Licenciement pour faute grave : la protection des salariés face aux comportements inappropriés.

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Licenciement pour faute grave : la protection des salariés face aux comportements inappropriés.

Faute grave et licenciement

La faute grave, qui justifie un licenciement sans préavis, est définie par le Code du travail, notamment à l’article L. 1234-1, qui stipule que le licenciement peut être prononcé pour une faute grave lorsque celle-ci rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Obligation de preuve de l’employeur

Conformément à l’article 1353 du Code civil, la charge de la preuve incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation. En matière de licenciement pour faute grave, l’employeur doit prouver la réalité des faits reprochés au salarié, comme le précise l’article 9 du Code de procédure civile.

Protection des salariés et harcèlement

L’article L. 1152-1 du Code du travail prohibe le harcèlement moral et l’article L. 1153-1 prohibe le harcèlement sexuel, établissant ainsi une obligation pour l’employeur de protéger ses salariés contre de tels comportements. La jurisprudence a également affirmé que l’employeur doit agir pour garantir la sécurité et la santé physique et mentale de ses employés, conformément à l’article 20 du règlement intérieur de l’entreprise.

Conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’article L. 1235-1 du Code du travail prévoit que le salarié a droit à des indemnités, y compris une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour préjudice moral, comme le stipule l’article 1235-3.

Règlement intérieur et procédures internes

Le règlement intérieur de l’entreprise, en vertu de l’article L. 1321-1 du Code du travail, doit définir les règles de discipline et les procédures à suivre en cas de comportements inappropriés, ce qui inclut la nécessité d’une enquête interne en cas de signalement de harcèlement.

L’Essentiel : La faute grave justifie un licenciement sans préavis lorsque celle-ci rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit prouver la réalité des faits reprochés au salarié. Le harcèlement moral et sexuel est prohibé, et l’employeur a l’obligation de protéger ses salariés. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des indemnités, y compris une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour préjudice moral. Le règlement intérieur doit définir les règles de discipline.
Résumé de l’affaire : La Régie des Transports Métropolitains (RTM) a engagé un salarié en qualité de vérificateur en 1997, puis en tant que conducteur receveur à partir de 1999. En avril 2013, ce salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail et a été affecté à un poste de « vaguemestre métro ». En janvier 2019, la RTM a reçu une plainte d’une collègue, salariée de l’entreprise, pour des faits d’attouchements et de harcèlement sexuels. Suite à cette plainte, la RTM a ouvert une enquête interne.

Le salarié a été convoqué à un entretien d’instruction et à un entretien préalable, au cours desquels il a nié les faits. Cependant, le 22 mars 2019, la RTM a notifié son licenciement pour faute grave, en raison des accusations portées contre lui. En réponse, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille pour contester la légitimité de son licenciement, demandant une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement du 4 octobre 2021 a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant la RTM à verser des indemnités au salarié. La RTM a alors interjeté appel, soutenant que les faits d’attouchements et de harcèlement étaient établis par l’enquête interne et les témoignages recueillis. Le salarié a également déposé des conclusions en appel, demandant la confirmation du jugement initial.

La cour d’appel a examiné les éléments de preuve, y compris les témoignages des collègues et les déclarations du salarié. Elle a conclu que les faits reprochés étaient avérés et constituaient une faute grave, justifiant le licenciement. En conséquence, le jugement de première instance a été infirmé, et le salarié a été débouté de toutes ses demandes, devant supporter les dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du licenciement pour faute grave dans cette affaire ?

Le licenciement pour faute grave est fondé sur l’article L. 1234-1 du code du travail, qui stipule que le contrat de travail peut être rompu par l’employeur pour faute grave, c’est-à-dire pour des faits qui rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La cour a constaté que les faits d’attouchements et de harcèlement sexuel reprochés à M. [Z] étaient établis par l’enquête interne, les témoignages et les déclarations de M. [Z] lui-même.

Ces éléments démontrent que la RTM avait l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés, conformément à l’article 20 du règlement intérieur de l’entreprise.

Quel est le rôle de la preuve dans le cadre d’un licenciement pour faute grave ?

