Licenciement économique et obligation de reclassement : enjeux et conséquences.

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Licenciement économique et obligation de reclassement : enjeux et conséquences.

Obligation de reclassement

L’article L.1233-4 du Code du travail impose à l’employeur de rechercher des possibilités de reclassement pour un salarié avant de procéder à un licenciement économique. Cette obligation est une obligation de moyen renforcée, s’appliquant à chaque salarié, indépendamment du nombre de licenciements envisagés. Le non-respect de cette obligation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, sauf si l’employeur prouve qu’il était dans l’impossibilité de reclasser le salarié.

Permutabilité du personnel

Le périmètre de reclassement doit inclure non seulement l’entreprise, mais également les autres entités du groupe lorsque cela est possible. L’article L.1233-4 stipule que la permutabilité du personnel doit être caractérisée par des éléments concrets, tels que des mutations antérieures entre les entités du groupe. L’employeur doit prouver qu’il a satisfait à cette obligation de reclassement.

Critères de départage

Les offres de reclassement doivent être précises et inclure des critères de départage clairs, conformément à l’article D1233-2-1 du Code du travail. L’absence de mention de ces critères rend l’offre imprécise et peut entraîner la requalification du licenciement.

Prime de vacances

L’article 31 de la convention collective nationale Syntec stipule que tous les salariés doivent bénéficier d’une prime de vacances d’au moins 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés. Les primes versées au titre de la rémunération variable ne peuvent pas être considérées comme des primes de vacances.

Rémunération variable

La rémunération variable doit être fondée sur des éléments objectifs et portés à la connaissance du salarié, conformément aux principes de transparence. Si l’employeur ne respecte pas cette exigence, il est redevable de l’intégralité de la rémunération variable.

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L.1235-3 du Code du travail prévoit que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit tenir compte de divers facteurs, tels que l’ancienneté, l’âge du salarié et les circonstances de la rupture. La cour peut également ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du Code civil.

L’Essentiel : L’article L.1233-4 du Code du travail impose à l’employeur de rechercher des possibilités de reclassement pour un salarié avant un licenciement économique. Cette obligation s’applique à chaque salarié, indépendamment du nombre de licenciements envisagés. Le non-respect de cette obligation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, sauf si l’employeur prouve son impossibilité de reclassement. Le périmètre de reclassement doit inclure l’entreprise et les autres entités du groupe lorsque cela est possible.
Résumé de l’affaire : La société SIERRA WIRELESS, spécialisée dans la conception de modules cellulaires, a engagé un salarié en qualité d’Ingénieur Conception ASIC en 2007. Après plusieurs années, ce salarié a été promu Ingénieur Expert Sénior. En avril 2019, la société a annoncé une restructuration entraînant la suppression de 99 postes, dont celui du salarié, qui a été licencié pour motif économique en août 2019. Ce dernier a accepté un contrat de sécurisation professionnelle, mettant fin à son contrat de travail.

En août 2020, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour contester la légitimité de son licenciement, demandant des dommages et intérêts. Le jugement du 21 avril 2022 a reconnu le licenciement comme fondé sur un motif économique, mais a également condamné la société à verser des rappels de salaire et d’autres sommes. Le salarié a interjeté appel, demandant la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ses conclusions, le salarié a soutenu que la société n’avait pas respecté son obligation de reclassement, n’ayant pas proposé de postes adaptés à ses compétences. La société a, de son côté, affirmé avoir respecté cette obligation, en justifiant l’absence de reclassement par des raisons de compatibilité des compétences.

La cour a finalement infirmé le jugement initial concernant la légitimité du licenciement, concluant à l’absence de cause réelle et sérieuse en raison du non-respect de l’obligation de reclassement. Elle a condamné la société à verser au salarié une indemnité de 48 000 euros, ainsi que des intérêts, tout en confirmant certaines condamnations antérieures. La cour a également statué sur des demandes de primes et de rappels de salaire, en faveur du salarié.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du licenciement économique dans cette affaire ?

Le licenciement économique est fondé sur l’article L.1233-4 du code du travail, qui stipule qu’un licenciement économique ne peut être justifié que s’il a été précédé d’une recherche effective et sérieuse de reclassement du salarié sur un emploi équivalent ou, à défaut, sur un emploi d’une catégorie inférieure avec l’accord exprès du salarié.

Cette obligation de reclassement est une obligation de moyen renforcée, s’appliquant à chaque salarié, indépendamment du nombre de licenciements envisagés. L’employeur doit démontrer qu’il a satisfait à cette obligation, notamment en justifiant de l’impossibilité de reclasser le salarié.

Quel est le rôle de la convention collective dans la détermination des droits du salarié ?

La convention collective nationale des « Bureaux d’études techniques » dite SYNTEC, régissant la relation de travail, précise les droits des salariés, notamment en matière de primes et de rémunération. L’article 31 de cette convention stipule que tous les salariés bénéficient d’une prime de vacances d’au moins 10 % de la masse globale d’indemnité de congés payés.

Cette prime doit être versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre. Le salarié a donc le droit de réclamer un rappel de prime de vacances si les conditions de versement ne sont pas respectées.

Quel est le critère de fixation de la rémunération brute mensuelle dans cette affaire ?

