Autorité de la chose jugéeL’article 1355 du code civil stipule que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Pour qu’elle s’applique, il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, et que la demande soit entre les mêmes parties, formée par elles et contre elles en la même qualité. Droit d’appelL’article 546 du code civil prévoit que le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé. En l’espèce, le salarié a justifié d’un intérêt légitime à saisir la cour d’appel, car l’arrêt du 11 janvier 2023 n’a pas statué au fond, mais a seulement constaté que l’effet dévolutif de l’appel n’avait pas opéré. Classification professionnelleLorsqu’il est saisi d’une contestation sur la catégorie professionnelle d’un salarié, le juge doit rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et se prononcer au vu des fonctions réellement exercées. La charge de la preuve incombe au salarié qui revendique la classification, conformément à la jurisprudence. Licenciement pour cause réelle et sérieuseL’article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à une cause réelle et sérieuse. L’article L 1235-1 du même code prévoit que le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. En cas de doute, celui-ci profite au salarié. Indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuseL’article L 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur, prévoit que l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié totalisant 4 années d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés doit être comprise entre 3 et 5 mois de salaire brut. |
L’Essentiel : L’article 1355 du code civil stipule que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Pour qu’elle s’applique, il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, et que la demande soit entre les mêmes parties. L’article 546 du code civil prévoit que le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.
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Résumé de l’affaire : Un salarié a été engagé par la SAS Groupe Alter Services en tant qu’agent très qualifié de service, avec un contrat de travail à durée indéterminée. Au fil des années, il a été promu et a vu son emploi du temps modifié, tout en recevant plusieurs avertissements pour des manquements à ses obligations. En octobre 2016, son contrat a été transféré à la SAS Derichebourg Propreté et Services Associés. Suite à des problèmes de propreté signalés par le client Carrefour, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable et a finalement notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse en janvier 2017.
Le salarié a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes, arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse et qu’il avait droit à un rappel de salaire en raison de sa classification. Le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement justifié et a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire. Ce dernier a interjeté appel, mais la cour a constaté que l’effet dévolutif de l’appel n’avait pas opéré, laissant le salarié insatisfait. Un second appel a été formé, et un conseiller de la mise en état a déclaré cet appel recevable, en raison de la non-conformité de la notification initiale. Lors de l’examen des faits, il a été établi que le salarié avait effectivement exercé des fonctions de chef d’équipe, mais que les éléments fournis par l’employeur n’étaient pas suffisants pour justifier le licenciement. La cour a donc infirmé le jugement initial, déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant la SAS Derichebourg à verser des dommages et intérêts au salarié, ainsi qu’à rembourser les allocations de chômage versées. Les dépens ont été mis à la charge de l’employeur. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement de la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée ?L’article 1355 du code civil dispose que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. L’article 546 du même code prévoit que le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé. En l’espèce, l’employeur soutient que le salarié ne peut plus régulariser un second appel portant sur la même cause, entre les mêmes parties et portant sur les mêmes demandes, en raison de l’arrêt du 11 janvier 2023. Cependant, cet arrêt n’a pas statué au fond, mais a constaté que l’effet dévolutif de l’appel n’avait pas opéré. Ainsi, le salarié justifie d’un intérêt légitime à saisir la cour d’appel, et la fin de non-recevoir sera rejetée. Quel est le critère pour apprécier la classification d’un salarié ?Lorsqu’il est saisi d’une contestation sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, le juge ne peut se fonder sur les seules définitions de poste résultant du contrat de travail ou de la convention collective ; il doit rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et se prononcer au vu des fonctions réellement exercées. La charge de la preuve incombe au salarié qui revendique la classification. En l’espèce, le salarié prétend avoir exercé des missions correspondant à un chef d’équipe niveau 3, alors que l’employeur soutient qu’il était classé au niveau 2. Les éléments fournis par le salarié, tels que les lettres d’avertissement et la lettre de licenciement, montrent