Liquidation et partage : enjeux de l’état liquidatif et de l’indemnité d’occupation.

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Liquidation et partage : enjeux de l’état liquidatif et de l’indemnité d’occupation.

Règle de droit applicable

L’article 1373 du code de procédure civile stipule que, en cas de désaccord entre les copartageants sur le projet d’état liquidatif établi par le notaire, ce dernier doit transmettre au juge un procès-verbal contenant les dires des parties ainsi que le projet d’état liquidatif. Le juge peut alors entendre les parties et tenter une conciliation, avant de faire rapport au tribunal sur les points de désaccord restants.

L’article 1374 précise que toutes les demandes formulées en application de l’article 1373 entre les mêmes parties ne constituent qu’une seule instance, et qu’une demande distincte est irrecevable à moins que son fondement ne soit né ou révélé après l’établissement du rapport par le juge.

L’article 1375 indique que le tribunal statue sur les points de désaccord et peut homologuer l’état liquidatif ou renvoyer les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage.

Indemnité d’occupation

L’article 815-9 du code civil établit que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. Cette indemnité est due même en l’absence d’occupation effective des lieux, tant que les autres indivisaires sont privés de la possibilité d’en user.

Dans le cas présent, M. [O] a été attribué la jouissance privative de l’immeuble par l’ordonnance de non-conciliation, et il est constant que Mme [R] [U] n’a jamais eu accès à cette maison. Ainsi, M. [O] est tenu de verser une indemnité d’occupation, même s’il ne réside pas effectivement dans le bien.

Estimation de l’immeuble

L’article 829 du code civil, applicable au partage de l’indivision post-communautaire, stipule que les biens indivis doivent être estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise, telle que fixée par l’acte de partage, en tenant compte des charges les grevant. Le même article précise que cette date doit être la plus proche possible du partage.

Dans cette affaire, le notaire a fixé la date de la jouissance divise au 30 avril 2021, et l’estimation de l’immeuble doit être réalisée à cette date. Les estimations antérieures, comme celle de 2009, ne peuvent pas servir de référence pour l’évaluation à la date de la jouissance divise.

Charge de la preuve

L’article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention. Dans le cadre de la contestation de M. [O] sur l’estimation de l’immeuble et les créances revendiquées, il lui incombe de fournir des éléments probants pour étayer ses affirmations, ce qu’il n’a pas réussi à faire dans cette affaire.

L’Essentiel : L’article 1373 du code de procédure civile stipule qu’en cas de désaccord entre les copartageants sur le projet d’état liquidatif, le notaire doit transmettre un procès-verbal au juge. Ce dernier peut entendre les parties et tenter une conciliation. L’article 1374 précise que toutes les demandes formulées en application de l’article 1373 ne constituent qu’une seule instance. L’article 815-9 du code civil établit qu’un indivisaire jouissant privativement d’un bien est redevable d’une indemnité, même sans occupation effective.
Résumé de l’affaire : Un couple, constitué d’un époux et d’une épouse, s’est marié en 1988 sans contrat de mariage. Au cours de leur union, ils ont acquis un bien immobilier à usage d’habitation. En 2009, un juge a attribué à l’époux la jouissance gratuite de ce logement dans le cadre d’une procédure de divorce. Le divorce a été prononcé en 2011, avec une date d’effet fixée à 2009, et les ex-époux ont été invités à liquider leur régime matrimonial de manière amiable.

Faute d’accord, l’épouse a saisi à nouveau le juge pour obtenir un partage judiciaire. En 2015, le tribunal a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et a désigné un notaire pour établir un projet d’état liquidatif. Ce notaire a rencontré des difficultés pour mener à bien sa mission, notamment en raison de l’absence de l’époux lors des convocations. En 2021, le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés, incluant un projet d’état liquidatif.

L’épouse a demandé l’homologation de ce projet, fixant la valeur du bien à 188.500 €, tandis que l’époux contestait cette évaluation, la jugeant trop élevée, et demandait la désignation d’un nouveau notaire. En janvier 2024, le tribunal a homologué l’état liquidatif, condamnant l’époux à verser une soulte de 104.603,71 € à l’épouse et à payer des frais de justice.

