Licenciement contesté et allégations de harcèlement moral : enjeux de preuve et de prescription.

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Licenciement contesté et allégations de harcèlement moral : enjeux de preuve et de prescription.

L’Essentiel : La société Mondelez France a licencié M. [J] [N] en avril 2016 pour faute grave, suite à des comportements jugés insubordonnés. M. [J] [N] a contesté ce licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes en mars 2021, alléguant un harcèlement moral. Le jugement du 31 janvier 2022 a rejeté ses demandes. En appel, M. [J] [N] a demandé la reconnaissance du harcèlement et la nullité de son licenciement, ainsi que des dommages-intérêts. La cour a confirmé le jugement initial, déboutant M. [J] [N] de ses demandes tout en reconnaissant que l’action pour harcèlement moral n’était pas prescrite.

Contexte de l’affaire

La société Mondelez France, immatriculée au RCS de Nanterre, est spécialisée dans l’achat, la fabrication et la commercialisation de produits alimentaires, notamment des chocolats et des confiseries. M. [J] [N] a été engagé en 2012 en tant que responsable de secteur multi-catégories, avec une rémunération mensuelle brute comprise entre 2 460,80 euros et 2 502,97 euros.

Licenciement de M. [J] [N]

En avril 2016, la société Mondelez France a convoqué M. [J] [N] à un entretien préalable à un licenciement, suivi d’une mise à pied conservatoire. Le 26 avril 2016, il a été licencié pour faute grave, en raison de ses comportements jugés insubordonnés, notamment l’envoi d’un mail remettant en question la crédibilité de l’entreprise et son absence à une réunion cruciale sur la sécurité.

Demande de M. [J] [N]

M. [J] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en mars 2021, demandant la reconnaissance d’une situation de harcèlement moral et la nullité de son licenciement. Le jugement rendu le 31 janvier 2022 a débouté M. [N] de toutes ses demandes et a également débouté la société Mondelez France de ses demandes reconventionnelles.

Appel de M. [J] [N]

M. [J] [N] a interjeté appel du jugement, demandant à la cour de reconnaître le harcèlement moral et de déclarer son licenciement nul. Il a également sollicité des dommages-intérêts et divers rappels de salaire liés à sa mise à pied et à son licenciement.

Arguments de la société Mondelez France

La société a contesté l’appel de M. [J] [N], arguant que la déclaration d’appel ne couvrait pas les demandes de nullité du licenciement et que les demandes de réparation pour harcèlement moral étaient prescrites. Elle a également demandé à la cour de confirmer le jugement de première instance.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant qu’elle n’était pas saisie des demandes de licenciement nul et des demandes financières y afférentes. Elle a également jugé que l’action engagée pour harcèlement moral n’était pas prescrite, mais a débouté M. [J] [N] de ses demandes de dommages-intérêts et de perte de chance liée au plan de sauvegarde de l’emploi.

Conclusion

La cour a statué en faveur de la société Mondelez France, condamnant M. [J] [N] à payer des frais d’appel, tout en confirmant que l’action pour harcèlement moral n’était pas prescrite. Les demandes de M. [J] [N] ont été rejetées, et la société a été déboutée de ses demandes reconventionnelles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel sur la demande de nullité du licenciement ?

La question de l’effet dévolutif de la déclaration d’appel est régie par l’article 901 du Code de procédure civile, qui stipule que la déclaration d’appel doit contenir les chefs du jugement expressément critiqués. En l’absence de mention des chefs critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, et la cour d’appel n’est pas saisie des demandes omises.

Ainsi, selon l’article 901, alinéa 4, « la déclaration d’appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »

Dans le cas présent, M. [N] a formulé son appel en se limitant aux chefs du jugement qui l’ont débouté de ses demandes, sans inclure la demande de nullité du licenciement. Par conséquent, la cour d’appel n’est pas saisie de cette demande, ce qui entraîne que la dévolution n’a pas été opérée.

Il est donc établi que la cour d’appel ne peut statuer sur la demande de nullité du licenciement et les conséquences financières qui en découlent, telles que les rappels de salaire ou l’indemnité de licenciement.

