Licenciement contesté : insuffisance professionnelle ou désaccords hiérarchiques ?

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Licenciement contesté : insuffisance professionnelle ou désaccords hiérarchiques ?

Licenciement pour cause réelle et sérieuse

L’article L. 1232-1 du Code du travail stipule que le licenciement d’un salarié doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. Cette cause doit être objective et les motifs invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail. En outre, l’employeur peut invoquer des motifs différents de rupture, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement.

Insuffisance professionnelle

L’insuffisance professionnelle, qui peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, doit être caractérisée par des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. Elle se définit comme l’incapacité du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante, en fonction de son statut, de ses responsabilités et des compétences requises. Pour qu’elle soit considérée comme une cause de licenciement, l’insuffisance professionnelle doit reposer sur des faits objectifs et vérifiables, et l’employeur doit démontrer qu’il a mis en œuvre les moyens nécessaires pour assurer l’adaptation du salarié à son poste.

Obligations de l’employeur

Conformément à l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’employeur a l’obligation de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d’un salarié, comme le stipule l’article 1353 du Code civil. En cas de non-respect de cette obligation, le salarié peut revendiquer le montant maximal de la rémunération variable.

Clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence, qui doit être prévue dans le contrat de travail, doit être justifiée par des intérêts légitimes de l’entreprise. Selon l’article L. 1237-11 du Code du travail, la contrepartie financière de cette clause doit être versée au salarié pendant la durée de son application. En l’absence de paiement de cette contrepartie, le salarié peut revendiquer son droit à cette somme.

Indemnité de licenciement

L’article 19 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec, précise que l’indemnité de licenciement se calcule en mois de rémunération sur la base d’un tiers de mois par année de présence, sans pouvoir excéder un plafond de dix mois. Le mois de rémunération est défini comme le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant la rupture du contrat, incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels.

Rappel de salaire et congés payés

L’article L. 3141-22 du Code du travail stipule que le salarié a droit à des congés payés, et que les sommes dues au titre des congés payés doivent être versées au moment de la rupture du contrat de travail. En cas de rappel de salaire, le salarié a également droit à des congés payés afférents à ces sommes, conformément à l’article L. 3141-24 du Code du travail.

Article 700 du Code de procédure civile

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Cette disposition vise à garantir l’accès à la justice et à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice.

L’Essentiel : L’article L. 1232-1 du Code du travail stipule que le licenciement d’un salarié doit reposer sur une cause réelle et sérieuse, objective et pertinente. L’insuffisance professionnelle, caractérisée par des éléments précis et objectifs, peut justifier un licenciement. L’employeur doit démontrer qu’il a mis en œuvre les moyens nécessaires pour l’adaptation du salarié. Par ailleurs, l’employeur a l’obligation de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la rémunération variable, et la clause de non-concurrence doit être justifiée par des intérêts légitimes.
Résumé de l’affaire : La SAS Silamir, employant plus de 11 salariés, a embauché un Directeur de site en qualité de cadre par un contrat à durée indéterminée en novembre 2015. Ce dernier a perçu une rémunération fixe, une prime de vacances et une rémunération variable. En juin 2016, la société Si’Lab Rennes a été substituée à Silamir dans le contrat de travail sans autre changement. En septembre 2019, le Directeur a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, et en octobre, il a été licencié pour insuffisance professionnelle et insubordination.

Le Directeur a contesté son licenciement par courrier en novembre 2019 et a demandé le règlement de la contrepartie financière liée à une clause de non-concurrence. En décembre 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes, demandant la requalification de son licenciement et le paiement de diverses sommes, y compris des primes de résultat et des dommages et intérêts.

La SAS Si’Lab Rennes a rejeté les demandes du Directeur et a demandé sa condamnation. Par jugement en avril 2022, le conseil de prud’hommes a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser des dommages et intérêts et à rembourser Pôle Emploi pour les allocations chômage versées au Directeur. Ce dernier a interjeté appel, tout comme la SAS Silamir, qui a succédé à Si’Lab Rennes.

Les parties ont présenté leurs conclusions, le Directeur demandant la confirmation du jugement sur le licenciement et le paiement de diverses sommes, tandis que la SAS Silamir a demandé la confirmation du jugement sur certains points et l’infirmation sur d’autres. La cour a ordonné la jonction des dossiers et a clos l’instruction, renvoyant aux dernières conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique du licenciement pour cause réelle et sérieuse ?

Le licenciement pour cause réelle et sérieuse est encadré par l’article L. 1232-1 du Code du travail, qui stipule que « le licenciement d’un salarié ne peut intervenir que pour une cause réelle et sérieuse ». Cela signifie que l’employeur doit justifier d’un motif objectif et pertinent pour mettre fin au contrat de travail.

En outre, la jurisprudence précise que les griefs invoqués doivent être suffisamment graves pour justifier la rupture. L’employeur doit également respecter les règles de procédure applicables, notamment en ce qui concerne la notification des motifs de licenciement au salarié.

Il est également important de noter que l’employeur peut invoquer plusieurs motifs de licenciement, à condition qu’ils soient distincts et qu’il respecte les procédures appropriées pour chacun d’eux. Cela a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 avril 2024, qui souligne que chaque motif doit être examiné séparément.