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur, conformément aux articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

L’article 1353 du code civil précise que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver les faits qui lui donnent droit à cette exécution.

Dans cette affaire, la RTM a produit des témoignages convergents et des éléments probants qui établissent la réalité des faits reprochés à M. [Z], ce qui justifie le licenciement.

Quel impact a l’ancienneté du salarié sur la décision de licenciement ?

L’ancienneté du salarié, bien que significative, ne constitue pas un facteur atténuant en cas de faute grave.

L’article L. 1235-2 du code du travail stipule que l’ancienneté et l’absence d’antécédents disciplinaires ne peuvent pas réduire la responsabilité d’un salarié pour des actes graves.

Dans ce cas, la cour a souligné que les atteintes à l’intégrité physique et morale de la victime étaient suffisamment graves pour justifier le licenciement, indépendamment de l’ancienneté de M. [Z].

Quel est le rôle de l’enquête interne dans le cadre de ce litige ?

L’enquête interne a pour but de recueillir des éléments de preuve concernant les faits reprochés au salarié.

La RTM a mené une enquête exhaustive, conformément à son protocole de gestion des violences internes, ce qui est en ligne avec les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail.

Les articles 20 et suivants du règlement intérieur de la RTM précisent que de tels comportements sont intolérables et doivent être traités avec sérieux.

Quel est le statut des demandes accessoires formulées par le salarié ?

Les demandes accessoires formulées par M. [Z] ont été rejetées par la cour, qui a infirmé le jugement déféré.

L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais exposés pour l’instance, mais dans ce cas, la RTM n’a pas présenté de demande en ce sens.

M. [Z], ayant succombé en appel, doit supporter les dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2025

N° 2025/75

Rôle N° RG 21/15030 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJC5

E.P.I.C. REGIE DES TRANSPORTS METROPOLITAINS (RTM)

C/

[W] [Z]

Copie exécutoire délivrée le :

28 MARS 2025

à :

Me Béatrice DUPUY de l’AARPI LOMBARD-SEMELAIGNE-DUPUY-DELCROIX, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/01798.

APPELANTE

E.P.I.C. REGIE DES TRANSPORTS METROPOLITAINS (RTM), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Béatrice DUPUY de l’AARPI LOMBARD-SEMELAIGNE-DUPUY-DELCROIX, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [W] [Z], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 03 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Fabrice DURAND, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre

Monsieur Fabrice DURAND, Président de chambre

Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2025

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

1. La Régie des Transports Métropolitains (RTM) a engagé M. [W] [Z] le 20 janvier 1997 par contrat à durée indéterminée en qualité de vérificateur, puis de conducteur receveur à partir du 1er février 1999 au coefficient 210.

2. Déclaré inapte par le médecin du travail le 15 avril 2013, M. [Z] a été affecté le 22 juillet 2013 à un poste de « vaguemestre métro » avec une rémunération brute moyenne de 2 540 euros par mois.

3. Le 17 janvier 2019, la RTM était informée d’une plainte de Mme [I], salariée de l’entreprise travaillant dans l’équipe de M. [Z], portant sur des faits d’attouchements et de harcèlement sexuels. La RTM engageait immédiatement une « enquête ressources humaines » conformément au protocole de prévention des violences internes en vigueur dans l’entreprise.

4. Par courrier du 12 février 2019, M. [Z] était convoqué à un entretien d’instruction fixé le 25 février 2019 et à un entretien préalable avec le directeur du management et des ressources humaines fixé le 1er mars 2019.

5. Par courrier du 22 mars 2019, la RTM notifiait à M. [Z] son licenciement pour faute grave tenant aux faits d’attouchements et de harcèlement sexuels commis sur la personne de Mme [I].

6. Par requête déposée le 30 juillet 2019, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille d’une demande de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec paiement des indemnités de rupture en découlant.

7. Par jugement du 4 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Marseille a :

‘ dit que le licenciement de M. [Z] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

‘ condamné la RTM à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

– 5 080 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 508 euros de congés payés afférents ;

– 16 643 euros d’indemnité de licenciement ;

– 41 910 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral « distinct » ;

– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ débouté M. [Z] du surplus de ses demandes ;

‘ ordonné l’exécution provisoire sur les créances et dans la limite des plafonds prévus par l’article R.1454-28 du code du travail ;

‘ condamné la RTM aux entiers dépens.

