Harcèlement moralAux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Exécution de bonne foi du contrat de travailEn vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, devant en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles justifiées par des considérations relatives à l’état de santé des travailleurs, conformément à l’article L. 4624-3 du code du travail. Faute grave et licenciementLa faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La mise en œuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, conformément à la jurisprudence. Nullité du licenciementIl résulte des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être licencié notamment en raison de son état de santé sous peine de nullité du licenciement. En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Obligation de sécuritéL’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en respectant les préconisations du médecin du travail, conformément à l’article L. 4624-1 du code du travail. |
L’Essentiel : Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui dégradent ses conditions de travail, portent atteinte à ses droits et à sa dignité, altèrent sa santé ou compromettent son avenir professionnel. Lorsque le salarié présente des éléments laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne constituent pas un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs.
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Résumé de l’affaire : Une salariée, engagée par une association en tant qu’aide-soignante, a été victime d’un accident du travail en octobre 2018, entraînant un arrêt de travail. Peu après, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement, puis licenciée pour faute grave, l’association lui reprochant une attitude inappropriée envers les résidents et ses collègues. Contestant son licenciement et se plaignant de harcèlement moral, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes, demandant des dommages-intérêts pour harcèlement, licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d’autres indemnités.
L’association a contesté les accusations et a demandé la condamnation de la salariée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le conseil de prud’hommes a débouté la salariée de ses demandes et a également rejeté la demande reconventionnelle de l’association. La salariée a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la nullité de son licenciement, ainsi que diverses indemnités. Dans ses conclusions, la salariée a soutenu que son licenciement était discriminatoire et lié à sa dénonciation de maltraitance au sein de l’établissement. L’association a rétorqué qu’elle n’avait pas été informée du statut de travailleur handicapé de la salariée et que les accusations de harcèlement n’étaient pas fondées. La cour a confirmé le jugement de première instance, considérant que les griefs à l’encontre de la salariée étaient établis et constituaient une faute grave. Elle a également rejeté les demandes de la salariée concernant la nullité du licenciement et a condamné celle-ci aux dépens, ainsi qu’à verser une somme à l’association au titre des frais de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique applicable au harcèlement moral dans le contrat de travail ?En vertu de l’article L. 1152-1 du code du travail, il est stipulé qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. De plus, l’article L. 1154-1 du même code précise que lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Ainsi, pour établir l’existence d’un harcèlement moral, le juge doit examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, y compris les documents médicaux, et apprécier si les faits établis permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Quel est le fondement juridique de l’exécution déloyale du contrat de travail ?L’article L. 1222-1 du code du travail stipule que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Cela implique que l’employeur doit respecter ses obligations contractuelles envers le salarié, y compris le paiement des indemnités et le respect des conditions de travail. Dans le cas présent, la salariée n’a pas établi de manquement de la part de l’association à ses obligations contractuelles. Les plannings fournis ne démontrent pas qu’elle aurait été sollicitée durant ses périodes de repos ou d’arrêt, ce qui conduit à la confirmation du jugement en ce qui concerne le rejet de la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Quel est le cadre juridique de l’obligation de sécurité de l’employeur ?L’article L. 4624-3 du code du travail impose à l’employeur une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Cette obligation doit être mise en œuvre en tenant compte des propositions de mesures individuelles, justifiées par des considérations relatives à l’état de santé des travailleurs. Dans cette affaire, l’employeur a respecté les préconisations du médecin du travail concernant l’aménagement du poste de la salariée. Les avenants au contrat de travail et les plannings démontrent que la charge de travail a été adaptée, ce qui justifie le rejet de la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité. Quel est le cadre juridique concernant la cause du licenciement ?La faute grave, selon la jurisprudence, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Les éléments rapportés dans la lettre de licenciement, tels que les comportements inappropriés à l’égard des résidents et des collègues, sont suffisamment graves pour justifier le licenciement pour faute grave. La cour a confirmé que ces faits établis justifiaient la rupture du contrat de travail. Quel est le cadre juridique relatif à la nullité du licenciement ?Les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail stipulent qu’aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé, sous peine de nullité du licenciement. De plus, il appartient au salarié de prouver l’existence d’une discrimination. Dans cette affaire, bien que la salariée ait été reconnue comme travailleur handicapé, elle n’a pas prouvé avoir informé son employeur de son statut. Par conséquent, la cour a confirmé le jugement en ce qui concerne le rejet de la demande de nullité du licenciement. Quel est le cadre juridique concernant les dépens et les frais irrépétibles ?Les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont régies par l’article 700 du code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais non compris dans les dépens. Dans cette affaire, la cour a condamné la salariée à payer à l’association une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700, en raison de sa position de partie perdante dans le litige. |