Quel est le rôle des objectifs fixés par l’employeur dans le cadre de la rémunération variable ?

Les objectifs fixés par l’employeur jouent un rôle crucial dans la détermination de la rémunération variable, conformément à l’article 1103 du Code civil, qui stipule que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Cela implique que les modalités de calcul de la rémunération variable doivent être clairement définies dans le contrat de travail.

L’article 1104 du Code civil impose également une exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat, ce qui signifie que les objectifs doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. En cas de non-respect de ces obligations, l’employeur peut être tenu de verser le montant maximal de la rémunération variable.

De plus, l’article 1353 du Code civil précise que l’employeur a la charge de prouver qu’il a respecté les modalités de calcul de la rémunération variable. En l’absence de preuve de la transmission des objectifs et des modalités de calcul, le salarié peut revendiquer le paiement intégral de la part variable de sa rémunération.

Quel est l’impact de l’insuffisance professionnelle sur le licenciement ?

L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais elle doit être caractérisée par des éléments objectifs et vérifiables, comme le stipule la jurisprudence. L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante, en fonction de ses compétences et de ses responsabilités.

Pour que l’insuffisance professionnelle soit considérée comme un motif de licenciement, l’employeur doit démontrer qu’il a mis en œuvre les moyens nécessaires pour aider le salarié à s’adapter à son poste, conformément à l’article L. 6321-1 du Code du travail. Cela inclut la mise en place de formations adaptées et l’information du salarié sur ses performances.

En l’espèce, l’employeur doit prouver que le salarié n’a pas atteint les objectifs fixés et que cette non-réalisation est imputable à une insuffisance de sa part. Si l’employeur ne peut pas établir ces éléments, le licenciement pour insuffisance professionnelle peut être jugé injustifié.

Quel est le rôle des clauses de non-concurrence dans le contrat de travail ?

Les clauses de non-concurrence sont régies par l’article L. 1237-2 du Code du travail, qui stipule que « la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace ». Elle doit également prévoir une contrepartie financière pour le salarié, conformément aux dispositions contractuelles.

La jurisprudence précise que la clause de non-concurrence ne peut être appliquée que si elle est justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise et si elle ne porte pas une atteinte excessive à la liberté de travail du salarié. En cas de non-respect de ces conditions, la clause peut être déclarée nulle.

Dans le cas présent, le salarié a contesté la mise en œuvre de la clause de non-concurrence, arguant qu’il n’avait pas reçu la contrepartie financière prévue. L’employeur doit donc prouver qu’il a respecté les conditions de la clause pour pouvoir en exiger l’application.

Quel est le cadre juridique des indemnités de licenciement ?

Les indemnités de licenciement sont régies par l’article 19 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, qui prévoit que « l’indemnité de licenciement se calcule en mois de rémunération sur les bases suivantes : après deux ans d’ancienneté, un tiers de mois par année de présence ».

Cette indemnité est calculée sur la base de la rémunération des douze derniers mois précédant la rupture du contrat, incluant les primes prévues par le contrat de travail. En cas d’ancienneté incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence.

Il est également précisé que les indemnités de licenciement ne s’appliquent pas aux salariés licenciés en raison de leur refus de respecter une clause de mobilité. Dans le cas présent, le salarié a droit à une indemnité de licenciement calculée sur la base de son salaire moyen, incluant la rémunération variable, ce qui doit être pris en compte dans le calcul final.

7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°90/2025

N° RG 22/02667 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SWBK

M. [X] [K]

C/

S.A.S. SILAMIR

RG CPH : F19/00715

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RENNES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 MARS 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Janvier 2025 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [B] [F], médiateur judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

APPELANT :

Monsieur [X] [K]

né le 02 Juin 1971 à [Localité 5] (22)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Comparant en personne assisté de Me Philippe FOURNIER de la SELAS NITENS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.S. SILAMIR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège et venant aux droits de la Société SI’LAB RENNES SASU à la suite d’une transmission universelle du patrimoine

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Anne- Sophie RAMOND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Silamir emploie plus de 11 salariés et applique la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils dite Syntec.

Selon un contrat à durée indéterminée en date du 27 novembre 2015, M. [X] [K] a été embauché par la société Silamir en qualité de Directeur du site Si’Lab de Rennes, statut cadre, à effet au 1er février 2016.

Il percevait une rémunération fixe de 65 000 euros annuelle, une prime de vacances et une rémunération variable.

Par avenant du 3 juin 2016, il a été convenu que la société Silamir était substituée par la société Si ‘Lab Rennes dans le contrat de travail sans autre changement.

Le 26 septembre 2019, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 4 octobre suivant.

Le 14 octobre 2019, il s’est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Il lui était notamment reproché son insuffisance professionnelle et son insubordination.

Dans un courrier en date du 18 novembre 2019, il a contesté les motifs de son licenciement.

