Règle de droit applicableLe licenciement d’un salarié pour faute grave doit être fondé sur des faits précis et matériellement vérifiables, conformément aux articles L.1234-1 et L.1234-9 du Code du travail. En cas de litige, il incombe à l’employeur de prouver la réalité des faits justifiant le licenciement. Si le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement. L’article L.1235-1 du Code du travail stipule que le juge doit apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié. De plus, l’article L.1332-4 du Code du travail précise qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, sauf si ce fait a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai. Sur la désorganisation de l’entrepriseLes articles L.1132-1 et L.1134-1 du Code du travail interdisent le licenciement d’un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf en cas d’inaptitude constatée par le médecin du travail. Toutefois, les perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise causées par des absences répétées ou prolongées peuvent justifier un licenciement, à condition que l’employeur prouve l’existence de ces perturbations et la nécessité de remplacer le salarié absent. La lettre de licenciement doit mentionner expressément ces perturbations et la nécessité de remplacement, et le remplacement doit intervenir dans un délai raisonnable. Sur le harcèlement moralL’article L.1152-1 du Code du travail stipule qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral, qui peuvent dégrader ses conditions de travail et porter atteinte à ses droits et à sa dignité. Pour établir l’existence d’un harcèlement, le salarié doit prouver des faits qui laissent présumer l’existence d’un harcèlement, et il revient à l’employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, conformément à l’article L.1154-1 du Code du travail. Le juge doit apprécier les faits dans leur ensemble et peut ordonner des mesures d’instruction pour éclaircir la situation. Sur la prescription des faits fautifsL’article L.1332-4 du Code du travail précise que les faits fautifs doivent être poursuivis dans un délai de deux mois à compter de leur connaissance par l’employeur. Les faits antérieurs à ce délai ne peuvent justifier un licenciement, sauf si le même comportement fautif s’est poursuivi ou répété dans ce délai. Les décisions de la Cour de cassation (Soc. 13 janvier 1999, n° 96-45138) établissent que le licenciement pour faute fondé sur des faits prescrits est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuseL’article L.1235-3 du Code du travail prévoit que, en cas de licenciement injustifié, le salarié doit recevoir une indemnité dont le montant varie en fonction de son ancienneté et de son salaire. Cette indemnité doit être comprise entre des montants minimaux et maximaux, tenant compte des circonstances de la rupture, de la rémunération, de l’âge du salarié et de sa capacité à retrouver un emploi. |
L’Essentiel : Le licenciement pour faute grave doit reposer sur des faits précis et vérifiables. L’employeur doit prouver la réalité des faits justifiant le licenciement. En cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure et les motifs invoqués. Les perturbations causées par des absences répétées peuvent justifier un licenciement, à condition que l’employeur prouve leur existence. De plus, les faits fautifs doivent être poursuivis dans un délai de deux mois, sans quoi ils ne peuvent justifier un licenciement.
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Résumé de l’affaire : La société Diselere, spécialisée dans la gestion de restaurants McDonald’s, a engagé un salarié en qualité de Responsable maintenance par contrat à durée indéterminée en mars 2016. En octobre 2018, la société a notifié un avertissement au salarié, qui a contesté cette décision. En décembre 2018, le salarié a été placé en arrêt de travail pour des raisons de santé, et ce jusqu’à novembre 2019, date à laquelle il a été déclaré apte à reprendre son poste. Cependant, il a de nouveau été en arrêt maladie peu après.
En décembre 2019, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu en janvier 2020. À l’issue de cet entretien, la société a décidé de licencier le salarié pour faute grave, invoquant une perte de confiance et une désorganisation de l’entreprise due à ses absences prolongées. Le licenciement a été notifié par courrier en février 2020. Le salarié a contesté son licenciement, arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse. Il a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé en mai 2022 que le licenciement était effectivement dénué de cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser diverses indemnités au salarié. La société a interjeté appel de cette décision. En appel, la cour a confirmé le jugement de première instance, tout en révisant le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour a également ordonné à la société de remettre au salarié ses documents de fin de contrat et a condamné la société à verser des frais irrépétibles. Les demandes du salarié concernant le harcèlement moral et la nullité du licenciement ont été rejetées, la cour n’ayant pas trouvé de preuves suffisantes pour établir ces allégations. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique du licenciement pour faute grave ?Le licenciement pour faute grave repose sur l’article L.1234-1 du code du travail, qui stipule que le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement en cas de faute grave. L’article L.1235-1 précise que le juge doit apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. Il appartient à l’employeur de prouver la faute grave, qui doit résulter d’un fait ou d’un ensemble de faits constituant une violation des obligations du contrat de travail, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Quel est le rôle du juge dans l’appréciation des faits de licenciement ?Selon l’article L.1235-1 du code du travail, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et peut ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. L’employeur doit fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, et en l’absence de faute grave, le licenciement doit reposer sur des faits présentant un caractère fautif réel et sérieux. Quel est le délai de prescription pour engager des poursuites disciplinaires ?L’article L.1332-4 du code du travail stipule qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, sauf si ce fait a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai. Les