Licenciement économique et obligation de reclassement : enjeux et conséquences.

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Licenciement économique et obligation de reclassement : enjeux et conséquences.

Obligation de reclassement

L’article L.1233-4 du Code du travail impose à l’employeur une obligation de recherche effective et sérieuse de reclassement avant de procéder à un licenciement économique. Cette obligation s’applique à chaque salarié, indépendamment du nombre de licenciements envisagés, et doit être respectée même en cas de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). L’employeur doit démontrer qu’il a satisfait à cette obligation, en justifiant de l’absence de possibilités de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe.

Conditions de validité du licenciement économique

Le licenciement économique ne peut être considéré comme justifié que s’il repose sur une cause réelle et sérieuse, ce qui inclut le respect de l’obligation de reclassement. En cas de non-respect de cette obligation, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L.1235-3 du Code du travail.

Prime de vacances

L’article 31 de la convention collective nationale Syntec stipule que tous les salariés doivent bénéficier d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale d’indemnité de congés payés. Cette prime ne peut être remplacée par d’autres primes ou gratifications, et doit être versée conformément aux dispositions de la convention collective.

Rémunération variable

La rémunération variable doit être fondée sur des critères objectifs et portés à la connaissance du salarié, conformément aux principes de transparence. En cas de non-respect de cette exigence, l’employeur est redevable de l’intégralité de la rémunération variable, comme le stipule la jurisprudence relative aux contrats de travail.

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L.1235-3 du Code du travail prévoit que le salarié a droit à une indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette indemnité doit être déterminée en tenant compte de divers facteurs, tels que l’ancienneté, l’âge et les circonstances de la rupture, et doit être accompagnée d’intérêts au taux légal, conformément à l’article 1343-2 du Code civil.

L’Essentiel : L’article L.1233-4 du Code du travail impose à l’employeur une obligation de recherche effective et sérieuse de reclassement avant un licenciement économique. Cette obligation s’applique à chaque salarié, même en cas de plan de sauvegarde de l’emploi. L’employeur doit justifier de l’absence de possibilités de reclassement. En cas de non-respect, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L.1235-3 du Code du travail.
Résumé de l’affaire : La société SIERRA WIRELESS, spécialisée dans la conception de modules cellulaires, a engagé un salarié en qualité d’Ingénieur d’Études en 2001. Ce dernier a été licencié pour motif économique en août 2019, dans le cadre d’une restructuration entraînant la suppression de 99 postes. Le salarié a accepté un contrat de sécurisation professionnelle, mettant fin à son contrat de travail. En août 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes pour contester la légitimité de son licenciement, demandant des dommages et intérêts.

Le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement fondé sur un motif économique, mais a accordé au salarié des rappels de salaire et des primes. Le salarié a interjeté appel, demandant la requalification de son licenciement en absence de cause réelle et sérieuse, ainsi qu’une indemnité de 85 666 euros. De son côté, la société a demandé la confirmation du jugement initial, arguant avoir respecté ses obligations de reclassement.

La cour d’appel a examiné les obligations de reclassement de l’employeur, stipulant que celui-ci doit prouver avoir effectué une recherche sérieuse de reclassement avant de procéder à un licenciement économique. La cour a constaté que le salarié n’avait pas reçu de propositions de reclassement, malgré l’existence de postes disponibles au sein du groupe. En conséquence, elle a infirmé le jugement initial sur ce point, déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour a également statué sur les demandes de prime de vacances et de rémunération variable, confirmant que le salarié avait droit à ces sommes. Finalement, elle a condamné la société à verser 42 000 euros au salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des intérêts et des frais de justice.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du licenciement économique dans cette affaire ?

Le licenciement économique est régi par l’article L.1233-4 du code du travail, qui stipule qu’un licenciement économique ne peut être justifié que s’il a été précédé d’une recherche effective et sérieuse de reclassement du salarié sur un emploi équivalent ou, à défaut, sur un emploi d’une catégorie inférieure avec l’accord exprès du salarié.

Cet article précise que l’obligation de reclassement est une obligation de moyen renforcée, s’imposant à l’employeur vis-à-vis de chaque salarié, indépendamment du nombre de salariés concernés.

Il est également mentionné que le périmètre de reclassement doit inclure l’ensemble de l’entreprise, et si celle-ci appartient à un groupe, le reclassement doit être recherché au sein de ce groupe.

Quel est le rôle de l’employeur dans la recherche de reclassement ?

L’employeur a l’obligation de prouver qu’il a satisfait à son obligation de reclassement. Cela implique qu’il doit démontrer qu’il a recherché des possibilités de reclassement au sein du groupe d’entreprises, en tenant compte des activités, de l’organisation et du lieu d’exploitation.

L’article L.1233-4 du code du travail précise que l’employeur doit adresser des offres de reclassement écrites et précises aux salariés concernés, ou diffuser une liste des postes disponibles.

Les offres doivent inclure des informations claires sur le poste proposé, y compris l’intitulé, la localisation, la nature du contrat et le niveau de rémunération.

Quel est le critère de validité des offres de reclassement ?