qu’il avait des responsabilités importantes, mais ne prouvent pas qu’il exerçait les fonctions d’un chef d’équipe niveau 3. Quel est le cadre légal du licenciement pour motif personnel ?L’article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à une cause réelle et sérieuse. L’article L 1235-1 du même code prévoit que le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Dans cette affaire, la lettre de licenciement évoque des manquements aux obligations contractuelles du salarié, notamment en ce qui concerne la propreté du magasin. Cependant, l’employeur n’a pas prouvé qu’il avait mis en place un nombre suffisant d’agents pour assurer ces tâches, ce qui remet en question la légitimité du licenciement. Quelles sont les conséquences pécuniaires d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?L’article L 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur, prévoit que l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié totalisant 4 années d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, doit être comprise entre 3 et 5 mois de salaire brut. Dans cette affaire, le salarié a 4 ans et 3 mois d’ancienneté, et sa rémunération mensuelle brute est de 1’824,04 euros. En tenant compte de ces éléments, la cour a fixé les dommages et intérêts à 6’000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Quel est le fondement des demandes accessoires dans cette affaire ?L’employeur devra rembourser à France Travail les allocations de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois. De plus, l’employeur sera tenu aux dépens de première instance et d’appel. Il est également équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit la possibilité pour le juge de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir ses frais de justice. |
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 02 AVRIL 2025
Numéro d’inscription au répertoire général :
F N° RG 22/02263 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PMVX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mars 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 17/00451
APPELANT :
Monsieur [P] [V]
né le 11 Juillet 1962 à [Localité 5] (06)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté sur l’audience par Me Natacha YEHEZKIELY, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE ET SERVICES ASSOCIES
Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, sis
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Yvan MONELLI de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 13 Janvier 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 FEVRIER 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée du 18 septembre 2012, M. [P] [V] a été engagé à temps complet par la SAS Groupe Alter Services en qualité d’agent très qualifié de service «’ATQSA’», le taux horaire étant fixé à 11,249 euros brut.
Il a été affecté au site de [7] à [Localité 8].
Par avenant du 21 février 2013, il a été promu à compter du 1er mars 2013, sa nouvelle qualification étant «’CE2’», avec un taux horaire de 11,73 euros brut, les autres conditions étant maintenues.
A compter du 16 septembre 2015, il a été affecté au site de Carrefour à [Localité 6], avec un nouvel emploi du temps, sous la direction de M. [E], chef de secteur, les autres conditions étant inchangées.
Par avenant du 18 janvier 2016, son emploi du temps a été modifié à compter du 25 janvier 2016, les autres clauses du contrat demeurant inchangées.
Trois avertissements lui ont été notifiés les 25 mars, 3 mai et 21 septembre 2016.
A compter du 1er octobre 2016, le contrat de travail a fait l’objet d’un transfert au profit de la SAS Derichebourg Propreté et Services Associés.
Par lettre du 8 novembre 2016, le nouvel employeur a confirmé l’avertissement notifié le 21 septembre 2016 par l’ancien employeur.
Par lettre du 26 décembre 2016, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une éventuelle mesure de sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé le 5 janvier suivant.
Le 11 janvier 2017, il a notifié au salarié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Par lettre du 13 février 2017, il a dispensé le salarié de l’exécution de son préavis, courant jusqu’au 12 mars 2017.
Par requête du 21 avril 2017, soutenant que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et qu’un rappel de salaire lui était dû au titre de sa classification, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier.
Par jugement du 13 mars 2019 notifié au salarié le 14 mars 2019, le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [P] [V] était justifié, débouté celui-ci de sa demande de rappel de salaire, débouté les parties de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 5 avril 2019, M. [P] [V] a interjeté appel de ce jugement (RG n°19/02387).
Par arrêt du 11 janvier 2023 après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur la régularité de l’appel en l’absence d’énonciation des chefs de jugement critiqués, la présente cour a constaté que l’effet dévolutif de l’appel n’avait pas opéré, qu’elle n’était pas saisie et a laissé les dépens devant la cour à la charge du salarié.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 26 avril 2022, M. [P] [V] a de nouveau interjeté appel de ce jugement (RG n°22/02263).
