Licenciement pour faute grave : comportements inappropriés et harcèlement au travail.

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Licenciement pour faute grave : comportements inappropriés et harcèlement au travail.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [Y] [E], directrice administrative et financière, a été licenciée pour faute grave par l’association ETAI. Elle conteste ce licenciement et demande diverses indemnités, tandis que l’association soutient la légitimité de la sanction.

IRRECEVABILITÉ DES PIÈCES

La cour a déclaré irrecevables certaines pièces produites par Mme [E], considérant que leur production portait atteinte à la vie privée des salariées concernées. Selon le règlement (UE) 2016/679, le droit à la protection des données personnelles doit être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, notamment le droit à un recours effectif (article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne).

LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE

Le licenciement pour faute grave repose sur des faits imputables au salarié qui rendent impossible son maintien dans l’entreprise. L’employeur doit prouver la faute (article L1232-1 du Code du travail). La cour a constaté que les comportements de Mme [E] constituaient des violations graves de ses obligations contractuelles, justifiant ainsi le licenciement.

OBLIGATION DE PREUVE DE L’EMPLOYEUR

L’employeur doit rapporter la preuve de la faute grave. Le juge peut requalifier la gravité de la faute en fonction des éléments présentés (article 12 du Code de procédure civile). La cour a retenu que les éléments fournis par l’employeur étaient suffisants pour établir des comportements humiliants et des pratiques managériales inappropriées.

INDEMNITÉ COVID

Concernant la prime COVID, la cour a jugé que la lettre du 6 juillet 2020 ne constituait pas un engagement de l’association à verser cette prime à Mme [E], qui avait été licenciée avant cette date. L’employeur a la discrétion de fixer les critères d’attribution de cette prime (article 1 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020).

FRAIS IRRÉPÉTIBLES

La cour a condamné Mme [E] aux entiers dépens et à verser une somme à l’association ETAI en application de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet de condamner la partie perdante à payer les frais irrépétibles de l’autre partie.

L’Essentiel : Mme [Y] [E], directrice administrative et financière, a été licenciée pour faute grave par l’association ETAI. Elle conteste ce licenciement et demande diverses indemnités, tandis que l’association soutient la légitimité de la sanction. La cour a déclaré irrecevables certaines pièces produites par Mme [E], considérant que leur production portait atteinte à la vie privée des salariées. La cour a constaté que les comportements de Mme [E] constituaient des violations graves de ses obligations contractuelles, justifiant ainsi le licenciement.
Résumé de l’affaire : Une directrice administrative et financière a été engagée par l’association ETAI en 2008, évoluant vers un double poste en 2012. En mai 2020, elle a été convoquée à un entretien préalable avant d’être licenciée pour faute grave le 26 juin 2020, après près de 12 ans d’ancienneté. L’association a invoqué des comportements de harcèlement moral à l’encontre d’une gestionnaire de paie, ainsi que des attitudes dégradantes et un isolement professionnel. La directrice a contesté son licenciement, saisissant le conseil de prud’hommes de Créteil en novembre 2020 pour réclamer diverses indemnités.

Le jugement du 28 avril 2022 a débouté la directrice de ses demandes, confirmant la légitimité de son licenciement. En appel, elle a demandé la requalification de son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que le versement d’indemnités conséquentes. L’association ETAI, en tant qu’intimée, a demandé la confirmation du jugement initial et a contesté certaines pièces produites par la directrice, les déclarant irrecevables pour atteinte à la vie privée.

La cour a examiné les éléments de preuve fournis par l’association, incluant des témoignages de collègues et un rapport d’enquête interne, qui ont corroboré les accusations de comportements inappropriés. La cour a jugé que les faits constituaient une faute grave, justifiant le licenciement. Concernant la prime COVID, la cour a estimé qu’aucun engagement n’avait été pris par l’association à ce sujet avant le licenciement. En conséquence, la cour a confirmé le jugement initial, déboutant la directrice de ses demandes et la condamnant aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de l’irrecevabilité des pièces produites par la salariée ?

