Licenciement contesté et harcèlement moral : une réévaluation des griefs.

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Licenciement contesté et harcèlement moral : une réévaluation des griefs.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [B] [G] a été licencié pour faute grave par la société Venus, qui lui reproche plusieurs griefs, notamment l’absence d’information sur la création de sociétés concurrentes, la perception d’une commission occulte, et l’intervention de sociétés dans lesquelles il avait un intérêt financier. M. [G] conteste son licenciement et invoque des faits de harcèlement moral.

RÈGLE DE DROIT APPLICABLE

Le licenciement pour faute grave est régi par l’article L. 1232-1 du Code du travail, qui stipule que l’employeur doit justifier d’une cause réelle et sérieuse pour rompre le contrat de travail. La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits qui rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.

L’article L. 1332-4 du Code du travail précise que les poursuites disciplinaires doivent être engagées dans un délai de deux mois à compter de la connaissance par l’employeur des faits reprochés, sauf si ces faits ont donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai. La connaissance des faits par l’employeur doit être exacte et porter sur la réalité, la nature et l’ampleur des faits.

En matière de harcèlement moral, l’article L. 1152-1 du Code du travail interdit tout agissement répété ayant pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié. L’article L. 1152-3 précise que toute rupture du contrat de travail en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

APPLICATION DE LA RÈGLE DE DROIT

Dans cette affaire, la cour a constaté que la société Venus n’a pas établi la réalité des griefs reprochés à M. [G], notamment en ce qui concerne la création de sociétés concurrentes et la perception d’une commission occulte. La cour a retenu que les griefs n’étaient pas prescrits, car la société n’a eu connaissance des faits qu’à partir de décembre 2019.

Concernant le harcèlement moral, la cour a jugé que les éléments présentés par M. [G] laissaient supposer l’existence d’un harcèlement, et que la société Venus n’avait pas prouvé que les agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En conséquence, le licenciement a été déclaré nul, et la société a été condamnée à verser des indemnités à M. [G].

L’Essentiel : M. [B] [G] a été licencié pour faute grave par la société Venus, qui lui reproche plusieurs griefs, notamment l’absence d’information sur la création de sociétés concurrentes et la perception d’une commission occulte. M. [G] conteste son licenciement et invoque des faits de harcèlement moral. La cour a constaté que la société n’a pas établi la réalité des griefs reprochés et a jugé que les éléments présentés par M. [G] laissaient supposer l’existence d’un harcèlement. Le licenciement a été déclaré nul.
Résumé de l’affaire : Un gestionnaire d’actifs immobiliers a été engagé par une société foncière par un contrat à durée indéterminée, qui a été transféré à une autre société. Après avoir reçu deux avertissements en 2019, il a été convoqué à un entretien préalable et licencié pour faute grave en février 2020. Le salarié, ayant près de 15 ans d’ancienneté, a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes, demandant diverses indemnités et le remboursement de notes de frais.

Le conseil de prud’hommes a débouté les deux parties de leurs demandes respectives, et le gestionnaire a interjeté appel. Dans ses conclusions, il a demandé la reconnaissance de harcèlement moral, la nullité de son licenciement, et des indemnités conséquentes. La société, quant à elle, a demandé un sursis à statuer en raison d’une enquête pénale en cours, tout en contestant les accusations de harcèlement et en soutenant que les griefs justifiaient le licenciement.

La cour a d’abord examiné la demande de sursis à statuer, la jugeant irrecevable, et a ensuite analysé les griefs de licenciement. Elle a constaté que la société n’avait pas prouvé les faits reprochés, notamment la création de sociétés concurrentes et la perception d’une commission occulte. De plus, la cour a retenu que les éléments présentés par le salarié laissaient supposer un harcèlement moral, ce que l’employeur n’a pas réussi à contredire.

En conséquence, la cour a déclaré le licenciement nul et a condamné la société à verser des indemnités au salarié, incluant des dommages-intérêts pour harcèlement moral et des indemnités de rupture. La société a également été condamnée aux dépens et à verser une somme pour frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de la demande de sursis à statuer formulée par la société Venus ?

La société Venus soutient que le licenciement de M. [G] est lié à des faits également reprochés dans une procédure pénale en cours, ce qui pourrait influencer la décision de la cour. Elle se réfère aux articles 73 et 74 du code de procédure civile, qui permettent de demander un sursis à statuer lorsque des éléments extérieurs à l’instance peuvent avoir un impact sur le jugement.

Cependant, M. [G] conteste cette demande, arguant que la société Venus n’a pas prouvé que l’enquête préliminaire était toujours en cours et que les sujets abordés dans la demande de sursis ne sont pas identiques à ceux de la procédure pénale. La cour a finalement décidé de rejeter la demande de sursis à statuer, confirmant ainsi la décision des premiers juges.

Quel est le cadre juridique du licenciement pour faute grave selon le Code du travail ?