poursuites disciplinaires sont engagées à la date de convocation du salarié à un entretien préalable. Quels sont les critères pour établir la désorganisation de l’entreprise ?Les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail précisent que les perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise causées par l’absence prolongée d’un salarié peuvent constituer une cause de licenciement, à condition que l’employeur démontre l’existence de ces perturbations et la nécessité de pourvoir de manière définitive au remplacement du salarié absent. La lettre de licenciement doit énoncer expressément ces perturbations et la nécessité de remplacement. Quel est le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?L’article L.1235-3 du code du travail prévoit qu’en cas de licenciement injustifié, le salarié doit recevoir une indemnité dont le montant varie en fonction de son salaire mensuel et de son ancienneté. Pour un salarié ayant une ancienneté de 6 ans, comme dans le cas présent, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est comprise entre 3 et 7 mois de salaire, tenant compte des circonstances de la rupture et de la situation d’emploi du salarié. Quel est le processus de contestation d’un licenciement pour harcèlement moral ?L’article L.1152-1 du code du travail stipule qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral. Pour établir un cas de harcèlement, le salarié doit prouver des faits qui laissent présumer l’existence d’un harcèlement, conformément à l’article L.1154-1. Le juge doit apprécier si ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Si ce n’est pas le cas, le harcèlement ne peut être reconnu. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-3
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 MARS 2025
N° RG 22/02331
N° Portalis DBV3-V-B7G-VKUW
AFFAIRE :
S.A.R.L. DISELERE
C/
[S] [G]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MANTES LA JOLIE
N° Section : C
N° RG : F20/00079
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Baptiste LAMPIN
Me Stéphanie DEBEAUCHE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE
S.A.R.L. DISELERE
N° SIRET : 792 646 317
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Baptiste LAMPIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1705
****************
INTIMÉ
Monsieur [S] [G]
né le 18 juin 1973 à [Localité 7] (FRANCE)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Stéphanie DEBEAUCHE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 91
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 janvier 2025 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
Greffier placé lors du prononcé : Madame Solène ESPINAT,
La société Diselere est une société à responsabilité limitée, elle a pour activité la gestion de restaurants Mc Donald et emploie plus de 11 salariés.
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mars 2016, M. [G] a été engagé par la société Diselere, en qualité de Responsable maintenance, statut agent de maîtrise, niveau III, échelon 3 à temps plein, avec reprise d’ancienneté au 22 juillet 2013.
La relation contractuelle était régie par les dispositions de la convention collective nationale de la restauration rapide.
Par courrier recommandé en date du 26 octobre 2018, la société Diselere a notifié à M. [G] un avertissement.
Par courrier du 29 octobre 2018, M. [G] a contesté son avertissement.
Le 5 décembre 2018, M. [G] a été placé en arrêt de travail pour syndrome anxiodépressif lié au travail jusqu’au 24 novembre 2019.
Par avis rendu à l’issue de la visite médicale de reprise du 25 novembre 2019, M. [G] a été déclaré apte à la reprise son poste de travail par la médecine du travail.
Le 26 novembre 2019, M. [G] a de nouveau été placé en arrêt de travail pour cause de maladie.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 décembre 2019, la société Diselere a convoqué M. [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, reporté au 27 janvier 2020.
L’entretien s’est tenu le 27 janvier 2020 en présence d’un conseiller du salarié.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 février 2020, la société Diselere a notifié à M. [G] son licenciement pour faute grave, en ces termes :
« Monsieur,
Nous vous avons convoqué en date du 02/12/2019 (LRAR n° 2C 132 019 5107 1) à un entretien préalable prévu le 11/12/2019 à 09h30, auquel vous ne vous êtes pas présenté.
Suite à votre absence à cet entretien, nous avons reporté l’entretien préalable en date du 11 décembre 2019 (LRAR n° 2C 132 019 5110 1) pour un entretien préalable le 20/12/2019 à 09h30.
Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien préalable, nous avons alors reporté l’entretien au 27/01/2020, entretien préalable auquel vous vous êtes présenté accompagné de Monsieur [H] [X], conseiller du salarié.
Nous avons ainsi reporté à plusieurs reprises cet entretien préalable afin de respecter au mieux votre droit fondamental à être entendu, soucieux de recueillir vos explications avant toute décision de notre part.
Lors de cet entretien, nous vous avons exposé le motif qui nous a amenés à envisager une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement à votre égard :
Perte de confiance perdurant se renouvelant depuis décembre 2018 provoquant une désorganisation de l’entreprise depuis 14 mois.
A la suite de la notification d’un avertissement disciplinaire, vous avez immédiatement non pas contesté mais tenté dès le 03/12/2018, d’extirper votre employeur une enveloppe financière au titre d’un licenciement transactionnel.
Vous n’avez eu cesse depuis de poursuivre cet unique objectif.
Le principe de base d’une relation de confiance employeur/employé est que le travail soit effectué loyalement par le salarié.
Or, il est patent que depuis décembre 2018 vous n’avez jamais eu l’intention de reprendre votre poste.
Parallèlement à cela, vous avez accusé votre employeur d’harcèlement au travail envers votre personne par courrier en date du 03/12/2018. Suite à vos accusations, nous avons alors suggéré d’ouvrir une enquête sur le harcèlement au travail auprès de la déléguée du personnel du restaurant afin d’éclaircir la situation dans le contexte dans lequel nous travaillons.
Les conclusions du rapport de cette enquête menée par la déléguée du personnel auprès de l’ensemble de l’équipe datée du 13/12/2018 ont stipulé de la part de la déléguée du personnel qu’il n’existait aucun harcèlement moral ou pressions subies sur vous de la part de votre employeur.