Par courriel du 25 novembre 2019, M. [K] a vainement sollicité le règlement de la contrepartie financière prévue au titre de la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail

*

M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête en date du 6 décembre 2019 afin de voir :

– Dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– Dire que la clause contractuelle de non concurrence doit recevoir application jusqu’au 15 octobre 2020

– Condamner la SAS Si’lab Rennes à lui payer les sommes, avec intérêts au taux légal à compter de la demande :

– 93 750 euros bruts au titre des primes de résultat

– 9 375 euros bruts au titre du droit à congés payés afférents

– 49 144,56 euros bruts au titre de la contrepartie à la clause de non concurrence, les intérêts étant dus à partir de chaque échéance mensuelle de paiement de la contrepartie

– 7 500 euros à titre de complément de l’indemnité compensatrice de préavis

– 750 euros au titre des droits à congés payés afférents ,

– Condamner la SAS Si’lab Rennes à lui payer les sommes suivantes:

– 24 572,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3 325 euros à titre de complément d’indemnité légale de licenciement

– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

– 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Si’Lab Rennes a conclu au rejet des demandes de M. [K] et à sa condamnation de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 4 avril 2022, le conseil de prud’hommes de Rennes a :

– Déclaré le licenciement de M. [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse

– Condamné la SAS Si’lab Rennes à verser à M. [K] les sommes suivantes :

– 17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

– 34 144,50 euros au titre de l’indemnité de la clause de non concurrence

– 1 000 euros à titre d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Ordonné d’office le remboursement à Pôle Emploi par la SAS Si’lab Rennes des allocations chômage versées à M. [K]

– Débouté M. [K] du surplus de ses demandes

– Débouté la SAS Si’lab Rennes de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Mis les entiers dépens à la charge de la SAS Si’lab Rennes y compris les frais éventuels d’exécution.

*

M. [K] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 26 avril 2022.

La SAS Silamir, venant aux droits de la SASU Si’Lab Rennes par suite de la transmission unverselle de patrimoine, a également formé un appel par déclaration en date du 5 mai 2022.

Par ordonnance en date du 9 février 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des dossiers connexes sous le numéro N° RG 22/02667.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 30 décembre 2024, M. [K] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le réformant pour le surplus,

– Condamner la SAS Si’lab Rennes à lui payer les sommes suivantes de nature salariale, avec intérêts au taux légal à compter de la demande :

– 93 750 euros bruts au titre des primes de résultat

– 9 375 euros bruts au titre du droit à congés payés afférents

– 49 144,56 euros bruts au titre de la contrepartie à la clause de non concurrence, avec intérêts au taux légal pour chaque échéance mensuelle de paiement de la contrepartie, à partir de sa date d’exigibilité, soit le premier jour du mois suivant.

– 4 914,46 euros au titre des droits à congés payés sur indemnité de non concurrence, avec intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2020, date d’exigibilité de cette somme.

– 7 500 euros à titre de complément de l’indemnité compensatrice de préavis

– 750 euros au titre des droits à congés payés afférents

– Ordonner la capitalisation annuelle des intérêts des sommes ci-dessus sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil.

– Condamner la SAS Si’lab Rennes à lui payer les sommes suivantes:

– 24 572,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3 325 euros à titre de complément d’indemnité légale de licenciement

– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

– 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

– Débouter la SAS Silamir de toutes ses demandes.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 2 août 2022, la SAS Silamir venant aux droits de la SAS Si Lab Rennes demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– Débouté M. [K] de sa demande relative aux primes et congés payés afférents;

– Débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts relative à l’exécution fautive du contrat de travail ;

– Débouté M. [K] du surplus de ses demandes ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– Déclaré le licenciement de M. [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse

– Condamné la SAS Si’lab à verser à M. [K] les sommes de :

– 17 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif

– 34 144,50 euros au titre de l’indemnité de la clause de non concurrence

– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamné la SAS Si’lab aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution

– Ordonné le remboursement à Pôle Emploi par la SAS Si’lab Rennes des allocations chômage versées à M. [K]

– Débouté la SAS Si’lab Rennes de ses demandes tendant à voir rejeter toutes les prétentions de M. [K] et à voir ce dernier condamné à verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

Et statuant à nouveau,

– Débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Dire et juger que le licenciement de M. [K] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– Dire et juger que la SAS Silamir n’a commis aucun manquement dans le cadre de l’exécution du contrat de travail de M. [K],

– Dire et juger que M. [K] n’a pas atteint ses objectifs ;

– Dire et juger que M. [K] a violé sa clause de non-concurrence ;

– Débouter M. [K] de sa demande d’indemnité au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– Débouter M. [K] de sa demande au titre des primes et congés payé afférents ;

– Débouter M. [K] de sa demande au titre de la contrepartie à la clause de non-concurrence et des droits à congés payés ;

– Débouter M. [K] de toutes ses autres demandes

En tout état de cause,

– Condamner M. [K] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.

*

La cour a, sur la demande du nouveau conseil de l’appelant et avec l’accord exprès des avocats des parties, ordonné par mention au dossier la révocation de l’ordonnance de clôture et déclaré l’instruction close à l’audience du 14 janvier 2025.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable

Pour infirmation du jugement entrepris, M. [K] fait valoir que l’employeur n’a satisfait à aucune des obligations prévues au contrat pour la détermination de la prime de résultat, ni sur le chiffre d’affaires à atteindre pour déclencher le versement de la prime, ni sur les modalités de calcul de celle-ci.