Le licenciement pour faute grave est régi par l’article L.1332-1 du Code du travail, qui stipule que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis. L’article L.1332-4 précise que l’employeur doit engager des poursuites disciplinaires dans un délai de deux mois à compter du jour où il a eu connaissance des faits reprochés.

Dans cette affaire, la cour a examiné si les griefs invoqués par la société Venus étaient fondés et si la faute grave était établie. Elle a constaté que les faits reprochés à M. [G] n’étaient pas suffisamment prouvés et que la société n’avait pas respecté les délais de prescription, ce qui a conduit à l’infirmation du licenciement.

Quel est le régime juridique du harcèlement moral selon le Code du travail ?

Le harcèlement moral est encadré par l’article L.1152-1 du Code du travail, qui interdit à tout salarié de subir des agissements répétés ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail, portant atteinte à sa dignité ou compromettant son avenir professionnel. L’article L.1152-3 précise que toute rupture du contrat de travail en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

Dans cette affaire, M. [G] a allégué avoir subi des faits de harcèlement moral, notamment des avertissements injustifiés et un licenciement non fondé. La cour a retenu que certains faits étaient matériellement établis et la société Venus n’a pas prouvé que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs, ce qui a conduit à la reconnaissance du harcèlement moral et à la nullité du licenciement.

Quel est le montant des indemnités dues à M. [G] suite à la nullité de son licenciement ?

Suite à la nullité du licenciement, la cour a condamné la société Venus à verser à M. [G] plusieurs indemnités, conformément aux articles L.1235-3-1 et L.1234-9 du Code du travail. Les montants sont les suivants :

– 37 874 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 28 017 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 2 802 euros de congés payés afférents ;
– 112 000 euros d’indemnité pour licenciement nul.

Ces sommes sont dues en raison de l’ancienneté de M. [G] et de la nature injustifiée de son licenciement, et elles porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation des prud’hommes.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 01 AVRIL 2025

(n° 2025/ , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05578 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFZ32

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F20/08976

APPELANT

Monsieur [B] [G]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Stéphanie ARENA, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMEE

S.N.C. VENUS

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Sophie GRASSET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0819

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, présidente

Madame Anne HARTMANN, présidente

Madame Catherine VALANTIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [B] [G], né en 1970, a été engagé par la société Maintreuil, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2005 en qualité d’ « asset manager  » (gestionnaire d’actifs immobiliers). Ce contrat a été transféré à compter du 1er octobre 2009 à la SNC Venus.

La société Venus est une société foncière dont l’objet est d’acquérir des immeubles en vue de les louer, elle appartient à un groupe de sociétés et a pour gérant et actionnaire majoritaire la société Acanthe Développement. M. [W] est le Président Directeur Général de la société Acanthe Développement depuis août 2018 et M. [J] [M] en est le Directeur Général Délégué.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’immobilier.

M. [G] a reçu deux avertissements le 28 janvier 2019 et le 12 juin de la même année.

Par lettre datée du 27 janvier 2020, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 février 2020 avec mise à pied conservatoire avant d’être licencié pour faute grave par lettre datée du 18 février 2020.

A la date du licenciement, M. [G] avait une ancienneté de 14 ans et 9 mois et la SNC Venus occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Contestant son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre le remboursement de notes de frais, M. [G] a saisi le 30 novembre 2020 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 25 avril 2022, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– déboute M. [G] de l’ensemble de ses demandes,

– déboute la société Venus de l’intégralité de ses demandes,

– condamne la partie demanderesse aux entiers dépens.

Par déclaration du 23 mai 2022, M. [G] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 12 mai 2022.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 janvier 2025, M. [G] demande à la cour de :

– déclarer M. [G] recevable et bien fondé en ses fins, demandes, et prétentions,

sur la demande de sursis à statuer,

– déclarer la demande de sursis à statuer irrecevable, et subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté ladite demande de sursis à statuer et débouter la société Venus de cette demande,

à titre principal,

– ordonner que M. [G] a été victime de harcèlement moral,

– ordonner le licenciement de M. [G] nul,

en conséquence,

– condamner la société Venus au paiement des sommes suivantes :

– dommages et intérêts pour licenciement nul : 186.780 euros (20 mois)

– dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50.000 euros

– indemnité conventionnelle de licenciement : 37.874 euros

– indemnité compensatrice de préavis : 28.017 euros (3 mois)

– congés payés sur préavis : 2.801 euros

– paiement période de mise à pied : 5.857,95 euros

à titre subsidiaire :

– ordonner prescrits les faits indiqués dans la lettre de licenciement et par extraordinaire, pour les cas où lesdits faits ne seraient pas, tout ou partie, considérés comme prescrits, subsidiairement, déclarer que M. [G] n’a commis aucune faute,

– ordonner le licenciement de M. [G] sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence :

– condamner la société Venus au paiement des sommes suivantes :

– indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse : 112.068 euros (12 mois)