L’époux a interjeté appel de cette décision, demandant la révision de l’évaluation du bien et la désignation d’un nouveau notaire. L’épouse a, quant à elle, demandé la confirmation du jugement. La cour a confirmé le jugement initial, rejetant les demandes de l’époux et condamnant ce dernier à payer des frais supplémentaires à l’épouse.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique de la liquidation du régime matrimonial dans le cadre d’un divorce ?

La liquidation du régime matrimonial est régie par les articles 1373 à 1375 du code de procédure civile.

L’article 1373 stipule que, en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier doit transmettre au juge un procès-verbal reprenant les dires des parties ainsi que le projet d’état liquidatif.

Le juge peut alors entendre les parties et tenter une conciliation, et il est responsable de la mise en état de l’affaire.

L’article 1374 précise que toutes les demandes faites en application de l’article 1373 entre les mêmes parties ne constituent qu’une seule instance, et toute demande distincte est irrecevable, sauf si le fondement des prétentions a été révélé postérieurement.

Enfin, l’article 1375 indique que le tribunal statue sur les points de désaccord, homologue l’état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage.

Quel est le rôle du notaire dans la liquidation du régime matrimonial ?

Le notaire joue un rôle central dans la liquidation du régime matrimonial, comme le stipule l’article 1373 du code de procédure civile.

Il est chargé de dresser un projet d’état liquidatif et de convoquer les parties pour régulariser ce projet.

En cas de désaccord, il doit transmettre un procès-verbal au juge, qui peut alors intervenir pour tenter de concilier les parties.

Le notaire doit également établir un acte constatant le partage, conformément à l’article 1375, et il est responsable de la mise en œuvre des décisions judiciaires.

Quel est le principe de l’indemnité d’occupation dans le cadre d’une indivision ?

L’indemnité d’occupation est régie par l’article 815-9 du code civil, qui stipule que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

Cette indemnité est due même en l’absence d’occupation effective des lieux, tant que les autres indivisaires sont privés de la possibilité d’en user.

Dans le cas présent, il a été établi que la jouissance privative de l’immeuble a été attribuée à un des ex-époux, et l’autre n’a jamais pu y accéder, justifiant ainsi le droit à une indemnité.

Quel est le critère d’évaluation d’un bien immobilier dans le cadre d’un partage ?

L’évaluation d’un bien immobilier dans le cadre d’un partage est régie par l’article 829 du code civil.

Cet article stipule que les biens indivis doivent être estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise, en tenant compte des charges qui les grevent.

La date de la jouissance divise doit être la plus proche possible du partage.

Dans cette affaire, le notaire a fixé la date de la jouissance divise au 30 avril 2021, ce qui a été validé par la cour, et c’est à cette date que l’immeuble doit être évalué.

Quel est le fondement de la demande d’homologation de l’état liquidatif ?

La demande d’homologation de l’état liquidatif repose sur le principe que le tribunal doit statuer sur les points de désaccord entre les parties, comme le prévoit l’article 1375 du code de procédure civile.

L’homologation permet de valider le projet d’état liquidatif établi par le notaire, et elle est essentielle pour finaliser la liquidation du régime matrimonial.

Dans le cas présent, le juge a homologué l’état liquidatif établi par le notaire, ce qui a permis de déterminer les droits respectifs des ex-époux sur les biens communs.

Quel est le rôle des preuves dans le cadre d’une contestation sur la valeur d’un bien ?

L’article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Dans le cadre d’une contestation sur la valeur d’un bien, il incombe à la partie qui conteste de fournir des éléments probants pour étayer sa demande.

Dans cette affaire, l’ex-époux contestait la valeur retenue par le notaire, mais il n’a pas produit d’éléments suffisants pour justifier sa position, ce qui a conduit à la confirmation de l’estimation initiale.

Ainsi, l’absence de preuves tangibles a joué un rôle déterminant dans la décision de la cour.

AFFAIRE : N° RG 24/00348 –

N° Portalis DBVC-V-B7I-HLQG

ARRET N°

ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales de CAEN du 19 janvier 2024

RG n° 14/00936

COUR D’APPEL DE CAEN

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 13 MARS 2025

APPELANT :

Monsieur [Z] [O]

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Catherine DERUDDER LE MOAN, avocat au barreau de CAEN.