N° RG 21/05696 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NXQL
[X]
C/
Association [5]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 11 Juin 2021
RG : 19/00940
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 02 AVRIL 2025
APPELANTE :
[V] [X]
née le 23 Avril 1970 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Thierry BRAILLARD de la SELARL THIERRY BRAILLARD ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Fabienne CAYUELA, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
ASSOCIATION [5]
Anciennement ASSOCIATION LA [6]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Emilie ESCAT substituée par Me Alicia VERNISSAC, avocat au même barreau
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Janvier 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Catherine MAILHES,Présidente
Anne BRUNNER, Conseillère
Antoine-Pierre D’USSEL, Conseiller
Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 02 Avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES,Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [V] [X] (la salariée) a été engagée le 1er octobre 2014 par l’association La [6] (l’association) par contrat à durée indéterminée en qualité d’aide-soignante, ce contrat faisant suite à un contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2014.
La salariée était affectée à l’EHPAD [3] à [Localité 7].
Les dispositions de la convention collective FEHAP sont applicables à la relation contractuelle.
L’association employait habituellement au moins 11 salariés au moment de la rupture des relations contractuelles.
Le 18 octobre 2018, la salariée a été victime d’un accident du travail. Elle a été placée en arrêt de travail, renouvelé jusque début décembre 2018.
Le 29 octobre 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 12 novembre 2018 et a été mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre du 23 novembre 2018, l’association lui a notifié son licenciement pour faute grave, lui reprochant une attitude inappropriée et brutale à l’égard de résidents et de ses collègues.
Le 5 avril 2019, Mme [V] [X], se plaignant de harcèlement moral et contestant son licenciement, a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon, aux fins de voir dire que l’association la [6] a commis des faits de harcèlement et n’a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi, voir dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et voir condamner l’association à lui payer :
des dommages-et-intérêts pour harcèlement moral ;
des dommages-et-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité
outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation de la association [5] Soin à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte, et au paiement des intérêts au taux légal.
L’association La [6] a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 9 avril 2019.
L’association La [6] s’est opposée aux demandes du salarié et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celui-ci au versement de la somme de 1 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 11 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Lyon a débouté Mme [V] [X] de l’ensemble de ses demandes, débouté l’association de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [V] [X] aux dépens.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 7 juillet 2021, Mme [V] [X] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 12 juin 2021, aux fins de réformation du jugement en ce qu’il : » – dit et juge que le licenciement de Madame [X] pour faute est fondé que la faute grave est avérée et caractérisée, – dit et juge que l’association la [6] n’a commis aucun harcèlement moral, ni de manquement à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail ni à son obligation de sécurité. En conséquence, – déboute Madame [X] de l’intégralité de ces demandes, – condamne Madame [X] aux entiers dépens de la présente instance, Madame [X] entend obtenir de la Cour : – infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions susvisées, A TITRE PRINCIPAL – dire et juger le licenciement de Madame [X] nul, – condamner l’Association LA [6] à payer à Madame [X] les sommes suivantes : – 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul, – 3 989,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, – 398,92 eurosuros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, – CONDAMNER l’Association LA [6] à payer à Madame [X] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, A TITRE SUBSIDIAIRE, – DIRE ET JUGER le licenciement de Madame [X] dépourvu de faute grave, – CONDAMNER l’Association LA [6] à payer à Madame [X] les sommes suivantes : – 19 946,20 euros à titre d’indemnité pour absence de faute grave, – 3 989,24 eurosuros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, – 398,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, – 2 902,00 euros à titre d’indemnité de licenciement, En tout état de cause, – CONDAMNER l’Association LA [6] à payer à Madame [X] les sommes suivantes : – 5 000,00 eurosuros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, – 1 000,00 eurosuros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, – ORDONNER la remise sous astreinte définitive de 100,00 euros par jour de retard de bulletins de paie conformes aux condamnations en salaire et accessoires de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation POLE EMPLOI rectifiés et se réserver le droit de liquider l’astreinte, – ASSORTIR ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de la requête, – CONDAMNER l’ASSOCIATION LA [6] à verser à Madame [X], la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. – CONDAMNER la même aux entiers dépens de première instance et d’appel « .
