L’article L. 1231-5 du Code du travail stipule que lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère est tenue d’assurer son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et de lui procurer un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions. Pour l’application de cet article, trois conditions doivent être réunies : l’engagement du salarié par la société mère avec mise à disposition d’une filiale étrangère, la conclusion d’un contrat de travail entre le salarié et la filiale étrangère, et le licenciement du salarié par la filiale étrangère. L’application de ces dispositions n’est pas subordonnée au maintien d’un contrat de travail entre le salarié et la société mère ni à l’exercice de fonctions effectives au service de l’employeur qui l’a détaché. En l’espèce, le salarié n’a pas réussi à prouver qu’il avait été engagé par la société mère et que les conditions d’application de l’article L. 1231-5 étaient réunies, ce qui a conduit à la confirmation du jugement de première instance. Par ailleurs, l’article 32-1 du Code de procédure civile permet de condamner à une amende civile ceux qui agissent en justice de manière dilatoire ou abusive, ce qui a également été retenu dans cette affaire.
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L’Essentiel : L’article L. 1231-5 du Code du travail stipule que lorsqu’un salarié engagé par une société mère est mis à disposition d’une filiale étrangère, la société mère doit assurer son rapatriement en cas de licenciement par la filiale. Trois conditions doivent être réunies : l’engagement du salarié par la société mère, la conclusion d’un contrat de travail avec la filiale, et le licenciement par celle-ci. Le salarié n’a pas prouvé son engagement par la société mère, entraînant la confirmation du jugement de première instance.
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Résumé de l’affaire :
Introduction de l’affaireUn salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Villefranche-sur-Saône par requête du 21 février 2017, formulant plusieurs demandes à caractère indemnitaire et salarial. Jugement de départageLe 18 février 2022, le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes, lui infligeant une amende civile de 4.000 euros et le condamnant à verser 3.000 euros à la société Emball’Iso au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le salarié a également été condamné à supporter les dépens de l’instance. Appel du jugementLe 22 février 2022, le salarié a interjeté appel du jugement, demandant à la cour d’infirmer la décision et de reconnaître la nullité de son licenciement, ainsi que de condamner la société Emball’Iso à lui verser diverses indemnités. Demandes du salarié en appelDans ses conclusions, le salarié a réclamé des indemnités pour préavis, congés payés, licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de rapatriement. Il a également demandé la remise d’un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi. Réponse de la société Emball’IsoLa société Emball’Iso a demandé à la cour de confirmer le jugement de départage, contestant les demandes du salarié et soutenant que les conditions pour l’application de l’article L. 1231-5 du code du travail n’étaient pas réunies. Arguments du salariéLe salarié a affirmé avoir été engagé par la société Emball’Iso et mis à disposition de ses filiales, soutenant que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Il a produit des documents pour prouver son embauche et ses mises à disposition. Arguments de la société Emball’IsoLa société a contesté l’existence d’un contrat de travail entre elle et le salarié avant 2008, affirmant que ce dernier n’avait pas été employé par elle avant cette date et qu’il avait signé un contrat de V.I.E. qui excluait toute relation de travail. Décision de la courLa cour a confirmé le jugement de départage, concluant que le salarié n’avait pas prouvé l’existence d’un contrat de travail avec la société Emball’Iso et que les conditions d’application de l’article L. 1231-5 n’étaient pas remplies. Amende civile et dépensLa cour a également confirmé l’amende civile infligée au salarié pour avoir agi de manière abusive en justice et a statué sur les dépens, condamnant le salarié à payer des frais à la société Emball’Iso. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique des demandes d’indemnisation formulées par le salarié ?Le salarié a formulé ses demandes d’indemnisation sur le fondement de l’article L. 1231-5 du code du travail, qui stipule que : « Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein. » Pour que cet article s’applique, trois conditions doivent être réunies : – Un engagement du salarié par la société mère avec mise à disposition d’une filiale étrangère, – La conclusion d’un contrat de travail entre le salarié et la filiale étrangère, – Le licenciement du salarié par la filiale étrangère. Le salarié soutient que ces conditions sont remplies, mais la société Emball’Iso conteste cette affirmation, arguant que le salarié n’a pas été engagé par elle avant une certaine date et que les documents fournis ne prouvent pas l’existence d’un contrat de travail. Quel est le régime de l’amende civile prévue par l’article 32-1 du code de procédure civile ?L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un montant maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. » Dans cette affaire, le conseil de prud’hommes a constaté que le salarié avait agi de manière abusive en tentant d’obtenir une indemnisation qu’il savait indue, en raison de la connaissance qu’il avait de sa situation. Les juges ont relevé que les pièces versées aux débats, notamment les échanges entre les parties, démontraient que le salarié avait cherché à tirer avantage d’une situation qu’il savait ne pas être fondée. Ainsi, l’amende civile prononcée à son encontre a été confirmée, car son action a été qualifiée d’abusive au regard des éléments du débat. Quel est le principe de l’article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles ?L’article 700 du code de procédure civile stipule que : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci. » Dans cette affaire, le salarié a été débouté de sa demande d’indemnisation sur le fondement de cet article, car il a succombé dans ses demandes. En conséquence, il a été condamné à payer à la société Emball’Iso la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700, en raison des frais engagés par cette dernière pour se défendre contre les demandes du salarié. Le jugement a donc confirmé la décision initiale concernant les dépens et les frais irrépétibles, en soulignant que la partie perdante doit supporter les frais de la procédure. |
RAPPORTEUR
N° RG 22/01509 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OERT
[E]
C/
S.A.S. EMBALL’ISO
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VILLEFRANCHE S/SAONE
du 18 Février 2022
RG : 19/00128
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2025
APPELANT :
[U] [D] [F] [E]
né le 18 Décembre 1981 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant du barreau de LYON et Me Alexandre BARBELANE de la SELEURL BFB Avocat plaidant du barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S. EMBALL’ISO
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant du barreau de LYON et Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant du même barreau
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Janvier 2025
Présidée par Agnès DELETANG, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Agnès DELETANG, présidente
– Yolande ROGNARD, conseiller
– Régis DEVAUX, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Février 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Agnès DELETANG, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par requête du 21 février 2017, M. [U] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Villefranche-sur-Saône de plusieurs demandes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement de départage du 18 février 2022, le conseil de prud’hommes de Villefranche-sur-Saône a :
– débouté M. [U] [E] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamné M. [U] [E] à payer une amende civile de 4.000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;
– condamné M. [U] [E] à payer à la S.A. Emball’Iso la somme de 3.000 euros à titre d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [U] [E] de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [U] [E] à supporter les entiers dépens de l’instance.
Par déclaration du 22 février 2022, M. [U] [E] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 mai 2022, M. [U] [E] demande à la cour de :
– infirmer la décision du 18 février 2022 en ce qu’elle débouté M. [U] [E] de l’intégralité de ses demandes tendant à voir :
* dire et juger bien-fondé M. [U] [E] en ses demandes ;
* constater que le licenciement notifié à M. [U] [E] le 26 février 2015 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
* constater que la SA Emball’Iso a manqué à ses obligations de reclassement et de rapatriement ;
En conséquence,
* condamner la SA Emball’Iso au paiement des sommes suivantes :
– Indemnité compensatrice de préavis : 21.684,00 euros ;
– Indemnité compensatrice de congés payés: 2.168,40 euros
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 72.280,00 euros ;
– Indemnité de licenciement légal : 11.685,00 euros ;
– Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de rapatriement : 50.335,92 euros
* enjoindre la SA Emball’Iso de remettre à M. [U] [E] un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;
En tout état de cause,
* condamner la SA Emball’Iso au paiement de la somme de 7.200,00 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
* ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l’Article 515 du code de procédure civile ;
