Licenciement sans fondement : un retour sur la réalité des faits et la protection des droits des salariés.

·

·

Licenciement sans fondement : un retour sur la réalité des faits et la protection des droits des salariés.

Licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement d’un salarié doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, conformément aux dispositions de l’article L1232-1 du Code du travail. En l’absence de preuve de la faute grave alléguée par l’employeur, le licenciement est considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L’article L1232-1 stipule que « tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ». La charge de la preuve incombe à l’employeur, qui doit démontrer la réalité des faits reprochés au salarié.

Indemnités de licenciement

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des indemnités, notamment l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement, conformément aux articles L1234-1 et L1234-9 du Code du travail.

L’article L1234-1 précise que « le salarié a droit à une indemnité de licenciement, sauf en cas de faute grave ou lourde ». L’indemnité compensatrice de préavis est régie par l’article L1234-5, qui stipule que « le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, sauf en cas de faute grave ».

Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Le salarié peut également demander des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, lorsque le licenciement est jugé abusif ou humiliant. Cette notion est fondée sur l’article 1147 du Code civil, qui prévoit la réparation du préjudice causé par un manquement contractuel.

L’article 1147 dispose que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, à des dommages et intérêts ». Dans le cadre d’un licenciement vexatoire, le salarié peut obtenir réparation du préjudice moral subi en raison des circonstances du licenciement.

Intérêts des créances

Les créances résultant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse portent intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil de prud’hommes, conformément à l’article 1231-6 du Code civil.

Cet article précise que « les intérêts sont dus de plein droit à compter de la mise en demeure ». Dans le cas d’un licenciement, la mise en demeure est généralement considérée comme la date de saisine du tribunal.

Remise des documents sociaux

L’employeur est tenu de remettre au salarié les documents de fin de contrat, tels que le reçu pour solde de tout compte et l’attestation Pôle Emploi, conformément à l’article R1234-9 du Code du travail.

Cet article stipule que « l’employeur doit remettre au salarié, à l’issue de son contrat de travail, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi ». Le non-respect de cette obligation peut entraîner des sanctions à l’égard de l’employeur.

Frais irrépétibles

En matière de procédure civile, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Cet article précise que « le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ». Cette disposition vise à compenser les frais engagés par le salarié pour faire valoir ses droits en justice.

L’Essentiel : Le licenciement d’un salarié doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. En l’absence de preuve de la faute grave alléguée par l’employeur, le licenciement est considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des indemnités, notamment l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement. Le salarié peut également demander des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, lorsque le licenciement est jugé abusif ou humiliant.
Résumé de l’affaire : Un agent de service a été embauché par l’association Albatros 08 le 20 octobre 2008, avec un contrat à durée déterminée. Sa relation de travail a été prolongée jusqu’au 20 février 2009, et il a été promu éducateur technique en août 2021. Cependant, il a été licencié pour faute grave le 6 mai 2022. En réponse, il a saisi le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières, qui a rendu un jugement le 8 mars 2024, déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant l’association à verser plusieurs indemnités.

L’association a contesté cette décision en appel, demandant la réformation du jugement et le déboutement de l’agent de service de ses demandes. Elle a également demandé des condamnations à son encontre pour les frais de justice. De son côté, l’agent de service a demandé la confirmation du jugement initial, tout en sollicitant des montants plus élevés pour les dommages et intérêts.

Le licenciement a été justifié par des allégations graves, notamment des comportements inappropriés envers des résidents, ainsi qu’une demande de fellation faite à une résidente, suivie d’une tentative de corruption. Cependant, l’agent de service a produit des preuves, y compris des déclarations de la résidente affirmant qu’elle avait menti. Le tribunal a conclu que l’association n’avait pas prouvé la réalité des faits reprochés.

Le jugement a été partiellement infirmé, notamment concernant le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement et les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire. L’association a été condamnée à remettre des documents sociaux rectifiés et à payer des frais de justice. La cour a confirmé que les condamnations porteraient intérêt au taux légal à partir de dates spécifiques.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du licenciement pour faute grave ?

Le licenciement pour faute grave est encadré par l’article L1232-1 du Code du travail, qui stipule que « le licenciement d’un salarié ne peut intervenir que pour une cause réelle et sérieuse ».

Dans le cas présent, l’employeur a invoqué des faits graves, notamment des allégations de comportement inapproprié envers les résidents. Cependant, la charge de la preuve incombe à l’employeur, qui doit démontrer la réalité des faits reprochés.