8. Par déclaration au greffe du 22 octobre 2021, la RTM a relevé appel de ce jugement.

9. Vu les dernières conclusions de la RTM déposées au greffe le 12 janvier 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour :

‘ d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [Z] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a condamnée à verser au salarié licencié des indemnités de rupture ;

Statuant à nouveau,

‘ de juger que le licenciement prononcé le 22 mars 2019 est légitime et justement fondé sur une faute grave ;

‘ de débouter en conséquence M. [Z] de toutes ses demandes ;

Subsidiairement et en tout état de cause,

‘ de juger que les sommes allouées au titre d’un préjudice moral distinct ne sont pas justifiées et que celles allouées au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à concurrence de 41 910 euros sont excessives ;

10. Vu les dernières conclusions de M. [Z] déposées au greffe le 8 avril 2022 aux termes desquelles il demande à la cour :

‘ de juger la RTM infondée en son appel ;

‘ de juger recevable et bien fondé M. [Z] en son appel incident ;

‘ de confirmer en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celle ayant statué sur le montant des dommages-intérêts pour préjudice moral distinct ;

‘ de condamner la RTM à lui payer 10 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct ;

‘ de condamner la RTM à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel ;

‘ de condamner la RTM aux entiers dépens ;

‘ de juger que la condamnation de la RTM emportera intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.

11. Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

12. L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2025.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur l’appréciation du motif fondant le licenciement,

13. La RTM conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et l’a condamnée à payer les indemnités de rupture afférentes. La RTM fait valoir que les faits d’attouchements et de harcèlement sexuels reprochés à M. [Z] dans la lettre de licenciement sont parfaitement établis par l’enquête interne réalisée, par les témoignages recueillis et par les déclarations de M. [Z] lui-même qui les a partiellement reconnus. L’employeur ajoute que la nature des faits le contraignait à licencier M. [Z] pour protéger la victime et plus largement pour satisfaire à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale de ses salariés, conformément aux dispositions de l’article 20 du règlement intérieur.

14. M. [Z] conclut à la confirmation du jugement déféré ayant retenu que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Outre son ancienneté dans l’entreprise sans antécédent disciplinaire, M. [Z] fait valoir qu’il a toujours nié avec force être l’auteur des faits litigieux d’attouchements sexuels et de harcèlement, que l’employeur n’apporte pas la preuve de la réalité, de l’imputabilité et de la gravité de ces faits et que l’employeur lui-même n’avait pas préconisé la rupture du contrat de travail à l’issue de l’enquête interne.

Appréciation de la cour

15. La faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié manifestant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le préavis.

16. La preuve de la faute grave incombe à l’employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

17. En l’espèce, la lettre du 22 mars 2019 précisant les motifs de licenciement et fixant les limites du litige en application des dispositions de l’article L. 1235-2 alinéa 2 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :

« (‘)

Nous vous rappelons les faits qui vous sont reprochés et qui vous ont été exposés au cours de ces entretiens à savoir :

Le 17 janvier 2019, votre collègue de travail, Mme [P] [I] a alerté votre hiérarchie de faits qu’elle subirait de votre part, de type attouchements sexuels et comportements pouvant être qualifiés de harcèlement.

Une enquête a été menée, au cours de laquelle plusieurs personnes ont été entendues par la direction du management et des ressources humaines, dont Mme [P] [I], Monsieur [X] [D], Mme [T] [U] et vous-même.

Il ressort du témoignage de Madame [I] livré le 21 janvier 2019 que celle-ci dit subir depuis de nombreuses années des attouchements de votre part, de type mains sur les seins, sur les fesses. Elle dit également que vous lui avez bloqué la tête pour l’embrasser sur la bouche, que vous avez déjà pris sa main pour l’amener vers votre sexe. Elle ajoute que la fréquence est « tout le temps » mais qu’elle n’en a jamais parlé.