Vous avez alors réitéré vos accusations d’harcèlements au travail dans vos courriers en date du 24/12/2018, et aussi dans un courrier du 25/11/2019.
Nous avons toujours démenti toutes ces accusations par courriers recommandés, et assurer que l’employeur n’exerce aucune pression quelles qu’elles soient, auprès de vous ou d’un membre de l’équipe du restaurant.
Le 14/12/2018, vous nous avez de nouveau envoyé un courrier pour réclamer une rupture conventionnelle.
Nous avions alors refusé de répondre à votre demande car non seulement vous étiez en arrêt maladie mais aussi car pour nous l’objectif (que nous pensions commun) était que vous puissiez reprendre votre poste de travail au plus vite (naturellement à la fin de votre maladie et ainsi de la suspension du contrat qui en découlait).
Suite à ce contrôle du 21/12/2018, vous avez encore une fois sollicité par courrier en date du 24/12/2018 un entretien afin de négocier une rupture conventionnelle dans le but d’éviter, selon vos propos « une démarche aux Prud’hommes » dont on ne voit pas sur quel fondement elle aurait été initiée.
Vous nous avez stipulé avoir pris contact avec l’Inspection du travail, ceci dans le but de nous intimider.
Vous avez depuis renouvelé constamment vos arrêts de travail jusqu’à ce jour.
Le 17/01/2019, suite à votre sollicitation par courriel du 16/11/2019 (suite à notre échange sur votre affiliation en retard à la CPAM du 10/01/2019) où vous nous aviez accusé d’ailleurs à tort de ne pas avoir fait le nécessaire concernant votre attestation de salaire lors de votre arrêt de maladie, nous nous sommes rencontrés lors d’un entretien de mise au point au bureau administratif.
Vous vous êtes alors vanté d’avoir déjoué le contrôle médical.
A la sortie de cet entretien demandé par vous-même par mail, vous avez claironné le fait d’avoir trouvé un accord avec moi auprès de la déléguée du personnel du restaurant.
Par suite, nous avons toujours déploré et contesté vos accusations envers nous, qui n’étaient que provocations destinées à satisfaire et obtenir vos multiples demandes de rupture à l’amiable.
Le 11/03/2019, vous avez expressément fait une nouvelle démarche en ce sens par l’intermédiaire de Maître [F].
Bien que toujours en arrêt maladie, le 26/07/2019, vous avez été surpris en train de faire « des doigts d’honneur » en direction de la vidéo-surveillance de notre restaurant McDonald’s de [Localité 4], ce qui démontre aussi, votre comportement injurieux et non-respectueux auprès de la direction et l’image que vous donnez à l’équipe du restaurant.
Néanmoins, le 23/08/2019 vous nous avez adressé un courrier pour expliquer votre geste ; puis vous vous êtes permis de redemander un accord transactionnel, en affirmant clairement que si nous n’avions pas trouvé d’accord, vous iriez à la Médecine du Travail pour avoir une inaptitude.
Cette démarche s’apparentant clairement en une tentative d’intimidation et de chantage.
Vous avez réitéré votre demande de transaction le 11/10/2019.
De plus, nous avons reçu un appel au bureau administratif en date du 08/10/2019 d’une personne qui vous a vu travailler sur un chantier pendant votre arrêt maladie.
Nous détenons les preuves, avec des clichés vidéos et photos vous montrant en train de travailler sur un chantier.
A noter que nous avons reçu l’information que vous faisiez travailler pour votre compte personnel un salarié de l’entreprise de notre marché (CFH Drive) ayant la reconnaissance de travailleur handicapé.
Une personne que vous avez ainsi exploitée à plusieurs reprises sur plusieurs années.
Nous sommes choqués par votre manque d’humanisme et votre éthique. Outre le caractère illégal de cet emploi clandestin, ceci est à l’opposé de l’image que nous véhiculons en tant que franchisé de McDonald’s.
Depuis votre arrêt de maladie initial du 05/12/2018, vous avez été prolongé chaque mois jusqu’au 24/11/19 inclus jusqu’à votre visite de reprise demandée par vos soins le 23/10/2019.
De ce fait, une visite de reprise vous a été proposée par le service des ressources humaines auprès de la Médecine du Travail (OSTRA) le 25/11/2019.
Vous vous êtes présenté à la visite de reprise du 25/11/2019 à 10h15 où vous avez été reçu par le Médecin du Travail.
Vous avez été déclaré apte à reprendre votre poste de travail par le Médecin du Travail.
Néanmoins, vous ne vous êtes pas rendu à votre poste de travail suite à l’aptitude rendue par le Médecin du Travail en évoquant par courrier que nous n’avions pas mis de véhicule à votre disposition à la sortie de votre rendez-vous.
Vous avez dénigré l’attitude du Médecin Conseil, de son intégrité professionnelle ainsi que ses compétences à juger votre état de santé.
Le lendemain, vous avez déposé un arrêt maladie à partir du 26/11/2019 au 12/01/2020 alors que je vous attendais pour préparer la reprise de votre travail après cette si longue absence.
Après avoir reporté l’entretien préalable comme évoqué dans le premier paragraphe, nous avons lancé une demande de contrôle auprès du service médical patronal, le 13/01/2020 et le 16/01/2020.