La cour a constaté que l’employeur n’a pas réussi à prouver la matérialité des faits, notamment en ce qui concerne les allégations sexuelles, car la résidente a reconnu avoir menti.

Ainsi, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L1235-1 du Code du travail, qui précise que « le salarié a droit à des dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

Quel est le montant des indemnités dues au salarié ?

Le jugement a condamné l’employeur à verser plusieurs indemnités au salarié, conformément aux articles L1234-9 et L1234-5 du Code du travail.

L’indemnité compensatrice de préavis s’élève à 4 239 €, et les congés payés afférents à 423,90 €.

De plus, le salarié a droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixés à 12 717 €, en réparation du préjudice subi, tenant compte de son ancienneté et de sa situation.

L’indemnité conventionnelle de licenciement a été rectifiée à 12 717 €, conformément à l’article L1234-1 du Code du travail, qui stipule que « le montant de l’indemnité de licenciement est déterminé par les dispositions conventionnelles applicables ».

Quel est le régime des intérêts sur les créances ?

Les créances dues au salarié produisent des intérêts au taux légal, conformément à l’article 1231-6 du Code civil, qui dispose que « les intérêts courent de plein droit à compter de la mise en demeure ».

Dans cette affaire, la cour a jugé que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2022, date de la saisine du Conseil de prud’hommes, et que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêts à compter du 8 mars 2024, date du jugement.

Quel est le cadre juridique des frais irrépétibles ?

Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ».

Dans ce cas, l’employeur a été condamné à verser 850 € au titre de l’article 700 pour la première instance, et 2 000 € pour la procédure d’appel.

La cour a confirmé cette condamnation, en considérant que les frais engagés par le salarié pour sa défense étaient justifiés.

Quel est le processus de remise des documents de fin de contrat ?

La remise des documents sociaux, tels que le reçu pour solde de tout compte et l’attestation Pôle Emploi, est encadrée par l’article L1234-19 du Code du travail, qui impose à l’employeur de remettre ces documents au salarié à la fin de son contrat.

Le jugement a ordonné la remise de ces documents sans astreinte, mais la cour a infirmé cette décision en précisant que l’employeur doit remettre ces documents dans un délai de vingt jours suivant la signification de l’arrêt.

Cette obligation vise à garantir les droits du salarié en matière d’indemnisation chômage et de régularisation de sa situation professionnelle.

Arrêt n° 156

du 20/03/2025

N° RG 24/00540 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPDF

FM / ACH

Formule exécutoire le :

20 / 03 / 2025

à :

– [X]

– AUBERSON

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 20/03/2025

APPELANTE :

d’une décision rendue le 08 mars 2024 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHARLEVILLE-MEZIERES (08), section ACTIVITES DIVERSES (n° F22/00124)

Association ALBATROS 08

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Mélanie TOUCHON de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES

INTIMÉ :

Monsieur [L] [J]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Florian AUBERSON de la SCP AUBERSON DESINGLY, avocat au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 février 2025, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. François MELIN, Président, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 24 avril 2025 avancée au 20 mars 2025.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. François MELIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère

Madame Isabelle FALEUR, conseillère

GREFFIER lors des débats :

Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par M. François MELIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [L] [J] a été embauché le 20 octobre 2008 par l’association Albatros 08, par un contrat à durée déterminée en qualité d’agent de service.

La relation de travail s’est poursuivie à durée déterminée à compter du 20 février 2009.

M. [L] [J] est devenu éducateur technique, suite à la signature d’un avenant le 22 août 2021.

M. [L] [J] a été licencié pour faute grave par une lettre du 6 mai 2022.

Il a saisi le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières.

Par un jugement du 8 mars 2024, le conseil a :

– déclaré les demandes de M. [L] [J] recevables,

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamné l’association Albatros 08 à payer les sommes suivantes :

· 12 540,48 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

· 4 239 € au titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 423,90 € au titre des congés payés afférents,

· 12 717 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

· 2 119,50 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

– condamné l’association Albatros 08 à payer la somme de 850 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la remise des documents sociaux rectifiés sans astreinte,

– condamné l’association Albatros 08 aux entiers dépens,

– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire,

– débouté l’association Albatros 08 de l’ensemble de ses demandes,

– dit que les créances produiront intérêt aux taux légaux à compter de la date de prononcé par mise à disposition de la présente décision.