– indemnité conventionnelle de licenciement : 37.874 euros

– indemnité compensatrice de préavis : 28.017 euros (3 mois)

– congés payés sur préavis : 2.801 euros

– paiement période de mise à pied : 5.857,95 euros

en tout état de cause :

– condamner la société Venus au paiement des sommes suivantes :

– dommages et intérêts pour préjudice moral : 5.000 euros

– remboursement des notes de frais (y incluant le tél. pro.) : 7.640,10 euros

– ordonner que ces sommes emporteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes (à savoir 30 novembre 2020),

– condamner la société Venus à la remise de l’attestation Pôle Emploi originale et conforme sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 10ème suivant la notification de la décision à intervenir,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Venus de l’intégralité de ses demandes, y incluant celle tendant au sursis à statuer et celles formulées à titre reconventionnel (octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du CPC, et article 700 du même code),

– débouter la société Venus de toutes ses demandes, fins et conclusions, et de toutes ses demandes plus amples et contraires,

– condamner la société Venus à la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens tant de 1ère instance qu’appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 janvier 2025, la société Venus demande à la cour de :

avant toute défense au fond,  » in limine litis  » et dans l’hypothèse où la cour d’appel estimerait ne pas disposer de suffisamment d’éléments pour confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a jugé du bien-fondé du licenciement pour faute grave de Monsieur [G], il est demandé à la Cour :

– infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes le 25 avril 2022, en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de sursis à statuer,

– ordonner le sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale jusqu’à épuisement de l’instance pénale initiée,

au fond,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 25 avril 2022, en ce qu’il a débouté M. [G] de l’ensemble de ses demandes,

– juger que M. [G] ne rapporte pas la preuve des griefs qu’il impute à la société Venus,

– juger que M. [G] n’a pas été licencié pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral,

– juger que les griefs détaillés dans la lettre de licenciement qui sont avérés et suffisamment sérieux rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et justifiaient le licenciement pour faute grave de M. [G],

– débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes,

– infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes le 25 avril 2022, en ce qu’il a débouté la société Venus de ses demandes reconventionnelles, et statuant à nouveau,

– condamner M. [G] à verser à la société Venus la somme de 50.000 ‘ de dommages et intérêts au titre de l’article 32-1 du Code de procédure civile,

– condamner M. [G] à verser à la société Venus la somme de 10.000 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner M. [G] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 janvier 2025 et l’affaire a été fixée à l’audience du 06 février 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que les dernières conclusions de l’appelant ne mentionnent pas qu’il sollicite l’infirmation du jugement entrepris ; que cependant, les conclusions 1 et 2 précisent bien que M. [G] demande l’infirmation du jugement entrepris de telle sorte que l’intimée a bien eu connaissance des chefs critiqués et a pu exercer ses droits, ce qui n’est pas contesté. Au demeurant, à l’audience, les parties ont admis que cette absence de mention dans les dernières conclusions était une erreur matérielle de ‘copier/coller’.

Sur la demande de sursis à statuer

La société Venus soutient en substance que M. [G] a été licencié pour les mêmes faits que ceux qui lui sont reprochés dans la procédure pénale et donc que la décision pénale à intervenir est susceptible d’exercer une influence sur la solution de la présente instance. Elle rappelle que la plainte pénale a conduit à l’ouverture d’une enquête préliminaire et qu’elle est en attente de fixation d’une date d’audience devant le tribunal correctionnel.

M. [G] réplique que la société Venus sollicite le sursis à statuer après que soit débattu le fond et qu’ainsi cette demande n’est pas soulevée in limine litis. Il ajoute que l’employeur n’apporte pas la preuve que l’enquête préliminaire soit toujours en cours et rappelle à la cour qu’elle dispose d’une faculté discrétionnaire et n’est pas tenue de surseoir à statuer, d’autant que la demande principale porte sur la reconnaissance du harcèlement moral qui ne figure pas dans le volet pénal, qu’il s’agit de sujets distincts et que c’est M. [G] qui a introduit l’instance prud’homale et non l’employeur.

Vu les articles 73 et 74 du code de procédure civile

Vu l’article 4 du code de procédure pénale

En l’espèce, la société Venus a sollicité avant toute défense sa demande de sursis à statuer de telle sorte que sa demande est recevable.

Sur le bien fondé de la demande, la cour constate que si la société Venus a bien déposé plainte, elle ne produit pas d’élément suffisant pour justifier de la réalité d’une quelconque enquête ou poursuite. En tout état de cause, rien ne s’oppose à ce que la cour statue.

Il y a donc lieu, à l’instar des premiers juges, de rejeter la demande de sursis à statuer.