INTIMÉE :

Madame [I] [R] [U]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN.

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C141182024001583 du 21/03/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN).

DÉBATS : A l’audience publique du 19 novembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 mars 2025, initialement fixé au 30 Janvier 2025, sans opposition du ou des avocats, M. GARET, Président de chambre, a entendu seul les observations des parties et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

GREFFIER : M. YVON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GARET, Président de chambre,

Mme DE CROUZET, Conseillère,

Madame LOUGUET, Conseillère,

ARRET prononcé publiquement le 13 mars 2025 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, et signé par M. GARET, président, et Mme FLEURY, greffière.

FAITS ET PROCEDURE

M. [Z] [O] et Mme [I] [R] [U] se sont mariés le [Date mariage 5] 1988 devant l’officier d’état civil de la commune de [Localité 14] (14), sans contrat de mariage préalable.

Durant leur vie commune, les époux ont acquis une maison à usage d’habitation sise [Adresse 2] à [Localité 13].

Selon ordonnance de non conciliation du 26 mai 2009, le juge aux affaires familiales de Caen a, entre autres dispositions, attribué à M. [O] la jouissance à titre gratuit du logement familial.

Le divorce des parties a été prononcé par jugement du 15 septembre 2011 qui, notamment, a fixé la date des effets du divorce au 1er septembre 2009 et a renvoyé les époux à liquider amiablement leur régime matrimonial.

Faute de partage amiable, Mme [R] [U] a de nouveau saisi le juge aux affaires familiales de Caen en partage judiciaire.

Par jugement du 4 mai 2015, le magistrat a notamment :

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les ex-époux,

– désigné pour y procéder le président de la [10] avec faculté de délégation,

– dit que le notaire désigné devra convoquer les parties et établir un projet d’état liquidatif selon les conditions prévues par les articles 1365 et suivants du code de procédure civile,

– commis un magistrat du tribunal pour surveiller les opérations.

Finalement et par ordonnance du 31 juillet 2015, le juge aux affaires familiales a désigné Me [B] [J], notaire à [Localité 8], pour procéder aux opérations.

Suivant acte du 6 septembre 2021, Me [J] a dressé un procès-verbal de difficultés contenant un projet d’état liquidatif et les dires des parties.

Mme [R] [U] a alors déposé des conclusions de reprise d’instance tendant essentiellement à :

– l’homologation du projet d’état liquidatif établi par le notaire,

– à la fixation de la valeur du bien immobilier à la somme de 188.500 €,

– à la condamnation de M. [O] au paiement d’une soulte (par suite de l’attribution de l’immeuble à ce dernier).

M. [O] a conclu quant à lui :

– à titre principal, au débouté de la demande d’homologation et à la désignation d’un autre notaire aux fins d’établissement d’un nouveau projet d’état liquidatif,

– à titre subsidiaire et à défaut de désignation de notaire, à voir dire et juger que la valeur du bien immobilier ne saurait être supérieure à la somme de 100.000 €, que la valeur locative de l’immeuble est nulle, et par suite, à voir dire n’y avoir lieu à indemnité d’occupation à sa charge.

Par jugement du 19 janvier 2024, le juge aux affaires familiales a :

– déclaré recevables les contestations de M. [O],

– rejeté la demande de M. [O] tendant à la désignation d’un nouveau notaire commis,

– rejeté la demande de M. [O] tendant à la valorisation de l’immeuble à la somme de 100.000€,

– rejeté les contestations de M. [O] portant sur la valeur locative de l’immeuble et au paiement d’une indemnité d’occupation,

– rejeté la demande de M. [O] tendant à la condamnation de Mme [R] [U] au versement d’une soulte,

– homologué l’état liquidatif établi par Me [J] en date du 6 septembre 2021,

– condamné M. [O] à verser à Mme [R] [U] une somme de 104.603,71 € à titre de soulte,

– condamné M. [O] au paiement d’une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 février 2024, M. [O] a interjeté appel de cette décision.