Par ordonnance du 24 novembre 2022, confirmée par arrêt du 12 avril 2023, le conseiller de la mise en état a constaté que la notification effectuée le 14 mars 2019 ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 680 du code de procédure civile et n’avait pas fait courir le délai d’appel, déclaré l’appel recevable et dit que les dépens de l’incident suivront le sort des dépens au fond de l’instance d’appel.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 24 mai 2022 par voie de RPVA, M. [P] [V] demande à la cour de’:
– juger que son appel est recevable et bien fondé’;
– réformer le jugement en son entier’;
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse’;
– condamner la SAS Derichebourg à lui verser la somme de 30’000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de son licenciement abusif’;
– juger qu’il aurait dû bénéficier du Niveau 3 de la convention collective applicable et condamner la SAS Derichebourg à lui verser la somme de 709,81 euros à titre de rappels de salaire Niveau 3, outre 70,98 euros de congés payés afférents’;
– la condamner à lui verser la somme de 2’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens’;
– la débouter de toute demande reconventionnelle comme injuste et mal fondée.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 10 juillet 2024 par voie de RPVA, la SAS Derichebourg Propreté et Services Associés demande à la cour’:
A titre principal, de :
– déclarer irrecevable l’appel interjeté par M. [V] en vertu de l’autorité de la chose jugée attachée à la décision de la Cour d’appel de Montpellier du 11 janvier 2023 ;
– juger irrecevables l’ensemble des demandes formulées par M. [V]’;
A titre subsidiaire, de confirmer dans son intégralité le jugement’;
En tout état de cause, de’:
– débouter M. [V] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamner M. [V] au paiement de la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– le condamner aux entiers dépens.
Pour l’exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 janvier 2025.
Par message RPVA du 20 mars 2025, les observations des parties ont été sollicitées sur le caractère irrecevable de la fin de non-recevoir compte tenu de l’arrêt ayant confirmé la décision du conseiller de la mise en état du 24 novembre 2022.
Dans ses observations des 21 et 26 mars 2025, la SAS Derichebourg Propreté et Services Associés relève pour l’essentiel que l’incident devant le conseiller de la mise en état concernait la recevabilité de l’appel et que ce magistrat était compétent pour statuer sur la demande d’irrecevabilité de l’appel fondée sur sa tardivité, de sorte que la Cour est désormais compétente pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée.
M. [V] fait valoir le 25 mars 2025 que la fin de non-recevoir est irrecevable, le conseiller de la mise en état ayant définitivement statué sur celle-ci.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée.
L’article 1355 du code civil dispose que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
L’article 546 du même code prévoit que le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.
En l’espèce, l’employeur qui oppose l’autorité de la chose jugée, fait valoir que, dans la mesure où la cour d’appel a statué « au fond » dans le cadre de son arrêt du 11 janvier 2023 à la suite de la première déclaration d’appel du salarié, celui-ci ne pouvait plus régulariser un second appel portant sur la même cause, entre les mêmes parties et portant sur les mêmes demandes.
Toutefois, l’arrêt du 11 janvier 2023 n’a pas statué au fond.
Il a seulement constaté que l’effet dévolutif de l’appel n’avait pas opéré et que la cour n’était pas saisie.
Le premier acte d’appel a bien saisi la cour mais il ne l’a saisie d’aucun litige.
Dès lors, le salarié qui a régularisé un second acte d’appel, justifie d’un intérêt légitime consistant à saisir de manière efficace la cour d’appel et ne saurait se voir opposer l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 11 janvier 2023 alors que celui-ci ne portait pas sur le fond du litige.
La fin de non-recevoir sera rejetée.
Sur le rappel de salaire au titre de la classification.
Lorsqu’il est saisi d’une contestation sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, le juge ne peut se fonder sur les seules définitions de poste résultant du contrat de travail ou de la convention collective ; il doit rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et se prononcer au vu des fonctions réellement exercées.
La charge de la preuve incombe au salarié qui revendique la classification.