La prescription de l’action en réparation du harcèlement moral est-elle acquise ?

La prescription de l’action en réparation du harcèlement moral est régie par l’article L1471-1 du Code du travail, qui prévoit un délai de prescription de cinq ans. Ce délai commence à courir à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, conformément à l’article 2224 du Code civil.

En l’espèce, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes le 22 mars 2021, soit plus de cinq ans après les faits de harcèlement allégués qui se seraient produits entre 2014 et 2016. Cependant, il soutient que la prescription n’est pas acquise, car il invoque des faits postérieurs, notamment son licenciement.

L’article 2224 du Code civil précise que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Dans ce cas, le délai de prescription a commencé à courir à compter de la notification du licenciement, le 26 avril 2016.

Ainsi, l’action en réparation engagée le 22 mars 2021 n’encourt pas la prescription, car elle a été introduite dans le délai légal.

Quels sont les éléments constitutifs du harcèlement moral selon le Code du travail ?

Le harcèlement moral est défini par l’article L.1152-1 du Code du travail, qui stipule qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Pour établir une situation de harcèlement moral, le salarié doit prouver des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, conformément à l’article L 1154-1 du Code du travail. Il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dans le cas présent, M. [N] a allégué plusieurs faits, tels que l’absence de fourniture de travail, l’absence d’aménagement de son poste, et des difficultés d’accès à ses outils de travail. Cependant, la cour a constaté que ces éléments ne suffisent pas à établir la matérialité des faits de harcèlement moral.

Quelles sont les conditions pour obtenir réparation au titre de la perte de chance ?

La perte de chance est un préjudice qui doit être prouvé par celui qui en fait la demande. Il doit démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue, en établissant que la survenance de l’événement dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable.

La jurisprudence exige que le demandeur établisse l’existence d’un préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance raisonnable. En l’espèce, M. [N] a soutenu qu’il avait perdu la chance de bénéficier des avantages d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) en raison de son licenciement.

Cependant, la cour a constaté que le licenciement pour faute grave de M. [N] est intervenu le 26 avril 2016, alors que la procédure d’information et de consultation pour la mise en place du PSE a débuté le 25 avril 2016. Au moment de son licenciement, les négociations autour du PSE étaient à peine entamées, et il était impossible de connaître leur issue.

Ainsi, M. [N] ne peut pas prétendre à une perte de chance de bénéficier des avantages du PSE, car ceux-ci n’étaient pas encore définis au moment de son départ de l’entreprise.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 JANVIER 2025

N° RG 22/01014 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VC6R

AFFAIRE :

[J] [N]

C/

S.A.S. MONDELEZ FRANCE SAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Janvier 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : I

N° RG : 21/00355

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me David METIN

Me Martine DUPUIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [J] [N]

né le 09 juin 1983 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me David METIN de l’AARPI METIN & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

APPELANT

****************

S.A.S. MONDELEZ FRANCE SAS

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 808 234 801

prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant: Me Delphine-Lise MARECHAL de la SELASU MARECHAL Delphine, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R153

Substitué à l’audience par : Me Thomas ANDRAULT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 novembre 2024, Madame Laurence SINQUIN, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Adjoint administratif faisant fonction de greffier lors du prononcé : Madame Patricia GERARD

FAITS ET PROCÉDURE

La société Mondelez France est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Nanterre sous le n° 808 234 801.

La société Mondelez France a pour activités l’achat, la fabrication et la commercialisation de sucre, de chocolats, de confiseries et autres produits alimentaires.

Elle emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée en date du 17 juillet 2012, M. [J] [N] a été engagé par la société Kraft Foods France, aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Mondelez France, en qualité de responsable de secteur multi-catégories, statut agent de maîtrise, coefficient 260, grade 6, à compter du 20 août 2012.