En plus de ces agissements, elle affirme que lorsqu’elle prend de la distance à votre égard ne vous laissant pas la possibilité d’agir, elle subit des représailles et vous la mettez à l’écart notamment. Elle ajoute que dans ces situations, vous « vous énervez souvent ».

Monsieur [B] [D], entendu le 23 janvier 2019 dans le cadre de cette enquête confirme certains des agissements dénoncés par Madame [I], notamment le fait que vous ayez essayé de l’embrasser, que vous l’ayez serrée autour de la taille et de la poitrine sans que celle-ci ne soit consentante et que cette situation dure depuis plusieurs mois. Il a également déclaré vous avoir mis en garde aux alentours de l’été 2018 sur les risques d’un tel comportement.

Madame [T] [U], entendue elle aussi le 23 janvier 2019 confirme avoir entendu Monsieur [D] dire à propos de la situation « bien sûr que je sais quelque chose, ça fait plus d’un an que ça dure, que je lui dis d’arrêter, c’est plus fort que lui »

Nous avons bien pris note de vos explications et du fait que vous réfutez la connotation sexuelle donnée à certains actes dont Madame [I] vous accuses et niez en avoir effectué d’autres, notamment ceux de nature purement sexuelle.

Toutefois, à l’issue de l’enquête, la convergence des témoignages nous conduit à penser que les faits décrits par Madame [I] sont avérés. Aucune confession de sa part sur des éléments de sa vie privée ou l’interprétation que vous faites de ses m’urs se saurait venir minorer vos agissements. En effet, outre la qualification pénale que ces faits peuvent revêtir, nous vous rappelons que le règlement intérieur du personnel de la RTM dispose en ses articles 20 et suivants :

(‘)

Or votre comportement s’inscrit en violation de ces règles, de tels agissements sont parfaitement intolérables.

En conséquence, au regard de la gravité des faits commis, nous décidons de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

(‘) »

18. Le 17 janvier 2019, lendemain de la révélation des faits par Mme [I], le responsable hiérarchique M. [A] a réuni M. [Z] et Mme [I] et les a entendus sur les faits. M. [A] a ensuite informé par courriel du 17 janvier 2019 la direction des ressources humaines en ces termes :

« (‘) J’ai pris la décision de convoquer Mme [I] en présence de M. [Z] pour les entendre. Elle a été directe dans ses propos l’accusant d’attouchements. Lui n’est pas resté dans le bureau refusant d’écouter et niant les faits qui lui sont reprochés. Mme [I] est restée finissant sa description des faits et précisant que M. [D] [B] aurait été témoin de certains agissements. J’ai ensuite convoqué M. [D] qui semblait fuyant en sa présence ne voulant pas prendre parti pour l’un ou l’autre de ses collègues. Après avoir renvoyé Mme [I] sur son lieu d’attachement (St Charles) j’ai à nouveau reçu M. [Z] seul qui lui nie tout catégoriquement. (‘) »

19. Mme [C] et Mme [H], chargées de l’enquête interne, relatent leur entretien avec Mme [I] le 21 janvier 2019 :

« Elle explique qu’elle subit des attouchements réalisés par M. [Z] depuis 4 années : mains sur les seins, sur les fesses, il lui bloquerait la tête pour l’embrasser sur la bouche, il lui aurait pris la main pour l’amener vers son sexe. Elle dit que « c’est tout le temps ».

Elle explique que « soit il est méchant » (cadenas sur les tiroirs du bureau, souris enlevée de l’ordinateur, mise à l’écart, « il s’énerve souvent ») « soit il fait les attouchements ». Elle dit avoir demandé à plusieurs reprises à [B] [D] de le calmer, de lui demander d’arrêter. Elle aurait reçu des réponses du type « il ne faut pas lui en vouloir c’est parce qu’il ne l’a pas fait depuis longtemps. »

[B] [D] lui aurait rapporté des propos émis par M. [Z] : « cette salope, je vais lui faire la misère ». Il serait le seul témoin.

Elle parle « d’abus de pouvoir » et dénonce que [W] [Z] et [G] [M] s’entendent bien. Elle n’en a jamais parlé depuis 4 ans ».