En l’espèce, le salarié fait valoir qu’il a été recruté en qualité d’agent très qualifié de service mais qu’il effectuait en réalité les missions d’un chef d’équipe au regard de ses missions sur le site de Carrefour, qu’il devait en effet assurer des remplacements au pied levé d’agents absents, rédiger des contrats et avenants, sans formation, gérer les stocks, organiser le chantier de l’équipe, animer et diriger l’équipe. Il ajoute que les avertissements, la lettre de licenciement, les bulletins de salaire établissent qu’il était en réalité chef d’équipe et que ses missions correspondaient au niveau 3.
L’employeur rétorque qu’en vertu de l’avenant du 21 février 2013, le salarié a été promu au poste de chef d’équipe niveau 2, qu’aucune pièce du dossier de ce dernier n’établit qu’il aurait effectué les missions du chef d’équipe niveau 3 et que sa demande en rappel de salaire doit être rejetée.
L’avenant n°11 du 2 août 2012 relatif aux classifications et aux salaires au 1er janvier 2013 stipule qu’au niveau «’CE’» ou chef d’équipe correspondent les échelons 1, 2 et 3.
Par ailleurs, à l’échelon 2, correspond un taux horaire de 11,73 euros brut’; ce que l’avenant prévoit.
Le taux horaire brut était fixé à 12,20 euros par l’avenant du n°15 du 9 novembre 2016 à l’accord du 25 juin 2002 relatif aux classifications, ce qui correspond au taux horaire appliqué en 2017 au vu des bulletins de salaire.
Ainsi, il était contractuellement prévu depuis l’avenant du 21 février 2013 à effet au 1er mars 2013, que le salarié exécutait des missions relevant du poste de chef d’équipe niveau 2, que ce soit sur le site de [Localité 8] ou sur le site de [Localité 6] et le transfert du contrat de travail au profit du nouvel employeur le 1er octobre 2016, n’a pas modifié cette stipulation.
Selon la grille de classification prévue par la convention collective, les critères autonomie-initiative’», «’technicité’» et «’responsabilité’» permettent de classer les chefs d’équipe selon les 3 niveaux.
Le chef d’équipe niveau 2 est décrit comme pouvant prendre des initiatives afin de résoudre les problèmes et rechercher des solutions’; il peut participer aux travaux, connaît et applique les méthodes de travail propres à ses activités et procédés spécifiques nécessaires à la réalisation de son activité’; il gère et adapte les moyens mis à sa disposition.
Le chef d’équipe niveau 3 est décrit comme travaillant à partir des directives données’; il connaît et maîtrise les méthodes de travail pour des activités diversifiées et sait les traduire en méthode d’animation d’équipe et peut participer à la mise en place de projets qui touchent à l’organisation des opérations, missions ou prestations d’équipe’; il est responsable des objectifs et des résultats à atteindre.
Pour démontrer qu’il relevait du niveau 3, le salarié verse aux débats’:
– la lettre d’avertissement du 3 mai 2016 par laquelle l’employeur lui rappelait qu’il avait une mission de contrôle des prestations, devait tenir compte des consignes de travail du chef de secteur et des remarques des clients,
– la lettre d’avertissement du 21 septembre 2016 par laquelle l’employeur lui reprochait des non-conformités quant à la réalisation des tâches lui incombant, listées comme suit’: «’problème sur le contrôle de vos équipes régies, changement des feuilles de passages sanitaires non mise à jour, problème sur la propreté et rangement de votre local de nettoyage, non-respect de l’entretien des machines’», ainsi que la lettre de confirmation de la sanction du 8 novembre 2016 par laquelle l’employeur lui rappelait qu’en tant que chef d’équipe, il devait assurer une bonne gestion du stock de matériel et de produits mis à la disposition de ses équipes et devait veiller à la mise à jour des feuilles de passage,
– la lettre de licenciement du 11 janvier 2017 lui reprochant notamment de ne s’être aperçu le 23 décembre 2016 de l’absence d’un membre de son équipe qu’à 7h30, de n’avoir procédé à aucun contrôle alors que les sols entre les caisses n’avaient pas été nettoyés et de ne pas manager ses collaborateurs à l’égard desquels il ne faisait preuve d’aucune autorité,
– une fiche de poste du niveau 3 rédigée par son ancien employeur, Alter Services,
– le planning de sa semaine de travail.