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 17 mars 2022, Mme [V] [X] demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions sauf en ce qu’il a débouté l’association La [6] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
A titre principal :
dire et juger le licenciement nul ;
condamner l’Association La [6] à payer les sommes suivantes :
– 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ;
– 3 989,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 398,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
– 2 902,00 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
condamner l’Association La [6] à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
A titre subsidiaire :
dire et juger le licenciement dépourvu de faute grave ;
condamner l’Association La [6] à payer les sommes suivantes :
– 19 946,20 euros à titre d’indemnité pour absence de faute grave ;
– 3 989,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 398,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
– 2 902,00 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité;
assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de la requête ;
– ordonner la remise sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard de bulletins de paie conformes aux condamnations en salaire et accessoires de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pole Emploi rectifiés et se réserver le droit de liquider l’astreinte;
– débouter l’association La [6] de l’ensemble de ses demandes ;
-condamner l’association la [6] à lui payer une indemnité de euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 13 décembre 2021, ayant fait appel incident en ce que le jugement l’a déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, l’association [5] Soin, nouvelle dénomination de l’association la [6] demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de débouter Mme [V] [X] de l’intégralité de ses demandes et, à titre reconventionnel de :
– condamner Mme [V] [X] lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [V] [X] aux entiers dépens.
La clôture des débats a été ordonnée le 12 décembre 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions.
Sur l’exécution du contrat de travail :
Sur le harcèlement moral :
Pour solliciter l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, la salariée fait valoir que :
– elle a subi un véritable harcèlement de la part de la direction ;
– la situation s’est dégradée à compter du 13 octobre 2018, lorsqu’elle a accompagné ses collègues à la gendarmerie pour dénoncer des faits de maltraitance qu’elles subissaient par le chef cuisinier, M. [U] ;
– elle a alors subi un véritable harcèlement : accroissement de la charge de travail, reproches incessants et injustifiés, dénigrements, entretiens injustifiés, accusations mensongères ;
– l’ensemble des attestations qu’elle verse aux débats concernent des faits précis de harcèlement dirigés à son encontre, suite à son implication dans la dénonciation de M. [U], qui bénéficiait du soutien de la direction ;
– les conditions de travail au sein de l’Ehpad se sont dégradées :
– pression de la direction sur le personnel,
– personnel appelé régulièrement les jours de repos,
– taux d’absentéisme important,
– personnel recruté sans expérience,
– épuisement des équipes, le personnel n’était pas respecté
dès le mois de juillet 2018, une réunion avait lieu pour évoquer la problématique du harcèlement au sein de l’association ;
-son état de santé s’est dégradé, et elle a été placée en arrêt de travail le 24 octobre 2018.
L’association objecte que :
– la salariée fait état de considérations vagues et invérifiables ;
– la salariée ne mentionne aucun fait la concernant ;
– la prétendue dégradation des conditions de travail, à la supposer établie, est insuffisante à caractériser un harcèlement moral ;
– les témoignages produits révèlent tout au plus une forme de ressentiment à l’égard de la direction de l’établissement ou un désaccord quant aux méthodes de travail voire une lassitude face à des conditions de travail difficiles, mais échouent à établir un harcèlement moral ;
– le fait qu’une réunion d’équipe ait été organisée au mois de juin 2018 pour évoquer des difficultés au sein de l’équipe, n’établit pas le harcèlement moral dont Mme [V] [X] se prétend victime.
***
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi n°2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La salariée invoque :
1/ un accroissement de la charge de travail,
Ce fait est imprécis. La salariée verse aux débats ses plannings qui n’objectivent pas une importante charge de travail.