Le salarié soutient qu’aucune ‘note de modalité’ ne lui a été communiquée malgré les dispositions contractuelles, que l’employeur s’est contenté d’un versement partiel de la prime de façon discrétionnaire et arbitraire , qu’en l’absence de fixation d’objectifs et de respect des modalités de calcul prévues au contrat, l’employeur doit lui verser le maximum de la prime de résultat prévue à son contrat de travail, représentant la somme de 93 750 euros bruts sur l’ensemble de la période non-prescrite.

M. [K] qui conteste s’être vu notifier l’objectif annuel de 800 000 euros au titre de l’année 2019, soutient que cet objectif lui est inopposable dès lors qu’aucune note de modalité n’a été portée à sa connaissance et affirme en tout état de cause que ledit objectif a bien été atteint en incluant le renouvellement des contrats.

Pour confirmation du jugement, la société Silamir soutient que M. [K] n’ayant jamais atteint ses objectifs n’est pas fondé à réclamer les primes, qu’il n’a jamais contesté la réalité des objectifs qui lui avaient été fixés, leur non-atteinte et le montant des rémunérations variables perçues.

En application de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

A ce titre, une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération dès lors qu’elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, qu’elle ne fait pas porter le risque d’entreprise sur le salarié et qu’elle n’a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels.

Conformément aux articles 1104 du code civil et L. 1221-1 du code du travail relatifs à l’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat, les objectifs peuvent être définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à condition que d’une part, les objectifs fixés soient réalisables, et d’autre part, que ces objectifs aient été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.

En application de l’article 1353 du code civil, il appartient à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d’un salarié et, lorsqu’il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

Lorsqu’il est prévu que les objectifs seront fixés unilatéralement par l’employeur, celui-ci est tenu de produire les éléments de calcul de la rémunération variable dont il dispose afin de permettre au salarié de vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail ; à défaut, la défaillance de l’employeur ouvre au salarié le droit au montant maximal de la rémunération variable.

Lorsque la partie variable de la rémunération est fixée en fonction du chiffre d’affaires annuel réalisé personnellement par le salarié, l’intéressé, qui quitte l’entreprise avant la fin de l’année civile, ne peut pas être privé d’un élément de rémunération versé en contrepartie de son activité auquel il peut prétendre au prorata de son temps de présence.

En l’espèce, la société Silamir verse aux débats :

– le contrat de travail conclu le 27 novembre 2015 prévoyant à l’article VI – Rémunération variable : ‘Le salarié bénéficiera d’une rémunération variable représentant, à objectifs atteints, 15 000 euros [quinze mille euros], plafonnée à 200% soit 30 000 euros [trente mille euros].

La part variable a pour objet de rémunérer l’atteinte des objectifs internes et externes fixés par l’entreprise. Elle peut être égale à zéro. Le montant de la part variable du salaire du salarié est versé annuellement.

La Direction établira unilatéralement, annuellement, et pour chacun des objectifs et pour la période à laquelle ils se rapportent :

– Le niveau permettant de considérer l’objectif comme atteint ;

– Les indicateurs permettant de mesurer l’atteinte de l’objectif ;

– Le poids de l’objectif dans la rémunération variable.

Ces éléments seront portés à la connaissance du salarié par la Direction, via une note de modalités, au début de la période à laquelle ils se rapportent.’ (pièce n°3) ;

– des documents destinés au Codir de la société Silamir (pièce n°20) dont la seconde partie récapitule l’état d’avancement des objectifs de vente fixés à chacun des salariés, et concernant M. [K] avec un objectif annuel de 800 000 euros:

* à la date du 8 février 2019, un chiffre d’affaires réalisé de 133 000 euros, soit 17% de l’objectif

* à la date du 22 février 2019, 123 600 euros, soit 15% de l’objectif

* à la date du 11 mars 2019, 132 900 euros, soit 17% de l’objectif

* à la date du 22 mars 2019, 187 600 euros, soit 23% de l’objectif

* à la date du 5 avril 2019, 206 000 euros, soit 26% de l’objectif

* à la date du 19 avril 2019, 233 400 euros, soit 29% de l’objectif

* à la date du 29 mai 2019, 252 200 euros, soit 32% de l’objectif

* à la date du 15 juin 2019, 255 400 euros, soit 32% de l’objectif

* à la date du 28 juin 2019, 288 700 euros, soit 36% de l’objectif

* à la date du 19 juillet 2019, 289 100 euros, soit 36% de l’objectif

* à la date du 30 août 2019, 333 000 euros, soit 42% de l’objectif

* à la date du 9 septembre 2019, 335 800 euros, soit 42% de l’objectif;

– Des ‘notes de modalité’ correspondant à la part variable de M.[K] Directeur Si lab pour les exercices 2017 et 2018, ne comportant aucun en-tête au nom de la société , ni datées ni signées ( pièces 21et 22)

– une ‘note de modalité 2019″ pour la part variable de M.[K] , ni datée ni signée, ainsi libellée :

‘La part variable du salarié est fondée sur différents objectifs dont les thèmes sont détaillés ci-après.

Le montant de la part variable maximum distribuable est de 15.000 euros bruts (plafonné à 200%).