Ces éléments établissent que le salarié participait aux travaux et devait appliquer les méthodes de travail adaptées. En revanche, il ne ressort pas de ces pièces que le salarié aurait été amené à traduire en méthode d’animation d’équipe, les méthodes de travail pour des activités diversifiées.
Dès lors que ses missions correspondaient au niveau 2, sa demande en rappel de salaire au titre de la classification doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef.
Sur le licenciement.
L’article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à une cause réelle et sérieuse.
L’article L 1235-1 du même code prévoit que le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 11 janvier 2017, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
« (‘)
Le 23 décembre 2016, veille de fête, notre client Carrefour [Localité 6] a une nouvelle fois été au regret de constater, à l’ouverture du magasin, de nombreux dysfonctionnements dans la qualité de nos prestations, liés au fait que vous n’assumez pas votre rôle de chef d’équipe et ce, malgré les nombreuses recommandations verbales et écrites qui vous ont été faites à ce sujet.
Monsieur [K], Responsable sécurité du magasin, parle d’« une ouverture catastrophique, une honte » et les photos prises par ce dernier aux alentours de 8h30 parlent d’elles-mêmes ; le magasin était sale dans son ensemble à l’arrivée des premiers clients : présence de nombreuses traces au sol et tas de détritus non évacués ; à 7h45, la ligne de caisse n’avait toujours pas été balayée ni nettoyée ; la zone située autour du comptoir n’avait été ni balayée ni nettoyée au niveau des tables et des chaises.
A 8h00, vous étiez toujours dans les sanitaires à l’étage alors que vous êtes censé être présent sur la surface de vente à 7h30 afin de finaliser et vérifier les prestations réalisées par votre équipe.
Ce n’est qu’à cette même heure que vous vous êtes aperçu de l’absence d’un de vos agents.
Le 03 janvier 2017, et alors même que vous aviez déjà réceptionné votre courrier de convocation à entretien préalable, la ligne de caisse était de nouveau dans un état déplorable : sol entre les caisses non nettoyé, présence de traces de plusieurs jours, sol collant. Seul le vidage des poubelles avait été réalisé. Les vestiaires n’ont pas non plus été nettoyés.
Il est incontestable que vous n’avez procédé ce jour-là à aucun contrôle, tâche faisant pourtant partie intégrante de vos fonctions de chef d’équipe, qui plus est à l’échelon 2 auquel vous êtes positionné.
Vous ne managez pas vos collaborateurs et ne faites preuve envers eux d’aucune autorité ; ceux-ci fournissent de ce fait un travail largement incomplet.
La qualité des prestations réalisées sur le site est aujourd’hui loin de répondre aux attentes de notre client, de la part duquel nous faisons régulièrement l’objet de réclamations.
Cette situation, inacceptable, et dont vous êtes responsable, ne peut perdurer.
Les explications que vous avez fournies lors de votre entretien n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
C’est pourquoi nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
La date d’envoi du présent courrier marquera la fin de votre contrat de travail et sa première présentation le point de départ de votre préavis de 2 mois. (‘)’».
L’employeur reproche au salarié’d’avoir manqué à ses obligations contractuelles le 23 décembre 2016 et le 3 janvier 2017.
Il verse aux débats les éléments suivants’:
– le courriel du 23 décembre 2016 du manager Prévention des risques du magasin Carrefour, M. [K], auquel sont jointes des photographies des lieux prises par ses soins, rédigé comme suit’:
«'(‘) Ce matin ce fut une ouverture catastrophique, une honte regardez les photos (et ce n’ai pas un montage) c’est à l’ouverture à 08h32 quand les clients sont rentrés dans le magasin, veille d’un jour de fête’
1/Magasin très sale de partout, je n’ai jamais vu ça.
