 872,20 euros nets ;

Statuant à nouveau de ce chef réformé, déboute M. [T] [B] de sa demande tendant au paiement d’une indemnité forfaitaire majorée,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] [B] aux dépens d’appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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