Au dernier état de la relation de travail, M. [J] [N] percevait une rémunération moyenne brute évaluée entre 2 502,97 euros et 2460,80 euros par mois, comprenant une prime d’ancienneté et divers avantages en nature.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des biscotteries, biscuiteries, céréales prêtes à consommer ou à préparer, chocolateries, confiseries, aliments de l’enfance et de la diététique, préparation pour entremets et desserts ménagers, des glaces, sorbets et crèmes glacées.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 4 avril 2016, la société Mondelez France a convoqué M. [J] [N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu le 15 avril 2016, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 avril 2016, la société Mondelez France a notifié à M. [J] [N] son licenciement pour faute grave, en ces termes :

« Vous avez adressé un mail le 23 mars dernier à l’ensemble de la force de vente (environ 500 salariés) mettant publiquement en doute la sincérité des actions menées par la société, destinées à promouvoir et assurer la sécurité de ses salariés, mettant en cause la réputation et la crédibilité de la société.

Une réunion régionale se tenait pourtant à [Localité 7] les 31 mars et 1er avril derniers qui constituait précisément le lieu de débat sur les questions de sécurité, réunion à laquelle vous ne vous êtes pas présenté, choisissant de polémiquer publiquement, créant le trouble.

Cette réunion régionale qui se tient tous les deux mois constitue un outil essentiel au bon exercice des fonctions de responsable de secteur.

Or, malgré la demande expresse de votre supérieur du 14 mars, réitérée par mail du 30 mars 2016, vous ne vous pas présenté à cette réunion régionale et ce sans motif légitime, ce qui constitue une inexécution fautive de votre contrat et un acte d’insubordination.

Vous avez au surplus tenté de justifier votre absence programmée, en mettant en cause votre supérieur hiérarchique dans un mail diffusé le 30 mars à l’ensemble de la hiérarchie (5 personnes), par lequel vous avez mis en doute la parole de votre supérieur et qualifié sa demande légitime de « mise en danger de votre santé », sans le moindre fondement, ce qui est de nature à porter atteinte à son autorité et à sa crédibilité.

De même, malgré la demande expresse de votre supérieur de planifier deux rendez-vous pour optimiser la journée terrain du 21 mars 2016 avec M. [F], vous n’avez planifié aucun rendez-vous en vue de cette visite, ce qui constitue un acte supplémentaire d’insubordination.

Vous aviez déjà été formellement mis en garde à plusieurs reprises en avril 2015 contre vos démonstrations de mauvaise volonté et votre refus de respecter les instructions données. Force est de constater que vous n’en avez tenu aucun compte.

Parallèlement aux efforts que vous déployez pour semer le trouble, vous manquez à l’exécution de vos missions contractuelles.

En effet, vous ne vous connectez pas aux outils de gestion de votre activité mis à votre disposition par l’entreprise ce qui constitue une violation de vos obligations contractuelles et il apparaît que depuis le 24 Février 2016 votre rythme de visites en magasin a été des plus irréguliers, certaines journées n’ayant donné lieu à aucune visite identifiable.

Un avertissement vous avait déjà été notifié le 14 avril 2015 pour des manquements similaires que vous avez réitérés.

Enfin, vous soumettez une demande de remboursement de frais au titre d’une période s’étendant de juillet 2014 à avril 2015, parmi lesquels figure, alors que vous disposez d’un véhicule de fonction, une demande d’indemnités kilométriques du 23 mars 2015 au 7 avril 2015 pour un montant de 8.820 euros.

Vous tentez ce faisant d’obtenir, douze mois plus tard, un remboursement de frais indu.

La man’uvre est d’autant plus fautive que pendant la période couverte par votre demande vous vous êtes volontairement privé de ce véhicule, dans le but de dénoncer une atteinte à votre contrat, man’uvre que nous avons en son temps dénoncée.

En conclusion, vous avez au cours des dernières semaines multiplié les manquements à vos obligations professionnelles, les actes d’insubordination et de provocation, autant de manquements qui rendent immédiatement impossible la poursuite de votre contrat de travail. »

Par requête introductive reçue au greffe le 22 mars 2021, M. [J] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande tendant à ce que soit reconnue l’existence d’une situation de harcèlement moral et à ce que son licenciement pour faute grave soit jugé comme étant nul.

