Licenciement contesté : absence de cause réelle et sérieuse.

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Licenciement contesté : absence de cause réelle et sérieuse.

RAPPEL DES FAITS

M. [O] [B] [K] a été licencié pour faute grave par la SARL Gil ambulances après avoir été placé en chômage partiel. Il a contesté la légitimité de son licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [B] [K] a demandé l’annulation de la sanction disciplinaire et diverses indemnités, tandis que la société a contesté la requalification du licenciement.

RÈGLE DE DROIT APPLICABLE

Le licenciement pour faute grave est régi par l’article L. 1232-1 du Code du travail, qui stipule que le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La faute grave est définie par l’article L. 1331-1, qui précise qu’elle résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

L’article L. 1235-3 du même code prévoit que si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut ordonner la réintégration du salarié ou, en cas de refus, lui accorder une indemnité.

L’article L. 1333-2 permet au conseil de prud’hommes d’annuler une sanction jugée irrégulière ou injustifiée. En cas de litige, l’article L. 1333-1 impose à l’employeur de prouver la réalité des faits reprochés au salarié.

APPLICATION DE LA RÈGLE DE DROIT

Dans cette affaire, la cour a confirmé que la société Gil ambulances n’a pas apporté la preuve suffisante des faits reprochés à M. [B] [K], ce qui a conduit à la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les juges ont constaté que les éléments fournis par l’employeur étaient insuffisants pour justifier la faute grave, conformément aux exigences des articles précités.

Ainsi, la cour a accordé à M. [B] [K] les indemnités prévues par la loi, en tenant compte de son ancienneté et des circonstances de la rupture, conformément à l’article L. 1235-4, qui prévoit le remboursement des indemnités chômage versées dans la limite de deux mois.

L’Essentiel : M. [O] [B] [K] a été licencié pour faute grave par la SARL Gil ambulances après un chômage partiel. Contestant ce licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes. M. [B] [K] a demandé l’annulation de la sanction et des indemnités, tandis que la société a contesté la requalification. La cour a confirmé que la société n’avait pas prouvé les faits reprochés, requalifiant le licenciement en sans cause réelle et sérieuse, et a accordé à M. [B] [K] les indemnités prévues par la loi.
Résumé de l’affaire : Un chauffeur ambulancier a été engagé par une société de transport sanitaire, la SARL Gil ambulances, en 2008. En mars 2020, il a été placé en chômage partiel en raison de la pandémie. Suite à un retard dans la prise en charge d’un client, il a reçu un avertissement, qu’il a contesté. En juin 2020, il a été mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave le 23 juillet 2020, après avoir été convoqué à un entretien préalable.

Le salarié a contesté la légitimité de son licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes, demandant l’annulation de la sanction disciplinaire et diverses indemnités. La société a, de son côté, soutenu que le licenciement était justifié par des fautes graves, notamment des retards et des comportements inappropriés.

Le tribunal a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser au salarié plusieurs indemnités, y compris pour licenciement abusif. La société a interjeté appel de cette décision, demandant la requalification du licenciement en faute grave et le déboutement des demandes du salarié.

Dans ses conclusions, la société a demandé la jonction des procédures d’appel et a contesté les montants des indemnités accordées. Le salarié a, quant à lui, demandé la confirmation du jugement initial, ainsi que des indemnités supplémentaires pour l’avertissement jugé injustifié.

La cour a finalement confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, estimant que la société n’avait pas prouvé les faits reprochés au salarié, ce qui a conduit à la requalification du licenciement. La cour a également ordonné le remboursement des indemnités chômage versées au salarié et a fixé les dépens à la charge de la société.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de l’annulation de l’avertissement délivré au salarié ?

L’article L.1331-1 du code du travail stipule qu’une sanction est toute mesure prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif.

Cette mesure peut affecter la présence, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

En cas de litige, l’article L.1333-1 précise que le conseil de prud’hommes doit apprécier la régularité de la procédure et la justification des faits reprochés.

L’article L.1333-2 permet d’annuler une sanction irrégulière ou injustifiée.

Dans ce cas, le salarié a contesté l’avertissement en arguant que les faits reprochés n’étaient pas suffisamment graves pour justifier une sanction.

La cour a confirmé que l’avertissement était justifié, considérant que les retards et la désorganisation engendrée constituaient un manquement fautif.

Quel est le cadre juridique du licenciement pour faute grave ?

La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits qui constitue une violation des obligations contractuelles d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.

L’article L.1235-3 du code du travail stipule que si le licenciement n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié.

Si cette réintégration est refusée, une indemnité est due à l’employé, dont le montant est déterminé en fonction de son ancienneté.

Dans cette affaire, l’employeur a invoqué plusieurs faits pour justifier le licenciement, mais la cour a constaté que la preuve de ces faits n’était pas rapportée, ce qui a conduit à la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quel est le montant des indemnités dues au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

En application de l’article L.1235-3 du code du travail, le montant de l’indemnité due au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est déterminé en fonction de son ancienneté, de son salaire, et des circonstances de la rupture.

Dans ce cas, le salarié a été indemnisé à hauteur de 16 838,32 euros, ce qui a été jugé conforme aux critères énoncés par la loi.

Les autres sommes dues incluent l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés afférents, qui ont également été confirmés par la cour.

Quel est le rôle du conseil de prud’hommes dans l’appréciation des sanctions disciplinaires ?

Le conseil de prud’hommes, selon l’article L.1333-1 du code du travail, a pour rôle d’apprécier la régularité de la procédure suivie par l’employeur et de vérifier si les faits reprochés au salarié justifient une sanction.

Il doit examiner les éléments fournis par l’employeur pour justifier la sanction et ceux présentés par le salarié pour contester cette décision.