L’association sollicite l’irrecevabilité des pièces produites par la salariée, en raison de la violation du droit à la vie privée des salariées concernées.

Selon l’article 6 du règlement (UE) 2016/679, le traitement des données à caractère personnel doit être licite et transparent.

De plus, l’article 9 du Code civil stipule que chacun a droit au respect de sa vie privée.

La cour a jugé que la communication des bulletins de paie n’était pas nécessaire pour la défense de la salariée, et que cette production portait atteinte à la vie personnelle des salariées concernées.

Ainsi, la cour a déclaré irrecevables les pièces 28, 29 et 31 produites par la salariée.

Quel est le critère de la faute grave dans le cadre d’un licenciement ?

La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’article L1234-1 du Code du travail précise que l’employeur doit prouver la faute grave pour justifier un licenciement.

Le juge peut requalifier la gravité de la faute en fonction des éléments présentés.

Dans cette affaire, les comportements et propos humiliants de la salariée à l’égard de ses collègues ont été jugés suffisamment graves pour justifier le licenciement.

La cour a donc confirmé que le licenciement reposait sur une faute grave.

Quel est le droit à l’indemnité Covid pour la salariée ?

La salariée soutient qu’elle aurait dû percevoir une prime Covid, comme les autres salariés, en se basant sur une lettre de l’employeur.

Cependant, l’employeur a précisé que la prime était soumise à des critères de présence et à la discrétion de la direction.

L’article L1226-1 du Code du travail stipule que l’indemnité doit être justifiée par un engagement clair de l’employeur.

La cour a jugé que la lettre du 6 juillet 2020 ne constituait pas un engagement ferme de verser la prime à la salariée, qui avait été licenciée avant cette date.

Ainsi, la cour a débouté la salariée de sa demande de prime Covid.

Quel est le fondement des frais irrépétibles dans cette affaire ?

Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir ses frais.

Dans cette affaire, la cour a confirmé la condamnation de la salariée aux entiers dépens et à verser 500 euros à l’association ETAI.

La cour a estimé que la demande de la salariée n’était pas fondée, justifiant ainsi la condamnation aux frais irrépétibles.

En conséquence, la cour a appliqué l’article 700 du Code de procédure civile pour statuer sur les frais.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 01 AVRIL 2025

(n° 2025/ , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05579 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFZ36

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Avril 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F20/01398

APPELANTE

Madame [Y] [A] née [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Hélène EYRAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0482

INTIMEE

Association ETAI

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, présidente

Madame Anne HARTMANN, présidente

Madame Catherine VALANTIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [Y] [E], épouse [A], née en 1970, a été engagée par l’association ETAI (l’entraide, le travail, l’accompagnement, l’insertion de la personne en situation de handicap), par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 juin 2008 en qualité de Directrice administrative et financière.

Par un avenant du 1ernovembre 2012, elle a évolué vers le double poste de directrice administrative et financière et directrice des ressources humaine, statut hors classe.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

Par lettre datée du 29 mai 2020, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 12 juin 2020 avec mise à pied conservatoire avant d’être licenciée pour faute grave par lettre datée du 26 juin 2020.

A la date du licenciement, Mme [E] avait une ancienneté de 11 ans et 11 mois et l’association ETAI occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [E] a saisi le 17 novembre 2020 le conseil de prud’hommes de Créteil qui, par jugement du 28 avril 2022, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– déboute Mme [A] de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les demandes y afférant,

– déboute Mme [A] du surplus des demandes,

– condamne Mme [A] à payer la somme de 100 euros à l’association ETAI au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamne chaque partie aux entiers dépens.