Par jugement rendu le 31 janvier 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

– débouté M. [N] de toutes ses demandes ;

– débouté la société Mondelez France de toutes ses demandes reconventionnelles ;

– condamné M. [N] aux dépens.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 29 mars 2022, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 25 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 31 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [N], appelant, demande à la cour de :

– recevoir M. [J] [N] en ses demandes et l’y déclarer bien fondé ;

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 31 janvier 2022 ;

Statuant à nouveau,

– rejeter l’irrecevabilité soulevée par la société du fait de la prétendue absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel s’agissant de la demande portant sur la nullité du licenciement et ses conséquences ;

– rejeter l’irrecevabilité soulevée par la société s’agissant de la prétendue prescription des faits de harcèlement moral ;

– rejeter l’irrecevabilité soulevée par la société s’agissant des demandes formulées au titre de la rupture du contrat de travail ;

– juger que M. [N] a été victime de harcèlement moral ;

En conséquence,

– condamner la société Mondelez France à verser à M. [N] des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 30 000 euros ;

– juger que le licenciement de M. [N] est nul ;

En conséquence,

– condamner la société Mondelez France à verser à M. [N] les sommes suivantes :

* rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 1 709,28 euros ;

* congés payés y afférents : 170,92 euros ;

* indemnité compensatrice de préavis : 5 005,94 euros ;

* congés payés y afférents : 500,59 euros ;

* indemnité légale de licenciement : 1 835,50 euros ;

* indemnité pour licenciement nul : 30 000,00 euros ;

* dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE :

30 000,00 euros.

– fixer la moyenne des salaires à la somme de 2 502,97 euros ;

– condamner la société Mondelez France à verser à M. [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter la société de ses demandes reconventionnelles ;

– condamner la société Mondelez France aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir ;

– dire que ces sommes porteront intérêt à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;

– ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Mondelez France, intimée, demande à la cour de :

– juger qu’en l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel sur la demande « dire et juger que le licenciement pour faute est nul », la cour n’est pas saisie de la demande « juger que le licenciement est nul » ni des demandes qui en découlent (rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire ; congés payés afférents ; indemnité compensatrice de préavis ; congés payés afférents ; indemnité légale de licenciement ; indemnité pour licenciement nul) ;

– déclarer irrecevable comme prescrite la demande de M. [J] [N] en réparation de son préjudice tiré d’un prétendu harcèlement moral ;

A titre subsidiaire,

– déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de M. [J] [N] formées au titre de la rupture du contrat de travail formulées au-delà du 26 avril 2018, à savoir les demandes suivantes :

* rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire ;

* congés payés y afférent ;

* indemnité compensatrice de préavis ;

* congés payés y afférent ;

* indemnité légale de licenciement ;

* indemnité pour licenciement nul ;

* dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE.

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [J] [N] de l’ensemble de ses demandes.

En conséquence,

– débouter M. [J] [N] de toutes ses demandes ;

En tout état de cause,

– condamner M. [J] [N] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La déclaration d’appel de M. [J] [N] a été reçue le 29 mars 2022, dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement de première instance (jugement du 31 janvier 2022, notifié par LRAR le 2 mars 2022) et ses 1ères conclusions d’appelant ont été reçues le 9 mai 2022, dans le délai de trois mois.

Les conclusions de la société Mondelez France, intimée, ont été reçues au greffe le 4 août 2022, dans le délai de trois mois, SANS appel incident.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 25 septembre 2024.

MOTIFS

Sur le périmètre de l’appel

La déclaration d’appel de M.[N] a été reçue le 29 mars 2022, dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement de première instance et ses 1ères conclusions d’appelant ont été reçues le 9 mai 2022, dans le délai légal.

Au soutien des dispositions de l’article 901 du code de procédure civile, la société demande que soit constaté l’absence d’effet dévolutif concernant les demandes relatives à la nullité du licenciement du 26 avril 2026 et les demandes indemnitaires et salariales afférentes.

M. [N] estime que la mention dans la déclaration d’appel de « Plus généralement, l’appel porte sur toutes dispositions non visées au dispositif et faisant grief à l’appelant selon les moyens qui seront développés dans ses conclusions et au vu des pièces de première instance et de celles qui seront communiquées devant la Cour » permet de considérer que la demande de nullité du licenciement qui ne figurait pas dans le dispositif du jugement soit incluse dans l’appel.