La rémunération brute mensuelle est fixée selon l’article L.1234-9 du code du travail, qui stipule que le salaire moyen doit être déterminé en tenant compte des bulletins de salaire versés. Dans cette affaire, le salarié a évalué sa rémunération à 7 098 euros, tandis que l’employeur l’a fixée à 6 552,54 euros.

La cour a retenu le montant de 7 098 euros, considérant que ce chiffre reflète la réalité de la rémunération perçue par le salarié, en tenant compte des éléments de salaire fixe et variable.

Quel est le principe de l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

L’article L.1235-3 du code du travail prévoit que le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité. Cette indemnité doit être déterminée en fonction de plusieurs critères, notamment l’ancienneté, l’âge du salarié, et les circonstances de la rupture.

Dans cette affaire, le salarié a été indemnisé à hauteur de 48 000 euros, en tenant compte de son ancienneté de près de 12 ans et de son âge de 51 ans, ainsi que des conséquences du licenciement sur sa situation professionnelle.

Quel est l’impact de l’absence de reclassement sur la validité du licenciement ?

L’absence de reclassement constitue un manquement à l’obligation de l’employeur, rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Selon l’article L.1233-4 du code du travail, si l’employeur ne peut prouver qu’il a respecté son obligation de reclassement, le licenciement est considéré comme injustifié.

Dans cette affaire, la cour a conclu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de propositions de reclassement au salarié, ce qui a conduit à l’annulation du licenciement et à l’octroi d’une indemnité au salarié.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

Chambre sociale 4-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 31 MARS 2025

N° RG 22/01914 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VILV

AFFAIRE :

[U] [N]

C/

S.A. SIERRA WIRELESS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 avril 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F20/00966

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anne-sophie CARLUS

Me Audrey HINOUX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANT

Monsieur [U] [N]

né le 02 mai 1968 à [Localité 5] (FRANCE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Anne-sophie CARLUS de la SELAS JDS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0028

****************

INTIMÉE

S.A. SIERRA WIRELESS

N° SIRET : 391 83 8 0 42

Prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Audrey HINOUX de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2477,

Plaidant : Me Lionel VUIDARD du LLP LINKLATERS LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J030

Substitué par : Me Fériel ALIOUCHOUCHE, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 janvier 2025 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, présidente et Madame Florence SCHARRE, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Madame Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Greffier placé lors du prononcé : Madame Solène ESPINAT,

FAITS ET PROCEDURE

La société SIERRA WIRELESS est une société anonyme (S.A) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Toulouse.

La société S.A SIERRA WIRELESS est spécialisée dans la conception, le développement et la commercialisation de modules cellulaires dans la région EMEA (Europe Middle East, Africa) à destination des équipementiers.

Elle emploie plus de 11 salariés154 au moment du licenciement et environ 1300 au niveau du groupe monde.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 juin 2007, M. [U] [N] a été engagé par la société WAVECOM, aux droits de laquelle vient la société SIERRA WIRELESS SA, en qualité de Ingénieur Conception ASIC, statut cadre, à temps plein, à compter du 10 septembre 2007.

Au dernier état de la relation de travail, M. [U] [N] exerçait les fonctions d’Ingénieur Expert Sénior, Système.

Au vu de sa rémunération fixe mensuelle de 6.642,13 euros, à laquelle s’ajoutait une rémunération variable sur objectifs pouvant atteindre 10% de la rémunération annuelle fixe, M. [N] évalue sa rémunération moyenne mensuelle brute à la somme de 7.048 euros. La société SIERRA WIRELESS SA fixe le salaire mensuel brut de M. [N] à 6.552,54 ‘ correspondant à la moyenne sur les douze derniers mois.

La relation contractuelle était régie par les dispositions de la convention collective nationale des « Bureaux d’études techniques » dite SYNTEC.

La société SIERRA WIRELLESS SA a présenté le 29 avril 2019 un projet de restructuration comportant la suppression de 99 postes. Les salariés non protégés ont fait l’objet d’un licenciement pour motif économique à compter d’août 2019.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 08 août 2019, la société SIERRA WIRELESS SA a notifié à M. [N] son licenciement pour motif économique, lui proposant d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

M. [N] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, mettant fin à son contrat de travail, le 31 août 2019.

Par requête introductive reçue au greffe en date du 6 août 2020, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande tendant à ce que son licenciement pour motif économique soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le versement de dommages et intérêts et de diverses sommes à titre de rappel de salaires.

Par jugement rendu le 21 avril 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a:

– Dit que le licenciement intervenu est fondé sur un motif économique,

– Fixé le salaire de M. [U] [N] à la somme brute de 7 098,00 ‘,

– Condamné la SA SIERRA WIRELESS prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [U] [N] les sommes de :

. 618,59 ‘ au titre de rappel de prime de vacances,

. 3 624,70 ‘ au titre de rappel de salaire sur rémunération variable,

. 362,47 ‘ au titre d’indemnité de congés payés afférents au rappel sur prime variable,

. 1.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonné

L’intérêt légal, avec capitalisation des intérêts, à compter de la saisine pour ce qui concerne les éléments de salaire et du prononcé du Jugement pour les autres sommes,

L’exécution provisoire selon l’article R1454-28 du code du travail,

– Mis les dépens de l’instance à la charge de la SA SIERRA WIRELESS,

– Débouté M. [U] [N] du surplus de ses demandes et la SA SIERRA WIRELESS du surplus de sa demande.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 17 juin 2022, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 décembre 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 17 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [U] [N], appelante et intimé à titre incident, demande à la cour de :