* condamner la SA Emball’Iso aux entiers dépens, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
– infirmer la décision du 18 février 2022 en ce qu’elle a condamné M. [U] [E] à payer une amende civile de 4.000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;
– infirmer la décision du 18 février 2022 en ce qu’elle a condamné M. [U] [E] à payer 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer la décision du 18 février 2022 en ce qu’elle a débouté M. [U] [E] de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer la décision du 18 février 2022 en ce qu’elle a condamné M. [U] [E] à supporter les entiers dépens de la présente instance ;
et statuant à nouveau :
– Condamner la SA Emball’Iso au paiement des sommes suivantes :
– Indemnité compensatrice de préavis : 21.684,00 euros ;
– Indemnité compensatrice de congés payés : 2.168,40 euros
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 72.280,00 euros;
– Indemnité de licenciement légal : 11.685,00 euros ;
– Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de rapatriement : 50.335,92 euros ;
– enjoindre la SA Emball’Iso de remettre à M. [U] [E] un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;
en tout état de cause,
– condamner la SA Emball’Iso au paiement de la somme de 7.200,00 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamner la SA Emball’Iso aux entiers dépens, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses uniques conclusions notifiées par voie électronique le 21 juillet 2022, la société Emball’Iso demande à la cour de :
A titre principal :
– confirmer purement et simplement le jugement de départage du 18 février 2022 en toutes ses dispositions ;
Partant,
– débouter M. [E] de ses demandes suivantes :
* Indemnité compensatrice de préavis : 21.684,00 euros ;
* Indemnité compensatrice de congés payés : 2.168,40 euros ;
* Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 72.280,00 euros ;
* Indemnité de licenciement légal (sic) : 11.685,00 euros ;
* Dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de rapatriement : 50.335,92 euros ;
* enjoindre la SA Emball’Iso de remettre à M. [U] [E] un certificat de travail et une attestation pôle emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;
En tout état de cause,
* condamner la SA Emball’Iso au paiement de la somme de 7.200,00 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamner la SA Emball’Iso aux entiers dépens en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
– le condamner au paiement des sommes suivantes :
– sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile : 4.000,00 euros;
– sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 3.000,00 euros;
– aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
A titre subsidiaire :
– réduire à de plus justes proportions les demandes adverses ;
– partager les dépens.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 10 décembre 2024.
Sur la contestation du licenciement et la non-réintégration :
M. [U] [E] revendique le bénéfice du régime d’expatriation d’un salarié d’une société mère vers une filiale prévue par les dispositions de l’article L. 1231-5 du code du travail et par voie de conséquence le droit au rapatriement et à la réintégration au sein du groupe. Il expose qu’il a été engagé, à compter du 19 mars 2007 en qualité d’assistant responsable de production, par la société Emball’Iso, puis a été mis à disposition de la filiale chinoise de celle-ci, et en dernier lieu, à disposition de la filiale américaine, Emball’Iso Inc. le 26 février 2015, qui l’a licencié et dispensé d’effectuer son préavis d’une durée de deux mois.
Cependant, la société Emball’Iso ne l’a nullement contacté afin de mettre en ‘uvre son obligation de reclassement et de rapatriement à son égard.
M. [E] soutient que les trois conditions cumulatives dégagées par la jurisprudence pour l’application des dispositions de l’article L. 1231-5 du code du travail, à savoir l’engagement initial du salarié par la maison-mère, l’existence d’un contrat de travail avec la filiale et le licenciement du salarié par la filiale, sont réunies, soulignant qu’il démontre, par la production d’une attestation d’emploi et des bulletins de salaire avoir été embauché par la société Emball’Iso à compter du 9 mars 2007 ; qu’il soit étudiant à cette époque ne permet pas de remettre en cause le fait qu’il ait été engagé par cette société. M. [E] fait valoir, qu’en tout état de cause, un contrat à durée déterminée a été conclu entre les parties pour la période du 1er décembre 2008 au 31 décembre 2008, démontrant ainsi qu’il a effectivement été embauché par la société Emball’Iso. Il soutient qu’il importe peu que le contrat soit à durée déterminée, cette circonstance n’étant pas de nature à exclure l’application des dispositions de l’article L. 1231-5 du code du travail.