Par déclaration du 23 mai 2022, Mme [E] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 28 avril 2022.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 août 2022, Mme [E] demande à la cour de :

– réformer le jugement du 28 avril 2022 rendu par le Conseil des Prud’hommes de CRETEIL (section encadrement RG 20/01398) en ce qu’il a débouté Mme [A] de ses demandes et l’a condamnée à payer à l’ETAI une somme de 100 ‘ au titre de l’article 700 du CPC,

et statuant à nouveau :

– dire le licenciement pour faute grave du 26 juin 2020 de Mme [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse

en conséquence,

– condamner l’ETAI à payer à Mme [A] les sommes suivantes :

– indemnité de préavis : 6 mois : 38.053,20 euros

– congés payés sur IP : 3.805,32 euros

– indemnité conventionnelle de licenciement : 76.106,40 euros

avec intérêts légaux, capitalisés à compter de la saisine du conseil de Prud’hommes du 17 novembre 2020,

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 69.764,2 euros

en tout état de cause,

– condamner l’ETAI à payer à Mme [A] les sommes suivantes

– prime COVID : 1.500,00 euros

– article 700 : 3.000 euros

– condamner l’ETAI aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 03 janvier 2025, l’association ETAI demande à la cour de :

– recevoir l’Association ETAI en ses présentes écritures d’intimée et l’y déclarer bien fondée,

– déclarer irrecevables les pièces adverses n°28, 29 et 31 et les écarter purement et simplement des débats,

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de CRETEIL (section encadrement) du 28 avril 2022 en toutes ses dispositions,

ce faisant,

– débouter Mme [E] de l’ensemble de ses demandes,

à titre reconventionnel :

– condamner Mme [E] à payer à l’association ETAI la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

– condamner Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le montant sera recouvré par Maître Sylvie KONG THONG, Avocate au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 janvier 2025 et l’affaire a été fixée à l’audience du 06 février 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’irrecevabilité des pièces

L’association ETAI sollicite de voir déclarées irrecevables et écartées des débats les pièces 28, 29 et 31 produites par Mme [E] aux motifs que la production des bulletins de paie de Mmes [G], [L] et [S] sans leur consentement constitue une atteinte à leur vie privée.

Mme [D] ne répond pas sur ce point.

Il résulte du point (4) de l’introduction du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD), que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. Il ajoute que le présent règlement respecte tous les droits fondamentaux et observe les libertés et les principes reconnus par la Charte, consacrés par les traités, en particulier le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial.

Il résulte par ailleurs des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

La cour retient que la communication des bulletins de paie de trois salariées par Mme [E] qui était directrice des ressources humaines, n’est pas nécessaire à l’exercice de son droit d’assurer sa défense au regard de la faute grave qui est invoquée par l’employeur dès alors que c’est à celui-ci qu’incombe la preuve de cette faute ; que cette communication de bulletins paie sans le consentement des salariées est de nature à porter atteinte la vie personnelle de celles-ci alors qu’elle n’est pas indispensable à l’exercice du droit de se défendre ni proportionnée au but poursuivi.

En conséquence, la cour déclare irrecevables les pièces 28, 29 et 31 produites par Mme [E].

Sur le licenciement pour faute grave

Pour infirmation de la décision entreprise, Mme [E] soutient essentiellement que les griefs invoqués par l’employeur ne sont pas établis.

L’association ETAI réplique que la faute grave est caractérisée et justifie le licenciement de Mme [E].

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l’article’12 du code de procédure civile ; qu’en conséquence, si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée :

« A la suite de l’entretien préalable à éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement qui s’est tenu dans les locaux du siège le 19 juin dernier, nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave.

Cette décision repose sur les motifs suivants :

Le 28 mai 2020, Madame [N] [L], laquelle exerce les fonctions de gestionnaire paie et est placée sous votre autorité hiérarchique, adressait au Comité Social et Economique (avec copie à la Direction Générale) un courriel en date du 25 mai 2020 par lequel elle alertait celui-ci au visa de l’article 1152-1 du Code du Travail sur de graves faits de harcèlement moral que vous auriez commis sur sa personne.

Elle indiquait, ainsi, avoir subi de manière incessante des moqueries, critiques, dénigrements, propos désobligeants ou condescendants du mois de septembre 2019 jusqu’au mois de mai 2020 inclus, ainsi qu’avoir été l’objet d’un véritable isolement sur son poste dans un contexte de surcharge de travail.

A l’appui de ses déclarations, l’intéressée a livré une chronologie très précise des événements. Ainsi, elle rappelle qu’au début de l’année 2019, décision a été prise par vous-même en tant que DRH et par Madame [H] (responsable paie) de changer de logiciel paie à compter du mois de janvier 2020; le nouveau logiciel s’intitulant AXAPA.

Elle rappelle également que des formations à AXAPA ont été organisées et qu’à la suite de celles-ci, Madame [H], Madame [G] (gestionnaire paie) et Madame [L] (gestionnaire paie) en ont conclu que ce nouveau logiciel n’était pas adapté.

Elle indique qu’au mois d’août 2019, alors que Madame [H] était en arrêt maladie, Madame [L] et Madame [G] vous ont demandé à plusieurs reprises des réunions avec Madame [B] (Directrice Générale) afin d’exposer les dysfonctionnements liés à ce nouveau logiciel et décaler sa mise en ‘uvre.

Elle précise, toutefois, que vous avez ignoré ces demandes et avez, pour toute réponse, décidé de recruter un responsable paie par intérim, tenant même les propos suivants : « Vous comprendrez que les subordonnées n’ont pas à assister au recrutement».

Elle ajoute qu’au mois d’octobre 2019, deux recrutements de gestionnaire paie en CDD sont intervenus (dont un contrat de professionnalisation en alternance) et que les gestionnaires paie en titre (Madame [L] et Madame [G]) ont été contraintes de quitter leur bureau afin de laisser place aux nouvelles venues puis de migrer vers le 1er étage du pôle direction dans un bureau réservé aux réunions, ce afin de travailler sur le nouveau logiciel AXAPA.

Elle indique qu’elles se sont ainsi retrouvées seules et isolées au premier étage et qu’à partir de ce moment, vous n’avez cessé d’émettre des remarques désobligeantes à chaque fois que Mesdames [L] et [G] se rendaient au 2ème étage afin d’aller cherche un café ou aider leurs collègues sur les différents dossiers de paie. A titre d’exemple, vous auriez tenu les propos suivants : « Qu’est ce que vous faites là ‘ Merci de retourner dans votre placard… ! ».

Elle précise également qu’au mois de novembre 2019, Mesdames [L] et [G] ont déposé chacune une demande de 2 jours de congés payés les 30 et 31 décembre 2019 mais que ces demandes auraient été ignorées; alors que dans le même temps les deux nouvelles gestionnaires paie auraient été autorisées à ne pas venir sur leur poste de travail ces 2 mêmes journées …

Elle indique, par ailleurs, qu’à compter du 2 décembre 2019, Madame [G] a été placée jusqu’à ce jour en arrêt maladie et que Madame [L] s’est donc retrouvée totalement isolée au 1er étage avec une importante charge de travail ; étant la seule à saisir des absences maladie sur le nouveau logiciel.

A cet égard, Madame [L] précise que pas une seule fois, vous n’êtes venue vous inquiéter de l’avancée du nouveau logiciel, laissant votre gestionnaire paie seule et désemparée.

Elle rappelle qu’au regard de cette situation, Madame [B] a du être alertée sur la non adaptabilité du logiciel AXAPA et qu’au terme d’un entretien en date du 6 décembre 2019, portant sur le bilan de l’avancée du nouveau logiciel, il a été décidé d’arrêter purement et simplement celui-ci.

Elle indique que le lundi 9 décembre 2019, contrariée par cette décision, vous seriez venue voir« très en colère et très froide» Madame [L] pour lui demander de retourner dans son bureau du 1er étage.

Elle précise qu’à compter de cette date, vous vous seriez comportée comme si l’intéressée était «transparente», ne s’adressant qu’à ses collègues de bureau même sur les dossiers gérés par celle-ci et faisant régulièrement des remarques acerbes ou désobligeantes telles que : « Certains poux sont réfractaires à certaines têtes comme certaines personnes sont réfractaires au changement».

Elle affirme que ces remarques ont duré jusqu’au confinement.

Mais surtout, Madame [L] relate des faits particulièrement graves lors d’une soirée au restaurant organisée par le Pôle Direction le 12 mars 2020, en présence des salariés du siège. Celle-ci indique qu’alors que 12 collègues étaient présents à table et qu’elle plaisantait avec sa voisine de table, Madame [U] [S], vous leur auriez demandé à plusieurs reprises d’arrêter de rire. A l’autre bout de la table, une des collègues présente aurait alors parlé du manque de propreté de son chien lorsqu’il était petit puis du fait que celui-ci serait devenu propre après plusieurs réprimandes. Rebondissant sur cette discussion, vous auriez déclaré à voix haute: « C’est comme [N], quand elle arrive au bureau, elle fait ses besoins partout et depuis que je l’ai engueulée, elle est devenue propre».

Très choquée, Madame [L] indique alors avoir répondu qu’après une nouvelle réflexion de ce type, elle quitterait purement et simplement le restaurant.

Pourtant, dans le cadre d’une nouvelle discussion sur la propreté des chats, vous auriez déclaré: « C’est comme [N], maintenant elle fait ses besoins dans la litière».

Choquée et humiliée par ces propos, Madame [L] indique avoir quitté en pleurs le restaurant et que certains collègues de travail sont venus la soutenir en lui interdisant de prendre le volant dans cet état de stress.

Madame [L] n’indique nullement que vos agissements auraient cessé au sortir du confinement.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés et de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur, vous avez été mise à pied à titre conservatoire le 29 mai 2020 et convoquée à un entretien préalable à sanction.

Par ailleurs, une réunion extraordinaire du CSE était convoquée en urgence pour le 3 juin 2020.

En vue de cette réunion, pas moins de 10 salariés du siège et de l’association attestaient sur l’honneur la réalité des agissements qui vous sont imputés !

Compte tenu de cette situation, le Comité Social et Economique décidait, conformément à la réglementation, de mettre en place une enquête interne co-menée par la Direction et des membres du Comité.

Il convient de préciser que dans le cadre de leurs investigations, les enquêteurs auditionnaient pas moins de 7 salariés, outre Madame [B] et vous-même.

Toutefois, en dépit de cette enquête, vous n’avez pas craint d’adresser de multiples SMS, messages téléphoniques ou mails à Madame [F] [W] (assistante de direction), voire à sa s’ur, faisant même appel à votre propre fille pour entrer en contact.

Ce comportement a été ressenti comme véritablement harcelant de la part de l’intéressée, dont la fragilité subséquente a inquiété l’ensemble de ses collègues de travail.

C’est dans ces conditions que le 19 juin 2020, lors de l’entretien préalable susvisé, des explications vous ont été demandées sur l’ensemble des faits qui vous sont reprochés.

Vous avez alors nié, avec mauvaise foi, la plupart d’entre eux et minimisé ou déformé d’autres sur le registre prétendu de l’humour alors que les dits faits ont été confirmés par plusieurs salariés du siège placés ou pas sous votre autorité. Les éclaircissements souhaités n’ont donc pas été apportés, bien au contraire …

Mais surtout, lors d’une réunion en date 25 juin 2020 le Comité Economique et Social transmettait les conclusions de l’enquête susvisée.

Il en résultait que non seulement les agissements décrits par Madame [L] étaient confirmés mais surtout que d’autres salariés ou travailleurs du siège, décrivaient une attitude harcelante continue de votre part, laquelle est génératrice d’une ambiance totalement délétère, de nature à dégrader les conditions de travail du personnel.

A cet égard, le rapport d’enquête constate que depuis votre mise à pied conservatoire, l’atmosphère est redevenue agréable et que les salariés se sentent plus épanouis et confiants dans leur Direction.

En conséquence, et au regard de l’ensemble de ces éléments, lesquels rendent impossible votre maintien dans l’entreprise, nous ne pouvons que prononcer avec effet immédiat votre licenciement pour faute grave, privatif de tout préavis et indemnité.

Vous voudrez bien, à cet égard, nous restituer de suite, l’ensemble du matériel professionnel et notamment le véhicule automobile pouvant rester en votre possession.

Bien entendu, nous tenons à votre disposition les documents d’usage liés à la rupture de votre contrat de travail (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, bulletin de salaire), ainsi que votre solde de tous comptes; éléments que nous pouvons vous faire parvenir également par voie recommandée avec AR s’il ne vous était pas possible de vous déplacer pour les récupérer. »

Il est donc reproché à Mme [E] les griefs suivants :

– la surcharge de travail et l’isolement imposés à Mme [L] à l’occasion de la mise en ‘uvre du logiciel de paie AXAPA,

– les propos ou comportements humiliants répétés à l’encontre de Mme [L] sur son lieu de travail,

– les propos dégradants à l’encontre de Mme [L] lors de la soirée « entreprise » du 12 mars 2020,

– le comportement harcelant à l’encontre de Mme [W] (y compris au cours de l’enquête)

– le comportement harcelant à l’encontre du personnel du siège de l’ETAI.

L’employeur, auquel incombe la charge de la preuve de la faute grave produit le courrier de Mme [L] (gestionnaire de paie) en date du 25 mai 2020 adressé à l’association, signalant les propos et attitudes de dénigrements répétés de la part de Mme [E] depuis septembre 2019 dans des termes repris par la lettre de licenciement, ainsi que les attestations précises et concordantes de Mme [G], gestionnaire de paie, de Mme [B] directrice générale de l’association et N+1 de Mme [E], de Mme [P] directrice administrative et financière, de Mme [C] consultante paie selon lesquelles Mme [E] (N+2 de Mme [L] et de Mme [G]) n’a jamais pris en compte les remarques exprimées quant à l’installation du nouveau logiciel de paie, a tenu des propos humiliants (‘du boulot de merde’, ‘s’il faut casser le service paie c’est pas grave car aujourd’hui rien ne va dans l’établissement sauf à la paie, le service paie on s’en fou’, ‘vous comprendrez que les subordonnés n’ont pas à assister au recrutement’, ‘je vous mets au placard’, au restaurant à l’occasion d’une discussion sur l’apprentissage de la propreté des chiens ‘[N] [Mme [L]] non plus n’était pas propre mais c’est elle [Mme [E]] qui lui a appris la propreté’) et a adopté une attitude dégradante (hurlant le nom de Mme [F] [W] son assistante, isolement professionnel de Mme [L], ton sec et hautain etc…).