Sur l’appel principal de M. [U] [N] :

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 21 avril 2022 en ce qu’il a dit que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et l’a en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts subséquente,

Statuant à nouveau,

– Juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Par conséquent,

– Condamner la société SIERRA WIRELESS SA à lui verser la somme de 74.529 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Juger que l’ensemble de ces condamnations portera intérêts au taux légal à compter du jour de la décision à intervenir,

– Ordonner la capitalisation des intérêts légaux en application de l’article 1343-2 du Code civil

Sur l’appel incident de la société SIERRA WIRELESS SA :

– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a condamné la société SIERRA WIRELESS SA à verser à M. [U] [N] les sommes de :

. 618,59 euros à titre de rappel de prime de vacances,

. 3.624,70 euros à titre de rappel de salaire sur rémunération variable,

. 362,47 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents au rappel sur prime variable,

. 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Débouter en conséquence la société SIERRA WIRELESS SA de ses demandes,

– Confirmer encore le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en ce qu’il a :

*Ordonné l’intérêt légal, avec capitalisation des intérêts, à compter de la saisine pour ce qui concerne les éléments de salaire et du prononcé du jugement pour les autres sommes,

* Débouté la société SIERRA WIRELESS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* Mis les dépens d’instance à la charge de la société SIERRA WIRELESS. DEBOUTER en conséquence la société SIERRA WIRELESS SA de ses demandes,

En tout état de cause :

– Condamner la société SIERRA WIRELESS SA à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner la société SIERRA WIRELESS SA aux entiers dépens.

– Débouter la société SIERRA WIRELESS SA de ses demandes à ce titre.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 25 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société SIERRA WIRELESS SA, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du 21 avril 2022 du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit que licenciement intervenu est fondé sur un motif économique,

– Confirmer le jugement du 21 avril 2022 du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté M. [U] [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– REFORMER le jugement du 21 avril 2022 du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :

* Condamné la société SIERRA WIRELESS à verser à M. [Y] [R] les sommes suivantes :

. 618,59 euros au titre du rappel de primes de vacances prévue par la convention collective Syntec au titre de la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,

. 3.624,70 euros au titre du rappel de salaire sur rémunération variable 2017, 2018 et 2019,

. 362,47 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférents sur les rappels sur prime variable,

. 1.000 euros au titre du paiement au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

. Ordonne les intérêts et leur capitalisation sont dus à compter de la saisine sur les sommes de nature salariale et de la notification du jugement pour le solde,

* Ordonné que l’intérêt légal et leur capitalisation sont dus à compter de la saisine sur les sommes de nature salariale et du prononcé du jugement pour les autres sommes,

* Ordonné l’exécution provisoire sur les salaires et la délivrance des documents légaux,

* Fixé le salaire de M. [U] [N] à la somme mensuelle brute de 7.098 ‘,

* Laissé à la Société SIERRA WIRELESS SA la charge des dépens,

* Débouté la Société SIERRA WIRELESS SA de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

Sur les demandes relatives au paiement de rappels de prime de vacances prévue par la convention collective Syntec au titre de la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 :

– Infirmer le jugement déféré du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 21 avril 2022 en ce qu’il a fait droit aux demandes de M. [U] [N] tendant au paiement de rappels de prime de vacances prévue par la convention collective Syntec au titre de la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,

Statuant à nouveau :

– Juger que la Société SIERRA WIRELESS SA a procédé au paiement au profit de M. [U] [N] de primes en lieu et place de la prime de vacances prévue par la convention collective Syntec,

Par conséquent,

– Débouter M. [U] [N] de ses demandes tendant au paiement de rappel de prime de vacances prévue par la convention collective Syntec au titre de la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,

Sur les demandes de M. [U] [N] relatives aux rappels de rémunération variable 2017, 2018 et 2019 :

– Infirmer le jugement déféré du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 21 avril 2022 en ce qu’il a fait droit aux demandes de M. [U] [N] au titre des rappels de rémunération variable 2017, 2018 et 2019 et par suite, des rappels de congés payés afférents,

– Juger que l’ensemble des demandes de M. [U] [N] au titre des rappels de rémunération variable 2017, 2018 et 2019 et de rappels de congés payés afférents sont infondées,

Par conséquent,

– Débouter M. [U] [N] de l’ensemble de ses demandes au titre des rappels de rémunération variable 2017, 2018 et 2019 et de rappels de congés payés afférents,

Sur les demandes de M. [U] [N] relatives à la rupture de son contrat de travail :

– Confirmer le jugement déféré du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 21 avril 2022 en ce qu’il a débouté M. [U] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Juger que le licenciement notifié à M. [U] [N] par la Société est justifié par des motifs valables et a été précédé par une recherche loyale de reclassement, caractérisant l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement,

Par conséquent,

– Débouter M. [U] [N] de sa demande tendant au paiement d’une indemnisation à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la fixation de la rémunération brute mensuelle moyenne de M. [U] [N] :

– Fixer la rémunération brute mensuelle moyenne de M. [U] [N] à la somme de 6.552,54 ‘.