Les offres de reclassement doivent être précises et contenir des critères de départage clairs, comme le stipule l’article D1233-2-1 du code du travail. L’absence de mention des critères de départage peut rendre l’offre imprécise, privant ainsi le salarié des informations nécessaires pour prendre une décision éclairée.

Ces critères doivent être objectifs, non discriminatoires et suffisamment détaillés pour permettre aux salariés de se déterminer en toute connaissance de cause.

Quel est le montant de la prime de vacances selon la convention collective ?

L’article 31 de la convention collective nationale Syntec stipule que tous les salariés doivent bénéficier d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale d’indemnité de congés payés.

Cette prime doit être versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.

Le salarié a demandé un rappel de prime de vacances pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018, estimant que son bonus de salaire variable ne pouvait pas être considéré comme une prime de substitution.

Quels sont les critères de fixation de la rémunération variable ?

La rémunération variable doit être fondée sur des éléments objectifs, comme le précise le contrat de travail. Les objectifs peuvent être fixés unilatéralement par l’employeur, mais ils doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.

Si l’employeur ne respecte pas cette exigence de transparence, il est redevable de l’intégralité de la rémunération variable.

Le salarié a soutenu qu’il n’avait jamais eu connaissance des objectifs planifiés, ce qui justifie sa demande de paiement de la rémunération variable.

Quel est le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

L’article L.1235-3 du code du travail prévoit que le salarié a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans cette affaire, le salarié a demandé une indemnité de 85 666 euros, mais la cour a décidé de lui allouer 42 000 euros, tenant compte de son ancienneté, de son âge et des circonstances de la rupture.

La cour a également ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 31 MARS 2025

N° RG 22/01916 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VILZ

AFFAIRE :

[F] [H]

C/

S.A. SIERRA WIRELESS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 avril 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F20/00974

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anne-Sophie CARLUS

Me Audrey HINOUX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANT

Monsieur [F] [H]

né le 24 septembre 1973 à [Localité 5] (FRANCE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Anne-sophie CARLUS de la SELAS JDS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0028

****************

INTIMÉE

S.A. SIERRA WIRELESS

N° SIRET : 391 83 8 0 42

Prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Audrey HINOUX de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2477,

Plaidant : Me Lionel VUIDARD du LLP LINKLATERS LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J030

Substitué par : Me Fériel ALIOUCHOUCHE, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 janvier 2025 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente et Madame Florence SCHARRE, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Madame Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Greffier placé lors du prononcé : Madame Solène ESPINAT,

FAITS ET PROCÉDURE

La société SIERRA WIRELESS est une société anonyme (S.A) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Toulouse.

La société S.A SIERRA WIRELESS est spécialisée dans la conception, le développement et la commercialisation de modules cellulaires dans la région EMEA (Europe Middle East, Africa) à destination des équipementiers.

Elle emploie plus de 11 salariés, 154 au moment du licenciement et environ 1300 au niveau du groupe monde.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 22 février 2001, M. [F] [H] a été engagé par la société WAVECOM, aux droits de laquelle vient la société SIERRA WIRELESS SA, en qualité d’Ingénieur d’Etudes, statut cadre, à temps plein, à compter du 24 mai 2001.

Au dernier état de la relation de travail, M. [H] exerçait les fonctions d’Ingénieur Senior Développement Logiciel.

M.[H] fixe sa rémunération moyenne mensuelle brute à la somme de 5.908 euros comprenant une rémunération fixe mensuelle de 5.260,12 euros, à laquelle s’ajoutait une rémunération variable sur objectifs pouvant atteindre 5% de la rémunération annuelle fixe. La société SIERRA WIRELESS SA évalue le salaire mensuel brut à 5.454,07 euros correspondant à la moyenne sur les douze derniers mois.

La relation contractuelle était régie par les dispositions de la convention collective nationale des « Bureaux d’études techniques » dite SYNTEC.

La société SIERRA WIRELLESS SA a présenté le 29 avril 2019 un projet de restructuration comportant la suppression de 99 postes. Les salariés non protégés ont fait l’objet d’un licenciement pour motif économique à compter d’août 2019.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 08 août 2019, la société SIERRA WIRELESS SA a notifié à M. [F] [H] son licenciement pour motif économique, lui proposant d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Le salarié M. [F] [H] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), mettant fin à son contrat de travail, le 28 août 2019.

Par requête introductive reçue au greffe en date du 6 août 2020, M. [F] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande tendant à ce que son licenciement pour motif économique soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse, et à obtenir le versement de dommages et intérêts et de diverses sommes à titre de rappel de salaires.