2/ reproches incessants et injustifiés,
La salariée ne précise pas la teneur des reproches, ni la date à laquelle ils auraient été formulés.
Le fait n’est pas établi.
3/ des dénigrements,
La salariée n’indique pas de quels dénigrements il s’agit ni qui en serait l’auteur.
Le fait n’est pas établi.
4/ des entretiens injustifiés,
La salariée ne précise pas la date de ces entretiens ni leur objet.
Le fait n’est pas précis.
5/ des accusations mensongères
La salariée ne précise pas de quelles accusations il s’agit.
Le fait n’est pas établi.
6/ Une pression de la direction sur le personnel
La salariée s’appuie sur une attestation de Mme [E], agent de service de novembre 2017 à août 2018, selon laquelle la direction Mme [Y] passe son temps à harceler le personnel « , ce qui est insuffisant et imprécis à établir une » pression » sur le personnel, agissement également flou.
7/ Le personnel appelé régulièrement les jours de repos
Aucune des pièces versées aux débats par la salariée ne vient établir que le personnel serait appelé régulièrement les jours de repos.
8/ Le taux d’absentéisme important
La salariée s’appuie sur une attestation de Mme [D], qui déclare avoir travaillé du 4 septembre 2018 à février 2019 en tant qu’agent de soin et que » les absences ne sont pas toujours remplacées’le taux d’absence, d’accident du travail et de burn out est important’la moitié du personnel est en arrêt. Les amplitudes horaires ne sont pas respectées’ayant travaillé depuis décembre dans le service de Mme [X], j’ai constaté l’intérêt des familles pour cette personne. A ma connaissance, les familles ignoraient son licenciement la pensant en arrêt maladie. « .
Le témoin n’a pas travaillé avec la salariée puisqu’au mois de décembre 2018, cette dernière avait été licenciée après avoir été en arrêt de travail depuis le 18 octobre 2018.
Le témoin a donc travaillé à l’Ehpad pendant un mois et demi à la même période que la salariée. Ses observations sont imprécises et insuffisantes à établir le taux d’absentéisme important.
9/ Le personnel recruté sans expérience
La salariée ne verse aux débats aucun élément pour établir cet agissement.
10/ L’épuisement des équipes
La salariée ne verse aux débats aucun élément pour établir cet agissement.
Aucun agissement n’étant établi, la cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
La salariée, pour solliciter l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, soutient que :
– les manquements de la » société défenderesse » sont également constitutifs d’une exécution déloyale du contrat de travail, laquelle lui a occasionné des préjudices distincts de ceux liés à la perte d’emploi ;
– l’association a commis divers manquements contractuels (non-paiement de l’intégralité des indemnités journalières, manquement à l’obligation de sécurité, exécution déloyale du contrat de travail) ;
– l’employeur n’hésitait pas à la solliciter alors qu’elle était en repos ou en arrêt.
L’association objecte que :
– la salariée sollicite sa condamnation sous couvert d’accusation vagues et non étayées.
***
En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La salariée n’établit aucun manquement de la part de l’association [5] Soin. Elle verse aux débats des plannings sans établir qu’elle aurait été sollicitée lorsqu’elle était en repos ou en arrêt.
La cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur l’obligation de sécurité :
La salariée, pour solliciter l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande en dommages-intérêts pour manquements à l’obligation de sécurité, fait valoir que :
– depuis 2016, elle a subi plusieurs accidents du travail, dont le dernier date du 18 octobre 2018 ;
– lors de sa reprise, l’association ne respectait pas les préconisations du médecin du travail et augmentait sa cadence de travail ;
– son état de santé s’est dégradé et cela résulte du comportement de l’employeur.
L’association répond que :
– la salariée ne rapporte pas la preuve d’un manquement de sa part ;
– à l’issue de son arrêt de travail pour maladie professionnelle en 2017, la salariée a repris le travail avec un aménagement de poste à mi-temps thérapeutique, qui a été mis en place et a été suivi d’un 70% ;
– les préconisations du médecin du travail quant aux gestes et postures ont été respectées;
– la salariée n’a pas subi de changement incessants de plannings et les modifications font suite à des échanges entre salariés ou à la demande de Mme [V] [X].