2/Le chef de caisse me contacte à 07h45 pour me dire que sa ligne de caisse n’ai ni balayé ni nettoyée une catastrophe une honte’Le temps de trouver votre chef d’équipe à 08h il était encore aux wc de l’étage et là nous en avions déjà parlé à 07h30 MAXI IL DOIT ETRE SUR LE TERRAIN, MERCI DE VOUS EN ASSURER
DISFONCTIONNEMENT POURQUOI LE CHEF D EQUIPE N AI PAS SUR LE TERRAIN SUR LE FEUX A 07H30 » » »
3/ A 08h00 votre chef d’équipe s’apperçoit que l’employé [M] qui n’était déja pas là la veille n’ai pas là aujourd’hui non plus. Et et en plus c’est un cadre du magasin qui s’en apperçoit de la présence de son effectif. C’est à votre chef d’équipe de s’assurer que toute son équipe est présente, et que tout le matériel soit à disposition comme un chef d’orchestre.
S’il s’était apperçu qu’il manquait un employé il aurait vous contacter afin de palier à son remplacement en urgence.
4/Ce matin encore la zone autour du comptoir n’a pas été balayé ni nettoyée au niveau des tables et des chaises. Dans le coin boutique autour du comptoir les employés se plaignent de faire eux même le ménage. Est-ce normal » »
Solution et organisation
1/ Merci de voir pourquoi [M], pourquoi était il absent et surtout pourquoi il n’a pas été remplacé »
2/ Merci de revoir l’organisation de votre chef d’équipe, afin que cela ne se reproduise plus, il n’ai pas normal qu’il ne vérifie pas son équipe. (‘)’»,
– le courriel du 3 janvier 2017 du même manager rédigé comme suit’:
« (‘)
Je reviens vers vous suite à notre conversation téléphonique de ce matin.
A 08h05 après mon contrôle sur la ligne de caisse je me suis apperçu (voir photos) de l’état catastrophique sur le manque d’hygiène et de propreté.
Le sol entre les caisses n’était pas du tout nettoyé les poubelles à peine vidées, des traces qui dataient de plusieurs jours. Le sol collait’ c’était lamentable.
Comment peut on accepter de la part de vos équipes et du chef d’équipe une telle prestation, et surtout que ce n’ai pas la première fois que je vous relance sur le sujet.
Quant je les ai vu ce matin, l’un de vos employés qui effectue cette prestation, je lui ai demandait si c’était normal et de là il m’a répondu en rigolant (avec sa casquette sur la tête) mais on ne fait jamais toutes les caisses et en plus au milieu des caisses on n’a pas le temps de le faire.
Mais c’est une blague.
Votre chef d’équipe lui n’a même pas controlé il ne s’est même pas apperçu que les caisses était dans cet état.
Je profitte de l’occasion pour vous dire aussi que les vestiaires n’ont pas été fait.
Je vous demande pour la dernière fois de mettre tous les moyens nécessaires afin que les caisses de notre magasin soient dans un état irréprochables, il n’ai pas question de mettre à disposition de nos hotesses de caisses et à la vue de nos clients un magasin aussi sale qu’aujourd’hui.
Je compte sur votre réactivité afin que le problème soit résolu dès demain matin et j’espère ne plus du tout rencontrer ce type de prestation.
Je vous invite aussi à rebrieffer votre chef d’équipe afin qu’il contrôle tous les jours le ligne de caisses, toilettes du magasins et réserves, salles de repos, vestiaires’ ce qu’il ne fait quasiment jamais’».
Ces courriels établissent que la propreté du magasin n’était pas satisfaisante les 23 décembre 2016 et 3 janvier 2017.
Mais il ressort du second courriel que, par manque de temps, le personnel mis à disposition ne nettoyait pas toutes les lignes de caisse et ne nettoyait pas la partie située au milieu des caisses.