La décision sera confirmée de ce chef.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige est ainsi rédigée :

 » Nous avons constaté que vous étiez très peu présent au bureau alors que la diminution des actifs immobiliers du groupe ACANTHE DEVELOPPEMENT aurait dû, au contraire, avoir pour effet de restreindre vos déplacements extérieurs. Notre étonnement sur ce sujet a été renforcée par les rumeurs qui nous sont parvenues fin 2019. En effet, nous avons découvert que vous exerciez d’autres activités pour votre compte personnel tout en restant salarié de notre société.

Ceci nous a ainsi incité à mener des investigations sur votre activité.

Nos recherches ont révélé que :

i. Vous avez créé en novembre 2016, la société COPERTON dont l’objet social tel qu’il figure dans les statuts est directement concurrent à celui de votre employeur, la Société VENUS.

ii. Vous aviez également créé en février 2016, une autre société, STEERSMAN, dont l’objet social était identique à celui de la société COPERTON et par voie de conséquences, à celui de la société VENUS.

Vous étiez Président et associé unique de ces deux sociétés qui ont fusionné en 2018, COPERTON ayant absorbé STEERSMAN.

Or, vous ne nous avez jamais informé de l’existence de ses sociétés.

iii. Fin 2015, le groupe ACANTHE DEVELOPPEMENT a décidé de procéder à la vente d’un de ses immeubles, situé [Adresse 2] à [Localité 13].

Dans le cadre de cette opération, vous aviez proposé l’intervention d’une de vos relations, la société ALEX BOLTON PARTNERS, société établie au [Adresse 1] à [Localité 14] et inscrite au registre de commerce de Paris sous le numéro 493 800 403. Un mandat de vente a ainsi été signé le 12 mars 2016 en faveur d’ALEX BOLTON PARTNERS prévoyant une commission de 2 % à la charge de l’acquéreur est une commission de 1,5 % à la charge du vendeur.

Or, nous avons découvert que la société PROPERTY MANAGEMENT SERVICE (PMS) avait facturé à la société ALEX BOLTON PARTNERS en date du 8 juin 2016 des  » Honoraires – mandat de commercialisation immeuble [Adresse 2]  » pour un montant de 570 000 ‘ HT.

Après recherches, nous avons constaté que :

La société PMS avait des liens financiers avec la société STEERSMAN dont vous étiez le dirigeant ;

Nous n’avons jamais été informés de cette rétrocommission facturée à ALEX BOLTON PARTNERS;

L’objet social de la société PMS n’a strictement rien à voir avec celui d’intermédiaire en transactions immobilières, puisqu’il consiste dans le nettoyage courant de bâtiments ;

Cette société dont la dirigeante était Mme [H] [F], a été liquidée peu de temps après la perception de cette commission. Nous constatons également que Mme [H] [F] a aussi été gérante de la société CLIMATECH SERVICES dont l’associé unique est la société COPERTON, cette société intervenant également en qualité de prestataire sur plusieurs des immeubles de notre groupe, tout comme la société PMS.

Lors de notre entretien, vous avez été dans l’incapacité d’expliquer cette situation alors que vous étiez le principal intervenant dans la vente de l’immeuble concerné et en lien direct avec la société ALEX BOLTON PARTNERS.

Les éléments relevés ci-dessus nous amènent à considérer que nous sommes en présence d’une commission occulte facturée par une société dans laquelle vous aviez des intérêts financiers, et ceci au détriment du groupe ACANTHE DEVELOPPEMENT.

iv. En qualité d’Asset manager, vous représentez le groupe auprès de prestataires qui sont délégués des missions d’entretien des immeubles.

L’entretien des immeubles détenus par le groupe est assuré par un gestionnaire spécialisé, la société L’ETOILE PROPERTIES MANAGEMENT ( » EPM « ). Cette société a recours à des sous traitants pour exécuter ses missions. De par vos fonctions, vous intervenez de façon active auprès du gestionnaire dans le choix des prestataires. Or, nous avons découvert que les sociétés COPERTON et STEERSMAN détenaient des participations dans plusieurs sociétés sous traitantes d’EPM, qui intervenaient sur des immeubles appartenant à notre groupe. Ces sociétés ont facturé, sur 10 ans, 1,5 M’ hors taxes de prestations (entretiens, travaux, maintenances,’) aux différentes sociétés du Groupe ACANTHE DEVELOPPEMENT. Par ailleurs d’après les premières investigations que nous avons menées, nous avons déjà constaté que le prix facturé par l’une de ces sociétés était de 15 % supérieur à celui de l’ancien prestataire. Vous avez pourtant donné consigne au gestionnaire de retenir cette société, ce qui nous conduit à penser que vous avez privilégié vos intérêts personnels au détriment des intérêts de votre employeur et du groupe auquel il appartient.

Lors de notre entretien, vous avez reconnu détenir des participations dans ces diverses sociétés, mais avez minimisé votre rôle en indiquant qu’il s’agissait de participations passives. Pourtant, tant le montant global facturé par ses différentes sociétés à notre groupe grâce à votre intervention que plusieurs documents en notre possession, démontrent sans ambiguïté votre rôle actif dans la gestion courante de ces dernières.