Par jugement rendu le 21 avril 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a:

– Dit que le licenciement intervenu est fondé sur un motif économique,

– Fixé le salaire de M. [F] [H] à la somme brute de 5 908,00′,

– Condamné la SA SIERRA WIRELESS prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [F] [H] les sommes de :

. 618,59 ‘ au titre de rappel de prime de vacances,

. 1 963,29 ‘ au titre de rappel de salaire sur rémunération variable,

. 196,33 ‘ au titre d’indemnité de congés payés afférents au rappel sur prime variable,

. 1.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonné l’intérêt légal, avec capitalisation des intérêts, à compter de la saisine pour ce qui concerne les éléments de salaire et du prononcé du Jugement pour les autres sommes,

– Ordonné l’exécution provisoire selon l’article R1454-28 du code du travail MIS les dépens de l’instance à la charge de la SA SIERRA WIRELESS,

– Débouté M. [F] [H] du surplus de ses demandes,

La SA SIERRA WIRELESS du surplus de sa demande.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 17 juin 2022, M. [F] [H] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 décembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 17 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [F] [H], appelant et intimé à titre incident, demande à la cour de :

Sur l’appel principal de M. [F] [H] :

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 21 avril 2022 en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [F] [H] repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi,

Statuant à nouveau,

– Juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Par conséquent,

– Condamner la société SIERRA WIRELESS SA à lui verser la somme de 85.666 euros à titre de dommages et intérêts,

– Juger que cette condamnation portera intérêts au taux légal à compter du jour de la décision à intervenir,

– Ordonner la capitalisation des intérêts légaux en application de l’article 1343-2 du Code civil.

Sur l’appel incident de la société SIERRA WIRELESS SA :

– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a condamné la société SIERRA WIRELESS SA à verser à M. [F] [H] les sommes de :

. 618,59 euros à titre de rappel de prime de vacances,

. 1.963,29 euros à titre de rappel de salaire sur rémunération variable,

. 196,33 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents au rappel sur prime variable,

. 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– DEBOUTER en conséquence la société SIERRA WIRELESS SA de ses demandes,

– CONFIRMER encore le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en ce qu’il a :

* Ordonné l’intérêt légal, avec capitalisation des intérêts, à compter de la saisine pour ce qui concerne les éléments de salaire et du prononcé du jugement pour les autres sommes,

* Débouté la société SIERRA WIRELESS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* Mis les dépens d’instance à la charge de la société SIERRA WIRELESS.

– Débouter en conséquence la société SIERRA WIRELESS SA de ses demandes,

En tout état de cause :

– Condamner la société SIERRA WIRELESS SA à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner la société SIERRA WIRELESS SA aux entiers dépens.

– Débouter la société SIERRA WIRELESS SA de ses demandes à ce titre.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA 25 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société SIERRA WIRELESS SA, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du 21 avril 2022 du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit que licenciement intervenu est fondé sur un motif économique,

– Confirmer le jugement du 21 avril 2022 du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté M. [F] [H] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Confirmer le jugement du 21 avril 2022 du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté le Salarié de sa demande en réparation au titre de la perte du système d’attribution d’actions gratuites (RSU),

– Réformer le jugement du 21 avril 2022 du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :

* Condamné la société SIERRA WIRELESS à verser à M. [F] [H] les sommes suivantes :

. 618,59 euros au titre du rappel de primes de vacances prévue par la convention collective Syntec au titre de la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,

. 1.963,29 euros au titre du rappel de salaire sur rémunération variable 2017, 2018 et 2019,

. 196,33 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférents sur les rappels sur prime variable,

. 1.000 euros au titre du paiement au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

. Ordonné les intérêts et leur capitalisation sont dus à compter de la saisine sur les sommes de nature salariale et de la notification du jugement pour le solde,

* Ordonné que l’intérêt légal et leur capitalisation sont dus à compter de la saisine sur les sommes de nature salariale et du prononcé du jugement pour les autres sommes,

* Ordonné l’exécution provisoire sur les salaires et la délivrance des documents légaux,

* Fixé le salaire de M. [F] [H] à la somme mensuelle brute de 5.908 ‘,

* Laissé à la Société SIERRA WIRELESS SA la charge des dépens,

* Débouté la Société SIERRA WIRELESS SA de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

Sur les demandes relatives au paiement de rappels de prime de vacances prévue par la convention collective Syntec au titre de la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 :

– Infirmer le jugement déféré du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 21 avril 2022 en ce qu’il a fait droit aux demandes de M. [F] [H] tendant au paiement de rappels de prime de vacances prévue par la convention collective Syntec au titre de la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,

Statuant à nouveau :

– Juger que la Société SIERRA WIRELESS SA a procédé au paiement au profit de M. [F] [H] de primes en lieu et place de la prime de vacances prévue par la convention collective Syntec,

Par conséquent,

– Débouter M. [F] [H] de ses demandes tendant au paiement de rappel de prime de vacances prévue par la convention collective Syntec au titre de la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018.

Sur les demandes de M. [F] [H] relatives aux rappels de rémunération variable 2017, 2018 et 2019 :

– Infirmer le jugement déféré du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 21 avril 2022 en ce qu’il a fait droit aux demandes de M. [F] [H],

– Juger que l’ensemble des demandes de M. [F] [H] au titre des rappels de rémunération variable 2017, 2018 et 2019 et par suite, des rappels de congés payés afférents, sont infondées,

Par conséquent,

– Débouter M. [F] [H] de l’ensemble de ses demandes au titre des rappels de rémunération variable 2017, 2018 et 2019 et de rappels de congés payés afférents,

Sur les demandes de M. [F] [H] relatives à la rupture de son contrat de travail :

– Confirmer le jugement déféré du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 21 avril 2022 en ce qu’il a débouté M. [F] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Juger que le licenciement notifié à M. [F] [H] par la Société est justifié par des motifs valables et a été précédé par une recherche loyale de reclassement, caractérisant l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement,

En conséquence,

– Débouter M. [F] [H] de sa demande tendant au paiement d’une indemnisation à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la fixation de la rémunération brute mensuelle moyenne de M. [F] [H] :

– Fixer la rémunération brute mensuelle moyenne du Salarié à la somme de 5.454,07 ‘.