En tout état de cause :

– Débouter M. [U] [N] de l’ensemble de ses demandes et prétentions, en ce compris ses demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, de l’exécution provisoire, des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts,

– Condamner M. [U] [N] au paiement de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner M. [U] [N] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur le reclassement

L’article L.1233-4 du code du travail prévoit qu’un licenciement économique ne peut reposer sur une cause réelle et sérieuse que s’il a été précédé d’une recherche effective et sérieuse de reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure. Le non-respect prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, sauf à démontrer que l’employeur s’est trouvé dans l’impossibilité de reclasser le salarié.

L’obligation de reclassement est une obligation de moyen/renforcée, qui est une obligation de l’employeur vis-à-vis de chaque salarié. Elle s’impose quel que soit le nombre de salariés concernés, et même si un plan de sauvegarde de l’emploi a été établi. L’obligation de reclassement s’impose aussi en cas de plan de départs volontaires prévu dans un PSE, sans engagement de ne pas licencier si l’objectif de réduction des effectifs n’est pas atteint au moyen des ruptures amiables.

Selon l’article L.1233-4 du code du travail, le périmètre du reclassement interne est l’entreprise. Si le licenciement envisagé concerne un établissement d’une entreprise qui en compte plusieurs, c’est parmi les différents établissements que les possibilités de reclassement doivent être recherchées.

Si l’entreprise appartient à un groupe, le périmètre du reclassement interne est le groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu de travail ou d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel. La permutabilité du personnel peut être caractérisée soit par la constatation de ce que des salariés ont été effectivement mutés d’une entreprise vers l’autre, soit par la constatation de ce qu’il existe, entre les différentes entités du groupe, des liens qui, au regard de leurs activités, de leur organisation ou de leur lieu d’exploitation, leur permettent d’effectuer la permutation de leur personnel.

Il est constant que c’est à l’employeur qu’il incombe d’établir qu’il a satisfait à son obligation de reclassement. Il lui appartient donc de rechercher s’il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe, parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettant d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et à défaut, de justifier d’une impossibilité de reclassement.

L’ordonnance numéro 2017 ‘ 1387 du 22 septembre 2017 a sensiblement modifié les modalités de diffusion des offres de reclassement préalable au licenciement économique. Le texte de l’article L.1233’ 4 a introduit la possibilité de diffuser collectivement une liste des postes disponibles. Il dispose que « l’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salariée ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés dans des conditions précitées par décret. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ». Les dispositions de l’article D1233 ‘2 ‘ 1 du même code prévoit le contenu de ces offres écrites qui doivent préciser : l’intitulé du poste et son descriptif , le nom de l’employeur , la nature du contrat de travail , la localisation du poste , le niveau de rémunération , la classification du poste. Le même texte ajoute : « En cas de diffusion d’une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise et les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie. La liste précise les critères de départage contre le salarié en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié peut présenter sa candidature écrite. Ce délai ne peut être inférieur à 15 jours francs à compter de la publication de la liste, sauf lorsque l’entreprise fait l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours francs à compter de la publication de la liste. L’absence de candidature écrite du salarié à l’issue du délai mentionné au deuxième alinéa vaut refus des offres »

L’absence de mention des critères de départage rend l’offre de reclassement imprécise en ce qu’elle ne fournit pas au salarié tous les éléments d’information nécessaires à leur réflexion et prise le licenciement de cause réelle et sérieuse. Les critères de départage doivent être définis préalablement à la diffusion des postes, mentionnés explicitement dans la liste, doivent être objectifs et non discriminatoires et suffisamment précis pour permettre aux salariés de ce texte de se déterminer en toute connaissance de cause.

Monsieur [N] soutient que la société n’a pas satisfait à son obligation de reclassement. Il estime que dans le document unilatéral portant PSE, la société a fait le choix de mettre en ‘uvre son obligation de reclassement par l’envoi de propositions de reclassement personnalisées aux salariés concernés. Il indique n’avoir été destinataire d’aucune proposition de reclassement. Il soutient que l’existence d’une aide au reclassement individuel concernant le reclassement externe prévu au PSE ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement interne. Or la société avait identifié 10 postes disponibles au reclassement interne en France et a répondu sans en justifier qu’il n’existait pas d’autres postes. Le salarié soutient qu’il existait d’autres postes disponibles et en veut pour preuve la réunion du 22 mai 2019 du CSE. Lors de cette réunion, interrogé sur l’existence d’un nombre supérieur de poste figurant sur le site Internet de l’entreprise, le représentant de l’employeur indiquera qu’« ils ne sont pas compatibles en termes de compétences requises avec des postes supprimées ».

Le salarié estime qu’à la lecture du registre du personnel des sociétés Sierra Wireless SA et Sierra Wirelesst Solutions & Services, Mobiquithings du 27 novembre 2019, tous les postes disponibles n’ont pas été proposés au reclassement. Entre le 13 mai 2019 et le 1er octobre 2019 huit embauches sont intervenues sur ces deux dernières sociétés. Il fait valoir que la signature quelques jours avant le PSE de trois de ces postes ne peut être opposée par la société dans la mesure le PSE était en cours d’écriture. Il indique que la société ne justifie pas non plus en quoi ces postes ne seraient pas conformes aux compétences du salarié alors que le poste pourvu le 21 octobre 2019 était un poste d’ingénieur expert senior réseau et qu’il était susceptible également d’occuper le poste d’ingénieur expert développement logiciel correspondant à une embauche du 7 août 2019 et qui n’ont jamais été proposés au salarié.