C’est très certainement pour masquer cette situation que le 27 janvier 2020, vous avez demandé à l’informaticien du groupe de supprimer tous vos e-mails antérieurs à 2019 en prétextant que vous les aviez d’ores et déjà sauvegardés. Une telle action préjudiciable aux intérêts de la société dans la mesure où elle aurait conduit à la priver de son historique est strictement prohibée, ce que vous ne pouviez ignorer.

À aucun moment, vous ne nous avez informés de l’existence des sociétés COPERTON et STEERSMAN dont les objets sociaux sont identiques à celui de notre société caractérisant ainsi une activité concurrentielle, ni du fait de l’intervention de nombreuses sociétés dans lesquelles vous aviez directement ou indirectement un intérêt financier, soit lors de transaction immobilière soit pour l’entretien des immeubles appartenant à notre groupe, ce qui constitue sans conteste une violation grave de votre obligation de loyauté envers notre société.

En conséquence nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave ».

Il est donc reproché à M. [G] 3 griefs :

– l’absence d’information relative à l’existence des sociétés Coperton et Steersman dont les objets sociaux sont identiques à ceux de la société Venus, caractérisant une activité concurrentielle ;

– la perception d’une commission occulte par une société dans laquelle le salarié aurait des intérêts privés, lors de la vente d’un immeuble [Adresse 15] à [Localité 13] ;

– l’intervention de nombreuses sociétés dans lesquelles le salarié avait directement ou indirectement un intérêt financier, soit lors de transaction immobilière soit pour l’entretien des immeubles appartenant au groupe, ce qui constitue une violation grave de l’obligation de loyauté envers la société employeur.

M. [G] soutient en substance que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits comme datant de 2013 et 2016 alors que la lettre de convocation à l’entretien préalable date du 27 janvier 2020. Il prétend avoir informé le Président de la société Acanthe Développement de la création de ses sociétés en 2016, que la vente prétendument occulte a eu lieu en 2016 et que le troisième grief porte sur un contrat de 2013. Il ajoute que les faits étaient, à tout le moins, connus par la société lors de la réunion du 8 novembre 2019 et que les attestations adverses n’ont aucune force probante. Enfin, le salarié insiste sur le fait que l’employeur reconnaît que certains faits sont antérieurs mais considère qu’ils ne se sont ni poursuivis ni réitérés. En tout état de cause, il conteste l’ensemble des griefs.

La société Venus rétorque qu’elle n’a eu connaissance de la réalité, de la nature et de l’ampleur des fautes de M. [G] que fin 2019 à la suite d’une investigation ; qu’elle a été alertée par le courrier d’un de ses intermédiaires du 27 novembre 2019, ce qui a conduit à solliciter les comptables de la société ; que l’information donnée sur la création des sociétés était fallacieuse ; que M. [G] a demandé la suppression de ses courriels le 27 janvier 2020, date à laquelle les poursuites disciplinaires ont commencé ; que les griefs sont établis.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l’article’12 du code de procédure civile ; qu’en conséquence, si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En application de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Il est constant que ce n’est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai mais celle de la connaissance par l’employeur des faits reprochés. Cette connaissance par l’employeur s’entend d’une ‘connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits’. Cette connaissance peut dépendre de la réalisation de vérifications auxquelles l’employeur doit procéder pour s’assurer de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés.

Sur le 1er grief, il résulte des extraits Kbis produits que M. [G] a créé le 17 février 2016, la SAS Steersman Groupe et le 24 novembre 2016, la SASU Coperton et y exerçait les fonctions de président. Selon la note interne du 30 novembre 2016, non contestée, M. [G] a informé M. [S], dirigeant de la société Acanthe Développement, société gérante et actionnaire majoritaire de la société Venus, de la création de ses deux sociétés, les deux Kbis joints précisant les activités exercées à savoir ‘opérations d’achat, vente de tous titres et valeurs, actions, obligations, exploitation acquisition, cession de toutes affaires, entreprises. Prestations de service dans la stratégie de management, conseil’ et ‘prises de participation ou d’intérêts dans toutes sociétés et entreprises industrielles, commerciales, financières, mobilières ou immobilières. acquisition et gestion de son patrimoine. Coordination conseil, assistance auprès de ces sociétés’, M. [G] confirmant dans cette note interne que ces sociétés ont pour but de prendre des participations dans des sociétés de facility management (maintenance et nettoyage d’immeubles). La société Venus avait donc connaissance de la création de ces deux sociétés depuis le 30 novembre 2016.