Par des conclusions remises au greffe le 15 janvier 2025, l’association Albatros 08 demande à la cour de :

1) Réformer la décision entreprise en ce que le Conseil des Prud’hommes de [Localité 5] a :

2) Statuant à nouveau :

– Débouter M. [L] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

– Condamner M. [L] [J] à verser à l’association Albatros 08, la somme de 2 000,00 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure de première instance.

Y ajoutant :

– Condamner M. [L] [J] à verser la somme de 3 000,00 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d’appel.

– Condamner M. [L] [J] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par des conclusions remises au greffe le 17 janvier 2025, M. [L] [J] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’association Albatros 08 à payer les sommes suivantes :

· Indemnité compensatrice de préavis : 4239, 00 €

· Congés payés sur préavis : 423, 90 €

· Article 700 CPC : 850 €

– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’association Albatros 08 à payer les sommes suivantes :

· Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12717 €

· Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 2119.50 €

· Indemnité conventionnelle de licenciement : 12 540, 48 €

Statuant à nouveau,

– Condamner l’association Albatros 08 à payer les sommes suivantes :

· Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 23374, 25 €

· Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 8000 €

· Indemnité conventionnelle de licenciement : 12 717 €

En tout état de cause,

– Dire et juger que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2022, date de saisine du Conseil de prud’hommes.

– Dire et juger que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du 08 mars 2024.

– Condamner l’association Albatros 08 à payer la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel.

– Condamner l’association Albatros 08 à remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, un solde et reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi rectifiés

– Condamner l’association Albatros 08 aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur le licenciement:

La lettre de licenciement pour faute grave du 6 mai 2022 est rédigée dans les termes suivants :

« (‘)

2. Les faits :

Une résidente est venue livrer à un membre du personnel éducatif que vous l’aviez appelée dans votre bureau, que vous aviez demandé une fellation, ce qu’elle avait refusé et que vous lui aviez proposé 50 € pour son silence.

Quand cette même résidente est venue le lundi 11 avril dans le bureau de M. [L] [J] [H] [N], chef de service CAO, vous êtes arrivé derrière elle et avez demandé à ce qu’on ne la croit pas car elle était en colère contre vous parce que vous lui aviez demandé de réduire sa consommation de café.

Suite à ces révélations nous avons demandé à ce que les résidents qui sont dans votre atelier soient entendus par des professionnels formés afin de recueillir leurs témoignages. Les professionnels ont entendu les 11 et 12 avril huit résidents en capacité de s’exprimer, de comprendre et de discerner. Vous n’avez pas été stigmatisé, l’entretien étant individuel afin que l’un n’instrumente pas l’autre, et a été comme l’opportunité de s’exprimer sur tous les ateliers et de recueillir leur avis général sur l’organisation de l’atelier, le contenu, l’encadrement du professionnel et l’accompagnement.

Vous concernant, plusieurs points sont revenus de ces 8 résidents, sans qu’ils aient pu en parler entre eux avant leur rencontre individuelle :

– Plusieurs résidents rapportent que vous criez fort, que vous vous fâchez et un résident exprime avoir peur de vous.

– Plusieurs résidents expriment que vos paroles sont blessantes, dévalorisantes, insultantes : « blaireau », « fermez vos gueules », « vous ne savez rien foutre de vos dix doigts », « travaille sale con ».

– Vous pouvez utiliser des surnoms dérangeants et vous continuez alors que le résident a exprimé son mécontentement.

– Plusieurs résidents expriment que les choses ont empiré avec le confinement.

– Un résident rapporte s’être fait toucher plusieurs fois le sexe par un autre résident dans votre atelier ; que vous ne pouviez pas voir ce qui se passe car vous êtes souvent dans votre bureau seul ou avec un autre résident.

(‘)

Compte tenu de l’ensemble de ces points, (‘) nous estimons que votre attitude n’est pas celle attendue d’un personnel éducatif, que vos propos, vos négligences répétées malgré nos rappels à l’ordre peuvent être qualifiés de maltraitants au regard de la loi (‘).

Pour toutes ces raisons, nous vous notifions par le présent courrier votre licenciement pour fautes graves, avec effet immédiat ».

S’agissant d’un licenciement pour faute grave, la charge de la preuve pèse sur l’employeur.