Les thèmes et la répartition par période sont revus par la Direction.

Le versement de la part variable du salarié peut être effectué en fonction de périodes déterminées chaque année dans la note de modalité.

Le calcul de la prime par période s’effectue de la manière suivante :

Prime variable* (somme des poids dans l’objectif global de chacun des objectifs concernés par la période)* taux d’obtention de la prime prorata temporis.

Ce pourcentage est caclcué tous les mois.

Atteinte des indicateurs

Taux d’obtention de la prime

200%

200%

150%

150%

100%

100%

80%

60%

50%

20%

En dessous de 50%

0%

Objectifs

Thème

Objectif

Indicateur

Evaluation de l’objectif

Poids dans l’objectif global

Business développement

Développement régie*

800K euros

Mensuel

100%

* Lorsque la vente se fait en binôme, le chiffre d’affaires généré lors de la vente est divisé à 50% entre les deux personnes objectivées ayant contribué à la vente.

Les contrats de maintenance ne sont pas inclus dans l’objectif, en revanche les reventes de développements complémentaires le sont…’ (pièces n°21, 22 et 23);

– Deux tableaux récapitulant les objectifs fixés et les chiffres d’affaires réalisés par M. [K] sur les exercices 2018 et 2019, avec une comparaison avec ceux de M. [Y], nouveau directeur de la société, pour le 1er trimestre 2020 dont il ressort que :

* M. [K] avait pour objectif 800 000 euros de chiffre d’affaires pour les exercices 2018 et 2019 :

en 2018, il a réalisé un CA de 338 400 euros et en 2019 un CA de 335 800 euros.

* M. [Y] avait pour objectif 625 000 euros de chiffre d’affaires au premier trimestre de l’année 2020 : il a réalisé un CA de 465 000 euros (pièce n°29) ;

– Les attestations de Mme [S], Directrice associée du pôle conseil, Mme [Z], Directrice marketing et communication et de M. [O], Directeur du pôle Compétences et ressources, indiquant dans des termes identiques que : ‘ [leurs] objectifs annuels sont discutés et finalisés lors des entretiens annuels de janvier avec [leurs] dirigeantes et une note de modalité est établie chaque année pour chacune des personnes ayant des parts variables. Ces objectifs sont suivis lors des CODIR et lors des points mensuels avec [leurs] dirigeants.’ (pièces n°33, 35 et 36) ;

– Un bulletin de salaire de janvier 2017 de M.[K] faisant mention d’une prime exceptionnelle de 7 500 euros (pièce n°26) ;

– Un autre bulletin de salaire de février 2018 mentionnant une prime exceptionnelle de 7 500 euros (pièce n°27) ;

– Un autre bulletin de salaire de janvier 2019 faisant apparaître une prime sur objectifs de 5 000 euros (pièce n°28).

En ce qui concerne l’opposabilité de l’objectif annuel assigné à M. [K] en 2019, il doit être observé que ni la note de modalité produite par la société Silamir, ni d’ailleurs les notes de modalité des exercices prédcédents, ne sont datées , signées ou paraphées par le salarié, et qu’au-delà des simples affirmations de l’employeur selon lesquelles ‘M. [K] était parfaitement informé et avait donné son accord.’ (page 11 écritures société), la société Silamir ne produit strictement aucun élément démontrant qu’elle a porté à la connaissance de l’intéressé les éléments définissant l’étendue de son objectif annuel ainsi que les indicateurs et niveaux permettant de considérer l’objectif comme atteint.

Le fait que M. [K] soit membre du Comité de direction se réunissant régulièrement afin d’évoquer l’évolution du chiffre d’affaires est insuffisant pour établir que le salarié était parfaitement informé des conditions d’atteinte de l’objectif de 800 000 euros qui lui était assigné pour l’année 2019.

A propos de la prise en compte des contrats renouvelés dans l’assiette de calcul du chiffre d’affaires réalisé, l’employeur se borne à soutenir que : ‘Monsieur [K] n’apporte néanmoins aucun élément de preuve’ (page 13 écritures), alors qu’il ne ressort pas de la note de modalité, dont la communication au salarié n’est pas établie, ni du contrat de travail ni de tout autre document que les ‘contrats renouvelés’ étaient exclus du calcul de l’objectif annuel.

Alors qu’il incombe à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable du salarié, force est de constater que la société Simalir ne produit aucun élément permettant d’appréhender l’assiette de calcul du chiffre d’affaires réalisé par M. [K] . En effet, les tableaux communiqués au CODIR se contentent de présenter l’évolution du chiffre d’affaires, les objectifs de vente assignés aux salariés et leur niveau d’atteinte, sans pour autant détailler les composantes de ces objectifs.

Les notes de modalités pour les exercices 2017 à 2019 disposent seulement que ‘Les contrats de maintenance ne sont pas inclus dans l’objectif, en revanche les reventes de développements complémentaires le sont’, sans fournir la moindre définition des contrats exclus de l’assiette de calcul, qu’il s’agisse des contrats dits de maintenance ou les contrats ‘renouvelés’

Le fait que le salarié n’ait transmis aucune demande préalable ne vaut pas renonciation à se prévaloir d’un droit auprès de son employeur auquel il appartenait de justifier du chiffre d’affaires réalisé pendant la période sur laquelle porte la réclamation en vue du calcul de la rémunération variable.