En tout état de cause :

– Débouter M. [F] [H] de l’ensemble de ses demandes et prétentions, en ce compris ses demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, de l’exécution provisoire, des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts,

– Condamner M. [F] [H] au paiement de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner M. [F] [H] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur le reclassement

L’article L.1233-4 du code du travail prévoit qu’un licenciement économique ne peut reposer sur une cause réelle et sérieuse que s’il a été précédé d’une recherche effective et sérieuse de reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure. Le non-respect prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, sauf à démontrer que l’employeur s’est trouvé dans l’impossibilité de reclasser le salarié.

L’obligation de reclassement est une obligation de moyen/renforcée, qui est une obligation de l’employeur vis-à-vis de chaque salarié. Elle s’impose quel que soit le nombre de salariés concernés, et même si un plan de sauvegarde de l’emploi a été établi. L’obligation de reclassement s’impose aussi en cas de plan de départs volontaires prévu dans un PSE, sans engagement de ne pas licencier si l’objectif de réduction des effectifs n’est pas atteint au moyen des ruptures amiables.

Selon l’article L.1233-4 du code du travail, le périmètre du reclassement interne est l’entreprise. Si le licenciement envisagé concerne un établissement d’une entreprise qui en compte plusieurs, c’est parmi les différents établissements que les possibilités de reclassement doivent être recherchées.

Si l’entreprise appartient à un groupe, le périmètre du reclassement interne est le groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu de travail ou d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel. La permutabilité du personnel peut être caractérisée soit par la constatation de ce que des salariés ont été effectivement mutés d’une entreprise vers l’autre, soit par la constatation de ce qu’il existe, entre les différentes entités du groupe, des liens qui, au regard de leurs activités, de leur organisation ou de leur lieu d’exploitation, leur permettent d’effectuer la permutation de leur personnel.

Il est constant que c’est à l’employeur qu’il incombe d’établir qu’il a satisfait à son obligation de reclassement. Il lui appartient donc de rechercher s’il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe, parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettant d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et à défaut, de justifier d’une impossibilité de reclassement.

L’ordonnance numéro 2017 ‘ 1387 du 22 septembre 2017 a sensiblement modifié les modalités de diffusion des offres de reclassement préalable au licenciement économique. Le texte de l’article L .1233 ‘ 4 a introduit la possibilité de diffuser collectivement une liste des postes disponibles. Il dispose que « l’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salariée ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés dans des conditions précitées par décret. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ». Les dispositions de l’article D1233 ‘2 ‘ 1 du même code prévoit le contenu de ces offres écrites qui doivent préciser : l’intitulé du poste et son descriptif , le nom de l’employeur , la nature du contrat de travail , la localisation du poste , le niveau de rémunération , la classification du poste. Le même texte ajoute : « En cas de diffusion d’une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise et les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie. La liste précise les critères de départage contre le salarié en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié peut présenter sa candidature écrite. Ce délai ne peut être inférieur à 15 jours francs à compter de la publication de la liste, sauf lorsque l’entreprise fait l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours francs à compter de la publication de la liste. L’absence de candidature écrite du salarié à l’issue du délai mentionné au deuxième alinéa vaut refus des offres »

L’absence de mention des critères de départage rend l’offre de reclassement imprécise en ce qu’elle ne fournit pas au salarié tous les éléments d’information nécessaires à leur réflexion et prise le licenciement de cause réelle et sérieuse. Les critères de départage doivent être définis préalablement à la diffusion des postes, mentionnés explicitement dans la liste, doivent être objectifs et non discriminatoires et suffisamment précis pour permettre aux salariés de ce texte de se déterminer en toute connaissance de cause.

M. [H] soutient que la société n’a pas satisfait à son obligation de reclassement. Il estime que dans le document unilatéral portant PSE, la société a fait le choix de mettre en ‘uvre son obligation de reclassement par l’envoi de propositions de reclassement personnalisées aux salariés concernés. Il indique n’avoir été destinataire d’aucune proposition de reclassement. Il soutient que l’existence d’une aide au reclassement individuel concernant le reclassement externe prévu au PSE ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement interne. Or la société avait identifié 10 postes disponibles au reclassement interne en France et a répondu sans en justifier qu’il n’existait pas d’autres postes. Le salarié soutient qu’il existait d’autres postes disponibles et en veut pour preuve la réunion du 22 mai 2019 du CSE. Lors de cette réunion, interrogé sur l’existence d’un nombre supérieur de poste figurant sur le site Internet de l’entreprise, le représentant de l’employeur indiquera qu’« ils ne sont pas compatibles en termes de compétences requises avec les postes supprimés ».