Les deux comptes rendus de contrôles médicaux évoquent la conclusion que vous ne vous êtes pas présenté au cabinet médical après convocation par leur bureau.
En effet, lors de l’entretien préalable vous nous avez affirmé être allé au ski durant toute cette semaine ; et que vous étiez en droit de partir en vacances pendant votre temps libre.
Il reste ainsi patent que durant ces arrêts de travail régulièrement prolongés, vous avez travaillé pour votre compte, vous êtes parti en vacances, vous vous êtes présenté sur le lieu de travail pour effectuer des gestes orduriers.
Vous n’avez jamais eu l’intention de reprendre votre emploi, obsédé par un seul but : extirper de votre employeur une somme d’argent à l’amiable, conscient que son attitude quant à lui irréprochable, vous priverait de toute autre indemnisation par voie de justice.
Ceci constitue une perte de confiance latente de décembre 2018 à ce jour, dont les éléments constitutifs se sont renouvelés et ont perduré pour s’aggraver.
En effet alors que votre employeur respectant vos arrêts de travail qu’il croyait fondés, vous attendait pour une reprise, vous n’avez en réalité jamais pensé reprendre et vous faites totalement fi de l’avis de la médecine du travail vous déclarant apte.
Vous n’avez jamais attaqué ni contesté formellement cet avis d’aptitude.
Votre attitude constitue une réelle déloyauté, annihilant la relation de confiance nécessaire entre employeur et employé.
En terme d’organisation, nous vous avons expliqué la totale désorganisation liée à votre absence, nous avons engagé durant votre absence, deux salariés en CDD à temps plein dont un est parti en Juillet 2019 (ayant signé un CDI dans une autre entreprise) et l’autre salarié étant toujours en poste, en tant que technicien de maintenant, statut d’agent de maîtrise.
Votre poste de travail, responsable de maintenance, nécessite une expertise et des connaissances poussées en terme de maintenance générale (peinture, carrelage, maçonnerie etc’).
Votre absence prolongée perturbe évidemment le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessite un remplacement définitif de votre poste.
Votre absence nuit à l’organisation et au bon fonctionnement de l’entreprise.
En effet, le responsable du site de [Localité 4], Monsieur [D] ainsi que les délégués du personnel se sont plaints de la vétusté du restaurant et du manque du service de maintenance.
L’image de marque de nos restaurants auprès de la clientèle est affectée, dans un contexte de difficile concurrence arrivée sur le marché des enseignes Burger King, KFC, Memphis Coffee.
Il est compliqué voire impossible dans l’organisation de l’entreprise d’assurer une expertise dans la maintenance avec des contrats à durée déterminée.
L’achèvement des tâches pour lesquelles vous avez été engagé sur la maintenance du restaurant caractérise l’impossibilité de maintenir le contrat de travail durant votre arrêt maladie.
Nous vous avons expliqué lors de l’entretien qu’il était très compliqué de gérer votre absence, et que nous avions les informations comme quoi vous étiez en activité malgré votre statut d’absent maladie dans notre entreprise ce qui caractérise un comportement déloyal envers nous.
De plus, la perte de confiance est irrémédiable du fait de votre aptitude à votre poste de travail rendu par le Médecin du travail le 25 Novembre 2019, du comportement que vous avez eu dans la globalité du temps de votre absence, et des différents échanges que nous avons eu lors de l’entretien du 27 Janvier 2020.
En conséquence, et au regard de l’ensemble des faits repris ci-dessus, nous ne pouvons poursuivre notre collaboration et vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave sans indemnités de préavis, ni indemnités de licenciement.
Par ailleurs nous allons vous adresser une reconnaissance de dette mise à jour dont vous êtes redevable à la société Sarl DELISERE, dette qui se chiffre à ce jour à la somme de 3 643,13 ‘.
L’existence de ce prêt d’un montant de 30 000 ‘ à votre bénéfice prouve encore la grande mansuétude dont a fait preuve votre employeur à votre égard, alors que dans le même temps vous vous êtes rendus coupable des faits ci-dessus rappelés.
Le licenciement prendra effet à compter de la date d’envoi de la présente.
Nous vous adresserons votre solde de tout compte ainsi que votre attestation Pôle Emploi ultérieurement. (‘)».
Par lettre en date du 20 février 2020, M. [G] a contesté son licenciement et demandé des explications à son employeur.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 mars 2020, la société Diselere a maintenu sa position.
Par requête introductive reçue au greffe en date du 12 juin 2020, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Mantes la Jolie d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute grave soit jugé comme étant nul, et à défaut, comme étant sans cause réelle et sérieuse, et à obtenir le versement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts et de rappel de salaires.