***
L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre en application de l’article L. 4624-3 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016.
Selon la fiche de visite établie par le service Ast le 12 octobre 2017, la salariée a été déclarée apte avec aménagement consistant en un temps partiel thérapeutique 50% pendant trois mois, en privilégiant 5 demi-journées par semaine et en respectant les restrictions suivantes: » limiter le plus possible le port de charges lourdes > 10 kg (se faire aider par collègue) – pas de tâches en force avec bras au-dessus du plan des épaules (maintenir le plus possible les coudes au corps lors des efforts avec les bras « .
La salariée s’est vu prescrire un mi-temps thérapeutique par son médecin traitant du 12 octobre 2017 au 11 novembre 2017, renouvelé jusqu’au 10 décembre 2017 puis un temps partiel thérapeutique à hauteur de 70% à compter du 11 décembre 2017 et jusqu’au 31 janvier 2018.
L’association [5] Soin verse aux débats les avenants au contrat de travail, en date du 10 octobre 2017, 10 novembre 2017 et 11 décembre 2017, qui réduisent le temps de travail à 50% puis 70% ainsi que les plannings qui démontrent que la charge de travail a été répartie sur des demi-journées et que le temps partiel thérapeutique a été respecté par l’employeur de sorte qu’il n’est pas démontré que la cadence de travail a augmenté.
La cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur la cause du licenciement :
La salariée fait valoir que :
– les » accusations prononcées » à son encontre sont inventées ;
– il est très étrange que les griefs mentionnés au titre de la lettre de licenciement aient été rapportés à la direction le lendemain de son arrêt pour accident du travail, alors qu’aucun reproche sur son comportement ne lui avait été fait auparavant ;
– la fermeture à clefs de la chambre d’un résidente, qui lui est reprochée est une décision collective, et non pas personnelle, suite à de nombreuses plaintes du personnel sur la prise en charge de la patiente qui avait des troubles psychiatriques et de mémoire, cette fermeture a été signalée au moment des relèves et inscrite sur le cahier des transmissions, la direction et la psychologue en étaient informés puisque c’était une mesure de protection envers la résidente ;
– la preuve n’est pas rapportée du grief concernant Mme [M] ;
– le grief concernant Mme [L] est injustifié ;
– elle n’a jamais eu le moindre acte de maltraitance ou de brutalité envers les résidents.
L’association objecte que :
– des agents de soins et auxiliaire de vie ont dénoncé les agissements des Mme [V] [X] à l’égard d’un résidente, Mme [B] ;
– la résidente elle-même a témoigné, auprès de la psychologue de l’établissement, des agissements de la salariée ;
– par son attitude, la salariée a porté atteinte à la dignité des résidents concernés, ce qui constitue un manquement aux missions et aux fonctions d’aide-soignant, alors même qu’elle avait bénéficié de formations destinées à l’aider dans sa pratique professionnelle ;
– le comportement agressif et injurieux à l’égard de ses collègues de travail ressort des attestations de ces derniers ;
– Mme [V] [X] n’est pas la seule salariée à avoir été sanctionnée pour son attitude à l’égard de résidents et collègues de travail ;
– le fait que la salariée ait pu se montrer professionnelle et respectueuse à l’égard d’autres résidents ou d’autres collègues ne saurait avoir pour effet d’écarter ni atténuer la gravité des agissements qu’elle a pu commettre à l’égard d’autres d’entre eux ;
***
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en ‘uvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
« [‘] Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les faits qui vous sont reprochés, à savoir :
Il a été porté à ma connaissance le 22 octobre 2018 par Madame [H] :
– que vous lui avez donné l’ordre, comme à [A], [R] et [F], de laisser le lit de Mme [B] en hauteur, pour éviter qu’elle ne s’allonge dessus et ne souille ses draps.
– que par ailleurs, le 8 octobre 2018 vous avez également ordonné que la chambre de Mme [B] soit fermée à clefs afin que cette dernière ne se couche pas sur son lit pour ne pas salir les draps. Elle est donc restée en salle à manger et s’est endormie sur son fauteuil.
Madame [O] nous a confirmé que vous lui aviez effectivement donné ce même ordre.