Il affirme qu’il a travaillé de façon continue à compter du 1er décembre 2008, ayant été mis à disposition de la filiale chinoise à compter du 1er janvier 2009. M. [E] remet en cause le caractère sincère du contrat de V.I.E., arguant du fait que celui-ci n’a été signé que par la société Emball’Iso et UBI France et qu’il ne porte pas mention de sa signature, ni de celle de la société Emball’Iso Cold Chain Technology. Il souligne, qu’au contraire, il a été rémunéré par la société Emball’Iso qui lui a versé différentes sommes, au titre de remboursement de frais et de salaires.
Concernant son transfert aux Etats-Unis, M. [E] fait valoir que le directeur de la société Emball’Iso lui a présenté le poste situé à [Localité 6] comme une opportunité pour sa carrière et l’a incité à démissionner de son poste à [Localité 7]. Il souligne que, dans un courrier daté du 12 août 2014 aux autorités américaines pour l’obtention d’un visa, la société Emball’Iso stipule vouloir l’embaucher en tant que Directeur d’usine, ce qui démontre le lien existant avec cette dernière. Il a rejoint la filiale américaine, qui l’a licencié le 26 février 2015.
M. [E] estime que la société Emball’Iso n’a pas satisfait aux obligations lui incombant, à savoir celles relatives à son obligation de reclassement et de rapatriement et qu’il est, par conséquent, fondé à réclamer diverses indemnisations.
En réplique, la société Emball’Iso conclut au rejet des demandes de M. [E], soutenant que les trois conditions cumulatives prévues pour l’application l’article L.1231-5 du Code du travail ne sont pas réunies.
Elle rappelle que le 19 mars 2007, M. [E] était étudiant à l’École Spéciale des Travaux Publics du Bâtiment et de l’Industrie et qu’il n’est intervenu au sein des effectifs de la société Emball’Iso qu’à compter du 26 mai 2008 dans le cadre d’une convention de stage qui s’est terminée le 25 juillet 2008. Il a signé, le 28 juillet 2008, une nouvelle convention de stage en entreprise avec la société Emball’Iso Cold Chain Technology, société de droit chinois. Que contrairement à ce que soutient M. [E], ce dernier n’a matériellement pas pu exercer les fonctions d’Assistant Responsable Production comme il l’affirme, sur la période du 19 mars 2007 jusqu’à sa prétendue mise à disposition au sein de la filiale chinoise le 1er janvier 2009.
Elle souligne que le seul contrat de travail ayant lié M. [E] à la société Emball’Iso a été signé le 1er décembre 2008 et était à durée déterminée, la relation contractuelle s’étant régulièrement achevée le 31 décembre 2008. Ellle affirme qu’aucune relation contractuelle ne s’est poursuivie avec la société Emball’Iso, M. [E] ayant par la suite bénéficié d’un V.I.E. (Volontariat International en Entreprise) et a signé, dans ce cadre, une convention avec la société Ubifrance. Elle en déduit qu’il n’est pas rapporté la preuve d’un contrat de travail à durée indéterminée avec la « maison mère « , condition sine qua none pour bénéficier des dispositions de l’article L. 1231-5 du Code du Travail,
La société Emball’Iso indique que, dans le cadre de la constitution du dossier de V.I.E. par M. [E], elle lui a remis, à sa demande, une attestation d’emploi, datée du 12 février 2009, la production de ce document étant requise pour lui permettre d’obtenir son visa en Chine. Elle affirme donc que cette attestation n’avait pas pour objet d’engager la société mais seulement de permettre à M. [E] de bénéficier d’un droit, à savoir la possibilité d’exécuter un V.I.E. en Chine. Il en est de même s’agissant de l’établissement de bulletins de salaire, ceux-ci étant également fictifs et leur édition ayant uniquement pour but de compléter le dossier administratif de M. [E] ; ils n’ont donné lieu au paiement d’aucune rémunération et au précompte d’aucune cotisation.