Par jugement rendu le 31 mai 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Mantes la Jolie a :
– Fixé à 2 889,90 euros la moyenne des salaires de M. [G],
– Dit et jugé le licenciement de M. [G] dénué de cause réelle et sérieuse,
– Condamné la société Diselere au paiement des sommes de :
. 5 789,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 578,98 euros à titre de congés payés afférents,
. 4 756,29 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2020 date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la défenderesse,
– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les créances salariales,
Condamné la société Diselere à payer la somme de :
. 8 669,70 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 3 mois de salaire,
– Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent jugement,
– Ordonné à la société Diselere de remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du jugement à intervenir ses documents sociaux conformes,
– Dit que le conseil se réserve la possibilité de liquider ladite astreinte en cas de demande,
– Rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur la remise de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer
– Ordonné l’exécution provisoire de l’intégralité du jugement,
– Condamné la société Diselere au paiement de la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par déclaration d’appel reçue au greffe le 21 juillet 2022, la société Diselere a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance en référé du 8 décembre 2022, le magistrat délégué par le Premier président de la cour d’appel de Versailles a, eu égard à l’accord trouvé entre les parties au sujet de l’exécution provisoire assortissant le jugement dont appel, autorisé la société Diselere à consigner la somme de 9 869,70 euros auprès de la Caisse des Dépôts et des Consignations.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 20 novembre 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 18 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Diselere, appelante, demande à la cour de :
– Recevoir la société Diselere en ses conclusions et l’y déclarer bien fondée,
En conséquence,
– Débouter M. [G] de l’intégralité de ses demandes, comme étant irrecevables et mal fondées tant en droit qu’en fait,
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* Dit et jugé le licenciement de M. [G] dénué de cause réelle et sérieuse,
* Condamné la société Diselere au paiement des sommes de :
. 5 789,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 578,98 euros à titre de congés payés afférents,
. 4 756,29 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2020 date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la défenderesse,
* Rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les créances salariales,
* Condamné la société Diselere à payer la somme de :
. 8 669,70 ‘ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 3 mois de salaire
* Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent jugement,
* Ordonné à la société Diselere de remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du jugement à intervenir ses documents sociaux conformes,
* Rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur la remise de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer,
* Ordonné l’exécution provisoire de l’intégralité du jugement condamné la société Diselere au paiement de la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du CPC outre les dépens,
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le demandeur de toutes autres prétentions, notamment au titre du harcèlement et de la nullité du licenciement,
Y ajoutant,
– Condamner M. [G] à payer à la société Diselere la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [G] aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 2 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [G], intimé, demande à la cour de :
– Dire et juger la société Diselere irrecevable et mal-fondée en son appel,
En conséquence,
– L’en débouter,
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie du 31 mai 2022 en ce qu’il a: * Fixé à 2 889,90 euros bruts la moyenne des salaires de M. [G],
* Condamné la société Diselere à payer à M. [G] 5 789,80 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 578,98 euros bruts au titre des congés payés afférents, 4 756,29 euros bruts au titre de l’indemnité légale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2020,
* Condamné la société Diselere à remettre à M. [G] sous astreinte, ses documents sociaux conformes au jugement
* Dit que le conseil se réservait la possibilité de liquider l’astreinte,
* Ordonné la capitalisation des intérêts
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie du 31 mai 2022 en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande de nullité du licenciement, de ses demandes d’indemnité pour licenciement nul, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de prévention du harcèlement,
A titre principal,
– Prononcer la nullité du licenciement de M. [G],
En conséquence,
– Condamner la société Diselere à payer à M. [G] la somme de 20 265 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
– Condamner la société Diselere à payer à M. [G] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– Condamner la société Diselere payer à M. [G] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de prévention du harcèlement,
A titre subsidiaire,
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie du 31 mai 2022 en ce qu’il a déclaré le licenciement de M. [G] dénué de cause réelle et sérieuse et condamné la société Diselere à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– Condamner la société Diselere à payer à M. [G] la somme de 20 264,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
– Dire et juger que l’astreinte mise à la charge de la société Diselere pour remettre à M. [G] ses documents sociaux conformes, sera de 100 euros par jour et par document, à compter du 31 mai 2022,
– Condamner la société Diselere à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société Diselere aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Debeauche.
Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement
M. [G] sollicite la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi de la part de l’employeur, ce que ce dernier conteste.
En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens de l’article L 1152 – 1 du code du travail, le salarié établit, conformément à l’article L 1154 – 1 du code du travail, des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il revient donc au salarié d’établir la matérialité des faits, à charge pour le juge d’apprécier si ces faits, pris en leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans la négative, le harcèlement moral ne peut être reconnu. Dans l’affirmative, il revient à l’employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, à l’appui du harcèlement moral, M. [G], qui ne développe pas dans ses conclusions les faits qu’il allègue, liste les agissements qu’il dénonce et produit aux débats des pièces pour chacune de ses récriminations, il invoque:
Des pressions pour l’obliger à démissionner de son précédent poste :
La cour relève, qu’à supposer que ce fait puisse être retenu au titre du harcèlement moral, M. [G] n’établit pas l’existence de ce premier grief par les extraits Kbis de son employeur actuel et de la société dans laquelle il était employé auparavant, ni par ses lettres des 29 octobre 2018 et 3 décembre 2018 adressées à son employeur notamment pour contester l’avertissement du 26 octobre 2018 dont il avait fait l’objet.
De mauvaises conditions de travail, une surcharge de travail importante du jour au lendemain, des ordres et contre-ordres inopinés de divers supérieurs, une absence de matériel et la nécessité d’utiliser son matériel personnel, une suppression du jour au lendemain de son badge de péage et de sa carte d’essence, des insultes, la multiplication des supérieurs auprès desquels il devait rendre compte :
M. [G] ne prouve pas davantage les faits qu’il allègue à ce titre, ni par ses lettres adressées à son employeur ci-dessus évoquées, ni par celle adressée à la société Diselere par son conseil en daté du « ‘mars 2019 » (sic), ni par les attestations de son épouse, de sa fille, ou encore de M. [M], ami du salarié, ces personnes n’ayant pas été témoins directs des faits qu’il relate. Quant à la lettre du 13 septembre 2021 du gérant de la station-service de [Localité 5], qui indique que le carburant servi l’a toujours été dans le véhicule de société de M. [G], celle-ci ne saurait établir le fait allégué quant à la suppression de la carte d’essence eu égard au fait que le salarié aurait utilisé le carburant de la société pour des besoins personnels.