– que vous êtes brutale avec des résidents et que vous leur parlez mal :
– que vous avez installé Mme [M] brutalement sur les toilettes
– que Mme [L] ayant eu de la diarrhée en salle à manger, vous avez fait sa toilette dans les WC à proximité de la salle, porte ouverte et vous avez dit ensuite « foutez la moi dans sa chambre ».
D’une manière générale, plusieurs de vos collègues rapportent que vous vous autorisez à proférer des menaces, des moqueries et utilisez l’intimidation sur certaines d’entre elles qui ne veulent pas vous obéir et qui ne cautionnent pas votre attitude (Mme [Z], Mme [P]).
Madame [B] confirme par ailleurs qu’on lui a dit « c’est défendu d’aller s’allonger dans son lit même quand on est fatigué. J’ai rouspété et je me suis fait disputée. Il m’est arrivé de me coucher par terre ». Mme [B] est capable de confirmer en vous montrant sur une photo que vous êtes brusque.
Il a également été porté à ma connaissance le 19 octobre 2018 que vous aviez injurié verbalement et gestuellement (doigt d’honneur) du personnel de service (les 17 et 18 octobre Mmes [W] et [T]).
Lors de notre entretien, je vous ai rappelé que vous aviez déjà eu deux précédents entretiens (entretiens du 13 juillet 2018 et 20 septembre 2018) au cours desquels il vous avait été signifié de faire attention à votre posture professionnelle et à votre comportement vis-à-vis de vos collègues. Ces entretiens avaient été suivis de rappels à l’ordre vous demandant de reprendre une posture professionnelle correspondant à celle attendue aide-soignante diplômée.
Lors de notre entretien, vous avez tenté de vous justifier en nous expliquant que :
-Pour Mme [B] c’était pour la sécuriser et mieux la surveiller que vous préconisiez qu’elle soit installée en salle à manger, alors même qu’au moment des toilettes l’ensemble des équipes se trouvent dans les étages et de fait, dans l’impossibilité de prendre soin d’une résidente laissée seule en salle à manger.
Vous avez nié avoir donné l’ordre de mettre son lit en hauteur et affirmé que vous ne saviez pas, avant l’intervention de la psychologue de l’établissement, qu’il ne convenait pas de fermer la porte des chambres de résidents pour en empêcher l’accès par ces derniers.
Vous réfutez tout acte de maltraitance et de brutalité auprès des résidents cités.
Vous niez également les humiliations et intimidations faites à vos collègues, vous parlez de délation et de complot.
Vous renvoyez les fautes au personnel de cuisine et aux autres professionnels qui ne font pas leur travail nous adressant, de façon opportuniste, deux courriers en ce sens postérieurement au prononcé de votre mise à pied à titre conservatoire, laissant penser que jusque-là ces faits n’avaient pas éveillé votre conscience professionnelle :
Le premier courrier daté du 5 novembre 2018 nous demandant de respecter nos obligations au sein de l’établissement et où vous nous indiquez comment nous devions travailler.
Le second du 7 novembre 2018, où subitement vous nous faites part de faits s’apparentant à de la maltraitance que vous auriez constatés au sein du service des Rosiers.
Sachez, contrairement à vos allégations, que nous portons la plus grande attention à tous les éléments portés à notre connaissance concernant la prise en charge de nos résidents et les conditions de travail des équipes, et ce, quelles que soient les personnes qui nous sollicitent à ce titre.
Madame [C], déléguée du personnel et élue CE qui vous assistait lors de l’entretien, a, quant à elle, qualifié cette situation de triste et d’inquiétante, et fait remarquer que le cumul des faits et votre positionnement laissent perplexe.
Comme nous vous l’avons expliqué, les faits qui vous sont reprochés sont graves et ne sauraient être tolérés au sein de notre établissement. Ils sont d’autant plus graves venant d’une aide-soignante titulaire du diplôme d’état ayant donc bénéficié d’une formation adaptée et devant dès lors disposer des compétences adaptées au métier exercé auprès des personnes âgées vulnérables.
Les éléments recueillis pendant notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits, encore moins votre capacité à remettre en cause votre comportement professionnel tant vis-à-vis des résidents que de vos collègues de travail.