Il y a lieu de rappeler les dispositions de l’article 901 du code de procédure civile qui en son 4° prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Une régularisation peut intervenir dans le délai imparti à l’appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile.

A défaut, l’effet de cette saisine de la Cour, à savoir la dévolution de l’affaire, dont la cour d’appel va connaître en fait et en droit s’effectue dans la limite des critiques formulées devant elle.

En effet, il est établi par la jurisprudence de la cour de cassation que seul l’acte d’appel opère dévolution des chefs critiqués. En l’absence de mention des chefs critiqués dans la déclaration d’appel, l’effet dévolutif n’opère pas et la cour d’appel n’est saisie pas saisi des demandes omises, de sorte qu’elle ne peut statuer au fond sur ces dernières.

L’obligation prévue par l’article 901-4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d’appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d’ambiguïté, encadre les conditions d’exercice du droit d’appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel, et la déclaration d’appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile, de sorte que ces règles ne portent pas atteinte en elles-mêmes à la substance du droit d’accès au juge d’appel au sens des dispositions de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En l’espèce, le dispositif du jugement du CPH de [Localité 5] du 31 janvier 2022 est le suivant :

« Déboute monsieur [N] de toutes ses demandes.

Déboute la société Mondelez France de toutes ses demandes reconventionnelles.

Condamne monsieur [N] aux dépens ».

L’appel formé par M. [N] est ainsi formulé :

« Appel limité aux chefs du jugement expressément critiqués.

L’appel tend à l’infirmation du jugement rendu le 31 janvier 2022.

En application des dispositions de l’article 542 du code de procédure civile, les chefs critiqués portent sur les dispositions de la décision ayant débouté monsieur [N] de ses demandes tendant à :

– Juger qu’il a été victime d’un harcèlement moral et en ce qu’il a été privé de dommages et intérêts à ce titre

– Faire reconnaître que son licenciement avait comme seul objet de l’évincer du plan de sauvegarde de l’emploi en cours et de le priver ainsi d’une indemnité de préjudice moral distinct relatif à l ‘éviction du plan social

– Débouter monsieur [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ».

Dans ses premières conclusions du 22 mai 2022 l’appelant demande :

RECEVOIR Monsieur [J] [N] en ses demandes et l’y déclarer bien fondé ;

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le

31 janvier 2022,

Statuant à nouveau,

JUGER que Monsieur [N] a été victime de harcèlement moral.

En conséquence,

CONDAMNER la Société MONDELEZ FRANCE à verser à Monsieur [N] des

dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 30.000 € ;

JUGER que le licenciement de Monsieur [N] est nul.

En conséquence,

CONDAMNER la Société MONDELEZ FRANCE à verser à Monsieur [N] les sommes

suivantes :

– rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 1.709,28 €

– congés payés y afférents : 170,92 €

– indemnité compensatrice de préavis : 5.005,94 €

– congés payés y afférents : 500,59 €

– indemnité légale de licenciement : 1.835,50 €

– indemnité pour licenciement nul : 30.000,00 €

– dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE : 30.000,00 €

FIXER la moyenne des salaires à la somme de 2.502,97 €.

CONDAMNER la Société MONDELEZ FRANCE à verser à Monsieur [N] la somme

de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la Société MONDELEZ FRANCE aux entiers dépens y compris les éventuels

frais d’exécution de la décision à intervenir.

DIRE que ces sommes porteront intérêt à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes. ORDONNER la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du Code

Civil.

Et dans ses dernières conclusions M. [N] a saisi la Cour des demandes suivantes :

RECEVOIR Monsieur [J] [N] en ses demandes et l’y déclarer bien fondé ;

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 31 janvier 2022,

Statuant à nouveau

JUGER que Monsieur [N] a été victime de harcèlement moral.

En conséquence,

CONDAMNER la Société MONDELEZ FRANCE à verser à Monsieur [N] des

dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 30.000 € ;

JUGER que le licenciement de Monsieur [N] est nul.