Dans ces conditions où l’employeur n’allègue, ni ne démontre, avoir régulièrement transmis les notes de modalités détaillant le niveau permettant de considérer l’objectif comme atteint, les indicateurs permettant de mesurer l’atteinte de l’objectif et le poids de l’objectif dans la rémunération variable, et ne produit de surcroît, aucun élément permettant de calculer la part de rémunération variable du salarié, ce dernier est en droit d’obtenir le paiement intégral du rappel de rémunération variable sur la période de 2016 à octobre 2019, au prorata de son temps de présence dans l’entreprise.

Par ailleurs, en l’absence de preuve de la transmission des notes de modalités permettant au salarié de connaître précisément ses objectifs, il n’est pas justifié d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties s’agissant du caractère réaliste et réalisable de l’objectif annuel de

800 000 euros.

Faute pour l’employeur d’avoir satisfait à ses obligations contractuelles, M. [K] est en conséquence fondé à obtenir le paiement intégral de la part variable de la rémunération dont le montant maximum est fixé à

30 000 euros par an.

Sur le fondement du décompte produit par le salarié, non sérieusement discuté par l’employeur qui tient compte des primes déjà versées pour un montant total de 20 000 euros (page 19 écritures salarié), il y a lieu de condamner la société Silamir à verser à M. [K] la somme de 93 750 euros à titre de rappel de rémunération variable durant la période non prescrite, outre 9 375 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

2- Sur le solde de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement

Pour infirmation du jugement entrepris, M. [K] soutient que le rappel de salaire au titre de la rémunération variable a une incidence sur les indemnités de fin de contrat du fait de la modification du salaire de référence ; il sollicite en ce sens le paiement du solde au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité légale de licenciement.

En réplique, l’employeur soutient que le licenciement est justifié mais ne conteste pas les calculs opérés par le salarié.

2-1 Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Conformément aux dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail et de l’article 15 de la convention collective nationale dite Syntec, la rupture des relations contractuelles est soumise à un préavis de trois mois. Le salaire moyen à retenir étant de 8 190,75 euros brut par mois après intégration de la rémunération variable, il est dû à M. [K] un solde d’indemnité compensatrice de préavis de 7 500 euros bruts outre la somme de 750 euros bruts pour les congés payés afférents.

2-2 Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

L’article 19 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, prévoit que : ‘L’indemnité de licenciement se calcule en mois de rémunération sur les bases suivantes :

Après deux ans d’ancienneté, un tiers de mois par année de présence de l’ingénieur ou du cadre, sans pouvoir excéder un plafond de dix mois.

Le mois de rémunération s’entend dans le cas particulier comme le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, cette rémunération incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires au-delà de l’horaire normal et les majorations de salaire ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement. Pour les années incomplètes, l’indemnité de licenciement est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence.

En cas d’engagements successifs et de prise en compte de l’ancienneté dans les conditions prévues à l’article 12, l’indemnité de licenciement qui aura pu être perçue à l’occasion d’un licenciement antérieur est déductible de l’indemnité de licenciement prévue par le présent article.

Conformément aux dispositions de l’article 61, les indemnités de licenciement prévues par le présent article ne sont pas applicables aux salariés licenciés en raison de leur refus de respecter la clause de mobilité prévue par leur contrat de travail.’

Tel qu’il résulte des dispositions conventionnelles précitées et au vu du salaire de référence de 8 190,75 euros brut par mois, incluant la rémunération variable, sur les douze derniers mois précédant la rupture du contrat de travail et de l’ancienneté du salarié (3 ans et 8 mois), la SAS Silamir doit être condamnée à payer à M. [K] la somme de 3 325 euros nets à titre de solde d’indemnité de licenciement.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

3- Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

Pour infirmation du jugement, la SAS Silamir soutient que les objectifs de M. [K] étaient parfaitement réalisables compte tenu des résultats trimestriels de M. [Y], son successeur que M. [K] avait atteint au bout de 9 mois.

La société soutient également que :

– M. [K] membre du Comité de direction de la société, était informé des résultats qu’il devait atteindre ;

– il n’a jamais contesté les objectifs qui lui avaient été fixés, ni les rémunérations variables perçues au titre des années 2016, 2017 et 2018;

– ses résultats ont diminué un peu plus chaque année.

L’employeur expose que le manque de motivation et d’implication du salarié, de même que ses mauvais choix stratégiques ont fortement impacté les résultats de la société.

Enfin, la société fait valoir que M. [K] a fait preuve d’insubordination caractérisée en prenant des initiatives contraires aux instructions données par sa hiérarchie et en exprimant, à de nombreuses reprises, ses désaccords sur la stratégie de recrutement et l’organisation que la société Silamir souhaitait mettre en place.

Pour confirmation du jugement, M. [K] expose que l’objectif annuel pour l’exercice 2019 ne lui a jamais été notifié et qu’il n’a jamais eu aucune remarque de l’employeur depuis son embauche en 2015 et jusqu’au licenciement pour insuffisance de résultats ou non atteinte d’objectifs. S’il reconnaît avoir été informé verbalement en février 2019 lors d’une séance du comité de direction le chiffre d’affaires à atteindre pour l’année 2019, il affirme n’avoir jamais reçu, depuis le début de son emploi, la moindre note de modalité ou un courrier précisant les objectifs annuels.