Compte tenu de la gravité de ces éléments, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible et nous sommes contraints de vous notifier par la présente la rupture de votre contrat de travail pour faute grave à compter de ce jour.
Les jours de mise à pied à titre conservatoire qui ont débuté le 29 octobre 2018 ne vous seront pas rémunérés. [‘] « .
Il est donc reproché à la salariée son comportement à l’égard de certains résidents et à l’égard de ses collègues
Sur le comportement à l’égard des résidents :
L’association [5] Soin verse aux débats :
– l’attestation de Mme [H], agent de soins, en poste depuis le 2 août 2018, qui témoigne que » Durant les soins, j’ai constaté que certains membres du personnel maltraitaient certains résidents, leur hurlaient dessus et les humiliaient et leur font mal par des gestes brutaux […] [V] [X] parle de la même façon […] et a les mêmes gestes brutaux envers les résidents et nous a ordonné pour Mme [B] de l’empêcher de se coucher sur son lit pour la raison qu’elle risquait de souiller le lit, de mettre le lit en hauteur et nous a ordonné de fermer la porte à clé de sa chambre. Du coup, elle s’endormait soit sur une chaise soit une fois au sol, et nous avons ouvert la porte à nouveau, décision prise en équipe » ;
– l’attestation de Mme [Z], agent de soins qui témoigne que Mme [X] a décidé d’interdire à une résidente l’accès à sa chambre, qu’au début le lit a été surélevé puis la chambre fermée à clé ;
– l’attestation de Mme [N] psychologue de l’établissement, qui s’est entretenue avec la résidente concernée (Mme [B]), laquelle a fait état d’un manque de patience de la part du personnel soignant, parfois de cris et lui a déclaré qu’il était défendu d’aller s’allonger dans son lit même quand on est fatigué, qu’elle a rouspété à cause de ça et s’est fait disputer, que lorsqu’on lui défend d’aller dans sa chambre, elle s’allonge par terre. La psychologue, qui précise que la résidente a des ressources cognitives suffisamment préservées pour s’exprimer et répondre aux sollicitations, a montré des photos et Mme [B] a spontanément pointé du doigt plusieurs professionnels dont Mme [X] en disant » c’est elle qui dirige » et » ça arrive » en parlant des cris ;
– l’attestation, en date du 30 octobre 2018, de Mme [I], auxiliaire de vie, qui a commencé à travailler dans le service courant septembre et déclare avoir constaté des paroles méchantes et de la maltraitance verbale de deux de ses collègues » [A] et [V] » qui s’adressent mal aux résidents, se moquent d’eux et ne sont pas à leur écoute quand elles sont sollicitées.
La circonstance que des proches de résidents témoignent que Mme [X] n’a jamais eu de gestes de maltraitance à l’égard de leur proche démontre seulement qu’ils n’ont pas constaté de tels actes, ce qui n’exclut que ces actes ont pu être commis en leur absence.
Le grief est établi.
Sur le comportement inapproprié à l’égard de ses collègues de travail :
L’association [5] Soin verse aux débats :
– l’attestation de Mme [Z], agent de soin, qui témoigne des difficultés rencontrées lors des heures de service avec Mme [X], se plaint d’une campagne de dénigrement et de fausses informations à l’encontre de son travail, orchestrée par Mme [X] et d’autres collègues en lien avec cette dernière. Elle fait état de dévalorisation de son travail, que Mme [X] la ridiculise devant tout le monde pour des détails, se met en avant pour vanter son travail, se constitue un clan ce qui instaure un climat délétère ;
– l’attestation de Mme [H], qui à propos de trois de ses collègues dont Mme [X] déclare » ces trois personnes s’en prennent constamment à Mme [Z] (menace, intimidation et harcèlement moral) ;
– l’attestation, en date du 14 novembre 2018, de Mme [G], serveuse, qui déclare que le 18 octobre, alors qu’elle se trouvait dans l’office, » [V] » est venue la voir d’une voix forte et sur un ton agressif lui disant qu’elle était la » balance » du chef » que par devant je faisais des sourires et que par derrière, je balançais tout à mon responsable, et elle a dit qu’elle resterait les bras croisés lors du service, je vous laisse le soin d’agir car travailler dans de telles conditions !! » ;
– une attestation, en date du 13 novembre 2018, de Mme [W], employée de restauration, qui dit avoir rencontré un incident le 17 octobre, lors de son service, » lors de la distribution du dessert (la compote) un résident a l’habitude de manger 2 compotes, moi je ne le savais pas et [V] est arrivée en me criant dessus de manière énervée en me disant « je suis fatiguée, je ne peux pas tout faire et je vais aller voir mon chef pour vous faire virer ». Suite à cela le service s’est terminé. Après en remontant, au deuxième étage dans le couloir, [V] m’a interpellé « dis à votre chef de merde que je m’appelle [V] » en me faisant un doigt d’honneur. J’espère que vous comprendrez qu’il est difficile de travailler dans de telles conditions. »
Le grief est établi.