Alors que le salarié évoque une surcharge de travail dans ses conclusions, qu’il fait état, dans sa lettre de contestation de l’avertissement du 21 septembre 2016, notamment du manque de temps certains jours ainsi que du manque de produit de nettoyage et de sacs poubelle, et que le salarié verse aux débats de nombreux courriels envoyés par ses soins à sa hiérarchie notamment courant 2016 sollicitant des produits ou du matériel de nettoyage, l’employeur ne verse aux débats aucun justificatif susceptible de répondre à ces éléments.
En effet, la superficie des lieux à entretenir ‘ qui au vu des courriels échangés et du programme de travail hebdomadaire produit par le salarié incluent «’4 vestiaires, 4 toilettes, 9 lavabos, 10 wc, des bureaux, 3 salles de pause avec frigo et micro-ondes, 2 salles de réunion, une station-service, un couloir’», outre une galerie et la surface commerciale – n’est pas connue de la cour, pas plus que le nombre d’agents de service au sein de l’équipe confiée au salarié qui procédait lui-même aux tâches de nettoyage.
D’ailleurs, le 9 mars 2016, le salarié a demandé à sa hiérarchie si elle avait des nouvelles d’un salarié de l’équipe qu’il continuait à remplacer’; le 14 avril 2016, il a soumis l’idée «’de prendre une ou deux personnes en plus pour ne pas avoir de soucis’»’; le 2 mai 2016, il a soumis de nouveau l’idée de prendre des extras en prévision «’de la grande visite’».
Au surplus, le 20 décembre 2016, soit seulement 3 jours avant le premier fait reproché, le salarié a envoyé un courriel précisant que la visite du directeur régional s’était bien passée’; cet élément n’est pas contredit par les pièces produites par l’employeur.
Il ressort de l’ensemble de cette analyse que, faute pour l’employeur, d’établir qu’il avait prévu, pour l’équipe confiée au salarié, un nombre suffisant d’agents de service pour l’entretien du magasin Carrefour, les faits reprochés ne sont pas caractérisés.
Au surplus, le salarié verse aux débats l’attestation régulière de M. [D], délégué syndical du magasin Carrefour, qui indique avoir alerté son directeur et le directeur du magasin sur le licenciement du chef d’équipe par la société Derichebourg, lesquels avaient évoqué, pour le premier un simple changement de site, pour le second «’une peine probatoire de 2 mois dans un autre magasin’» et avaient affirmé qu’il ne devrait pas être licencié.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit le licenciement justifié.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.
L’article L 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018 issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au cas d’espèce, prévoit que l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié totalisant 4 années d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, doit être comprise entre 3 et 5 mois de salaire brut.
Compte tenu de l’âge du salarié (né le 11/07/1962), de son ancienneté à la date du licenciement (4 ans 3 mois et 7 jours), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut correspondant à la moyenne des 3 derniers mois, plus favorable (1’824,04 euros) et des justificatifs de sa situation postérieure à la rupture (ARE en juin 2017, contrat de travail à durée déterminée du 6 juin 2017 en qualité de chef d’équipe niveau 1 moyennant un salaire mensuel brut de 1’768,47 euros) et de l’absence de tout justificatif sur sa situation actuelle, il convient de fixer à la somme de 6’000 euros les dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes accessoires.
L’employeur devra rembourser à France Travail les allocations de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois.
L’employeur sera tenu aux dépens de première instance et d’appel.
Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;
Rejette la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée,
Confirme le jugement du 13 mars 2019 du conseil de prud’hommes de Montpellier en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande de rappel de salaire’;
L’ infirme pour le surplus’;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Juge que le licenciement de M. [V] est sans cause réelle et sérieuse’;
Condamne la société Derichebourg Propreté et Services Associés à payer à M. [P] [V] les sommes de’:
– 6’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
Ordonne le remboursement par la société Derichebourg Propreté et Services Associés à France Travail des indemnités de chômage payées à M. [V] dans la limite de deux mois et dit que, conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe à l’organisme France Travail du lieu où demeure le salarié.
Condamne la société Derichebourg Propreté et Services Associés aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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