Le salarié estime qu’à la lecture du registre du personnel des sociétés Sierra Wireless SA et Sierra Wireless Solutions & Services, Mobiquithings du 27 novembre 2019, tous les postes disponibles n’ont pas été proposés au reclassement. Entre le 13 mai 2019 et le 1er octobre 2019 huit embauches sont intervenues sur ces deux dernières sociétés. Il fait valoir que la signature quelques jours avant le PSE de trois de ces postes ne peut être opposée par la société dans la mesure le PSE était en cours d’écriture. Il indique que la société ne justifie pas non plus en quoi deux des postes ne seraient pas conformes aux compétences du salarié alors que les postes pourvus le 7 août 2019 et le 19 août, 2 septembre, 1er octobre 2019 étaient des postes d’ingénieur développement logiciel et d’ingénieur expert développement logiciel exactement identiques à celui de M. [H], qui n’ont jamais été mis dans la liste proposée au salarié.

Le salarié conteste aussi l’absence de permutabilité évoquée par l’employeur, le salarié n’ayant jamais revendiqué un poste relevant de la catégorie System Engineering.

Le salarié soutient également que pour écarter sa candidature de la liste des 10 postes, la société a énoncé sans jamais l’établir qu’il ne disposait pas des compétences attendues pour les postes. Or, il produit son contrat de travail, la fiche de poste d’Ingénieur Senior Développeur Logiciel, son curriculum vitae, sa formation sur la programmation SQL et prétend que ces pièces démontrent contrairement aux allégations de l’employeur, qu’il disposait bien de compétences pour occuper le poste d’Ingénieur Senior Développement Logiciel Outils de test, notamment sur Linux, sur le debug software et test, sur le langage Python. Il reconnaît n’avoir pas les compétences dans le développement de bases de données mais indique que dans la fiche de poste cet item est juste considéré comme « un plus ».

La société estime avoir parfaitement rempli ses obligations en termes de reclassement interne et externe. Elle rappelle la décision d’homologation ayant validé le PSE et le travail en amont pour la mise en place du reclassement anticipé qui a été refusé par le CSE. Elle indique que 10 postes ont été listés en annexe du projet portant PSE et que de nombreuses réunions du CSE ont été effectuées sur ce point : Il a notamment été explicité les raisons pour lesquelles les salariés catégorie Directeur R&D ne pouvaient être reclassés dans des postes de la catégorie System Engineering qui nécessitaient des compétences en matière de gestion de la relation, des besoins du support client en plus des compétences techniques, cette polyvalence n’existant pas dans la première catégorie.

Elle en veut pour preuve le fait qu’une seule personne issue de la direction R&D en dix ans n’ait jamais eu l’occasion d’intégrer un tel poste de la catégorie System Engineering, ce changement de fonction imposant la modification du contrat de travail à voie d’avenant. L’employeur en conclut qu’il n’existait pas de permutabilité d’emploi entre les deux catégories.

La société estime en outre que malgré une formation, il a fallu jusqu’à deux ans pour que cette personne soit opérationnelle sur son poste et en conclut que ces reclassements ne pouvaient être envisageables après une formation des salariés.

Elle considère qu’après multiples recherches, elle n’a pas identifié de postes de reclassement disponibles pour M. [H], toute proposition nécessitant des formations excédant la simple adaptation à l’évolution de son emploi, impliquant l’acquisition de compétences de fond et d’expérience solides dans des domaines des technologies très spécifiques inenvisageable par le biais d’une simple formation complémentaire.

La cour constate en premier lieu que le groupe de reclassement ne fait pas débat et qu’il concerne les 4 entités du groupe France, soit les sociétés Sierra Wireless SA, Sierra Wireless Sas, Sierra Wireless Solutions & Services et la société MobiquiThings.

L’employeur conclut sur l’absence de permutabilité du personnel lorsqu’il évoque le reclassement des salariés issus de la direction R&D vers des postes proposées dans la catégorie Système Engineering. Toutefois ce moyen est inopérant dans la mesure où la permutabilité qui ressort des dispositions de l’article L 1233 ‘ 4 du code du travail est inhérente non pas aux catégories de salariés mais au personnel des entités du groupe de reclassement. Il n’est d’ailleurs pas contesté que les quatre sociétés actives en France forment un ensemble cohérent intervenant sur un seul et même secteur d’activité, le secteur des dispositifs et services liés à l’Internet des objets. Sur ce point, la liste des postes de reclassement proposé au sein du PSE permet d’établir la preuve de l’existence d’une permutabilité au sein du groupe puisque l’employeur lui-même propose aux salariés de Sierra Wireless SA des postes aussi bien dans la société Sierra Wireless Solutions & Services que la société MobiquiThings.

M.[H] a été licencié dans le cadre de ses fonctions au service R&D de la société Sierra Wireless SA. Avec une ancienneté de 18 années, il occupait en dernier lieu le poste d’Ingénieur Sénior Développement Logiciel position 2.2, coefficient 130. Il transmet son contrat de travail, la fiche de poste d’ingénieur senior développeur logiciel, son curriculum vitae, sa formation sur la programmation SQL permettant de déterminer les champs d’intervention dans le cadre de ses dernières fonctions.