En conséquence,

CONDAMNER la Société MONDELEZ FRANCE à verser à Monsieur [N] les sommes

suivantes :

– rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 1.709,28 €

– congés payés y afférents : 170,92 €

– indemnité compensatrice de préavis : 5.005,94 €

– congés payés y afférents : 500,59 €

– indemnité légale de licenciement : 1.835,50 €

– indemnité pour licenciement nul : 30.000,00 €

– dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE : 30.000,00 €

FIXER la moyenne des salaires à la somme de 2.502,97 €.

CONDAMNER la Société MONDELEZ FRANCE à verser à Monsieur [N] la somme

de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la Société MONDELEZ FRANCE aux entiers dépens y compris les éventuels

frais d’exécution de la décision à intervenir.

DIRE que ces sommes porteront intérêt à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes.

ORDONNER la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du Code

Civil.

Il ressort de ces éléments qu’en application des dispositions de l’article 901 du code de procédure civile les demandes formulées au titre du licenciement nul et les conséquences financières de la rupture soit les rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, les congés payés y afférents, l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférent, l’indemnité légale de licenciement et l’indemnité pour licenciement nul ne sont pas compris dans les chefs de jugement critiqués en appel et qu’en conséquence la dévolution n’a pas été opéré et la cour n’en est pas saisie.

Au regard de la nécessité de préserver la sécurité juridique, l’appelant ne peut, par des formules générales, considérer que sont inclus les chefs qu’elle précisera ultérieurement dans ses conclusions, sans énoncer les chefs critiqués.

Au vu de ces motifs, la Cour fait droit à la demande de la société.

Il n’y a pas lieu en conséquence à statuer sur la prescription de l’action relative au licenciement.

Sur la prescription relative à l’action en réparation du harcèlement moral.

La société invoque les dispositions de l’article L1471-1 du code du travail pour considérer que la prescription quinquennale est acquise, la saisine prud’homale le 22 mars 2021 étant intervenue plus de 5 ans après les agissements de harcèlement reprochés par le salarié en 2014 et entre le 24 février et le 9 mars 2016.

M. [N] soutient que la prescription n’est pas acquise dès lors qu’il fait état de faits postérieures à la période quinquennale, comme le licenciement.

L’article 2224 du Code civil prévoit que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

En matière de harcèlement moral, le délai de prescription commence à courir au jour où le salarié a eu connaissance de tous les éléments permettant de s’estimer victime de harcèlement moral. Le juge doit apprécier l’ensemble des faits peu important la date à laquelle ils ont été commis

En l’espèce dès lors que la sanction du licenciement est invoquée à l’appui de la demande au titre du harcèlement, le délai de 5 ans a commencé à courir à compter de sa notification le 26 avril 2016 et en conséquence l’action en réparation engagée le 22 mars 2021 n’encourt pas la prescription.

Sur le harcèlement moral.

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens de l’article L 1152 – 1 du code du travail, le salarié établit, conformément à l’article L 1154 – 1 du code du travail, des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ;

Au vu de ces éléments, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Le salarié invoque une situation de harcèlement moral et sollicite la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts.

Au soutien de sa demande il reproche à la société, en premier lieu, l’absence de fourniture de travail du 24 février 2016 au 8 mars 2016. Il indique qu’après son retour d’arrêts maladie et la visite de reprise du 24 mars 2016, il a été déclaré apte avec une contre-indication de port de charges lourdes. Il soutient que malgré cet avis d’aptitude, l’employeur ne lui a pas fourni de travail. Il prétend que la société lui a indiqué de n’effectuer aucune tâche dans l’attente de sa nouvelle affectation. Cette dernière n’est intervenue que le 9 mars 2016 sur le secteur Normandie. Il fait valoir qu’il n’a pas bénéficié de la procédure d’accueil des salariés de retour après une longue absence alors que la société dispose d’un process établi. Il produit à ce titre un document intitulé « bien réaccueillir ‘ axe people ».

À l’appui de ses allégations selon lesquelles il n’y aurait pas eu d’aménagement de son poste ou de fourniture du temps de travail pendant une période entre le 24 février et le 8 mars 2016 le salarié ne transmet aucun élément.