Dans ce cadre, il y a lieu de distinguer l’allégation d’une faute en matière sexuelle et les allégations relatives au comportement à l’égard des résidents.

a) L’allégation d’une faute en matière sexuelle:

La lettre de licenciement indique qu’une résidente a rapporté que M. [L] [J] lui a demandé une fellation, ce qu’elle a refusé et qu’il lui a alors proposé 50 € pour son silence.

L’association Albatros 08 produit les pièces suivantes :

– Une attestation du surveillant de nuit qui indique que la résidente lui a rapporté ces éléments ;

– Une attestation du chef de service qui rapporté les mêmes éléments ;

– Une attestation de l’ancienne chef du service éducatif de l’association Albatros 08 qui indique avoir côtoyé cette résidente pendant huit ans et que celle-ci a un raisonnement binaire, qu’elle est incapable de mentir et qu’elle peut revenir sur ses propos si on lui met la pression ;

– Un courrier de l’avocat de la résidente qui indique dans le cadre de la plainte, qui a été classée sans suite, l’expertise psychologique a confirmé que ses déclarations peuvent être prises en considération ;

– Le compte-rendu d’entretiens avec les autres résidents, selon lequel ces derniers indiquent que M. [L] [J] s’enfermait dans son bureau avec certains résidents.

Si la charge de la preuve pèse sur l’employeur, la cour relève que M. [L] [J] produit quant à lui les pièces suivantes :

– Un procès-verbal d’audition de la résidente, du 12 mai 2022, qui indique vouloir retirer sa plainte « parce que c’était pas vrai », que M. [L] [J] ne lui a pas demandé une fellation et qu’elle l’a accusé par colère car il ne voulait plus lui donner de café et qu’elle mérite d’être emprisonnée pour avoir menti ;

– L’avis de classement sans suite, pour infraction insuffisamment caractérisée ;

– Une lettre, reçue le 19 mai 2022, de la résidente qui indique : « je m’excuse pour avoir menti sur toi ».

Au regard de ces éléments, la cour retient que l’employeur ne prouve pas la réalité de la faute qu’il impute à M. [L] [J], dans la mesure où la résidente a reconnu devant les services de gendarmerie avoir menti et qu’elle l’a confirmé par une lettre adressée à celui-ci.

d) Les allégations relatives au comportement à l’égard des résidents:

La lettre de licenciement fait état des éléments suivants, recueillis auprès d’autres résidents au cours selon le compte-rendu d’entretiens menés par deux psychologues de l’association Albatros 08 :

« – Plusieurs résidents rapportent que vous criez fort, que vous vous fâchez et un résident exprime avoir peur de vous.

– Plusieurs résidents expriment que vos paroles sont blessantes, dévalorisantes, insultantes : « blaireau », « fermez vos gueules », « vous ne savez rien foutre de vos dix doigts », « travaille sale con ».

– Vous pouvez utiliser des surnoms dérangeants et vous continuez alors que le résident a exprimé son mécontentement.

– Plusieurs résidents expriment que les choses ont empiré avec le confinement.

– Un résident rapporte s’être fait toucher plusieurs fois le sexe par un autre résident dans votre atelier ; que vous ne pouviez pas voir ce qui se passe car vous êtes souvent dans votre bureau seul ou avec un autre résident ».

Pour établir ces allégations, l’employeur produit les pièces suivantes :

– Le compte-rendu établi par les deux psychologues ;

– L’attestation de l’une des psychologues, qui indique que « depuis plusieurs années, de nombreux résidents se sont plaints de cet éducateur (attitude inappropriée, propos dévalorisants, moqueurs ou intrusifs) et plusieurs ne souhaitaient plus fréquenter cet atelier ». Cette attestation ajoute que l’attestante n’a pas observé directement ces comportements mais qu’elle en a lu la description lors d’entretiens de soins individuels ;

– Une attestation d’un collègue, M. [V], qui indique qu’en 2015, il a constaté que des résidents étaient désoeuvrés dans l’atelier de M. [L] [J] ;

– Une attestation d’un collègue, M. [C], qui indique que des résidents lui ont dit de ne plus vouloir aller dans l’atelier de M. [L] [J], qui leur faisait peur et qui criait beaucoup. Il ajoute qu’il a lui-même entendu M. [L] [J] hurler sur les résidents ;

– Des statistiques, un graphique et un tableau relatifs au taux de fréquentation des ateliers de M. [L] [J].