La cour constate tout d’abord que le document portant PSE prévoit : « LA PROCÉDURE DE RECLASSEMENT INTERNE

1.3.1 PROPOSITIONS ECRITES

Dès lors qu’un poste disponible aura été identifié par les Ressources Humaines, au sein du Groupe en France, comme compatible avec les qualifications et compétences professionnelles du salarié ou susceptible d’être occupé par le salarié après une formation d’adaptation, les éventuelles propositions de reclassement interne seront adressées aux salariés de manière personnalisée, conformément aux articles L. 1233-4 et D. 1233-2-1 du Code du travail.

Lorsque l’emploi est proposé à un seul salarié et que ce salarié se positionne sur cet emploi, le

poste de reclassement est attribué au salarié au titre du reclassement interne, le cas échéant après une formation d’adaptation. En outre, si la proposition de reclassement implique une mobilité géographique, les salariés seront éligibles aux mesures d’accompagnement décrites ci-après pour leur permettre de découvrir le poste de reclassement envisagé et la faisabilité de leur mobilité sur le site d’accueil.

Les salariés disposeront d’un délai de15 jours calendaires à compter de la transmission de l’offre adressée par la Société pour faire connaître leur position par écrit aux Ressources Humaines.

A défaut de réponse dans le délai de 15 jours calendaires, la proposition de reclassement sera

réputée refusée par le collaborateur et le poste correspondant pourrait faire l’objet d’une

procédure de recrutement externe. »

M. [H] n’a été destinataire d’aucune proposition. À l’exception des postes de la catégorie System Engineering (non revendiqués par le salarié), la société qui transmet une partie des fiches de postes n’explicite pas pour autant les raisons particulières qui ont présidé à l’absence de propositions faites au salarié. L’attestation du directeur des ressources humaines fait état en termes très généraux des défaillances de compétences des 7 salariés appelants et leur incompatibilité à occuper l’ensemble des postes.

La cour constate pourtant que sur la liste des postes disponibles dans le PSE figure le poste d’Ingénieur Expert Senior Développement Logiciel et d’Ingénieur Senior Logiciel Embarqué. Ces deux postes sont par leur seule dénomination susceptibles d’être pourvus par M. [H]. Le salarié justifie par son curriculum vitae que le moyen invoqué par l’employeur concernant les défaillances dans ses compétences pour occuper ce poste est inopérant. Il produit la fiche de poste concernant le poste d’ingénieur expert senior développement logiciel. Il démontre contrairement aux allégations de l’employeur qu’il dispose des compétences concernant le langage Python, le langage C, le système d’exploitation Free RTOS, le logiciel Linux, que dans le cadre de ses fonctions de développeur logiciel pour l’applicative, il a développé des compétences en matière de débogage et de test. L’analyse de la fiche de poste en comparaison du curriculum vitae du salarié permet de retrouver les principaux items indispensables à l’occupation de ces fonctions.

A supposer que les postes listés dans le PSE aient déjà été pourvus, la société n’a transmis aucun élément sur les critères de départage. Le document relatif au PSE détermine ces critères de la manière suivante :

« MODALITES APPLICABLES AUX PROPOSITIONS SIMULTANEES D’OFFRES DE RECLASSEMENT INTERNE :

Afin d’optimiser les chances de mettre en adéquation les postes de reclassement interne

disponibles avec les souhaits professionnels de chacun des salariés concernés par un projet de licenciement, la même offre de reclassement pourra être faite simultanément à plusieurs salariés.

Si plusieurs salariés se positionnent dans le délai imparti sur la même offre de reclassement interne, une priorité serait donnée au salarié dont le profil professionnel (notamment les qualifications et compétences professionnelles du salarié) est le plus proche des caractéristiques du poste.

Ce profil serait notamment défini par :

‘ l’appartenance à la catégorie d’emploi dont relève le poste proposé,

‘ l’adéquation du niveau de responsabilité du poste proposé avec celui précédemment occupé par le salarié,

‘ l’adéquation de l’expérience et l’expertise acquises par le salarié avec les caractéristiques du poste à pourvoir, et l’évaluation professionnelle sur les 3 dernières années. ».

M. [H] qui n’a jamais reçu aucune proposition n’a jamais pu s’exprimer sur ces critères.

En dehors de la liste, il est justifié par les salariés qu’il existait des postes disponibles qui n’ont pas été proposés en reclassement au personnel licencié. Ainsi l’un d’eux a reçu une offre d’emploi parvenue sur son site LinkedIn qui prouve que le 1er octobre 2019, la société avait mandaté une agence de recrutement pour la recherche d’un développeur embarqué alors que ce poste n’était pas proposé en reclassement. La société soutient avoir gelé le recrutement mais n’en justifie pas.