20. Le fait que Mme [I] ait révélé ces faits alors qu’elle était en arrêt de travail pour maladie confirme qu’elle subissait cette emprise au quotidien sur son lieu de travail et que seule sa mise à l’écart temporaire de l’entreprise lui a permis de trouver la force d’informer son responsable hiérarchique des faits qu’elle subissait depuis des années.

21. Mme [C] et Mme [H] relatent leur entretien le 23 janvier 2019 avec M. [D] qui apparaît « stressé et très embêté par la situation. Il a tendance à se montrer fuyant. (‘) il cherche à protéger [W] [Z] » :

« Il aurait dit à [P] [I] « tu aurais dû m’en parler, j’y aurai mis un terme » « elle m’a dit qu’il ([W] [Z]) faisait des attouchements mais ne m’a pas demandé d’intervenir. Qu’est-ce-que vous voulez que je fasse ‘ »

Il dit avoir vu [S] prendre [N] autour des bras. Il « a essayé de l’embrasser, lui faire des bisous, » « embrasser dans le cou ».

Il dit être intervenu en 2018(aux alentours de l’été, il ne se souvient pas bien) en disant à [S] : « [W] arrête, méfie-toi » qu’après « ça a recommencé » « elle disait rien, elle rigolait. » « [W] je l’ai mis en garde. »

«je veux pas dire qu’elle était consentante, ce serait faux.

« Ce qu’il a fait il ne devrait pas le faire. »

(‘) « Il l’a serrée autour de la taille, de la poitrine. »

Il confirme avoir dit à [N] : «il ne faut pas lui en vouloir c’est parce qu’il ne l’a pas fait depuis longtemps. »

Il dit que son chef [G] [M], suite à l’appel qu’il a reçu de [N] dénonçant les agissements, l’a appelé pour lui demander si elle n’avait pas aguiché [S].

Il dit ne pas avoir vu de main sur les fesses ou sur les seins et énonce que « la plupart du temps je m’en vais ». Ces situations le gênaient beaucoup. Il préférait détourner les yeux ou partir. Il reconnaît que cela n’est pas normal, qu’il ne l’accepterait pas pour sa fille. Il confirme que cela fait plus d’un an et demi que cela dure. »

22. Par ailleurs, il n’est pas établi que la lettre manuscrite datée du 21 février 2019 versée aux débats (pièce RTM n°10) soit de la main de M. [D]. Cette lettre ne constitue donc pas un témoignage probant, alors que lors de l’entretien du 23 janvier 2019 M. [D] a livré à l’employeur des éléments extrêmement précis mettant en cause M. [Z].

23. Une autre salariée de l’entreprise, Mme [U], explique avoir été présente à proximité du bureau de M. [A] le 17 janvier 2019 alors que M. [Z] refusait de participer à la rencontre en disant « non non moi c’est bon je viens pas si c’est pour entendre des conneries » et plus tard coupait la parole Mme [I] sèchement « ferme ta gueule ».

24. Mme [U] a indiqué lors de l’enquête le 23 janvier 2019, et a confirmé dans son témoignage du 15 novembre 2019, que M. [D] lui avait dit : « Je veux pas m’en mêler. Bien sûr que je sais quelque chose, ça fait plus d’un an que ça dure, que je lui dis d’arrêter, c’est plus fort que lui. (‘) et comment je fais, [P] c’est mon amie, lui aussi. Si je parle il va se faire virer.(‘) je savais que cette histoire allait mal tourner. »

25. M. [Z] a lui aussi été entendu le 23 janvier 2019 par Mme [H] et Mme [C] qui décrivent ainsi son attitude :

« (‘) Son comportement évolue au fil de l’entretien. Il dénie, pleure, se positionne en victime, finit par avoir une posture, une attitude et un ton de voix agressif. Il ne respecte pas la parole de l’autre. D’une manière générale, il est dans le déni, dit d’abord non puis oui, utilise tous les arguments possible pour se faire plaindre, pour expliquer que cela est normal’ Il dénigre [P] [I], la remet en cause. »

26. Certains des propos tenus par M. [Z] durant cet entretien constituent des aveux au moins partiels des faits litigieux :

« Je l’ai pris dans les bras pour la réconforter quand il y avait des soucis »… « Trois ou quatre fois », « c’est une angoissée. », « Elle ne m’a jamais repoussé, elle ment. » « Quand je l’ai attrapé, c’est pas malsain. » ou encore : « une femme qui va sur Badou » (site de rencontre).