Pour autant, c’est par un courrier du 27 novembre 2019 adressé par M. [E], M. [V] et M. [D] à M. [M], directeur général délégué de la société Acanthe Développement au sujet du dossier [Localité 10] – Immeuble Aujon, que celle-ci a été informée que ‘M. [G] vendrait l’hôtel Aujon à [Localité 10] à Promocéan’, que M. [G] ‘aurait créé sa propre structure d’agent immobilier’, qu’il ‘serait exclusivement en charge de la vente des immeubles d’Acanthe Développement et rémunéré à ce titre par le vendeur’, que ‘Promocéan aurait signé au profit de M. [B] [G] une lettre de confidentialité et d’engagement pour l’acquisition d’autres actifs immobiliers et fonciers d’Acanthe Développement’, les signataires du courrier demandant à M. [M] de ‘clarifier la position de M. [G] présenté comme ‘asset Manager’ d’Acanthe Développement lors des échanges de courriels en février et mars 2019 entre MM [D] et [G] avec copie à Mme [K] (assistante personnelle de M. [W] Président D’Acanthe Développement) pour la présentation de Promocéan et de sa LOI [lettre d’intérêt] du 20 février 2019, ainsi que lors de la réunion du 21 mars 2019 dans la salle du conseil d’Acanthe Développement entre MM. [G], [V] et [D]’ et de préciser ‘A quel titre, salarié, ancien salarié et/ou conseil d’Acanthe Développement, M. [G] intervient-il depuis et plus particulièrement maintenant dans la vente de [Adresse 12] à [Localité 10] à Promocéan, voire dans la vente d’autres actifs d’Acanthe Développement à notre client Promocéan que nous [MM. [E], [V] et [D]] avons présenté à Acanthe Développement comme en témoigne (sic) les échanges de mail ».

A la suite de ce courrier, selon les attestations des deux comptables, M. [M] a demandé à ceux-ci un travail de reconstitution des facturations de sociétés Ecotech ‘ Climatech, Gardem, Arnet, Prestybat / Presty Services, Property Management Services PMS intervenant sur les immeubles de la société Acanthe Développement et ses filiales sur les 10 dernières années, le travail ayant été finalisé le 4 décembre 2019. A cette date, un tableau a été transmis à M. [M] portant sur ‘les prestations réalisées sur les groupe (sic) Acanthe et ADC par les sociétés de KB’.

La cour retient de ces éléments que la société Venus n’a eu connaissance de la nature et de l’ampleur des faits qu’à l’issue du travail de reconstitution des facturations, soit le 4 décembre 2019 de telle sorte que les griefs formulés dans la lettre de licenciement ne sont pas prescrits.

S’agissant du grief portant sur la création de sociétés, Coperton et Steersman, ayant une activité concurrentielle avec celle exercée par la société Venus :

La cour constate que selon l’extrait Kbis versé au dossier, la société Venus a pour activité principale la prise de participation ou d’intérêts dans toutes sociétés constituées ou à constituer, acquisition, propriété, gestion de toutes valeurs et droits mobiliers, ce qui est une activité distincte comme le souligne le salarié des activités exercées par ses sociétés Coperton et Steersman comme précisé ci-avant. Peu important à cet égard que M. [G] ait pu développer de manière conséquente leurs chiffres d’affaires ou que la société Steersman soit associée avec M. [G] au sein de la SCI Beagle dont l’activité est la ‘constitution d’un patrimoine immobilier et mobilier, administration et exploitation par bail ou autrement dudit patrimoine’ créée selon M. [G] afin d’acheter un studio à ses enfants ainsi qu’une maison de vacances, activité distincte de celle de la société Venus et la SCI Beagle n’étant pas au demeurant visée par la lettre de licenciement comme le souligne le salarié. Ce premier grief ne peut donc être retenu.

S’agissant du grief portant sur la commission occulte dans le cadre de la vente d’un immeuble sis [Adresse 15] à [Localité 13] appartenant, selon la société Venus, à Acanthe Développement et pour laquelle M. [G] aurait proposé comme intermédiaire la société Alex Bolton Partners, société à laquelle une rétrocommission de 570 000 euros HT aurait ensuite été facturée par la société Property Management Services, société ayant, toujours selon la société Venus, des liens financiers avec la société Steersman dont M. [G] était dirigeant :

Il résulte des éléments versés aux débats que c’est la société Baldavine, comme le souligne M. [G], et non la société Acanthe Développement, qui était propriétaire de l’immeuble sis [Adresse 15] à [Localité 13] ; que la société Alex Bolton a reçu mandat de la société Baldavine de rechercher un acquéreur pour l’immeuble sis [Adresse 15] le 1er mars 2016 ; que s’il était prévu dans la promesse de vente que le vendeur aura seule la charge du paiement de la somme 718 000 euros à la société Alex Bolton au titre des honoraires de négociation, est cependant produite aux débats une seule facture de la société Alex Bolton adressée à la société Baldavine à hauteur de 646 200 euros. Il appert également que la société Property Management Services a facturé à la société Alex Bolton les honoraires de commercialisation de l’immeuble dont s’agit selon une facture du 31 mai 2016 à hauteur de 684 000 euros TTC.