Des postes non proposés au reclassement apparaissent également des registres du personnel concernant Sierra Wirelesst Solutions & Services, Mobiquithings communiqués. Ils démontrent que durant le PSE, des embauches sur des postes susceptibles d’être proposés en reclassement au salarié ont bien été effectuées par l’employeur. Lors de la tenue de la réunion d’information consultation du CSE le 22 mai 2019, l’employeur a déclaré que les postes existants qui n’étaient pas soumis au reclassement « ne sont pas compatibles en termes de compétences requises avec les postes supprimées ». Or il ne transmet aucun élément qui puisse en justifier.

Ainsi que le souligne à juste titre le salarié, la temporalité de ses embauches entre les mois de mai 2019 et octobre 2019 ne permet pas de considérer comme le soutient l’employeur, que les recrutements étaient bien antérieurs au début de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique sur le projet de restructuration ayant débuté à compter d’avril 2019. Par ailleurs, l’employeur ne peut sérieusement se prévaloir d’un côté que pour éviter les licenciements, il avait engagé un dispositif de reclassement interne anticipé et que ce dernier a été refusé par le CSE, alors que dans le même temps, les sociétés du groupe procédaient à des embauches sur des postes adaptés aux salariés licenciés (en l’espèce les postes d’ingénieur développement logiciel et d’ingénieur expert développement logiciel).

La cour relève donc que certains postes listés sur le PSE auraient dû être proposés au salarié, que l’employeur ne justifie pas des motifs ayant présidé au choix du refus de toute proposition écrite faite au salarié et que d’autres postes disponibles n’ont pas été proposés au reclassement.

La cour conclut à l’absence de respect par l’employeur de son obligation de reclassement et dit, par voie d’infirmation, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la prime de vacances

L’article 31 la convention collective nationale Syntec prévoit : « L’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale d’indemnité de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.

Toute prime ou gratification versée au cours d’année à divers titres, quelle qu’en soit la nature, peuvent être considérés comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10% prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre »

Au visa de cet article, M. [H] sur le fondement des dispositions conventionnelles sollicite un rappel de prime à hauteur de 618,59 ‘ pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018. Il ne conteste pas avoir obtenu cette prime de vacances pour la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019 à hauteur de 674,18 ‘. Il précise que son calcul est fondé sur une répartition égalitaire de la prime calculée sur le budget alloué par le nombre de salariés. Sa demande est évaluée sur la même base de calcul.

Il estime que son bonus issu de son salaire variable ne peut être une prime de substitution et produit une jurisprudence de la cour d’appel de Versailles. Il communique le compte rendu de la réunion du comité d’entreprise du 28 novembre 2017 qui a suivi cette décision judiciaire et prétend que le président de la société s’était engagé à mettre en place, sur la période 2017/2018, une prime de vacances conformes à l’arrêt. Sur la période considérée, il constate qu’aucun versement n’a été effectué à ce titre et en réclame le paiement.

La société demande l’infirmation du jugement prud’homal qui l’a condamnée à verser au salarié le rappel de prime de vacances.

L’employeur reconnaît avoir satisfait au versement de cette prime sur la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019. Il estime que pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018, la prime a été versée sur les mois d’août et novembre 2017 ainsi que février et mai 2018, qu’elle est d’un montant supérieur aux 10% conventionnels et correspond à un bonus sur la performance du groupe qui doit être assimilé à une prime de substitution telle que prévu à l’article 31. Elle fait valoir que l’URSSAF dans une lettre d’observation du 14 décembre 2018 a entériné le paiement de la prime de vacances par le biais d’une prime issue d’un programme de bonus. Elle produit à ce titre, les échanges du 11 et 14 septembre 2018 et sollicite l’infirmation du jugement.

La cour constate que figure sur les bulletins de salaire d’août/novembre 2017 et février/mai 2018 une prime EBP (Employee Bonus Program). Cette prime également versée en février 2019 n’est pas exclusive du paiement d’une prime vacances. Les deux primes diffèrent par leur nature puisqu’il s’agit d’une prime discrétionnaire pour l’une et d’un salaire variable pour l’autre contractuellement prévu dans le contrat de travail du salarié complété par avenant.

Or une prime d’objectifs prévue par le contrat de travail ne constitue pas une prime ou une gratification au sens de l’article 31 de la convention collective mais un complément de rémunération faisant partie du salaire du salarié. En conséquence, elle n’a pas à être prise en compte pour déterminer le droit du salarié au versement de la prime de vacances.

Par ces motifs, la prime de vacances est due pour les années 2017/2018 sur la même base de calcul que celle de 2019 et il sera en conséquence fait droit à la demande du salarié sur ce point et la décision prud’homale sera confirmée.

Sur le salaire variable 2017, 2018 et 2019

Une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération dès lors qu’elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, qu’elle ne fait pas porter le risque d’entreprise sur le salarié et n’a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels.

Les objectifs peuvent être fixés unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Les objectifs unilatéralement fixés par l’employeur peuvent être modifiés par l’employeur dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. A défaut le salarié peut prétendre au paiement de la rémunération variable.

Les paramètres ainsi que l’assiette de calcul de la rémunération variable doivent être portés à la connaissance du salarié. Lorsque le calcul des éléments de rémunération variable dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire Lorsque l’employeur ne respecte pas cette exigence de transparence, il est redevable de l’intégralité de la rémunération variable.