Il apparaît bien plus que cette courte période de 10 jours ouvrés a permis de mettre en place une concertation entre le salarié et l’employeur sur la redéfinition de la charge de travail du salarié. Le salarié reconnaît que durant cette période, il a eu deux entretiens les 1er et 8 mars 2016 relativement à l’organisation de sa prise de poste, contredisant ainsi l’argument selon lequel il n’a pu bénéficier de la procédure d’accueil des salariés de retour après une longue absence.

Le message de M [I] du 14 mars 20216 prouve aussi que d’autres dispositions d’accueil prévues au document « bien réaccueillir ‘ axe people » étaient programmées puisque l’intégration aux équipes et l’information sur la stratégie du groupe étaient prévus lors de la réunion du 31 mars 2016.

Le salarié prétend à l’appui de son harcèlement moral que la société lui aurait indiqué de ne rien faire alors que, si la société ne le conteste pas, elle fait justement valoir que dans un souci de protection de la santé du salarié, apte avec réserves, elle a voulu mener avec lui une réflexion sur l’aménagement de son poste sur les premiers jours de son retour.

M [N] fait également valoir qu’il y a eu une absence d’aménagement de poste de travail suite à sa reprise et soutient que la société ne démontre pas l’organisation d’une rencontre, une recherche d’aménagement de son poste. Néanmoins le salarié, dans son mail du 30 mars 2016, indique lui-même qu’il y a eu une concertation avec l’employeur pour alléger son activité et son secteur. Même s’il refuse de se rendre à [Localité 7], il écrit « En raison de ma reprise avec travail léger et soins, nous avons défini un secteur limité en kilomètres le 4 mars, le maintien de [V] [O] sur le reste du secteur’ »

Ainsi tant en ce qui concerne l’absence de fourniture de travail que d’aménagement de poste de travail, le salarié ne transmet pas d’éléments propres à établir la matérialité de ces faits.

M [N] invoque aussi l’impossible connexion à ses outils de travail avec ses codes d’accès. Il transmet en pièce 15 des copies d’écran qui atteste d’une difficulté de connexion et d’une impossibilité de répondre à un mail et soutient qu’il a été empêché d’exercer ses fonctions notamment en raison d’un double emploi sur le secteur Normandie. Le salarié produit à ce titre un message du 8 mars 2016 de Madame [G] qui atteste de l’impossibilité d’une double connexion. Dès lors que l’employeur explique dans ce même mail que l’affectation de deux personnes sur un même secteur n’est pas intégré à l’outil de gestion et nécessite qu’il soit organisé une concertation au sein du binôme pour mettre en place un usage partagé, il apparaît que ce fait même s’il est matériellement établi s’analyse en une simple contrainte technique en lien avec l’allègement de la charge de travail du salarié et ne laisse en rien présumer une situation de harcèlement.

M [N] communique également des échanges de mails pour dénoncer l’annulation de la dispense qui lui avait été accordée de participer à la réunion du 31 mars 2016. Il transmet à ce titre les échanges de mails entre le 14 et le 30 mars 2016.

Contrairement aux allégations du salarié, rien dans ces échanges ne prouvent la dispense alléguée,

M [I] s’interrogeant simplement sur le mode de transport le plus adapté pour le salarié compte tenu de ses problèmes de dos pour rejoindre cette réunion. Le fait n’est donc pas matériellement établi.

Enfin M [N] invoque l’organisation fictive d’une réunion à la suite de sa demande et transmet plusieurs échanges de mails ayant conduit à l’annulation de cette rencontre. Par ces messages , le salarié ne justifie pas que l’organisation d’une réunion, sollicitée le 29 mars 2016, qui a bien fait l’objet d’une réponse favorable le 30 mars 2016 et qui était fixée le 7 avril 2016, ait été fictive. Il apparaît de ces pièces qu’en raison de la procédure disciplinaire engagée le 4 avril 2016 et de la mise à pied conservatoire infligée au salarié, cette rencontre ne pouvait se tenir.

Aucun élément au dossier ne vient corroborer l’affirmation du salarié selon laquelle son licenciement serait intervenu pour faute grave pour l’empêcher de pouvoir bénéficier du plan de sauvegarde de l’emploi mis en place le 25 avril 2016.