S’agissant des sommes que M. [E] a perçues pendant la période de son V.I.E., elles correspondent à la prise en charge des frais, en particulier d’habitation et de transport, résultant de sa résidence en Chine durant le V.I.E.
Pour la période du 1er janvier 2009 jusqu’au 1er janvier 2011, la société Emball’Iso réfute donc toute mise à disposition de M. [E] à sa filiale chinoise dans le cadre d’un contrat de travail et soutient que ce n’est que le 1er janvier 2011 qu’il a signé un contrat de droit chinois avec cette société sans qu’il soit d’ailleurs fait état à cette occasion d’un quelconque détachement de la part de la maison mère.
S’agissant du contrat de travail conclu avec sa filiale chinoise, la société Emball’Iso précise que M. [E] n’a pas été licencié mais a démissionné le 10 juin 2014, ayant postulé sur un poste à [Localité 6] (Etats-Unis), et que les conditions de cette démission n’ont pas été remises en cause par le salarié.
Elle souligne également que M. [E] a intenté une action à l’encontre de son dernier employeur, Emball’Iso Inc. devant les juridictions américaines, devant lesquelles il a obtenu une importante indemnisation et qu’il tente donc d’obtenir une » double indemnisation » du préjudice qu’il prétend avoir subi du fait de son licenciement.
Sur ce,
L’article L. 1231-5 du code du travail dispose que ‘Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.’
Trois conditions doivent être réunies pour l’application de ce texte :
– un engagement du salarié par la société mère avec mise à disposition d’une filiale étrangère,
– la conclusion d’un contrat de travail entre le salarié et la filiale étrangère,
– le licenciement du salarié par la filiale étrangère.
L’application de ces dispositions n’est pas subordonnée au maintien d’un contrat de travail entre le salarié et la société mère ni au fait que le salarié ait, avant son détachement, exercé des fonctions effectives au service de l’employeur qui l’a détaché.
En l’espèce, pour démontrer qu’il a été engagé, à compter du 19 mars 2007 en qualité d’assistant responsable de production, par la société Emball’Iso, puis a été mis à disposition de la filiale chinoise de celle-ci, et en dernier lieu, à disposition de la filiale américaine, Emball’Iso Inc., M. [E] produit diverses pièces qui démontreraient, selon lui, tant son embauche initiale par la société Emball’Iso que ses mises à disposition au profit des filiales du groupe.
S’agissant de son embauche initiale par la société Emball’Iso, M. [E], qui prétend avoir été engagé, à compter du 19 mars 2007 en qualité d’assistant responsable de production, produit une attestation d’emploi daté du 12 février 2009 (pièce n° 3) ainsi que des bulletins de paie pour la période de mars 2007 à novembre 2008 (pièce n° 68). Il ne produit néanmoins aucun contrat de travail correspondant à cet emploi, ni aucune preuve de la perception des salaires qui lui auraient été versés pour la période considérée.
Alors que la société Emball’Iso conteste toute relation contractuelle avec M. [E] à compter du 19 mars 2007, et affirme que les documents produits ont été établis uniquement pour permettre à ce dernier d’obtenir son visa pour la Chine dans le cadre de son V.I.E. , M. [E] n’a pas cru utile de produire toute pièce utile venant corroborer la réalité du contrat de travail allégué (déclaration fiscale, relevé CNAV, ‘) et, par suite, contredire les affirmations de la société Emball’Iso sur ce point.
La cour observe, au contraire, qu’à la date du 19 mars 2007, M. [E] était encore étudiant à l’Ecole Spéciale des Travaux Publics, du Bâtiment et de l’Industrie et n’a été présent dans les effectifs de la société Emball’Iso qu’à compter du 26 mai 2008, dans le cadre non pas d’un contrat de travail mais d’une convention de stage qui a pris fin le 25 juillet 2008. M. [E] a ensuite bénéficié d’une nouvelle convention de stage du 28 juillet 2008 au 28 novembre 2008, ce stage s’étant déroulé au sein de la société Emball’Iso Cold Chain Technology à [Localité 7] (Chine), société de droit chinois.