Le salarié conteste aussi l’absence de permutabilité évoquée par l’employeur, le salarié n’ayant jamais revendiqué un poste relevant de la catégorie System Engineering.

Le salarié soutient également que pour écarter sa candidature de la liste des 10 postes, la société a énoncé sans jamais l’établir qu’il ne disposait pas des compétences attendues pour chacun des postes. Or il produit son contrat de travail et les avenants, notamment celui du 16 mars 2019 aux termes duquel il devient Ingénieur Expert Senior Système, la fiche de poste et le courrier de reclassement adressé à Monsieur [L] concernant le poste d’ingénieur senior développeur logiciel outil. Il prétend que ces pièces démontrent contrairement aux allégations de l’employeur, qu’il disposait bien des compétences pour occuper ce poste qui aurait dû lui être proposé.

Il explique avoir contribué au développement du logiciel de vérification pour les circuits intégrés (langage C) puis à partir de 2015, à l’industrialisation des composants 2G et son évolution vers le module 4G, en utilisant des compétences notamment sur le langage Python et des commandes AT. Le salarié fait valoir qu’au regard de la description des fonctions d’Ingénieur Senior Développement Logiciel Outil dont il a obtenu la fiche de poste, il disposait à la fois la formation initiale, l’expérience et les connaissances techniques sollicitées, concernant notamment les protocoles 2G/3G/4G et le développement en langage Python.

Il estime qu’il disposait de l’ensemble des compétences requises pour ce poste et qui aurait dû lui être proposé d’autant que Monsieur [L] travaillait dans le même service que lui mais sur un secteur avec beaucoup moins de développement logiciel mais se trouvait être un élu au CSE. Il estime également que sur les postes d’ingénieur expert senior développement logiciel ou ingénieur, il disposait aussi de l’ensemble des compétences et qu’il aurait dû être sollicité pour occuper ces postes de catégorie inférieure qu’il aurait accepté.

La société estime avoir parfaitement rempli ses obligations en termes de reclassement interne et externe. Elle rappelle la décision d’homologation ayant validé le PSE et le travail en amont pour la mise en place du reclassement anticipé qui a été refusé par le CSE. Elle indique que 10 postes ont été listés en annexe du projet portant PSE et que de nombreuses réunions du CSE ont été effectuées sur ce point : il a notamment été explicité les raisons pour lesquelles les salariés catégorie directeurs R&D ne pouvaient être reclassé dans des postes de de la catégorie System Engineering qui nécessitaient des compétences en matière de gestion de la relation, des besoins du support client en plus des compétences techniques, cette polyvalence n’existant pas dans la première catégorie.

Elle en veut pour preuve le fait qu’une seule personne issue de la direction R&D en dix ans n’ait jamais eu l’occasion d’intégrer un tel poste de la catégorie System Engineering, ce changement de fonction nécessitant la modification du contrat de travail à voie d’avenant. L’employeur en conclut qu’il n’existait pas de permutabilité d’emploi entre les deux catégories.

Elle estime en outre que malgré une formation, il a fallu jusqu’à deux ans pour que cette personne soit opérationnelle sur son poste et ont conclu que ces reclassements ne pouvaient être envisageables après une formation des salariés.

Elle considère qu’après multiples recherches, elle n’a pas identifié de postes de reclassement disponibles pour M. [N], toute proposition nécessitant des formations excédant la simple adaptation à l’évolution de son emploi, impliquant l’acquisition de compétences de fond et d’expérience solides dans des domaines des technologies très spécifiques inenvisageable par le biais d’une simple formation complémentaire.

La cour constate en premier lieu que le groupe de reclassement ne fait pas débat et qu’il concerne les 4 entités du groupe France, soit les sociétés Sierra Wireless SA, Sierra Wireless Sas, Sierra Wireless Solutions & Services et la société MobiquiThings.

L’employeur conclut sur l’absence de permutabilité du personnel lorsqu’il évoque le reclassement des salariés issus de la Direction R&D vers des postes proposés dans la catégorie Système Engineering. Toutefois ce moyen est inopérant dans la mesure où la permutabilité qui ressort des dispositions de l’article L 1233 ‘ 4 du code du travail est inhérente non pas aux catégories de salariés mais au personnel des entités du groupe de reclassement. Il n’est d’ailleurs pas contesté que les quatre sociétés actives en France forment un ensemble cohérent intervenant sur un seul et même secteur d’activité, le secteur des dispositifs et services liés à l’Internet des objets. Sur ce point, la liste des postes de reclassement proposés au sein du PSE permet d’établir la preuve de l’existence d’une permutabilité au sein du groupe puisque l’employeur lui-même offre aux salariés de Sierra Wireless SA des postes aussi bien dans la société Sierra Wireless Solutions & Services que la société MobiquiThings.

M. [N] a été licencié dans le cadre de ses fonctions au service R&D de la société Sierra Wireless SA. Avec une ancienneté de près de 12 années, il occupait en dernier lieu le poste d’Ingénieur Expert Senior, système position 2.3, coefficient 150. Il transmet son contrat de travail et les avenants notamment celui du 16 mars 2019 aux termes duquel il devient ingénieur expert senior système, la fiche de poste et le courrier de reclassement adressé à Monsieur [L] concernant le poste d’ingénieur senior développeur logiciel outil.