M. [O] a notifié ses dernières conclusions le 7 mai 2024, Mme [R] [U] les siennes le 27 juin 2024.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 novembre 2024, et l’affaire évoquée à l’audience de plaidoirie du 19 novembre 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [O] demande à la cour de :

– réformer la décision en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

– dire et juger qu’il n’y a pas lieu à homologation de l’état liquidatif tel qu’établi par Me [J], comme étant non conforme à la réalité de la situation et non corroboré par des pièces probantes,

– ordonner une nouvelle expertise confiée à tel notaire qu’il plaira à la cour, aux fins de reprendre les opérations expertales et d’établir un nouveau projet d’état liquidatif, incluant un transport sur les lieux,

– donner acte à M. [O] qu’il répondra à la première convocation du notaire désigné par la cour et lui transmettra toutes les pièces qu’il verse sur la présente procédure,

A titre subsidiaire et à défaut de désignation d’un nouveau notaire :

– fixer la valeur du bien immobilier à une valeur ne pouvant excéder 100.000 €,

– dire la valeur locative de l’ancien domicile conjugal nulle,

– dire n’y avoir lieu à indemnité d’occupation du bien commun à la charge de M. [O],

– condamner Mme [R] [U] au paiement d’une somme de 10.250 € à titre de soulte au profit de M. [O],

– condamner Mme [R] [U] au paiement d’une somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au contraire, Mme [R] [U] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y additant,

– condamner M. [O] au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– juger que les dépens seront utilisés en frais privilégiés de partage, et ordonner la distraction au profit de Me [J] sur son affirmation de droit.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 1373 du code de procédure civile dispose :

En cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif.

Le greffe invite les parties non représentées à constituer avocat.

Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation.

Il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants.

Il est, le cas échéant, juge de la mise en état.

L’article 1374 ajoute :

Toutes les demandes faites en application de l’article 1373 entre les mêmes parties, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, ne constituent qu’une seule instance. Toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l’établissement du rapport par le juge commis.

Enfin, l’article 1375 prévoit :

Le tribunal statue sur les points de désaccord.

Il homologue l’état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage.

En cas d’homologation, il ordonne s’il y a lieu le tirage au sort des lots par la même décision, soit devant le juge commis, soit devant le notaire commis.

Par ailleurs, l’article 9 dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Sur la demande de M. [O] tendant à la désignation d’un nouveau notaire :

Pour débouter M. [O] de la demande qu’il forme en ce sens, le premier juge a considéré, pour l’essentiel :

– que ce n’est que du fait de la carence de M. [O], qui n’a pas déféré aux convocations du notaire désigné, que ses dires n’ont pas pu être consignés dans le procès-verbal de difficultés ;

– que c’est du fait de cette inertie, qui a compliqué le travail du notaire et ralenti le cours des opérations de liquidation, que tout rendez-vous pour l’estimation du bien immobilier a été rendu impossible ;

– que dans ces conditions, alors que les opérations de comptes, liquidation et partage durent depuis plus de cinq ans depuis la désignation de Me [J], et ce, par la faute de M. [O], il n’y a pas lieu à désignation d’un autre notaire.

M. [O] conteste cette position, faisant essentiellement valoir :

– que le notaire n’a pas satisfait à ses obligations, ayant en effet omis de visiter l’immeuble et retenu une estimation sur la base des seules affirmations de Mme [R] [U] ;

– qu’il n’a pas non plus tenu compte des observations que M. [O] lui avait adressées le 30 juin 2021 ;

– que de ce fait, le notaire a procédé à une estimation de l’immeuble qui ne tient nullement compte de son état réel, alors en effet que la maison d’origine a été démolie pour être remplacée par une nouvelle construction demeurée inachevée et pratiquement inhabitable ;

– que par ailleurs, le notaire a intégré dans son projet d’état liquidatif des créances au profit de Mme [R] [U] sans que celle-ci ait apporté aucune démonstration des sommes qu’elle aurait investies dans le patrimoine commun, le notaire ayant par ailleurs omis d’y intégrer les créances que M. [O] revendique lui-même.