M. [H] indique que les salariés de la société bénéficiaient d’une rémunération variable trimestrielle appelée bonus EPB ou MBO, en tout ou partie assise sur des objectifs de performance du groupe et plus précisément « à partir du chiffre d’affaires et des résultats opérationnels réels du groupe par rapport au chiffre d’affaires et au résultat opérationnel planifié ». Il reconnaît avoir obtenu trimestriellement l’information du pourcentage d’atteinte de la performance du groupe mais n’avoir jamais connu les objectifs planifiés et la formule de calcul permettant l’évaluation de son bonus. Dans ces conditions, il demande la confirmation du jugement et la somme de 1963,29 ‘ et les congés payés afférents pour les exercices 2017, 2018 et 2019.

La société sollicite l’infirmation du jugement. Elle rappelle que pour la rémunération variable MBO, le calcul se fait sur la base d’objectifs individuels et des objectifs de performance du groupe. Pour la rémunération variable EBP, le calcul du variable se fait sur la base du chiffre d’affaires réel du groupe et du bénéfice d’exploitation réel du groupe. Elle soutient que sont communiqués aux salariés en début de période de référence, les objectifs applicables au plan de rémunération variable et produit en pièce 33 les documents de fixation d’objectifs de 14 salariés.

La cour constate que le document intitulé programme de bonus salarié prévoit que : « le programme de bonus salarié EBP (Employee Bonus Program ) est basé sur la performance du groupe Sierra Wireless, laquelle est calculée sur la base :

‘ du chiffre d’affaires réelles du groupe par rapport au plan prévisionnel de chiffre d’affaires,

‘ du bénéfice d’exploitation réelle du groupe par rapport au plan prévisionnel de bénéfice d’exploitation.

La réalisation de la performance du groupe est déterminée à la fin de chaque trimestre par le directeur général et approuvé par le comité ressource humaine du conseil d’administration.

Si le bénéfice d’exploitation trimestrielle est inférieur ou égal à zéro, le programme de bonus salarié aura alors un résultat nul.

Si tout ou partie des objectifs trimestriels de performance du groupe sont atteints, un bonus trimestriel est calculé et versé au salarié éligible.

La base de calcul du bonus représente 5 % du salaire de base trimestrielle pour tous les salariés concernés.

Le montant du bonus attribué proportionnel au coefficient d’atteinte de la performance du groupe sans excéder 5 % du salaire de base trimestrielle »

Au regard de ces dispositions, l’employeur se devait de transmettre aux salariés en début de période le coefficient d’atteinte de la performance du groupe mais également les éléments pour apprécier les motifs pour lesquels le variable alloué est nul ou partiellement attribué et donc les critères permettant d’évaluer la performance du groupe au regard des objectifs planifiés.

Rien dans les document transmis par l’employeur ne permet au salarié de pouvoir vérifier le variable qui lui est alloué en fonction des performances du groupe la société. Aucune fiche de calcul, aucun prévisionnel, ni aucune pièce transmise au salarié n’est communiqué.

En conséquence le salarié qui fournit le détail de ses calculs par trimestre est bien fondé à solliciter l’intégralité du bonus et il sera fait droit à sa demande et aux congés payés afférents, par voie de confirmation du jugement entrepris.

Sur l’indemnité liée à la rupture

La rémunération moyenne mensuelle brute, fixe et majorée du variable, est déterminée par M. [H] à la somme de 5908 euros. La société SIERRA WIRELESS l’évalue à 5 454,07 euros sur les douze derniers mois.

En application des dispositions de l’article L 1234 ‘ 9 du code du travail et des bulletins de salaire versés aux débats, il y a lieu de fixer le salaire moyen mensuel brut à hauteur de 5 908 euros.

M. [H] est âgé de 45 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 18 années dans la société et sollicite la somme de 85 666 ‘ en application des dispositions de l’article 1235 ‘ 3 du code du travail.

La société invoque l’absence de tout préjudice dans la mesure où à la suite du PSE, le salarié a perçu une indemnité complémentaire de licenciement en plus de son indemnité conventionnelle de licenciement, qu’il a opté pour une reconversion professionnelle et a suivi une formation de développeur Web à partir de juillet 2020 et est devenu développeur Web Backend en free-lance à compter d’avril 2021 puis dans une société depuis septembre 2021.

En application des dispositions de l’article L 1235 ‘ 3 du code du travail, le salarié est fondé en sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En tenant compte notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge lors de la rupture, de son ancienneté, de ce qu’il a retrouvé un emploi en 2021, et des conséquences du licenciement à son égard, il convient de lui allouer en réparation du préjudice causé par la rupture la somme de 42 000 ‘, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera en outre ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 21 avril 2022 sauf en ce qu’il a considéré que le licenciement était justement fondé et sauf en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit que le licenciement économique de M. [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de reclassement ;

CONDAMNE la société Sierra Wireless SA à payer à M. [H] la somme de 42 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE la société Sierra Wireless SA à payer à M. [H] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties pour le surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Sierra Wireless SA aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère, pour la Présidente empêchée et par Madame Solène ESPINAT, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière placée, Pour la Présidente,


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