La cour constate tout d’abord que le document portant PSE prévoit : « LA PROCEDURE DE RECLASSEMENT INTERNE

1.3.1 PROPOSITIONS ECRITES

Dès lors qu’un poste disponible aura été identifié par les Ressources Humaines, au sein du Groupe en France, comme compatible avec les qualifications et compétences professionnelles du salarié ou susceptible d’être occupé par le salarié après une formation d’adaptation, les éventuelles propositions de reclassement interne seront adressées aux salariés de manière personnalisée, conformément aux articles L. 1233-4 et D. 1233-2-1 du Code du travail.

Lorsque l’emploi est proposé à un seul salarié et que ce salarié se positionne sur cet emploi, le

poste de reclassement est attribué au salarié au titre du reclassement interne, le cas échéant après une formation d’adaptation. En outre, si la proposition de reclassement implique une mobilité géographique, les salariés seront éligibles aux mesures d’accompagnement décrites ci-après pour leur permettre de découvrir le poste de reclassement envisagé et la faisabilité de leur mobilité sur le site d’accueil.

Les salariés disposeront d’un délai de15 jours calendaires à compter de la transmission de l’offre adressée par la Société pour faire connaître leur position par écrit aux Ressources Humaines.

A défaut de réponse dans le délai de 15 jours calendaires, la proposition de reclassement sera

réputée refusée par le collaborateur et le poste correspondant pourrait faire l’objet d’une

procédure de recrutement externe. »

M. [N] n’a été destinataire d’aucune proposition. À l’exception des postes de la catégorie System Engineering (non revendiqués par le salarié) la société qui transmet une partie des fiches de postes n’explicite pas pour autant les raisons particulières qui ont présidé à l’absence de propositions faites au salarié. L’attestation du directeur des ressources humaines fait état en termes très généraux des défaillances de compétences du salarié et de son incompatibilité à occuper l’ensemble des postes.

La cour constate pourtant que sur la liste des postes disponibles dans le PSE figure le poste de d’Ingénieur Senior Développement Logiciel Outil. L’employeur indique que le salarié n’établit pas avoir l’expérience requise dans le domaine du test/débogage de logiciel, de l’environnement Linux et du versioning de logiciel et du langage de script comme Python. Outre le fait que la charge de la preuve dans le cadre de l’obligation de reclassement n’appartient pas au salarié, ce dernier dispose d’une expérience de plus de 11 ans au sein de la société, a acquis en 2019 la qualité d’Expert Senior Système.

Dès lors que l’employeur ne fournit pas la fiche de poste concernant le salarié, ce dernier est bien fondé à démontrer que les fonctions qu’il exerce sont compatibles avec le poste soumis au reclassement à Monsieur [L]. Outre le fait que l’intitulé du poste couvre les mêmes compétences (M. [N] est ingénieur expert senior système et revendique le poste d’ingénieur senior développeur logiciel outil) la description qu’il donne de ses compétences et des outils qu’il maîtrise, ne fait l’objet d’aucune preuve contraire de la part de l’employeur.

A supposer que les postes listés dans le PSE aient déjà été pourvus, la société n’a transmis aucun élément sur les critères de départage. Le document relatif au PSE détermine ces critères de la manière suivante :

« MODALITES APPLICABLES AUX PROPOSITIONS SIMULTANEES D’OFFRES DE RECLASSEMENT INTERNE :

Afin d’optimiser les chances de mettre en adéquation les postes de reclassement interne

disponibles avec les souhaits professionnels de chacun des salariés concernés par un projet de licenciement, la même offre de reclassement pourra être faite simultanément à plusieurs salariés.

Si plusieurs salariés se positionnent dans le délai imparti sur la même offre de reclassement interne, une priorité serait donnée au salarié dont le profil professionnel (notamment les qualifications et compétences professionnelles du salarié) est le plus proche des caractéristiques du poste.

Ce profil serait notamment défini par :

· l’appartenance à la catégorie d’emploi dont relève le poste proposé,

· l’adéquation du niveau de responsabilité du poste proposé avec celui précédemment occupé par le salarié,

· l’adéquation de l’expérience et l’expertise acquises par le salarié avec les caractéristiques du poste à pourvoir, et l’évaluation professionnelle sur les 3 dernières années. ».

M. [N], qui n’a jamais reçu aucune proposition, n’a jamais pu faire valoir ses compétences au regard de ces critères. Ce point s’avère d’autant plus important dans le cas d’espèce que le poste revendiqué par le salarié a été proposé à un collègue du même service et que M. [N] pouvait de façon très objective émettre des comparaisons sur les atouts dont il disposait par rapport à son collègue.

En dehors de la liste, il est justifié par les salariés qu’il existait des postes disponibles qui n’ont pas été proposés en reclassement au personnel licencié. Ainsi, l’un d’eux a reçu une offre d’emploi parvenue sur son site LinkedIn qui prouve que le 1er octobre 2019, la société avait mandaté une agence de recrutement pour la recherche d’un développeur embarqué alors que ce poste n’était pas proposé en reclassement. La société soutient avoir gelé le recrutement mais n’en justifie pas.

Des postes non proposés au reclassement apparaissent également des registres du personnel concernant Sierra Wirelesst Solutions & Services, Mobiquithings communiqués. Ils démontrent que durant le PSE, des embauches sur des postes susceptibles d’être proposés en reclassement au salarié ont bien été effectuées par l’employeur. Lors de la tenue de la réunion d’information consultation du CSE le 22 mai 2019, l’employeur a déclaré que les postes existants qui n’étaient pas soumis au reclassement « ne sont pas compatibles en termes de compétences requises avec les postes supprimées ». Or, il ne transmet aucun élément qui puisse en justifier.