Au vu de l’ensemble des pièces produites, la cour retient que la société Baldavine n’est pas l’employeur de M. [G] et qu’aucune explication n’est donnée sur les liens éventuels entre cette société et la société Venus ; qu’en tout état de cause, c’est sans le démontrer que la société Venus affirme que la société Alex Bolton a été rémunérée par l’acquéreur (Baldavine) pour un montant total de 1 256 500 euros hors taxes, et que Alex Bolton n’a encaissé que 685 500 euros HT après déduction de la somme reversée à la société Property Management Services.

En outre, M. [G] conteste toute participation dans la société Property Management Services et tout lien entre celle-ci et la société Steersman, le seul fait que la seconde ait une dette de 50 000 euros envers la première ne caractérisant pas un lien capitalistique et c’est sans convaincre que la société Venus prétend que M. [G] était le dirigeant de fait de la société Property Management Services au motif notamment qu’elle a été dirigée successivement par M. [A] [F] puis Mme [H] [F], M. [F] étant né à [Localité 9], comme M. [G], la société Venus faisant observer que le nom [G] est une « francisation » fréquente du nom [C] correspondant au nom d’épouse de la mère de M. [G].

Il s’ensuit que ce grief n’est pas davantage retenu.

En ce qui concerne l’intervention de nombreuses sociétés dans lesquelles le salarié avait directement ou indirectement un intérêt financier, soit lors de transaction immobilière soit pour l’entretien des immeubles appartenant au groupe, ce qui constituerait une violation grave de l’obligation de loyauté envers la société Venus, la cour constate que l’employeur ne justifie nullement des intérêts financiers directs ou indirects et ne procède que par simples affirmations.

En conséquence, ce grief n’est pas caractérisé.

Par infirmation de la décision entreprise, la cour retient que la faute grave n’est pas établie, ni l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

Sur le harcèlement moral

Pour infirmation de la décision déférée, M. [G] fait valoir qu’il a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur, ce que l’employeur conteste.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1152-3 du même code précise que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, à l’appui de sa demande, M. [G] expose que les faits de harcèlement moral dont il se dit victime sont caractérisés par les avertissements injustifiés des 28 janvier et 12 juin 2019, une éviction des dossiers, un refus de remboursement des notes de frais, un acharnement lors des réunions des 8 et 15 novembre 2019 et la mesure de licenciement.

Il produit les éléments suivants :

– l’avertissement notifié le 28 janvier 2019 pour ‘manquement à l’obligation professionnelle’ d’assister à la signature le 17 janvier 2019 de l’acte notarié de vente d’un immeuble situé à [Localité 16] ;

– l’avertissement notifié le 12 juin 2019 pour un défaut d’informations régulières de l’état d’avancement du dossier HFCE (société [Adresse 11] locataire de l’actif immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 13], détenu par la société [Localité 8] Développement dans laquelle la société Acanthe Développement détient 15,01% du capital), cet avertissement précisant en outre que la société déchargeait le salarié du suivi de ce dossier ;

– l’email de contestation de cet avertissement envoyé par M. [G] le 14 juin 2019 à Mme [R], gérante de la société Venus et signataire de l’avertissement ;

– l’email du 18 juin 2019 de M. [G] informant ses collaborateurs que, ne suivant plus le dossier, il n’assistera pas à la réunion concernant le dossier HFCE ;

– un échange d’email de décembre 2019 sur le suivi du dossier Ekimetrics ;

– un relevé de compte bancaire au nom de M. [G], avec en débit des montants imputés à Bouygues, étant observé que ce relevé est en grande partie dissimulé ;

– des échanges de courriels sur les notes de frais ;

– un courriel du 5 novembre 2019 adressé par M. [M] à M. [G] demandant à celui-ci de se rendre disponible pour se voir avec M. [W] et parler de l’offre Mc Do le 8 novembre à 11H30 à [Localité 8] ;

– un courriel du 13 novembre 2019 adressé à M. [G] par M. [M] indiquant que lui et M. [W] veulent le voir le vendredi 15 novembre 2019 à 11H30 à [Localité 8], le courriel ne précisant pas l’objet de l’entrevue ;

– une lettre de démission, un projet de protocole d’accord ainsi qu’une attestation mensongère à l’encontre de Mme [K], aucun de ces documents n’étant signés ;

– le licenciement.

Au vu des éléments ainsi produits, la cour retient que l’acharnement résultant des deux réunions des 8 et 15 novembre 2019 n’est pas matériellement caractérisé par des pièces non signées dont il n’est pas justifié qu’elles proviennent de l’employeur, ni par des mails par lesquels ses responsables hiérarchiques demandent à le voir.

En revanche, les autres faits invoqués par le salarié sont matériellement établis et pris dans leur ensemble, ils laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail.