Au contraire, Mme [R] [U] s’oppose à toute nouvelle désignation, faisant observer quant à elle :

– que le notaire commis a dûment convoqué les deux parties aux fins de régularisation de son projet d’état liquidatif ;

– qu’alors qu’elle-même s’est déplacée, M. [O] n’a cessé de différer sa participation aux opérations, adoptant ainsi une stratégie dilatoire pour retarder le règlement de la liquidation, au point qu’elle n’est toujours pas achevée nonobstant un divorce prononcé en 2011 ;

– que c’est dans ces circonstances, que le notaire a fini par se résoudre à élaborer son projet au vu des seules pièces justificatives dont il disposait, ayant par ailleurs procédé à l’estimation de l’immeuble au vu de deux avis d’agents immobiliers dont l’un préconise d’ailleurs une valeur supérieure à celle retenue par le notaire ;

– que contrairement aux affirmations de M. [O], la valeur ainsi retenue tient compte des travaux qui restent à effectuer dans la maison ;

– que le notaire commis a intégré dans son projet des créances de part et d’autre, telles qu’elles lui ont paru justifiées au vu des pièces qui lui ont été communiquées ;

– que dans ces conditions, rien ne justifie la désignation d’un nouveau notaire.

Sur ce,

Au vu des éléments du dossier, il apparaît :

– que le notaire commis a été confronté à l’inertie persistante de M. [O] qui ne déférait pas à ses convocations, alors même qu’il en accusait réception ;

– que le notaire a même été amené à questionner le juge commis du tribunal sur l’attitude à adopter face à ce blocage, alors qu’au contraire Mme [R] [U] invitait le notaire à plus de célérité pour achever les opérations de liquidation ;

– que le magistrat lui-même a prié instamment le notaire d’achever sa mission après ultime sommation, formalité dont Me [J] s’est acquitté, ce qui lui a permis d’établir le projet d’état liquidatif – dûment adressé aux deux parties – puis le procès-verbal de difficultés en date du 6 septembre 2021, non sans qu’un nouveau report du rendez-vous ait été accordé à M. [O], sans plus de succès puisque ce dernier n’a jamais comparu ;

– que d’ailleurs, le projet d’état liquidatif relate, en page 4 du document, les difficultés auxquelles le notaire a été confronté pour accomplir sa mission, difficultés que M. [O] ne saurait dès lors utilement contester ;

– que, contrairement aux affirmations de M. [O], ce projet fait mention des observations formulées par celui-ci dans son courrier du 30 juin 2021, lesdites observations y étant dûment annexées en dépit du défaut de comparution de l’intéressé devant le notaire ;

– que le notaire en a même partiellement tenu compte, puisqu’il a intégré dans son projet une créance en faveur de M. [O], d’un montant de 2.635,20 € ;

– que s’il n’a pas intégré en revanche les autres créances alléguées par celui-ci, c’est parce qu’il n’a pas été convaincu de leur réalité, faute de justificatifs suffisants, ce qui relevait incontestablement de sa mission, sans préjudice bien sûr de la possibilité pour M. [O] de le contester ultérieurement, possibilité dont il fait d’ailleurs usage aujourd’hui ;

– que de la même manière, il ne saurait être reproché au notaire de ne pas avoir visité le bien avant de l’estimer, M. [O] ne lui en ayant pas laissé la possibilité du fait de sa carence à répondre aux convocations du notaire, lequel n’en a pas moins procédé à l’évaluation de l’immeuble sur la base de deux avis d’agents immobiliers, ce qui est conforme aux usages et qui n’empêche pas M. [O] de contester la valeur retenue par le notaire commis, voire de produire ses propres estimations, ce qu’il fait d’ailleurs, sur la pertinence desquelles il appartient au juge de se prononcer.

Ainsi et en tout état de cause, il n’existe aucun motif légitime de désigner un nouveau notaire, alors en effet que celui précédemment commis a satisfait à sa mission, sans préjudice en revanche du droit qui appartient à M. [O] de critiquer sur le fond le projet d’état liquidatif dont la cour est saisie.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’estimation de l’immeuble :

Il convient de rappeler que le notaire a retenu, pour l’établissement de son projet d’état liquidatif, une valeur de 188.500 €.