La société Emball’Iso admet qu’un contrat de travail à durée déterminée a été régularisé entre les parties pour la période du 1er décembre au 31 décembre 2008.
Toutefois, à l’issue de ce contrat de travail, M. [E] a bénéficié d’une convention de V.I.E, laquelle a été exécutée dans les locaux de la société Emball’Iso Cold Chain Technology à [Localité 7] (Chine). Dans ce contexte, M. [E] ne peut prétendre qu’il a été mis à disposition de cette dernière, le V.I.E. étant un contrat particulier répondant à des dispositions spécifiques ressortissant du code du service national et, par conséquent, d’un contrat soumis au droit public excluant par nature l’existence d’un contrat de travail de droit privé avec l’organisme d’accueil.
Si M. [E] tente de remettre en cause la sincérité du contrat de V.I.E., force est de constater que celui-ci est régulier en la forme et qu’il a été établi à sa demande, ainsi qu’il résulte des échanges de mails intervenus entre la société Emball’Iso et lui-même au mois de juin 2008 (pièce n° 19 de l’intimée). Le caractère modique et irrégulier des sommes perçues et la prise en charge de frais, qui correspondent aux indemnités que perçoit le volontaire, ne sont pas de nature à caractériser l’existence du contrat de travail allégué par M. [E].
En conséquence, M. [E] échoue à démontrer que la société Emball’Iso a été son employeur et qu’il a été lié à cette société par un contrat de travail.
Au surplus, la cour observe qu’il n’a été signé aucun contrat d’expatriation entre les parties ni aucune mise à disposition d’une filiale par une société mère, M. [E] ayant été engagé directement, en janvier 2011, par la société Emball’Iso Cold Chain Technology, alors qu’il résidait déjà en Chine et dont il démissionnera en juin 2014, pour rejoindre Emball’Iso Inc. à [Localité 6], avec laquelle il signera un nouveau contrat de travail. L’examen des contrats de travail avec les sociétés Emball’Iso Cold Chain Technology et Emball’Iso Inc confirme l’absence de mise à disposition de M. [E] par la société Emball’Iso.
Il se déduit de l’ensemble de ces constatations que M. [E] échoue à rapporter la preuve qui lui incombe que les conditions d’application de l’article L. 1231-5 du code du travail sont réunies. M. [E] ne peut donc se prévaloir de l’obligation de rapatriement à l’égard de la société Emball’Iso et de reclassement prévue à l’article L1231-5 précité.
Le jugement entrepris, qui a débouté de l’intégralité de ses demandes, sera confirmé.
Sur le prononcé d’une amende civile :
En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un montant maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, les différentes pièces versées aux débats, et notamment les échanges intervenus entre les parties avant le départ en Chine de M. [E] et la demande de ce dernier à la société Emball’Iso d’établir de faux documents (attestation d’emploi et bulletins de salaire), démontrent à l’évidence que M. [E] avait parfaitement connaissance de la situation et notamment du fait qu’il n’avait pas été ni embauché par la société Emball’Iso avant son départ en Chine dans le cadre d’un V.I.E., ni mis à disposition de sa filiale chinoise ; qu’il a néanmoins cherché à tirer avantage de cette situation en essayant d’obtenir une indemnisation qu’il savait indue. Dès lors, l’action intentée par M. [E] ne peut être que qualifiée d’abusive au regard des éléments du débat et de l’abus du droit d’ester en justice, en l’espèce parfaitement caractérisé.
Dès lors, le jugement entrepris qui a prononcé une amende civile, à titre de sanction, à l’encontre de M. [E], sera confirmé de ce chef.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [E], qui sucombe en ses demandes, sera condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [E] sera également condamné à payer à société Emball’Iso la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Villefranche-sur-Saône en date du 18 février 2022 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne M. [U] [E] aux dépens d’appel ;
Condamne M. [U] [E] à payer à la S.A.S. Emball’Iso la somme de 4.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et le déboute de sa demande présentée sur le même fondement.
Le greffier La présidente
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