M. [K] fait également valoir que :

– il a été licencié par courrier du 14 octobre 2019, soit deux mois et demi avant la fin de l’année de référence de sorte que l’employeur ne peut prétendre que l’objectif n’aurait pas été atteint avant la fin de l’année ;

– en incluant les contrats renouvelés dont aucun document contractuel ne mentionne leur exclusion du calcul du chiffre d’affaires, la projection annuelle des résultats était bien au-delà de l’objectif fixé;

– l’employeur communique pour la première fois des ‘notes de modalités’ des années 2017 à 2019, fabriquées pour les besoins de la cause ;

– les réactions et interventions de ses supérieurs hiérarchiques étaient souvent à l’origine de pertes de marchés.

– aucune remarque ne lui a été faite sur la prétendue baisse du chiffre d’affaires et en tout état de cause, ses attributions ne comportaient pas la gestion financière du site de Si’lab Rennes.

Enfin, M. [K] conteste le reproche de manque de motivation, soutient que l’insubordination alléguée n’est pas visée dans la lettre de licenciement et que les désaccords avec sa hiérarchie ne sauraient constituer un motif de licenciement.

La lettre de licenciement du 14 octobre 2019, qui circonscrit l’objet du litige , est ainsi rédigée:

‘ […] À l’issue, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants :

* Concernant l’insuffisance professionnelle ou l’insuffisance de résultat.

Nous vous avons précisé lors de l’entretien que les objectifs qui sont fixés par la Direction de Silamir, à savoir 800K euros, ne seront pas atteints cette année 2019.

Nous vous avons précisé que la gestion que vous avez adoptée en positionnant plus de ressources que de besoins sur un certain nombre de projets a entraîné une rentabilité négative pour un certain nombre d’entre eux, ce qui met en difficulté le Si’lab Rennes et sa pérennité.

Nous vous avons enfin précisé que vos actions commerciales concernant la régie et qui faisaient partie de vos objectifs 2019 n’ont pas été en mesure de porter leurs fruits dû au fait de votre manque de motivation et d’initiative. En effet, le nombre de consultants positionnés chez nos clients n’a pas progressé depuis le début de l’année, voire a régressé. Vous avez d’ailleurs précisé lors de notre entretien que vous n’étiez effectivement pas motivé depuis janvier 2019.

* Concernant les profonds désaccords qui entraînent une véritable perturbation au sein de l’entreprise.

Vous avez en 2019, accentué l’isolement du Si’lab Rennes en exerçant votre activité sans réelle connexion avec l’entité de Paris. Vous n’avez d’ailleurs fait que très peu de déplacements sur Paris en 2019 pour venir aux réunions comme par exemple le Comité de Direction de Silamir dont vous êtes membre.

Vous n’avez à aucun moment pris d’initiative pour faire des ‘reportings’ au Groupe et nous avons dû à plusieurs reprises aller chercher des informations par nous-mêmes sur la gestion courante du Si’lab Rennes (staffing des développeurs notamment).

Vous n’avez pas, durant cette année, remonté un certain nombres d’insatisfactions des salariés et n’avez pas entretenu une dynamique au sein du Si’lab Rennes.

Vous avez affecté des développeurs cet été sur un projet que nous ne souhaitions pas développer, sans obtenir l’accord de la Direction.

Plus globalement, vous avez exprimé vos désaccords sur la stratégie de recrutement et l’organisation que nous souhaitions mettre en place. Vous m’avez d’ailleurs confirmé ne pas être en phase avec notre management.

Par conséquent, nous ne pouvons pas vous maintenir en poste et nous vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse…’ (pièce n°18 société).

L’article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

En outre, l’employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu’ils procèdent de faits distincts (Soc., 3 avril 2024, n°19-10.747).

Il en résulte que pour invoquer des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, l’employeur doit donc remplir deux conditions: invoquer des faits distincts et respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement.

Si ces conditions sont réunies, le juge a l’obligation d’examiner l’ensemble des motifs.

Chaque motif de licenciement conserve son autonomie, de sorte que le bien-fondé du licenciement sera apprécié par rapport à chaque motif envisagé séparément.

Ainsi, lorsque la lettre mentionne des fautes disciplinaires et une insuffisance professionnelle, le juge ne peut pas se borner à contrôler la faute en se désintéressant de l’insuffisance professionnelle.

Il ressort du courrier que le licenciement pour cause réelle et sérieuse notifié à M. [K] repose sur deux motifs de rupture distincts : l’insuffisance professionnelle, par nature, non-fautive, et des désaccords avec sa hiérarchie, relevant du cadre disciplinaire.

1-1 Sur l’insuffisance de résultats et l’insuffisance professionnelle

Il est constant que l’insuffisance de résultats ne peut constituer, en elle-même, une cause réelle et sérieuse de rupture et que le défaut de réalisation de ceux-ci ne peut caractériser une cause réelle et sérieuse qu’à la double condition que ces objectifs soient réalistes et que cette non-réalisation résulte d’une faute du salarié ou de son insuffisance professionnelle.