Dans ses conclusions (p. 27), l’employeur ajoute que : « En 2022, deux familles ont fait remonter des incidents :

– La maman de [F] [E] s’est plainte que [L] avait montré à son fils sur téléphone des femmes sur des motos. Elle a déclaré qu’elle « en avait assez de [L] et que ça commençait à bien faire »

– Madame [O] a quant à elle alerté la structure sur le fait que son fils rencontrait des difficultés relationnelles avec M. [J], qu’il ne souhaitait plus se rendre à son atelier ou être à la même table le midi parce qu’« il crie fort tout le temps ».

Au regard de ces éléments, la cour relève que :

– Le compte-rendu établi par les deux psychologues vise « le professionnel », sans fournir son nom et donc sans désigner M. [L] [J], de sorte que les propos rapportés ne peuvent pas être reliés à l’activité de celui-ci et que ce compte-rendu ne peut pas permettre d’établir la preuve d’une faute de M. [L] [J], étant au surplus relevé que les résidents dont les propos sont rapportés ne sont pas désignés nommément et que les faits rapportés ne sont pas situés dans le temps ;

– L’attestation de la psychologue précise que cette dernière n’a pas assisté aux faits reprochés. Par ailleurs, elle fait état de faits généraux, non situés dans le temps et qui auraient été rapportés par « de nombreux résidents », sans que soient fournis leurs noms et leur nombre ;

– Les attestations de MM. [V] et [C] visent des faits de manière générale, sans indiquer les résidents concernés, étant en outre précisé que les faits évoqués par M. [V] datent de 2015 et sont donc anciens, et que ceux évoqués par M. [C] ne sont pas situé dans le temps ;

– Les statistiques, un graphique et un tableau relatifs au taux de fréquentation des ateliers ne permettent pas, même examinés au regard des autres faits allégués, d’établir une faute de M. [L] [J] ;

– Les propos imputés, dans les conclusions de l’employeur, aux deux familles de résident ne sont pas confirmés par des pièces, étant au surplus relevé qu’ils ne révèlent pas, en tout état de cause, des fautes de M. [L] [J].

En conséquence, la cour retient que l’association Albatros 08 n’établit pas, matériellement, que M. [L] [J] a commis des faits pouvant être qualifiés de fautes graves ni même un manquement justifiant le licenciement, de sorte que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, comme l’a retenu le jugement qui est confirmé de ce chef.

Le jugement est également confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer les sommes suivantes :

– 4 239 € au titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 423,90 € au titre des congés payés afférents,

– 12 717 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme permettant la réparation du préjudice subi par M. [L] [J], au regard de son ancienneté et de sa situation.

Le jugement est en revanche infirmé en ce qu’il a :

– alloué à M. [L] [J] la somme de 12 540,48 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, la somme due à ce titre étant de 12 717 euros,

– alloué au salarié la somme de 2 119,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, en l’absence de preuve que le licenciement a été vexatoire ;

– dit que les créances produiront intérêt au taux légal à compter de la date de prononcé. Statuant à nouveau de ce chef, la cour juge que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2022, date de saisine du Conseil de prud’hommes et que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du 08 mars 2024.

Sur la remise des documents de fin de contrat:

Le jugement a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés sans astreinte, sans autre précision. Il est infirmé de ce chef.

L’employeur est condamné l’association Albatros 08 à remettre, sans astreinte, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi, devenu France Travail, conformes à cet arrêt, au plus tard le vingtième jour suivant la signification de celui-ci.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A hauteur d’appel, l’employeur est condamné à payer la somme de 2 000 euros à ce titre. Sa demande est quant à elle rejetée.

Sur les dépens:

Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur aux dépens.

Celui-ci, qui succombe, est condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :

– condamné l’association Albatros 08 à payer à M. [L] [J] la somme de 12 540,48 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que la somme de 2 119,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

– dit que les créances produiront intérêt aux taux légaux à compter de la date de prononcé ;

– ordonné la remise des documents sociaux rectifiés sans astreinte ;

Statuant à nouveau de ces chef,

Condamne l’association Albatros 08 à payer à M. [L] [J] la somme de 12 717 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement;

Juge que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2022 et que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2024 ;

Condamne l’association Albatros 08 à remettre à M. [L] [J] un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi, devenu France Travail, conformes à cet arrêt, au plus tard le vingtième jour suivant la signification de celui-ci ;

Y ajoutant,

Condamne l’association Albatros 08 à payer à M. [L] [J] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’association Albatros 08 aux dépens d’appel ;

Rejette le surplus des demandes formées par les parties.

La Greffière Le Président


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon