Licenciement pour faute grave et validité de la clause de non-concurrence contestée.

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Licenciement pour faute grave et validité de la clause de non-concurrence contestée.

Licenciement pour motif personnel

Aux termes de l’article L.1232-1 du Code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. L’article L.1235-1 précise que, en cas de litige, le juge doit apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, en tenant compte des éléments fournis par les parties. En cas de doute, celui-ci doit profiter au salarié.

Faute grave

La faute grave est définie par la jurisprudence comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Soc. 26 février 1991, Bull. 1991, V, n° 97). Il incombe à l’employeur de prouver la matérialité des faits reprochés, leur caractère fautif et leur imputabilité au salarié.

Prescription des faits fautifs

L’article L.1332-4 du Code du travail stipule qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, sauf si ce fait a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai. Toutefois, des faits antérieurs à deux mois peuvent être pris en compte si le comportement du salarié s’est poursuivi dans le temps.

Clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, et doit comporter une contrepartie financière pour le salarié (Soc. 10 juillet 2002, pourvois n° 00-45.135, n° 00-45.387, n° 99-43.336, Bull. 2002, V, n° 239). Le juge doit évaluer la validité de la clause en tenant compte de ses limitations et des spécificités de l’emploi.

Motivation de la lettre de licenciement

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, bien que la datation des faits ne soit pas nécessaire tant que l’employeur produit des éléments suffisants pour les établir (Soc., 11 juillet 2012, pourvoi n° 10-28.798). Les allégations de harcèlement moral doivent être étayées par des preuves tangibles et vérifiables.

Obligation de sécurité de l’employeur

L’employeur a une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, ce qui implique de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur santé et sécurité au travail. En cas de manquement à cette obligation, l’employeur peut être tenu responsable des conséquences sur la santé des salariés.

L’Essentiel : Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. En cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. La faute grave constitue une violation des obligations du contrat de travail, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit prouver la matérialité des faits reprochés. La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et vérifiables, et l’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés.
Résumé de l’affaire : Un cadre commercial, responsable d’agence, a été embauché par la société de construction en janvier 2004. En décembre 2007, un avenant à son contrat a modifié son poste et sa rémunération, tout en maintenant une clause de non-concurrence. En 2017, il a accepté une formation pour devenir directeur régional. Cependant, en janvier 2017, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a alerté la direction sur une ambiance de travail dégradée, entraînant une évaluation des risques psychosociaux.

En mai 2018, l’employeur a convoqué le cadre à un entretien préalable, suivi d’un licenciement pour faute grave, en raison de comportements jugés irrespectueux et assimilables à du harcèlement moral. Contestant son licenciement, le cadre a saisi le conseil de prud’hommes, demandant la requalification de son licenciement et diverses indemnités.

Le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement fondé et la clause de non-concurrence valide, déboutant le cadre de ses demandes. Ce dernier a interjeté appel, arguant que les griefs étaient prescrits ou imprécis, et que son comportement n’était pas fautif. Il a également contesté la validité de la clause de non-concurrence, la jugeant illégale.

La société a défendu sa position en affirmant que les comportements du cadre avaient été documentés et que le licenciement était justifié par des témoignages de salariés. La cour d’appel a confirmé le jugement initial, mais a reconnu l’illicéité de la clause de non-concurrence, condamnant la société à verser des dommages-intérêts au cadre. La décision a souligné l’importance de la preuve dans les licenciements pour faute grave et la nécessité de respecter les obligations de sécurité de l’employeur.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du licenciement pour faute grave ?

Le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L.1232-1 du Code du travail.

Cet article stipule que « tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ».

En cas de litige, l’article L.1235-1 précise que « le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ».

Il est également important de noter que la faute grave est définie par l’article L.1331-1 du Code du travail comme « un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ».

Quel est le délai de prescription pour engager des poursuites disciplinaires ?

Selon l’article L.1332-4 du Code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ».

Cependant, cet article précise que « les dispositions de cet article ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à 2 mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans le temps ».

Ainsi, si l’employeur a connaissance de faits fautifs, il doit agir dans ce délai de deux mois pour engager des poursuites disciplinaires.

Quel est le contenu requis dans la lettre de licenciement ?

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables.

L’article L.1232-6 du Code du travail stipule que « la lettre de licenciement doit énoncer les motifs de la rupture ».

La datation des faits invoqués n’est pas nécessaire, comme le précise la jurisprudence (Soc., 11 juillet 2012, pourvoi n° 10-28.798), tant que l’employeur produit des éléments suffisants pour les déterminer.

Quel est le cadre juridique de la clause de non-concurrence ?

La clause de non-concurrence doit respecter plusieurs conditions pour être valide.

Selon la jurisprudence (Soc., 10 juillet 2002), elle doit être « indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, et comporter l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière ».

Ces conditions sont cumulatives et doivent être prises en compte pour apprécier la validité de la clause.

Quel est le rôle de la charge de la preuve dans le cadre d’un licenciement pour faute grave ?

La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.

Il doit démontrer cumulativement la matérialité des faits reprochés, leur caractère fautif, l’imputabilité des faits à l’action personnelle du salarié, et l’impossibilité de maintenir le salarié à son poste.

Cette exigence est fondée sur le principe selon lequel « si un doute subsiste, il profite au salarié » (article L.1235-1 du Code du travail).

Ainsi, l’employeur doit apporter des preuves solides pour justifier le licenciement.

Quel est l’impact de la dégradation des relations de travail sur le licenciement ?

La dégradation des relations de travail peut être un facteur à prendre en compte dans l’appréciation de la faute grave.

L’article L.1232-1 du Code du travail impose que le licenciement soit justifié par une cause réelle et sérieuse, ce qui inclut l’évaluation de l’ambiance de travail et des comportements du salarié.

Si la dégradation des relations est avérée et documentée, cela peut renforcer la position de l’employeur dans le cadre d’un licenciement pour faute grave.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2025

N° 2025/68

Rôle N° RG 21/10612 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZXQ

[Y] [J]

C/

S.A.S. [K] CONSTRUCTION ([K])

Copie exécutoire délivrée

le : 28/03/2025

à :

Me Jennifer ASSERAF, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(vest 351)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES – section EN – en date du 29 Juin 2021, enregistré au répertoire général sous le n° 18/00378.

APPELANT

Monsieur [Y] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jennifer ASSERAF, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S. [K] CONSTRUCTION ([K]), demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 15 Janvier 2025 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller

Madame Muriel GUILLET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2025.

Délibéré prorogé au 28 Mars 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2025.

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Caroline POTTIER, adjointe administrative faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [Y] [J] a été embauché par la Société [V] [K] CONSTRUCTION le 05 janvier 2004 par contrat à durée indéterminée, en qualité de Cadre commercial, Responsable d’agence, statut cadre, position 2 indice 100, au sein de l’agence de [Localité 5] rattachée à la région [Localité 3] Grand sud

Un avenant du 14 décembre 2007, avec entrée en vigueur le 1 er décembre 2007, a été signé entre les parties. Il positionne M [J] au poste de « Chef commercial et Responsable d’agence », Catégorie Cadre, Position 2, Indice 108 et annule et remplace en tant que de besoin, toutes dispositions contractuelles antérieures auxquelles il se substitue purement et simplement, la clause de non-concurrence étant toutefois maintenue.

La rémunération brute mensuelle est fixée à 4.805 euros, assortie d’une indemnisation des frais de repas et de représentation. La durée du travail est forfaitisée à 218 jours annuels.

Elle est régie par les dispositions de la Convention Collective des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie et par le règlement intérieur de l’entreprise.

A compter d’octobre 2009 l’agence de [Localité 5] était déplacée à [Localité 2]

Au dernier état des relations contractuelles, Monsieur [J] occupait

, le poste de « Cadre commercial et Responsable d’agence » (CGD7), Catégorie Cadre, Position 2, Indice 135, de la CCN METALLURGIE, moyennant une rémunération de 7.277,85 ‘ bruts sur la base des 12 derniers mois

Au cours du premier semestre 2017, l’employeur a proposé à M [J] d’occuper la fonction de  » Directeur Grand Sud « . M [J] a par ailleurs accepté de suivre une  » formation management  » d’une durée de 5 mois.

Le 19 janvier 2017, le CHSCT de la Société a alerté l’employeur sur l’ambiance régnant au sein de l’agence et missionné un cabinet extérieur afin d’évaluer l’état des risques psychosociaux au sein de l’agence.

Le rapport d’expertise a été rendu en avril 2018 et fait apparaître  » une situation psychologique très dégradée ‘

Monsieur [J] a été convoqué à un entretien préalable prévu pour le 25 mai 2018 avec mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 4juin 2018, il a été licencié pour faute grave en raison d’un « comportement irresponsable, irrespectueux pouvant être assimilé à du harcèlement moral, et par conséquent intolérable au regard de vos fonctions et des valeurs que porte la société [K] »

La société précisait par ailleurs à M [J] qu’elle entendait se prévaloir de la clause de non concurrence moyennant le versement d’une indemnité mensuelle de 1571,43 euros.

Contestant son licenciement M [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues le 19 juillet 2018 aux fins de le voir déclarer sans cause réelle et sérieuse en l’absence de faute .

Il sollicitait par ailleurs diverses sommes à titre de rappel de salaire sur mise à pied et congés payés afférents , préavis , indemnité conventionnelle de licenciement , indemnité pour irrégularité de la procédure ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et réparation du préjudice lié à la nullité de la clause de non concurrence outre une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Par une ordonnance du Bureau de Conciliation et d’Orientation du CPH de

MARTIGUES en date du 2 octobre 2018 l’indemnité de non concurrence a été évaluée à 4366 euros par mois.

Par jugement en date du 29 juin 2021 notifié à M [J] le 10 juillet 2021 le conseil de prud’hommes de Martigues a :

Dit et jugé Monsieur [Y] [J] mal fondé en son action,

Dit et jugé les griefs pour partie non prescrits et avérés pour l’autre parties,

Dit et jugé le licenciement de Monsieur [Y] [J] non abusif et bien fondé sur une faute grave,

Dit et jugé la clause de non-concurrence insérée à l’ article 16 de son contrat de travail régulière et bien fondée,

En conséquence,

Débouté Monsieur [Y] [J] ses demandes au titre :

de rappel de salaire sur mise à pied et incidence congés payés y afférents,

d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents,

d’indemnité conventionnelle de licenciement,

de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’illicéité et de l’annulation de la clause de non-concurrence,

Débouté la Société SAS [K] CONSTRUCTION de sa demande au de l’article 700 du Code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes autres demandes, fins et prétentions,

Condamné Monsieur [Y] [J] aux dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 13 juillet 2021 M [J] a interjeté appel du jugement dans chacun des chefs de son dispositif à l’exception de celui déboutant la SAS [K] CONSTRUCTION de sa demande au titre de l’article 700 et de ses autres demandes.

Aux termes de ses conclusions d’appelant déposées et notifiées par RPVA le 11 octobre 2021 M [J] demande à la cour d ‘infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de

CONSTATER QUE les griefs invoqués à l’encontre de Monsieur [J] sont pour

partie, prescrits ou tolérés et pour l’autre, parfaitement imprécis, inexacts et

mensongers ;

CONSTATER QUE les manquements reprochés au salarié ne sont ni sérieux, ni établis,

ni matériellement vérifiables ;

DE CES CHEFS,

Pris ensemble ou séparément :

DIRE ET JUGER que la société [K] a manqué à son obligation de sécurité de

résultat ;

DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave notifié à Monsieur [Y]

[J] le 04 juin 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et abusif en l’absence

de faute établie, matériellement vérifiable et imputable à l’action personnelle du salarié ;

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DIRE ET JUGER que la clause de non-concurrence insérée à l’article 16 de son contrat

de travail est nulle et lui a causé un préjudice réel et important à Monsieur [J]

qu’il convient de réparer par l’allocation de dommages-intérêts ;

EN CONSÉQUENCE :

CONDAMNER la société [K] au paiement des sommes suivantes :

– 3.520,98 ‘ de rappel de salaire sur mise à pied

– 352,09 ‘ d’incidence congés payés

– 19.631,22 ‘ d’indemnité compensatrice de préavis (3 mois)

– 1.963,12 ‘ d’incidence congés payés sur préavis

– 43.667,10 ‘ d’indemnité conventionnelle de licenciement

– 7.280,00 ‘ de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure

– 120.000,00 ‘ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause

réelle et sérieuse et abusif ou, a minima, la somme

de 87.400,00 ‘

– 100.000,00 ‘ de dommages-intérêts en réparation du préjudice

résultant de l’illicéité et de l’annulation de la clause de

non-concurrence

L’ENJOINDRE, sous astreinte définitive de 100,00 ‘ par jour de retard, à compter

de la notification du jugement à intervenir, d’avoir à établir et délivrer au concluant les

pièces suivantes :

– Attestation destinée au Pôle emploi mentionnant pour motif de la rupture du

contrat de travail un « licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif » ;

– Certificat de travail et Solde de tout compte modifiés des mêmes chefs ainsi que

des rappels de salaires judiciairement fixés

ORDONNER, sous astreinte identique, la régularisation de la situation du concluant

auprès des organismes sociaux.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

RAPPELER l’exécution provisoire de plein droit qui s’attache aux dispositions qui

précèdent, en application des articles R.1454-14 et R.1454-28 du Code du Travail.

FIXER, en application de ce dernier article, la moyenne des douze derniers mois de

salaires précédant la rupture à la somme de 7.277,85 ‘ bruts.

DIRE ET JUGER que la Cour d’appel de céans se réservera le droit de liquider les

astreintes précitées, s’il y a lieu ;

ORDONNER, des chefs qui précèdent, l’exécution provisoire, en application des

dispositions de l’article 515 du Code de Procédure Civile, nonobstant opposition ou appel

et sans caution.

FIXER les intérêts de droit à compter de la demande en justice et ordonner leur

capitalisation ;

CONDAMNER la société [K] au paiement de la somme de 3.500,00 ‘, à titre

d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC.

LA CONDAMNER aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions d’appelant fait valoir

‘Que la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur qui doit démontrer cumulativement

1. La matérialité des faits reprochés survenus moins de 2 mois avant le licenciement

2. Leur caractère fautif (faute simple, grave ou lourde)

3. L’imputabilité des faits établis à l’action personnelle du salarié

4. L’impossibilité ou non de maintenir le salarié à son poste, fût-ce, durant la période

du préavis selon le degré de la faute reprochée (faute simple, grave ou lourde)

Il souligne qu’en l’espèce la lettre de licenciement est fondée sur des faits ‘ assimilables’ à du harcèlement moral et donc imprécis;

-que la société [K] ne justifie d’aucune enquête, ni d’aucune investigation à la suite des prétendues « nombreuses alertes du CHSCT » et des « nombreux témoignages des salariés » qu’elle dit avoir reçus sans en rapporter la preuve ;

-que la société ne précise pas la date de commission des faits reprochés et n’a pas communiqué l’intégralité du Rapport d’expertise de la Sté CATEIS du mois d’avril 2018 sur lequel elle fonde le licenciement de sorte que le nombre de salariés entendus est ignoré , qu’aucune audition n’est précisément retranscrite

Il souligne que les trois attestations produites par l’employeur , dont la date est identique ainsi que la rédaction , sont dénuées de force probante et doivent être écartée des débats.

‘ Que les faits sont prescrits ou ont été tolérés par l’employeur qui ne peut donc s’en prévaloir ;

-qu’en effet l’employeur allègue des faits datés de janvier et février 2017 objets de l’alerte du CHSCT du 17 janvier 2017 qui ne le visait pas nommément et sont restés sans réponse immédiate .

– qu’il s’appuie également sur les notes de Mme [I] datant de février et novembre 2017

– Qu’il produit des témoignages recueillis sous forme de ‘ lettre pétition’ fictivement datés du mois de mai 2018 alors qu’ils ont servi à la rédaction du rapport d’expertise en avril 2018 et ont fait l’objet de rétractations ultérieures mettant en évidence la manipulation de Mme [I] ( qu’il avait évincé du poste de Responsable d’agence) , la pression morale de l’employeur et la dégradation continue des relations humaines au sein de l’entreprise postérieurement à son licenciement ainsi que le démontrent les démissions ultérieures.

‘Qu’en 14 années de fonctions au sein de l’entreprise il n’a jamais été sanctionné ni n’a fait l’objet d’aucune rappel à l’ordre mais a au contraire connu une évolution professionnelle constante dans le cadre de laquelle s’inscrit exclusivement la formation en management proposée par l’employeur en vue de son accession au poste de Directeur Grand sud .

Il considère en conséquence qu’il existence un doute qui doit lui profiter et qu’en tout état de cause son évolution professionnelle démonter le caractère disproportionné de la sanction

‘ il rappelle qu’il peut en conséquence prétendre

-à l’indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale

– à une indemnité pour irrégularité de la procédure faute pour l’employeur d’avoir mentionné les motifs précis de la rupture dans la lettre de licenciement

-à une indemnité de licenciement supérieure à l’indemnité prévue par le barème Macron en raison d’un préjudice supérieur in concreto aux indemnités fixées par le barème .

– à l’indemnisation du préjudice résultant de la clause de non concurrence nulle comme potestative et étendue au territoire nationale alors que l’activité construction de la société limitée au bassin méditerranéen .

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 6 janvier 2022 la SAS [K] CONSTRUCTIONS demande à la cour de De confirmer les termes du jugement du Conseil de Prud’hommes de Martigues du 29 juin 2021 et de condamner l’appelant à lui payerla somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Elle fait valoir que

‘Le 19 janvier 2017, le CHSCT l’alertait sur l’ambiance délétère qui régnait au sein de l’agence dirigée par Monsieur [Y] [J] a raison des méthodes de management particulièrement rudes pratiquées par ce dernier auprès du personnel dont il avait la responsabilité.

Qu’après investigations et face à cette situation, la direction de la SAS [K] décidait, en avril 2017, de faire appel à un Cabinet conseil extérieur à l’entreprise aux fins d’accompagner Monsieur [Y] [J] dans sa fonction de management pendant 8 mois.

‘Que toutefois en mai 2018 la direction devait de nouveau recueillir un témoignage collectif très circonstancié de la part de salariés faisant état de comportements identiques( P.5 de l’intimée).

Que les témoignages recueillis ne sont pas remis en question par les attestations produites par l’appelant qui émanent de personnes licenciées , démissionnaires ou absentes de l’entreprise alors que la preuve de l’absence de pression sur les salariés est rapportée par ses soins.

Qu’un rapport sur les risques psychosociaux commandé par l’entreprise et remis en avril 2018 pointait d’ores et déjà une situation très dégradée au sein de l’agence dirigée par M. [J] ce qui la conduisait à engager la procédure de licenciement compte tenu de son obligation de sécurité en matière de protection de la santé.

‘Que le rapport de la société CATEIS a été remis en avril 2018 (Pièce n° 7), que la révélation par les salariés de faits déviants de la part de Monsieur [Y] [J] datent des 8 et 15 mai 2018 (Pièces n°5 et 6) et l’engagement de la procédure de licenciement du 15 mai 2018 par la convocation à l’entretien préalable de l’intéressé de sorte qu’aucune prescription ne peut lui être opposée puisque le point de départ du délai est constitué par le jour où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié (Cass Soc 17/02/1993, 11 088-45.539).

‘Que la clause de non concurrence reproduit les dispositions de la convention collective , que la SAS [K] construcction a un rayonnement national

L’ordonnance de clôture est en date du 6 janvier 2025

Motifs de la décision

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’article L.1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Soc. 26 février 1991, Bull. 1991, V, n° 97 ; Soc. 27 septembre 2007, n° 06-43.867). Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales

Ainsi les dispositions de cet article ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à 2 mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans le temps

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables.

La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire. (Soc., 11 juillet 2012, pourvoi n° 10-28.798) dès lors que l’employeur produit aux débats des éléments suffisants pour la déterminer

En l’espèce la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« Nous vous rappelons les faits :

Les nombreux témoignages reçus des salariés ayant été amenés à travailler sous votre autorité, nous laisse à penser que vos méthodes managériales sont plus que douteuses. Les différentes alertes émises par le CHSCT cette année et le rapport sinistre réalisé par le cabinet d’expertise des risques psychosociaux sur votre site au cours du mois de mars dernier, nous expose le constat catastrophique que vos méthodes managériales sont irrespectueuses et inacceptables.

A titre d’exemple, nous avons relevé plusieurs « verbatim » que vous avez formulés publiquement à plusieurs personnes et qui nous ont été répétés dans le cadre d’entretiens individuels :

« T’es nul », « c’est n’importe quoi », « tu ne sers à rien et ça va mal se passer pour toi », « si c’est comme ça, je vais virer tous les intérimaires (sachant qu’il y avait des intérimaires présents) », « bouge ton gros cul et va me chercher le dossier », « ferme ta gueule », « ici c’est moi le chef », « je m’en rappellerai au mois de juillet quand il faudra calculer ta prime ».

Les différents témoignages ont également mis en évidence que vous cherchiez

systématiquement à déstabiliser émotionnellement vos collègues en abordant sans complexe leurs problèmes personnels. Vos humeurs instables et changeantes, vos propos agressifs, humiliants et

sarcastiques ont fait craquer à plusieurs reprises vos collègues et ceci est intolérable.

Alors même que la Direction vous avait déjà alerté sur vos méthodes d’intimidation et qu’elle vous avait apporté une aide par le biais d’un accompagnement d’un Expert via un Cabinet extérieur depuis 8 mois, nous sommes forcés de constater aujourd’hui, que votre attitude ne s’est pas améliorée voir même dégradée.

A l’occasion de l’entretien du 25 mai 2018, les explications que vous nous avez apportées ne nous ont pas permises de modifier notre appréciation concernant les faits que nous vous reprochons.

Ces agissements sont constitutifs d’une faute grave.

Nous vous rappelons que votre comportement est irresponsable, irrespectueux, pouvant être assimilé à du harcèlement moral, et par conséquent intolérable au regard de vos fonctions et des valeurs que porte la société [K].

Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible aussi nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave. »

A/ Sur la prescription

La lettre de licenciement se réfère à des alertes émises par le CHSCT EN 2018, dont l’employeur ne justifie mais démontre qu’elles ont été formalisées le 8 mai 2018 par un écrit collectif des salariés soumis au pouvoir hiérarchique de l’appelant , ainsi qu’au rapport réalisé par le cabinet d’expertise des risques psychosociaux en mars 2018 déposé en avril 2018 .

Dans ces conditions les faits invoqués dans la lettre du licenciement en date du 4 juin 2018 ne sont pas antérieurs à deux mois et autorisent l’employeur à faire état des faits fautifs de même nature signalés par le CHSCT le 19 janvier 2017dont il n’est pas démontré qu’ils aient été sanctionnés ou donné lieu à une quelconque action de l’employeur dans le cadre disciplinaire

En conséquence aucune prescription ne peut être retenue , le jugement est donc confirmé de ce chef

B/ Sur la preuve des faits et leur qualification

la lettre de licenciement preproche à l’appelant des méthodes managériales irrespectueuses

caractérisées par des propos agressifs, humiliants et sarcastiques employés à l’égard des collaborateurs ainsi que des attitudes tendant à déstabiliser émotionnellement les subordonnés en abordant sans complexe leurs problèmes personnels.

Le seul fait que l’employeur ait utilisé l’expression ‘ pouvant être assimilés à du harcèlement moral ‘ ne saurait s’interpréter en l’espèce comme l’expression d’un doute devant profiter au salarié dès lors que les propos et attitudes décrits sont qualifiés de faute grave à l’appui du prononcé du licenciement.

Il ressort par ailleurs de l’analyse des pièces produites par l’employeur que la dénonciation du CHSCT en date du 19 janvier 2017 est illustrée par un écrit collectif des salariés en date du 8 mai 2018 détaillant la teneur ainsi que le caractère insultant et humiliants des propos tenus , repris en partie par la lettre de licenciement .

La cour note à cet égard que les attestations émanant des signataires de cet écrit produites aux débats par l’appelant ne reviennent en aucun cas sur la réalité des propos imputés à l’appelant mais se bornent à insister sur le caractère radical de la sanction infligée au regard des qualités professionnelles dont il faisait par ailleurs preuve .Dans ces conditions aucune pression de l’employeur sur les témoins ne saurait être retenue.

La cour considère enfin que quand bien même il s’avère incomplet , le rapport d’analyse des risques psycho – sociaux produit aux débats par l’employeur détaille in extenso les constatations relatives à l’unité CGD7 gérée par l’appelant et confirme son attitude managériale totalement inadaptée

La concordance des éléments de preuve produits par l’intimée établit la réalité des faits dénoncé s.

La cour considère enfin que l’emploi d’insultes , de propos à caractère sexiste , discriminatoire ou homophobe dans le cadre des relations professionnelles constitue une faute grave empêchant la poursuite du contrat de travail et justifiant le bien fondé de la mesure de licenciement .Elle confirme donc le jugement.

C/ Sur la clause de non concurrence

En application du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, une clause de non concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives

(Soc., 10 juillet 2002, pourvois n° 00-45.135, n° 00-45.387, n° 99-43.336, Bull. 2002, V, n° 239).

Le juge doit prendre en compte, pour apprécier la validité de la clause, l’ensemble des limitations qu’elle comporte, dans le temps, dans l’espace, quant aux activités concernées et ce en tenant compte des spécificités de l’emploi

En l’espèce si la clause insérée au contrat respecte les dispositions de l’article 28 de la convention collective quant à sa durée , elle est en revanche étandue à tout le territoire national .

Le contrat de travail de l’appelant rattache expréssément son activité à l’agence de [Localité 5] sous réserve des perspective de developpement de l’entreprise lui offrant la possibilité de muter le salarié sur l’ensemble de ses établissement ou agences sur le territoire français .

La cour constate que l’employeur ne verse aux débats aucun document venant démontrer que les intérêts de l’entreprise s’étendent à l’ensemble du territoire national ( pas d’extrait K bis versé aux débats pour identifier la localisation des différents établissements , aucun élément sur la répartition géographique des clients de l’entreprise ) .

Elle considère dans ces conditions que la clause est illicite et que son respect par l’appelant , qui justifie l’existence d’offres d’emploi pendant sa période d’application et même d’une offre d’embauche, justifie l’attribution d’une somme de 25 000 euros à titre de dommages intérêts.

Les intérêts au taux légal et la capitalisation sont de droit. Le point de départ des intérêts est fixé au jour de l’arrêt s’agissant de dommages et intérêts qu’il fixe.

Chacune des partie succombant partiellement il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 en l’espèce .

La présente décision n’étant pas suceptible de recours suspensif la demande d’éxécution provisoire est sans objet .

Chacune des parties gardera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M [J] de sa demande de dommages intérêts pour préjudice subi du fait de l’illicéité de la clause de non concurrence

L’infirme de ce chef et statuant à nouveau :

Dit que la clause de non concurrence insérée au contrat de travail de M [J] est illicite et en conséquence,

Condamne la sas [K] CONSTRUCTION à payer à M [J] la somme de 25 000 euros à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Dit la demande d’éxécution provisoire sans objet,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dis que chacune des parties gardrea la charge de ses dépens .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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