L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié et qu’elle se rapporte à l’exécution de tâches relevant de sa qualification.

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’inaptitude du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante, au regard de son statut, de ses responsabilités et des compétences requises pour l’exercice de ses fonctions.

Elle est de nature qualitative et ce motif n’entraîne pas comme dans le cas d’un licenciement disciplinaire l’énumération précise et exhaustive des griefs, la seule référence à cette insuffisance constituant un motif de licenciement matériellement vérifiable pouvant être précisé et discuté devant le juge prud’homal.

Caractérisée par le manque de compétences du salarié pour exécuter les tâches qui lui sont confiées, elle doit donc reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur la seule appréciation purement subjective de l’employeur. Le salarié fait preuve d’insuffisance professionnelle lorsque, faute de formation, de compétence, voire de capacités physiques ou intellectuelles, il se révèle incapable, quelle que soit sa bonne volonté, d’exécuter correctement sa prestation de travail. Son insuffisance professionnelle n’est pas fautive parce qu’elle procède de l’incompétence du salarié.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l’insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Si la preuve est partagée en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il incombe à l’employeur d’apporter au juge des éléments objectifs à l’appui des faits qu’il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l’insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

Afin que l’insuffisance professionnelle puisse être caractérisée, il revient à l’employeur de démontrer préalablement à sa décision, conformément aux dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail, qu’il avait mis en ‘uvre les moyens nécessaires afin d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et ainsi veillé au maintien de sa capacité à occuper l’emploi sur le long terme, le cas échéant par la mise en ‘uvre de programmes de formations adaptés. Avant d’envisager son licenciement, le salarié doit également avoir été mis au courant de son incompétence ou de ses erreurs pour pouvoir y remédier.

En l’espèce, il est fait grief à M. [K] de ne pas avoir atteint l’objectif de 800 000 euros de chiffre d’affaires sur l’exercice 2019 et d’avoir adopté une mauvaise gestion des projets ayant mis en difficulté la société.

S’agissant de l’insuffisance de résultats, la société verse aux débats les pièces précédemment examinées au titre du rappel de rémunération variable.

Il résulte des précédents développements que l’employeur, qui ne justifie pas de la transmission des ‘notes de modalités’ et de document permettant de calculer la part de rémunération variable de M. [K], ne peut pas sérieusement invoquer la non-atteinte par le salarié des objectifs dont il n’avait pas connaissance préalable en début de chacun des exercices concernés.

L’insuffisance professionnelle reposant sur la non atteinte des résultats commerciaux ne résulte pas des pièces produites alors que M.[K] démontre que le chiffre d’affaires réalisé représentait déjà 760 000 euros début octobre 2019, soit proche du prétendu objectif annuel, et qu’il restait un trimestre à courir sur l’année.

S’agissant de la mauvaise gestion des projets, aux termes de la lettre de licenciement, il est fait grief au salarié d’avoir positionné ‘plus de ressources que de besoins sur un certain nombre de projets’ ayant entraîné une ‘rentabilité négative’ et d’avoir mené des actions commerciales concernant la régie ‘qui faisaient partie de [ses] objectifs 2019″ qui n’ont pas abouti en raison d’un ‘manque de motivation et d’initiative’.

A l’appui, la société Silamir verse aux débats divers mails échangés le 30 août 2018 relatifs portant sur la tenue d’un entretien en présence de M. [K], Mme [T] et Mme [H] ( pièce 32), un autre mail de Mme [H], directrice, daté du 25 janvier 2018 portant convocation de M.[K] à un entretien annuel fixé au 26 janvier 2018 (verso pièce n°34) et un document de présentation de la plate-forme Docker qui aurait été communiqué dans le cadre d’une formation suivie par le salarié (pièce n°30).

Force est de constater que :

– Les projets et actions commerciales visés dans la lettre de licenciement fixant l’objet du litige, ne sont pas décrits précisément par l’employeur dans ses écritures;

– la ‘rentabilité négative’ des projets de M. [K] n’est ni développée ni établie.

– les reproches concernant le mode de gestion des projets par M. [K] ne sont pas articulés,

– Le manque de motivation et d’initiative du salarié ne repose sur aucun fait concret et vérifiable et relève des affirmations non étayées de l’employeur ;

– il ne résulte d’aucun élément vérifiable que la société était confrontée à une régression du nombre de consultants positionnés au sein des entreprises clientes et que cette régression serait imputable au salarié.

Par ailleurs, M. [K] qui bénéficiait chaque année de primes exceptionnelles et de primes sur objectifs prétend sans être contredit, n’avoir fait l’objet d’aucun reproche ou mise en garde quant à la baisse de ses résultats durant les trois années d’exercice. L’ employeur qui ne communique aucun bilan annuel ne justifie pas de la mise en place d’éventuelles mesures d’accompagnement, de formation ou d’adaptation à son poste au sens des dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail.

Il en résulte que l’insuffisance professionnelle de M. [K] n’est pas démontrée.

1-1 Sur les désaccords avec la hiérarchie

La lettre de licenciement doit être suffisamment motivée et énoncer des moti


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