Pour débouter M. [O] de sa demande tendant à voir réduire cette valeur à 100.000 €, le premier juge a retenu que celle-ci reposait sur une estimation notariée réalisée en 2009, et que M. [O] ne justifiait d’aucun élément actualisé.

M. [O] conteste cette position, faisant valoir en effet :

– que la maison d’origine a été démolie pour faire place à une nouvelle construction dont les travaux n’ont jamais été achevés, de sorte que la maison actuelle n’est même pas habitable ;

– que la dernière estimation de l’immeuble ne saurait être faite à une somme supérieure à 100.000€ ;

– que l’une des estimations vantées par Mme [R] [U], réalisée par l’agence [11], a estimé le bien entre 210.000 et 220.000 €, mais seulement à condition que des travaux importants soient réalisés, eux-mêmes estimés à 100.000 € au moins.

Au contraire, Mme [R] [U] demande à la cour de confirmer l’estimation retenue dans le projet d’état liquidatif et de débouter M. [O] de sa demande tendant à la voir réduire à 100.000€, faisant observer quant à elle :

– que le notaire commis a retenu la valeur de 188.500 € en se référant aux avis de deux agents immobiliers, dont l’un préconisait même une valeur très supérieure ;

– que contrairement aux affirmations de M. [O], l’estimation de l’agence [11] tient compte du montant des travaux restant à réaliser ;

– que, toujours contrairement aux affirmations de l’appelant, la maison est parfaitement habitable, puisque M. [O] y habite effectivement.

Sur ce,

Il résulte de l’article 829 du code civil, qui s’applique au partage de l’indivision post-communautaire, que les biens indivis, en vue de leur répartition, doivent être estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu’elle est fixée par l’acte de partage, en tenant compte, s’il y a lieu, des charges les grevant.

Le même article prévoit en son deuxième alinéa que cette date est la plus proche possible du partage.

En l’espèce, ainsi qu’il est mentionné dans le projet d’état liquidatif, le notaire a fixé la date de la jouissance divise au 30 avril 2021, soit quelques jours avant l’établissement dudit projet, qu’il a en effet adressé aux parties pour la première fois, en vue de son approbation, le 3 mai 2021.

En l’absence de contestation sur ce point, cette date sera donc validée, et c’est à cette date que l’immeuble doit être évalué.

Il en résulte que l’estimation réalisée à la demande de M. [O] le 3 décembre 2010 par Me [S], notaire, est tout à fait obsolète, et ne saurait dès lors servir de référence pour l’évaluation du bien à la date de la jouissance divise.

Or, force est de constater que M. [O] ne produit aucun autre avis de valeur susceptible de contredire les deux estimations produites par Mme [R] [U] :

– d’une part, celle de l’agence [C] qui, tenant compte de la surface habitable (100 m²), de celle du terrain (1.050 m²) ainsi que de la situation de l’immeuble, à proximité du bus, des commerces et des écoles, a retenu une valeur entre 178.950 € et 197.786 € et ce, par référence à plusieurs termes de comparaison qui sont cités par l’agence,

– d’autre part, celle de l’agence [11] qui, à l’issue d’une description très précise du bien et qui rappelle que ‘la maison n’est pas finie ni entretenue’ et qu’elle ‘nécessite de nombreux travaux’ dont elle énumère la liste détaillée, conclut, au vu ‘d’une analyse comparative de marché prenant en compte la situation géographique du bien, ses différentes prestations ainsi que sa surface habitable’ ainsi que ‘le montant des travaux plus ou moins nécessaires’, à un prix estimé entre 210.000 et 220.000 €.

Force est également de constater que la valeur finalement retenue par le notaire, d’un montant de 188.500 €, se situe dans la ‘fourchette’ des prix préconisés par ces deux avis.