Une absence de prise en considération de ses dénonciations de harcèlement moral et l’absence d’enquête interne :
La cour observe que ni la lettre du salarié à son employeur du 25 novembre 2019, ni celle du 20 février 2020 n’établissent les faits allégués. D’autant qu’une enquête a été diligentée par l’employeur dès lors qu’il a été saisi de la demande de son salarié et que, dans ses conclusions du 13 décembre 2018, elle a conclu à l’absence de tout harcèlement moral au sein de l’établissement.
D’avoir reçu un avertissement injustifié et l’envoi le même jour d’une convocation à l’entretien préalable :
Sur ce point, M. [G] a été convoqué le 15 octobre 2018 par une lettre recommandée remise le même jour contre décharge à un entretien préalable qui s’est tenu le 23 octobre 2018. Suite à cet entretien et par courrier du 26 octobre 2018 il lui a été notifié un avertissement en raison de ce qu’il avait acheté une visseuse-devisseuse, sans avoir obtenu l’accord de son supérieur hiérarchique, ce qu’il a contesté auprès de son employeur en s’en expliquant.
Dès lors que la sanction envisagée affecte la fonction, la rémunération, la carrière ou la présence du salarié dans l’entreprise, l’employeur a l’obligation de convoquer le salarié concerné à un entretien préalable. Pour les sanctions mineures telles que l’avertissement, l’employeur a seulement l’obligation d’informer le salarié par écrit des griefs retenus contre lui, en l’espèce il s’agissait uniquement de l’absence d’accord de la hiérarchie du salarié pour l’achat d’un outil.
La convocation à l’entretien préalable avait pour objectif de permettre au salarié d’être informé qu’une sanction était susceptible d’être prise à son égard et d’en discuter le bien-fondé. Il ne s’agit dès lors pas d’un fait constitutif de harcèlement moral puisque ces convocations ne sont que l’illustration du pouvoir disciplinaire de l’employeur. Par ailleurs, le salarié qui indique que cette sanction est injustifiée, n’en sollicite pas l’annulation.
Des contestations systématiques de ses arrêts de travail, des contrôles par la médecine du travail et une mauvaise volonté de l’employeur à permettre sa prise en charge :
Le 21 décembre 2018, en dehors des heures de sorties autorisées, le Service Médical Patronal de [Localité 6] s’est présenté au domicile du salarié et a constaté que sans réponse de celui-ci, il n’avait pas pu procéder à son examen. Le salarié a été par la suite convoqué à un contrôle médical, auquel il s’est rendu.
La contre-visite peut avoir pour objet soit de contrôler l’opportunité de l’arrêt de travail prescrit au salarié, soit de contrôler la durée de l’arrêt de travail soit de vérifier que le salarié, absent pour maladie, respecte les heures de sortie prescrites par son médecin. La décision de contre-visite à la demande de l’employeur ne peut donc à elle seule justifier un agissement qualifié de harcèlement moral dès lors qu’elle est encadrée par la loi et qu’en l’espèce les préconisations légales ont été respectées.
Par ailleurs, il ne saurait se déduire du seul mail adressé par le salarié le 15 janvier 2019, et auquel l’employeur a répondu le 16 janvier 2019, une quelconque mauvaise volonté à permettre sa prise en charge quant au versement des indemnités journalières.
Dès lors, ces faits ne sont donc pas davantage établis.
De l’utilisation de son travail pour les besoins personnels de son employeur :
Au visa de l’article 202 du code de procédure civile, la cour relève que les attestations de l’épouse du salarié, de M. [L] en stage chez l’épouse de M. [G], de M. [M] ami du salarié, de Mme [E] [T] locataire du salarié ou encore de sa fille [P] [G] ne seront pas retenues comme probantes car ces personnes ne sont pas témoins directs des faits qu’elles dénoncent.
De la même manière les photos produites en pièce 49 par le salarié, et qu’il attribue aux travaux de rénovation qu’il aurait réalisés pour le compte et au domicile du gérant de la société Diselere, ne sont pas probantes et n’établissent en rien les faits allégués à ce titre.
Sa demande de rupture conventionnelle pour mettre fin au harcèlement :
Il ne peut se déduire de la lettre du salarié du 3 décembre 2018, ni de celle du 20 février 2020, ni de l’attestation de la fille ou de l’épouse du salarié la preuve du grief allégué à ce titre. La demande formulée par lettre du salarié du 21 décembre 2018 en vue d’une rupture conventionnelle ne saurait davantage constituer la preuve du harcèlement allégué.
Quant à l’état de santé du salarié, celui-ci ne verse aux débats, en dehors de ses arrêts de travail et de l’avis de reprise avec aptitude du médecin du travail, aucun document.
***
La cour conclut en définitive que les pièces versées aux débats ne permettent pas de constater l’existence de faits susceptibles de constituer des agissements répétés de harcèlement moral qui auraient pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de M. [G], d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral n’est donc pas établi et il y a donc lieu de débouter M. [G] de sa demande à ce titre.