Il invoque également le compte rendu d’enquête interne du 25 juin 2020 diligentée à la suite d’un mail reçu le 28 mai 2020 d’une salariée dénonçant des faits de harcèlement moral sur sa personne de la part d’une autre salariée de l’association. Ce compte rendu précise qu’un questionnaire a été élaboré et qu’a également été proposé le questionnaire de [J] à remplir de façon anonyme, que la démarche a été présentée à l’ensemble des professionnels du siège y compris la personne mise en cause et à la directrice générale, chacun faisant le choix d’accepter ou pas de participer à l’enquête, que le témoignage de 8 personnes a été recueilli. Il ressort de cette enquête que ‘de manière générale, les salariés rendent compte d’une ambiance qui s’est dégradée depuis quelques mois avec des tensions présentes et plus importantes autour de la décision de changer le logiciel de paye et en augmentation flagrante depuis la décision en décembre 2019 de ne pas poursuivre la mise en place du logiciel par la directrice générale’ ; que parmi les salariés interrogés, ‘certains qui sont là depuis longtemps […] ont dit que ces comportements existaient déjà avant et même que cela avait fait démissionner des salariés qui étaient partis d’eux même, ne supportant plus de travailler avec une personne en particulier’ ; que ‘tous les salariés présents sur le site du siège se parlent cordialement, les personnes notent néanmoins à plusieurs reprises la forte personnalité de la personne incriminée et un sentiment individuel de malaise diffus face à des petites remarques de la part de cette personne’ ; que ‘une salariée […] a dit : quand elle est là, personne ne parle, on a l’impression que c’est une chef de clan!’ ; qu’ils disent qu’elle ‘envoie des pics’, ‘depuis un an elle a des cibles. Avant les gens allaient mieux mais là les collègues vont mal. Tout ça c’est déguelasse, je crois ma collègue car la personne qui est accusée en est capable, elle est perverse narcissique ! Il faudrait que cela serve pour la suite qu’on puisse agir dès le début!’ ; que l’ensemble des personnes interrogées au niveau du siège en dehors de la personne accusée, ont pu constater l’état de mal être de la salariée qui porte les accusations ainsi que sa fatigue qui s’est accentuée au fil des semaines depuis la période de novembre 2019 correspondant à l’arrêt du logiciel paie ; qu’il a été rapporté lors des témoignages qu’à la remise d’un dossier pour vérification, la supérieure hiérarchique jeta ce dossier sur la salariée en employant ces mots ‘c’est de la merde’ ; que ‘à la demande de leur supérieur hiérarchique N+2, deux salariés ont également changé de bureau et même d’étage, étant isolés du reste de l’équipe et le terme de ‘placard’ leur a été dit ouvertement et à plusieurs reprises de la part de cette même personne’ ; qu’une autre salariée dira que tout se passe bien au travail sauf ses relations avec la personne accusée, elle dit qu’elle est mise en échec quand elle doit travailler avec elle, qu’elle lui fait des réflexions sur le ton de l’humour, ce qui est fréquent devant tout le monde ..’on a des pics, c’est le lot de tout le monde’. A également été rapporté lors de l’enquête les propos tenus lors du repas entre salariés comme indiqué dans la lettre de licenciement.

Contrairement à ce que soutient Mme [E], ces éléments sont suffisamment précis et concordants pour établir des comportements et des propos humiliants ainsi que des pratiques managériales brutales constitutifs d’une faute grave de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le licenciement de Mme [E] reposait sur une faute grave et l’ont déboutée de l’ensemble de ses demandes subséquentes.

Sur l’indemnité Covid

Mme [E] soutient en substance que tous les salariés ayant travaillé entre mars et mai 2020 ont perçu une prime Covid sauf elle, elle en veut pour preuve une lettre adressée aux salariés du 6 juillet 2020.

L’employeur affirme que Mme [E] ne motive pas en fait et droit une telle prétention.

Par lettre adressée à l’ensemble des salariés le 6 juillet 2020, l’association ETAI a donné des informations sur la prime Covid promise par le gouvernement en rappelant qu’elle pouvait s’élever à 1500 euros maximum et qu’elle pouvait être minorée en fonction du nombre de jours travaillés pendant le confinement ; que le choix des critères d’allégement de la prime restait à la discrétion de l’organisme gestionnaire ; que la direction générale, Mme [B], avait demandé à l’ensemble des directions des établissements concernés de la fixer à 1500 euros pour l’ensemble des salariés sans distinction de fonctions ni de jours de présence ; que le versement de la prime devrait intervenir en juillet sous réserve de l’acceptation de l’ARS.

Mme [E] a été licenciée le 26 juin 2020 et la lettre du 6 juillet 2020 ne peut être considérée comme étant un engagement de la part de l’association ne lui verser cette prime Covid.

Par ajout à la décision déférée, la cour déboute la salariée de sa demande à ce titre.

Sur les frais irrépétibles

Mme [E] sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à l’association ETAI la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation prononcée à ce titre par les premiers juges étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

DECLARE irrecevables les pièces 28, 29 et 31 produites par Mme [Y] [A] épouse [E] ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

DEBOUTE Mme [Y] [A] épouse [E] de sa demande de prime Covid ;

CONDAMNE Mme [Y] [A] épouse [E] aux entiers dépens ;

CONAMNE Mme [Y] [A] épouse [E] à verser à l’association ETAI la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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