Partant, en l’absence d’arguments contraires qui n’aient déjà été pris en compte, en particulier le caractère inachevé de la maison, alors par ailleurs que l’appelant ne saurait utilement soutenu qu’elle est inhabitable puisqu’il ne justifie d’aucune autre adresse et qu’il est constant qu’il y a souscrit divers abonnements, notamment pour l’électricité, M. [O] sera débouté de sa demande tendant à voir réduire l’évaluation de l’immeuble à 100.000 €, celle-ci ne reposant sur aucune pièce sérieuse et étant totalement décorrélée du marché à la date de la jouissance divise retenue par le notaire.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’indemnité d’occupation due par M. [O] :

Il convient de rappeler que M. [O] s’est vu attribuer la jouissance gratuite de l’ancien domicile conjugal par l’ordonnance de non-conciliation du 26 mai 2009 et ce, pendant toute la durée de l’instance en divorce.

Pour autant, il est constant que cette gratuité a cessé, nécessairement, à partir du jour où le jugement de divorce est devenu définitif, étant ici précisé que c’est M. [O] lui-même qui a fait procéder à la signification dudit jugement, par un acte en date du 26 octobre 2011, ni lui ni Mme [R] [U] n’ayant choisi d’en relever appel.

Aux termes de son projet d’état liquidatif, qu’il a transmis aux parties le 3 mai 2021, le notaire commis a retenu :

– une indemnité d’occupation d’un montant mensuel de 600 €,

– la soumission de ladite indemnité à la prescription quinquennale, d’où une indemnité à la charge de M. [O] limitée à 60 échéances de 600 € chacune, soit une somme totale de 36.000 €.

Mme [R] [U] a acquiescé à cette proposition que le premier juge a également validée, celui-ci ayant retenu :

– que l’indemnité d’occupation doit être déterminée en fonction de la valeur locative de l’immeuble, laquelle correspond traditionnellement à 5 % de la valeur vénale sauf à en déduire un abattement de 20 % pour tenir compte de la précarité de l’occupation d’un bien indivis dès lors que tout indivisaire est en droit d’en réclamer le partage ;

– que c’est à tort que M. [O] prétend que la valeur locative du bien est nulle, notamment du fait qu’il ne peut pas utilement soutenir que la maison est inhabitable puisqu’il y est domicilié depuis la séparation du couple ;

– que M. [O] ne peut pas non plus contester le caractère privatif de son occupation, laquelle n’est d’ailleurs pas incompatible avec une absence d’occupation effective des lieux, de sorte que les circonstances alléguées par l’intéressé pour expliquer qu’il n’occuperait pas la maison sont sans incidence sur son obligation indemnitaire.

M. [O] conteste cette décision, faisant de nouveau valoir :

– que depuis le départ de son ex-épouse, il n’a jamais vécu dans l’immeuble commun, résidant soit chez ses parents, soit chez un tiers, personne handicapée dont il s’occupe à titre bénévole ;

– qu’il a également été hospitalisé puis incarcéré pendant plusieurs mois ;

– que s’il a conservé l’adresse de la maison à son nom, ce n’était que pour y recevoir son courrier;

– que la maison n’est toujours pas habitable, n’ayant pas pu assumer le financement des travaux nécessaires pour qu’elle le devienne.

A l’inverse, Mme [R] [U] conclut à la confirmation de l’indemnité d’occupation mise à la charge de M. [O], faisant encore observer :

– que la maison est parfaitement habitable, quoi qu’en dise M. [O] qui a en effet souscrit différents abonnements justifiant d’une occupation effective des lieux ;

– qu’en tout état de cause, Mme [R] [U] n’a elle-même aucun accès à cette maison, de sorte qu’il est justifié d’une jouissance exclusive par M. [O].

Sur ce,

L’article 815-9 du code civil dispose en son deuxième alinéa que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

A cet égard, l’indemnité, qui est la contrepartie du droit de jouir privativement de la chose indivise, est due même en l’absence d’occupation effective des lieux, dès lors seulement que les autres indivisaires sont privés de la possibilité d’en user.

En l’espèce, il résulte des pièces du dossier que la jouissance privative de l’immeuble a été attribuée à M. [O] par l’ordonnance de non-conciliation et que, depuis cette époque, Mme [R] [U] n’a jamais été mise en mesure de pouvoir y accéder.

Dès lors, il est indifférent que M. [O] occupe ou non la maison, dès lors qu’il est constant que Mme [R] [U] ne peut pas l’occuper elle-même.