En conséquence, par voie de confirmation du jugement entrepris, il convient de débouter M. [G] de ses demandes d’indemnité pour licenciement nul, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de prévention du harcèlement et de nullité du licenciement invoquée sur ce même fondement.
Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
Par ailleurs, selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
A défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.
En l’espèce,
La société dénonce une perte de confiance, qui s’analyse en réalité comme une déloyauté, évoquée d’ailleurs dans ces termes dans la lettre de licenciement, ainsi que la désorganisation de l’entreprise causée par l’absence de M. [G] pendant 14 mois.
Le salarié conteste ces faits, soutenant qu’ils ne sont pas établis et pour certains prescrits.
Sur la prescription :
L’article L. 1332-4 du code du travail dispose : « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ». Les poursuites disciplinaires se trouvent engagées à la date à laquelle le salarié concerné est convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.
En application de ce texte, le licenciement pour faute, fondé sur des faits prescrits pour avoir été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc. 13 janvier 1999, n 96-45138).
Toutefois, un fait fautif dont l’employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l’engagement des poursuites peut être pris en considération lorsque le même comportement fautif du salarié s’est poursuivi ou répété dans ce délai (Soc. 12 juin 2008, n° 07-40945 ; Soc. 22 octobre 2008, n° 07-41479 ; Soc. 24 septembre 2013, n° 12-16943 ; Soc. 1er juillet 2015, n° 14-15429).
Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse de faits identiques. En revanche, les faits survenus durant le délai de deux mois doivent être de même nature que ceux commis antérieurement (Soc. 3 mars 2009, n° 07- 44190 ; Soc. 23 novembre 2011, n° 10-21740 ; Soc. 24 avril 2013, n° 11-27724).
Lorsque c’est le cas, et à la condition que les faits les plus récents ne soient pas eux-mêmes antérieurs de plus de deux mois à l’engagement des poursuites disciplinaires, l’employeur qui n’a pas sanctionné un fait fautif dans le délai de deux mois peut invoquer ce fait à la suite de faits nouveaux matérialisant la poursuite ou la répétition du même comportement fautif du salarié et justifiant le prononcé d’une sanction (Soc., 23 juin 2021, n°20-13762).
En l’espèce, le salarié invoque la prescription des griefs relatifs aux absences de son domicile qui lui sont reprochées à l’occasion du contrôle médical du 21 décembre 2018, au doigt d’honneur qu’il aurait dirigé devant les cameras de vidéosurveillance le 26 juillet 2019, au fait qu’il ait fait travailler en 2015 une personne handicapée sur un chantier et enfin à sa présence les 2 septembre 2019 et 12 octobre 2019 sur un chantier pendant son arrêt de travail.
La cour constate que les poursuites disciplinaires ont été engagées lorsque M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire soit le 18 décembre 2019.
Il s’en déduit que l’ensemble des faits fautifs reprochés par l’employeur étant antérieurs au 18 octobre 2019, ils sont prescrits, dès lors qu’il n’est pas avéré, au regard des pièces produites par l’employeur, que le comportement fautif du salarié se soit poursuivi ou ait été répété au-delà de cette date.
En conséquence, la cour considère prescrits les faits ci-dessus relatés.
Concernant la déloyauté :
Les griefs allégués à ce titre ne sont pas étayés par les pièces produites aux débats. En effet, ni la dénonciation de faits de harcèlement moral par le salarié, ni le fait que l’employeur lui ait accordé un prêt d’une somme d’argent, ni le fait que M. [G] ait sollicité une rupture conventionnelle, ni la pression du salarié à l’encontre de son employeur ne sauraient l’établir. De la même manière, le fait que le salarié ait été en arrêt de travail sur la base d’avis médicaux de complaisance ne ressort d’aucune pièce, de même que l’intention de M. [G] dans ce contexte de ne pas reprendre son poste.
Concernant le grief reproché au salarié d’avoir été au ski pendant son arrêt de travail, il est établi que M. [G] avait au préalable obtenu l’accord de la CPAM pour un déplacement en dehors du département et de sa résidence.
Le grief relatif à la déloyauté n’est donc pas caractérisé.
Concernant la désorganisation de l’entreprise :
En application des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail, si le licenciement d’un salarié prononcé en raison de son état de santé ou de son handicap est discriminatoire, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, les perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise engendrées par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié pour maladie peuvent toutefois constituer une cause de licenciement, dès lors qu’elles rendent nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé.
Il incombe alors à l’employeur de démontrer l’existence de perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise engendrées par les absences répétées ou l’absence prolongée du salarié et la nécessité de pourvoir de manière définitive au remplacement du salarié absent.
La lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent, dont le caractère définitif doit être vérifié par les juges du fond. (Soc., 13 mai 2015, pourvoi n° 13-21.026).
Le remplacement d’un salarié absent doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement, délai qui doit être apprécié en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné et des démarches entreprises par l’employeur en vue du recrutement.
Au cas présent,
Le salarié fait valoir que l’employeur n’établit pas l’existence de perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise causées par son absence prolongée ni qu’il a procédé à son remplacement définitif.