Il est rappelé que Mme [X] est aide-soignante diplômée. La fiche de poste d’aide-soignant rappelle que les soins qu’il prodigue ont pour objet de maintenir et restaurer la santé de la personne, dans le respect de sa dignité et de ses droits.
L’association [5] justifie que la salariée a suivi une formation en 2015 à propos du secret professionnel et du positionnement.
Il est indéniable que l’attitude qu’elle a adoptée à l’égard de certains résidents et en particulier de Mme [B] n’est pas adaptée, ne respecte pas leur dignité et qu’en sa qualité d’aide-soignante, elle ne pouvait l’ignorer.
Il en va de même de son comportement à l’égard de ses collègues.
L’association [5] ne pouvait conserver à son poste une salariée qui avait commis des actes de maltraitance sur les résidents et qui avait un comportement à l’origine de plaintes de la part de ses collègues.
L’ensemble des griefs constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [X] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la nullité du licenciement :
La salariée, pour solliciter l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de nullité du licenciement, soutient que :
– elle a été reconnue travailleur handicapé en 2016, cette reconnaissance faisant suite à un arrêt de travail pour accident du travail ;
– elle a remis en mains propres, l’attestation de reconnaissance de travailleur handicapé, à son employeur ;
– elle a été contrainte de travailler au-delà de ses horaires ;
– la direction de l’Ehpad n’a pas tenu compte des considérations de la médecins du travail pendant l’exécution du contrat de travail ;
– l’employeur n’a jamais fait d’effort concret pour lui permettre de conserver son emploi ;
– son licenciement est discriminatoire ;
– le lien entre la dénonciation de faits de harcèlement et le licenciement qui s’en est suivi est évident et il s’explique par les liens qu’entretenait la directrice avec M. [U].
L’association objecte que :
– la salariée ne l’a pas informée de son statut de travailleur handicapé et il ne peut donc lui être reproché de discrimination ;
– elle a respecté les préconisations du médecin du travail ;
– aucun harcèlement n’étant établi, le licenciement n’est pas consécutif au harcèlement moral;
– la preuve des agissements fautifs de l’employeur ne saurait se déduire de la seule altération de l’état de santé de la salariée ;
– il ne ressort pas du libellé des avis médicaux que les limitations portées à son aptitude à occuper son poste seraient en lien avec les accusations qu’elle formule à l’égard de sa hiérarchie.
***
Il résulte des articles L. 1132-1 et L.1132-4 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être licencié notamment en raison de son état de santé sous peine de nullité du licenciement.
En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.
En l’espèce, si la salariée justifie de la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé, elle ne justifie pas en avoir avisé son employeur ni lui avoir remis la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, en date du 26 juillet 2017.
Ensuite, ainsi qu’il a été dit précédemment, il a été tenu compte des indications du médecin du travail.
Il résulte des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel.
Mme [X] ne démontre pas avoir accompagné des collègues pour déposer plainte contre le chef cuisinier ni que cette démarche serait à l’origine de son licenciement.
En suite de quoi, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes afférentes à la nullité du licenciement.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.
Mme [X], qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens.
Il est équitable de condamner Mme [X] à payer à l’association [5] Soin, au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel.
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [X] aux dépens ;
Condamne Mme [X] à payer à l’association [5] Soin la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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