M. [O] est donc incontestablement tenue d’une indemnité au profit de l’indivision.

Quant au montant de celle-ci, elle a été justement appréciée par le notaire commis, conformément aux usages précédemment rappelées, que la cour fait siens, et ce, dans la limite de la prescription quinquennale justement appliquée par le notaire.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les contestations de M. [O] portant sur la valeur locative de l’immeuble indivis et sur le paiement d’une indemnité d’occupation.

Sur les autres créances :

– Sur la créance de Mme [R] [U] au titre des sommes qu’elle a payées en règlement d’un crédit souscrit auprès de la société [7] :

Le notaire a relevé que Mme [R] [U] avait justifié avoir payé différentes sommes à l’huissier de justice en charge du recouvrement de cette dette contractée par les deux époux, d’où une créance à son profit d’un montant de 5.070 €.

Pour contester cette prise en compte, M. [O] fait valoir que ce crédit a été contracté par Mme [R] [U] seule, à l’insu de son mari dont elle a même imité la signature.

Cependant, force est de constater que M. [O] ne produit aucune pièce à l’appui de cette affirmation, ne justifiant pas même avoir jamais dénié sa signature auprès du prêteur.

Partant, sa contestation sur ce point sera rejetée.

– Sur les créances revendiquées par M. [O] :

M. [O] se prévaut d’abord d’une créance au titre d’un solde débiteur auprès du [12] qu’il aurait lui-même remboursé seul après le départ de Mme [R] [U].

Pour autant, force est de constater qu’il ne produit aucune pièce à l’appui de cette affirmation. Sa demande ne pourra donc qu’être rejetée.

M. [O] se prévaut également d’une créance de 25.000 € au titre d’un prêt que ses parents auraient fait au couple à la fois pour financer les travaux dans la nouvelle maison et pour rembourser des dettes contractées par les époux.

Cependant, la seule attestation des parents de M. [O], au demeurant imprécise quant au montant des sommes qu’ils auraient ainsi versées, et non accompagnée d’aucune pièce justificative, ne saurait suffire à rapporter la preuve de la créance alléguée.

Il en est de même de la reconnaissance de dette prétendument signée par M. [O] le 31 janvier 2011, dont la validité est des plus contestables dès lors qu’elle porte sur une somme incertaine: ‘entre 21.000 € et 25.000 €’.

La demande présentée à ce titre sera donc rejetée.

M. [O] se prévaut encore du règlement de plusieurs échéances de prêts contractés auprès du [12] et de la société [9].

Cependant, le notaire en a déjà tenu compte puisqu’il a porté au crédit de l’intéressé la moitié d’une somme totale de 2.635,20 €.

M. [O] se prévaut enfin de taxes foncières qu’il affirme avoir acquittées pour le compte de l’indivision et pour lesquelles il réclame une créance.

Toutefois, si M. [O] produit un certain nombre d’avis de taxes foncières, la cour constate aussi que ces avis sont accompagnés de lettres de relance du Trésor Public qui témoignent de ce que les sommes correspondantes n’ont pas été payées. Dès lors, aucune créance ne saurait lui être reconnue à ce titre.

Sur les autres demandes :

Le projet d’état liquidatif établi par le notaire commis ne souffrant d’aucune contestation utile, il sera purement et simplement homologué, ce dont il résulte, par suite de l’attribution de l’immeuble indivis à M. [O] et de la prise en compte de l’ensemble des créances précitées, une soulte d’un montant de 104.603,71 € au profit de Mme [R] [U].

Le jugement sera confirmé en ce sens.

Il sera également confirmé en ce qu’il a condamné M. [O] à payer à Mme [R] [U] une somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance.

Il sera enfin confirmé en ce qu’il a dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision.

En revanche, partie perdante en appel, M. [O] supportera seule les dépens y afférents, de même qu’il sera condamné à payer à Mme [R] [U] une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement, dans les limites de l’appel, en dernier ressort et par mise à disposition :

– confirme le jugement en toutes ses dispositions appelées ;

– y ajoutant,

* déboute M. [O] du surplus de ses demandes ;

* condamne M. [O] à payer à Mme [R] [U] une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

* condamne M. [O] aux entiers dépens de la procédure d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

Estelle FLEURY Dominique GARET


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