L’employeur réplique que l’absence prolongée du salarié a désorganisé l’entreprise en occasionnant l’embauche de personnel par des contrats à durée déterminée. Il invoque l’urgence à réaliser certains travaux dans le restaurant et le fait qu’il ne pouvait se passer de l’expertise d’un responsable de la maintenance du site. Il ajoute avoir dû engager deux salariés en contrat à durée déterminée et que l’absence prolongée du salarié a perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise et a nécessité son remplacement définitif à son poste.
Les premiers juges ont relevé à juste titre que l’employeur n’apportait pas la preuve ni de la désorganisation, ni de la nécessité de remplacer le salarié absent pour cause de maladie.
La cour observe que la production aux débats des contrats de travail à durée déterminée et à temps partiel, signés avec M. [U] [O] (recruté en qualité de technicien de maintenance, pour les périodes des 4 mars au 31 mars 2019, du 1er avril au 30 avril 2019, du 1er mai au 31 mai 2019, du 1er juin au 30 juin 2019 et du 1er juillet 2019 au 31 juillet 2019) et M. [B] [W] (recruté également en qualité de technicien de maintenance, pour les périodes du 26 août au 30 septembre 2019, du 1er octobre au 31 octobre 2019, du 1er novembre 2019 au 30 novembre 2019, du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2019, du 1er janvier au 31 janvier 2020 et du 1er février au 29 février 2020) ne sauraient suffire à établir la désorganisation invoquée.
En effet, il y a lieu d’observer d’une part que ces contrats de travail ont été conclu pour des temps partiels et d’autre part qu’ils ne mentionnent pas l’absence du salarié remplacé conformément à l’article L1242-2 du code du travail.
En outre, la preuve de la désorganisation de l’entreprise alléguée ne saurait se déduire de la liste des travaux de maintenance à réaliser dans les restaurants, et qui sont évoqués dans un mail du 15 février 2019, dont le contenu ne détermine pas la nécessité de procéder à des recrutements de salariés pour remplacer le salarié absent pour maladie.
De plus, il résulte également des pièces versées aux débats que M. [O] a quitté l’entreprise en juillet 2019 et que seul M. [W] ait été embauché en qualité de technicien de maintenance, statut d’agent de maîtrise.
Les emplois de technicien de maintenance ainsi créés sont enfin éloignés des fonctions attribuées à un responsable de maintenance pour lesquelles l’employeur reconnaît lui-même la nécessité d’une expertise et des connaissances en divers domaines (peinture, carrelage, maçonnerie’). Il n’est en l’espèce pas établit par l’employeur qu’un technicien de maintenance puisse remplacer un responsable de maintenance.
Quant au fait que l’image de marque des restaurants Mac Donalds en aurait été affectée auprès de la clientèle, également invoqué par l’employeur au soutien de ce moyen, celle-ci n’est pas davantage établie par les pièces versées aux débats.
Le grief relatif à la désorganisation de l’entreprise n’est donc pas caractérisé.
***
La cour en déduit que l’employeur ne démontre pas la réalité des faits fautifs allégués.
Il apparaît donc que, les premiers juges, à la faveur d’une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d’appel, ont à bon droit écarté dans les circonstances particulières de l’espèce la qualification de faute grave et ont retenu que le licenciement de M. [G] devait être considéré sans cause réelle et sérieuse.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il convient, constatant que le salaire de référence du salarié d’un montant de 2 889,90 euros n’est pas contesté, de condamner la société Diselere à verser au salarié :
la somme de 5 789,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, sur le fondement de l’article L. 1234-1, 3°, du code du travail, le salarié comptant une ancienneté supérieure à 2 ans,
la somme de 578,98 euros au titre des congés afférents,
la somme de 4 756,29 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, en application de l’article L 1234-9 du code du travail, M. [G] comptant 6 ans d’ancienneté.
Quant au montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci a été fixée par les premiers juges à la somme de 8 669,70 euros, soit 3 mois de salaire. En appel, le salarié sollicite la somme de 20 264,30 euros (soit 7 mois).
L’article L. 1235-3, issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, prévoit qu’en cas de licenciement injustifié, le salarié doit se voir verser une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié, M. [G] ayant acquis une ancienneté de 6 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 7 mois de salaire et ce, en tenant compte notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge lors de la rupture, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard.
Au regard de son âge au moment du licenciement, 47 ans, de son ancienneté de 6 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération mensuelle moyenne brute qui lui était versée, puis de sa situation d’emploi postérieurement au licenciement (perception d’allocations de retour à l’emploi au moins jusqu’au mois de septembre 2022), il convient de lui allouer une indemnité de 14 449,50 euros bruts, somme à laquelle il convient de condamner la société Diselere, par voie d’infirmation du jugement entrepris.
Sur la remise des documents de fin de contrat
Il convient d’ordonner à l’employeur de remettre au salarié des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes à la présente décision, sans qu’il n’y ait lieu de prononcer une astreinte à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il convient, par voie de confirmation, de condamner la société Diselere aux dépens de première instance, outre de ceux en cause d’appel.
L’équité commande en outre de condamner la société Diselere à verser à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, outre ceux déjà alloués par la décision de première instance.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 31 mai 2022, sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
CONDAMNE la société Diselere à verser à M. [G] la somme de 14 449,50 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ORDONNE la remise à M. [G] des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes à la présente décision ;
DIT n’y avoir lieu à astreinte ;
CONDAMNE la société Diselere à verser à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la société Diselere aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère pour la Présidente empêchée et par Madame, Solène ESPINAT, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière placée, Pour la Présidente,
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