Le salarié évoque enfin la remise en cause par la direction de la légitimité de ses arrêts maladie et son incitation au départ et produit à ce titre la pièce 16 qui correspond à un mail du 3 avril 2016 transmis par Monsieur [L], directeur des forces de vente. Si les termes employés par M [L] laissent planer des présupposés sur l’activité du salarié pendant ses arrêts maladie et ne sont pas adaptés dans le ton, ce seul élément en réponse à une mise en accusation de l’employeur sur la sécurité de ses salariés par M [N] ne suffit à caractériser une situation de harcèlement.

S’agissant des éléments médicaux produits, ils attestent tous de problèmes lombalgiques. En pièce 34, un praticien hospitalier va évoquer un syndrome anxiogène. Ce diagnostic est daté du 27 janvier 2020, soit plus de quatre ans après la rupture du contrat de travail d’avril 2016. Le salarié ne justifie pas de la dégradation de son état de santé lié au harcèlement qu’il dénonce.

Il n’étaye pas plus l’atteinte à l’avenir professionnel qu’il invoque.

Les éléments pris dans leur ensemble ne permettent pas de considérer que le salarié justifie de faits matériellement établis qui laissent présumer une situation de harcèlement moral. La cour confirme en conséquence la décision prud’homale sur ce point.

Sur la perte de chance de bénéficier du PSE

Il convient de rappeler qu’il appartient à celui qui entend obtenir réparation au titre de la perte de chance de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l’événement dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable. Ainsi, le juge doit déterminer une chance sérieuse dont la perte doit être réparée. Par ailleurs il appartient à celui qui invoque la perte de chance de déterminer l’existence d’un préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance raisonnable.

Il est constant que le licenciement pour faute grave de M [N] est intervenu le 26 avril 2016. Le démarrage de la procédure d’information et consultation des instances représentatives du personnel pour la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans le cadre des licenciements collectifs pour motif économique est intervenu à compter du 25 avril 2016. Le salarié soutient que son licenciement n’avait d’autre objet que de le priver du bénéfice des dispositions du PSE puisque son emploi aurait très probablement été impacté par la réorganisation du service des forces de vente dans lequel 29 postes ont été supprimées sur 35. Il invoque une perte de chance de bénéficier des avantages du PSE et notamment un congé de reclassement de 12 mois et des mesures de reclassement interne ou externe. Il sollicite en réparation de son préjudice la somme de 30 000 €.

La société fait valoir que la volonté d’éviction du plan social n’est pas établie dans la mesure où le poste du salarié n’était pas visé par le plan dont les dispositions ont été mises en ‘uvre plus d’un an après la rupture de son contrat de travail au cours de l’année 2017.

Il résulte des documents versés à l’appui de la demande par le salarié et notamment de la lettre de licenciement pour motif économique du 20 avril 2017 que si la procédure d’information et de consultation des instances représentatives du personnel pour la mise en place du PSE a commencé le 25 avril 2016, elle ne s’est achevée qu’en octobre 2016 et que l’accord collectif partiel portant sur le PSE a été conclu le 3 octobre 2017 et homologué et validé par l’administration du travail, le 17 novembre 2017. Ainsi, au moment où le salarié est licencié en avril 2016, les premières négociations autour du PSE avaient à peine débuté et nul ne pouvait connaître leur issue et le périmètre qui serait déterminé tant en ce qui concerne les licenciements projetés que les dispositions prises concernant l’emploi. Dès lors, M [N] ne peut sérieusement prétendre à la perte d’une chance de bénéficier des avantages du PSE inexistants au moment de son départ de la société.

Sa demande sera en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 31 janvier 2022 ;

Y ajoutant ;

SE DÉCLARE non saisie de la demande de licenciement nul et des demandes financières afférentes soit les demandes de rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, les congés payés y afférents, l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférent, l’indemnité légale de licenciement et l’indemnité pour licenciement nul ;

DÉCLARE l’action engagée au titre du harcèlement moral non prescrite ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [N] à payer à la société Mondelez France la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [N] aux dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Patricia GERARD, Adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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