Ainsi que le souligne à juste titre le salarié, la temporalité de ces embauches entre les mois de mai 2019 et octobre 2019 ne permet pas de considérer comme le soutient l’employeur, que les recrutements étaient bien antérieurs au début de la consultation, la procédure d’information et de consultation du comité social et économique sur le projet de restructuration ayant débuté à compter d’avril 2019.

Par ailleurs, l’employeur ne peut sérieusement faire valoir d’un côté que pour éviter les licenciements, il avait engagé à un dispositif de reclassement interne anticipé et que ce dernier a été refusé par le CSE, alors que dans le même temps les sociétés du groupe procédaient à des embauches sur des postes adaptés aux salariés licenciés ( Ingénieur Sénior Réseau , ingénieur expert développement logiciel software).

La cour relève donc que certains postes listés sur le PSE auraient dû être proposés au salarié, que l’employeur ne justifie pas des motifs ayant présidé au choix du refus de toute proposition écrite faite au salarié et que d’autres postes disponibles n’ont pas été proposés au reclassement. La cour en conclut à l’absence de respect par l’employeur de son obligation de reclassement et dit, par voie d’infirmation, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la prime de vacances

L’article 31 la convention collective nationale Syntec prévoit : « L’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale d’indemnité de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.

Toute prime ou gratification versée au cours d’année à divers titres, quelle qu’en soit la nature, peuvent être considérés comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre »

Au visa de cet article, M. [N] sur le fondement des dispositions conventionnelles sollicite un rappel de prime à hauteur de 618,59 ‘ pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018. Il ne conteste pas avoir obtenu cette prime de vacances pour la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019 à hauteur de 674,18 ‘. Il précise que son calcul est fondé sur une répartition égalitaire de la prime calculée sur le budget alloué par le nombre de salariés. Sa demande est évaluée sur la même base de calcul.

Il estime que son bonus issu de son salaire variable ne peut être une prime de substitution et produit une jurisprudence de la cour d’appel de Versailles. Il communique le compte rendu de la réunion du comité d’entreprise du 28 novembre 2017 qui a suivi cette décision judiciaire et prétend que le président de la société s’était engagé à mettre en place, sur la période 2017/2018, une prime de vacances conformes à l’arrêt. Sur la période considérée, il constate qu’aucun versement n’a été effectué à ce titre et en réclame le paiement.

La société demande l’infirmation du jugement prud’homal qui l’a condamnée à verser au salarié le rappel de prime de vacances.

L’employeur reconnaît avoir satisfait au versement de cette prime sur la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019. Il estime que pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018, la prime a été versée sur les mois d’août et novembre 2017 ainsi que février et mai 2018, qu’elle est d’un montant supérieur aux 10 % conventionnels et correspond à un bonus sur la performance du groupe qui doit être assimilé à une prime de substitution telle que prévu à l’article 31. Elle fait valoir que l’URSSAF dans une lettre d’observation du 14 décembre 2018 a entériné le paiement de la prime de vacances par le biais d’une prime issue d’un programme de bonus. Elle produit à ce titre, les échanges du 11 et 14 septembre 2018 et sollicite l’infirmation du jugement.

La cour constate que figure sur les bulletins de salaire d’août/novembre 2017 et février/mai 2018 une prime MBO. Cette prime également versée en février 2019 n’est pas exclusive du paiement d’une prime vacances. Les deux primes diffèrent par leur nature puisqu’il s’agit d’une prime discrétionnaire pour l’une et d’un salaire variable pour l’autre contractuellement prévu dans le contrat de travail du salarié complété par avenant.

Or une prime d’objectifs prévue par le contrat de travail ne constitue pas une prime ou une gratification au sens de l’article 31 de la convention collective mais un complément de rémunération faisant partie du salaire du salarié. En conséquence, elle n’a pas à être prise en compte pour déterminer le droit du salarié au versement de la prime de vacances.

Par ces motifs, la prime de vacances est due pour les années 2017/2018 sur la même base de calcul que celle de 2019 et il sera en conséquence fait droit à la demande du salarié sur ce point et la décision prud’homale sera confirmée.

Sur le salaire variable 2017, 2018 et 2019

Une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération dès lors qu’elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, qu’elle ne fait pas porter le risque d’entreprise sur le salarié et n’a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels.

Les objectifs peuvent être fixés unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Les objectifs unilatéralement fixés par l’employeur peuvent être modifiés par l’employeur dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. A défaut le salarié peut prétendre au paiement de la rémunération variable.

Les paramètres ainsi que l’assiette de calcul de la rémunération variable doivent être portés à la connaissance du salarié. Lorsque le calcul des éléments de rémunération variable dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire Lorsque l’employeur ne respecte pas cette exigence de transparence, il est redevable de l’intégralité de la rémunération variable.