Il appartient donc à l’employeur de prouver que les agissements invoqués et retenus ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A cet effet, la société Venus prétend s’agissant du 1er avertissement que M. [G] avait de sa propre initiative mené la négociation en amont de la vente de l’immeuble sis à [Localité 17], qu’il était ainsi amené à travailler sur des immeubles appartenant à des ‘entreprises liées’ et était dans ce cadre refacturé ; qu’il était bien en contact direct avec l’acheteur et le notaire de la société et avait donc ‘le lead’ sur l’opération. Cependant, la cour constate que, selon le procès verbal de délibération du conseil d’administration du 5 novembre 2018 de la société France Tourisme Immobilier versé aux débats par le salarié, M. [Y] [N], Président directeur général de cette société, avait reçu pouvoir de vendre l’immeuble dont s’agit et de signer les actes authentiques et tous documents nécessaires à la vente ; que si M. [G] a pu intervenir dans l’organisation de la vente au regard des mails versés aux débats, la société Venus n’établit pas que M. [G] avait reçu mandat de vendre cet immeuble. En conséquence, la cour retient que la société Venus n’établit pas que M. [G] avait l’obligation d’assister à la signature le 17 janvier 2019 de l’acte notarié de vente de l’immeuble dont s’agit.

Concernant le second avertissement relatif à un défaut d’informations régulières sur l’avancement d’un dossier complexe, la cour constate que la société Venus ne démontre pas contrairement à ce qu’elle soutient, que la direction avait été contrainte de solliciter M. [G] régulièrement afin d’obtenir des informations sur le dossier HFCE, ni qu’un représentant de la société HFCE l’avait contactée à plusieurs reprises afin de rencontrer M.[M] pour négocier la fin du litige.

S’agissant de l’éviction des dossiers, la société Venus ne justifie pas que la direction avait toujours géré le dossier Ekimetrics, ni qu’elle avait informé M. [G] du mandat donné à M. [L] de la société Irea, alors qu’il résulte des échanges de courriels produits aux débats que M. [G] ‘s’occupait’ de ce dossier. Quant à l’éviction du dossier HFCE, elle résulte de l’avertissement que la cour a retenu comme étant non fondé.

En ce qui concerne le grief relatif au refus de remboursement des notes de frais, la société Venus établit qu’elle a demandé à son salarié de justifier que ses frais étaient en lien avec ses missions et qu’à défaut elle a refusé de procéder à leur remboursement.

La cour a également retenu que le licenciement de M. [G] n’était pas justifié par les griefs allégués par l’employeur.

En conséquence, la cour considère que, sauf le non remboursement des frais, les faits matériellement établis invoqués par le salarié ne sont pas justifiés par la société Venus par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral lequel est établi.

En réparation du préjudice subi en raison du harcèlement moral et au vu des pièces produites, la cour, par infirmation de la décision entreprise, condamne la société Venus à verser à M. [G] la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts.

La cour retient aussi que le licenciement est un des faits constitutifs du harcèlement moral et qu’en conséquence, par infirmation de la décision déférée, le licenciement de M. [G] est nul.

Sur les conséquences financières de la rupture

Au vu des bulletins de salaire produit et eu égard à l’ancienneté de M. [G], il convient de condamner la société Venus à verser à M. [G] les indemnités de rupture, dont les montants ne sont pas discutés, comme suit :

– 37 874 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– 28 017 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 2 802 euros de congés payés afférents.

En outre, en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, compte tenu de la rémunération du salarié, de son ancienneté, de son âge lors de la perte injustifiée de son emploi, de sa capacité à retrouver un travail étant relevé qu’il justifie avoir perçu des indemnités chômage, la cour condamne la société Venus à lui verser la somme de 112 000 euros d’indemnité pour licenciement nul.

Sur les documents de fin de contrat

La société Venus devra remettre à M. [G] une attestation Pôle Emploi devenu France Travail conforme à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Sur la demande reconventionnelle de la société Venus

Vu l’article 32-1 du code de procédure civile

L’exercice d’une action en justice ne constitue un droit qui ne dégénère en abus qu’en cas d’intention malicieuse, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. En l’espèce, eu égard à la solution du litige, il n’est pas établi que l’appelant a fait une analyse erronée de la situation et que son recours procède d’une intention de nuire à la partie intimée qui sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages-intérêts. La décision critiquée sera confirmée de ce chef.

Sur les frais irrépétibles

La société Venus sera condamnée aux entiers dépens et devra verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

JUGE recevable la demande de sursis à statuer ;

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté la SNC Venus de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés et y ajoutant ;

JUGE que le licenciement de M. [B] [G] est nul ;

CONDAMNE la SNC Venus à verser à M. [B] [G] les sommes suivantes :

– 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral ;

– 37 874 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– 28 017 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 2 802 euros de congés payés afférents ;

– 112 000 euros d’indemnité pour licenciement nul ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

ORDONNE la remise par la SNC Venus à M. [B] [G] d’une attestation Pôle Emploi devenu France Travail conforme à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte ;

CONDAMNE la SNC Venus aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SNC Venus à verser à M. [B] [G] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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