27. D’après Mme [H] et Mme [C] :

« Il affirme d’abord que CS ne lui a jamais rien dit, puis confronté au témoignage de CS, il dit « peut-être que si mais j’ai pas trop fait gaffe. »

Il dit ne jamais avoir eu de mots agressifs envers [N] puis confronté au témoignage de [T] [U], il confirme lui avoir dit « ferme ta gueule ».

Il ne reconnaît pas de baiser forcé ni de mains sur les fesses ou sur les seins. Il confirme avoir eu un comportement familier avec [N]. Puis dit « je vais pas la trucider ou la poignarder ».

Il dit ne l’avoir jamais mise à l’écart puis confirme l’histoire des cadenas et de la souris d’ordinateur (‘). »

28. Il ressort du contenu largement convergeant des témoignages précités que M. [Z] s’est effectivement livré depuis plusieurs mois à des rapprochements corporels à caractère sexuel et a commis des actes de harcèlement sexuel et moral sur la personne de Mme [I].

29. Les dénégations de M. [Z] ne permettent pas de nourrir un doute sur la réalité de ces faits, d’autant moins que celui-ci conteste désormais les faits dans leur intégralité, y compris les éléments qu’il avait en partie reconnus lors de ses auditions par les représentants de l’employeur.

30. La cour observe que la direction des ressources humaines a diligenté son enquête de manière exhaustive et collégiale, conformément au dispositif « gestion des violences internes » institué au sein de la RTM pour protéger les personnels. Aucun élément versé aux débats ne permet de penser que Mmes [C] et [H] n’auraient pas restitué l’exacte teneur des témoignages recueillis ou manqué d’impartialité lors de cette enquête.

31. Lors de l’entretien d’instruction du 25 janvier 2019, M. [Z] qui était assisté de son défenseur M. [O], n’a aucunement remis en cause la teneur de ses propos tenus le 23 janvier 2019 tels qu’ils ont été transcrits dans le compte-rendu de cet entretien.

32. Par ailleurs, ni l’ancienneté de vingt-deux ans de M. [Z] ni l’absence d’antécédent disciplinaire ne permettent d’atténuer sa responsabilité s’agissant de graves atteintes à l’intégrité physique et morale d’une collègue de travail sur qui il a régulièrement abusé de sa position en lui imposant des actes de rapprochement sexuel ainsi que des brimades ou des mesures vexatoires inacceptables au sein de la collectivité de travail.

33. De même, la mention en fin de rapport d’enquête (non signé) de préconisations n’évoquant pas le licenciement disciplinaire de M. [Z] n’a pas pour conséquence de priver l’employeur de l’usage de son pouvoir disciplinaire au regard de l’ensemble des éléments portés à sa connaissance.

34. La cour ne partage donc pas l’analyse des premiers juges considérant que les éléments précités ne leur permettaient pas de « se faire une opinion ferme sur les accusations et leurs gravités portées à l’encontre de M. [Z] ».

35. Les faits mentionnés dans la lettre de licenciement du 22 mars 2019 sont parfaitement établis et constituent une faute grave en ce qu’ils rendent impossible le maintien de M. [Z] au sein de l’entreprise pendant la durée du préavis. Ces faits imposaient à la RTM de rompre le contrat de travail pour respecter son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et psychique de ses salariés dans l’entreprise.

36. Le jugement déféré est donc intégralement infirmé en ses dispositions ayant déclaré le licenciement de M. [Z] sans cause réelle et sérieuse et ayant condamné la RTM à lui verser les salaires et indemnités figurant à son dispositif.

Sur les demandes accessoires,

37. Le jugement déféré est aussi infirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

38. M. [Z], succombant intégralement en appel, doit supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

39. La RTM ne présente aucune demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes de M. [Z] de ce même chef sont rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [W] [Z] de toutes ses demandes présentées contre la Régie des Transports Métropolitains (RTM) ;

Condamne M. [W] [Z] à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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