M. [N] indique que les salariés de la société bénéficiaient d’une rémunération variable trimestrielle appelée bonus EPB ou MBO, en tout ou partie assise sur des objectifs de performance du groupe et plus précisément « à partir du chiffre d’affaires et des résultats opérationnels réels du groupe par rapport au chiffre d’affaires et au résultat opérationnel planifié ». Il reconnaît avoir obtenu trimestriellement l’information du pourcentage d’atteinte de la performance du groupe mais n’avoir jamais connu les objectifs planifiés et la formule de calcul permettant l’évaluation de son bonus. Dans ces conditions, il demande la confirmation du jugement et la somme de 3624,70 ‘ et les congés payés afférents pour les exercices 2017, 2018 et 2019.

La société sollicite l’infirmation du jugement. Elle rappelle que pour la rémunération variable MBO, le calcul se fait sur la base d’objectifs individuels et des objectifs de performance du groupe. Pour la rémunération variable EBP, le calcul du variable se fait sur la base du chiffre d’affaires réel du groupe et du bénéfice d’exploitation réel du groupe.

Elle soutient que sont communiqués aux salariés en début de période de référence, les objectifs applicables au plan de rémunération variable et produit en pièce 33 les documents de fixation d’objectifs de 14 salariés.

La cour constate que le document intitulé Plan de variable individualisé Sierra Wireless prévoit que : «’ Ce variable, payé chaque trimestre, est divisé en deux parties : une partie assise sur des objectifs individuels (ou d’équipe) ‘ MBO ‘ et une partie basée sur les résultats du groupe ‘ Corporate performance bonus.

Plan de variable individualisé ‘ fonctionnement

Description

Le plan à deux composantes :

‘ objectifs individuels ou d’équipe. Ces objectifs sont destinés à signer par le manager du salarié concerné au début de chaque trimestre. Le manager évalue ensuite la performance du salarié au regard de ces objectifs à la fin de chaque trimestre.

‘ Bonus de performance du groupe. Le bonus de performance du groupe est déterminé à partir du chiffre d’affaires et des résultats opérationnels réels du groupe par rapport au chiffre d’affaires et aux résultats opérationnels planifiés. Le pourcentage d’atteinte de ce bonus est déterminé à la fin de chaque trimestre.

Chaque salarié éligible bénéficie d’un certain montant de variable potentielle (payés sur quatre trimestres par an) qui fait partie de son plan de rémunération. Au minimum 50 % de ce variable est basé sur des objectifs personnels ou d’équipe.

Le solde (jusqu’à 50 %) du montant de cet objectif potentiel de variable évasée sur les performances du groupe en chiffre d’affaires et résultats opérationnels par rapport au plan.

La répartition précise entre les objectifs individuels et ce du groupe dépend de la nature du poste de la personne. »

Au regard de ces dispositions, outre le fait que la société ne transmet pas d’objectifs individuels ou d’équipe concernant le salarié, elle ne communique pas non plus les éléments relatifs au groupe permettant au salarié d’appréhender l’intégralité du salaire variable susceptible de lui être octroyé.

L’employeur se devait de transmettre aux salariés en début de période, le coefficient d’atteinte de la performance du groupe mais également les éléments pour apprécier les motifs pour lesquels le variable alloué est nul ou partiellement attribué et donc les critères permettant d’évaluer la performance du groupe au regard des objectifs planifiés.

Rien dans les documents transmis par l’employeur ne permet d’établir que le salarié a été en capacité de vérifier le variable qui lui est alloué en fonction des performances du groupe. Aucune fiche de calcul, aucun prévisionnel, ni aucune pièce transmise au salarié ne sont pas communiqués sur ce point.

En conséquence le salarié qui fournit le détail de ses calculs par trimestre est bien fondé à solliciter l’intégralité du bonus, il sera fait droit à sa demande et aux congés payés afférents, et la décision prud’homale sera confirmée.

Sur l’indemnité liée à la rupture

La rémunération moyenne mensuelle brute, fixe et majorée du variable, est déterminée par M. [N] à la somme de 7098 euros. La société SIERRA WIRELESS l’évalue à 6552,54 euros sur les douze derniers mois.

En application des dispositions de l’article L 1234 ‘ 9 du code du travail et au vu des bulletins de salaire versés aux débats, il y a lieu de fixer le salaire moyen mensuel brut à hauteur 7098 euros.

Monsieur [N] est âgé de 51 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 11 années et 10 mois dans la société et sollicite la somme de 74529 ‘ en application des dispositions de l’article 1235 ‘ 3 du code du travail.

La société invoque l’absence de tout préjudice dans la mesure où à la suite du PSE, le salarié ayant bénéficié d’un CSP et d’un encadrement par l’espace mobilité emploi qui lui a permis de retrouver un CDI à compter d’octobre 2019 pérennisé par d’autres embauches.

En application des dispositions de l’article L 1235’3 du code du travail, et en tenant compte notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge lors de la rupture, de son ancienneté, de ce qu’il a retrouvé un emploi à l’issue du CSP, et des conséquences du licenciement à son égard, il convient de lui allouer en réparation du préjudice causé par la rupture la somme de 48 000 ‘, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Par ailleurs, il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement du conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 21 avril 2022 sauf en ce qu’il a considéré que le licenciement était justement fondé, sauf en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DIT que le licenciement économique de Monsieur [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de reclassement ;

CONDAMNE la société Sierra Wireless SA à payer à Monsieur [N] la somme de 48 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE la société Sierra Wireless SA à payer à Monsieur [N] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties pour le surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Sierra Wireless SA aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère, pour la Présidente empêchée et par Madame Solène ESPINAT, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière placée, Pour la Présidente,


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