En cas de doute, ce dernier doit profiter au salarié, ce qui renforce la protection des droits des travailleurs dans le cadre des litiges liés aux sanctions disciplinaires.

Dans cette affaire, le conseil a jugé que la sanction infligée au salarié était justifiée, mais a également constaté que les faits reprochés au salarié dans le cadre du licenciement n’étaient pas prouvés.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 01 AVRIL 2025

(n° 2025/ , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08895 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERVP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 20/06932

APPELANTES

S.A.R.L. GIL AMBULANCES

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie CORNELIE-WEIL, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 201

S.E.L.A.R.L. S21Y prise en la personne de Me [X] [J] en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement.

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Marie CORNELIE-WEIL, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 201

INTIME

Monsieur [O] [B] [K]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Thibaut BONNEMYE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0726

PARTIE INTERVENANTE :

AGS CGEA IDF

[Adresse 3]

[Localité 5]

Non répresentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, présidente

Madame Isabelle LECOQ-CARON, présidente

Madame Catherine VALANTIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

 

M. [O] [B] [K], né en 1972, a été engagé par la SARL Gil ambulances, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 août 2008 en qualité de chauffeur ambulancier.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires et à l’accord cadre du 4 mai 2000 concernant l’aménagement du temps de travail du personnel des entreprises de transport sanitaires.

 

M. [B] [K] a été placé en chômage partiel du 15 mars 2020 au 12 juin 2020.  

M. [B] [K] a reçu un avertissement le 23 mars 2020, suite à un retard dans la prise en charge d’un client, qu’il a contesté par courrier du 27 mai 2020.

M. [B] [K] a été mis à pied à titre conservatoire le 14 juin 2020 par lettre datée du 17 juin 2020 a été convoqué à un entretien préalable fixé au 25 juin 2020 auquel il ne s’est pas rendu.

 

M. [B] [K] a contesté sa mise à pied par courrier du 29 juin 2020 et a à nouveau été convoqué à un entretien préalable, fixé au 13 juillet 2020.

 

Il a été licencié pour faute grave par lettre datée du 23 juillet 2020.

A la date du licenciement, M. [B] [K] avait une ancienneté de onze ans et onze mois, et la société Gil ambulances occupait à titre habituel plus de dix salariés

Par jugement du 21 juillet 2020, le tribunal de commerce de Créteil a arrêté un plan de redressement judiciaire au profit de la société Gil ambulances et a désigné la SELARL S21y, prise en la personne de Me [X] [J], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement.

 

Réclamant l’annulation d’une sanction disciplinaire, contestant la légitimité de son licenciement, et réclamant à ce titre diverses indemnités, M. [B] [K] a saisi le 25 septembre 2020 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 29 avril 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– condamne la société Gil ambulances prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à M. [B] [K] les sommes suivantes :

– 2049,47 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,

– 204,95 euros au titre des congés payés afférents,

– 4209,38 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 420,94 euros au titre des congés payés afférents,

– 6629,98 euros à titre d’indemnité de licenciement, avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu’au jour du paiement,

– rappelle que l’exécution provisoire est de droit sur ces sommes en application de l’article R1454-28 du code du travail,

– 16 838,32 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts de droit à compter du jour du prononcé du jugement et jusqu’au jour du paiement,

– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonne à la société Gil ambulances de remettre à M. [B] [K] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle emploi conformes au présent jugement,

– ordonne le remboursement par la société Gil ambulances au Pôle emploi concerné des indemnités chômage versées à M. [B] [K] dans la limite de deux mois d’indemnités,

– déboute M. [B] [K] du surplus de ses demandes,

– déboute la société Gil ambulances de sa demande reconventionnelle et la condamne aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 21 octobre 2021, la société Gil ambulances et la SELARL Mme [X] [J], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement ont interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 24 septembre 2021.

Cette procédure a été enrôlée sous le n° RG 21/08895.

Par déclaration du 27 octobre 2021, la société Gil ambulances et la SELARL S21y, prise en la personne de Mme [X] [J], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement, ont interjeté un appel rectificatif de cette décision, en précisant notamment les chefs de jugement critiqués. Cette procédure a été enrôlée sous le n° RG 21/8969

La procédure n° RG 21/08895 a fait l’objet d’une réouverture des débats en vue d’une jonction avec la procédure n° RG 21/8969.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 janvier 2022 la société Gil ambulances et la SELARL S21y, prise en la personne de Mme [X] [J], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement demande à la cour de :

– ordonner en tant que de besoin, la jonction des procédures n°21/08895 et n°21/08969,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [B] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse et à condamné la société Gil ambulances à diverses sommes liées à la requalification de la rupture,

statuant à nouveau,

– juger que le licenciement de M. [B] [K] est fondé sur une faute grave,

en conséquence :

– débouter M. [B] [K] de toutes ses demandes financières et demandes d’indemnités afférentes au licenciement,

à titre infiniment subsidiaire :

– juger que le licenciement de M. [B] [K] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause :

– débouter M. [B] [K] de toutes ses demandes de rappel de salaires et accessoires de salaires,

– débouter M. [B] [K] de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre la société Gil ambulances et notamment de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [B] [K] à payer à la société Gil ambulances la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le même aux entiers dépens.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 mars 2022 M. [B] [K] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

– constaté que le licenciement pour faute grave en date du 23 juillet 2020 est sans cause réelle et sérieuse,

– et en conséquence, condamné la société Gil ambulances à payer à M. [B] [K] :

– 6.629,78 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 4.209,38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 420,94 euros au titre des congés payés afférents,

– 2.049,47 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

– 204,95 euros au titre des congés payés afférents,

– confirmer le jugement rendu sur le principe de condamnation mais infirmer sur le quantum et, en conséquence, condamner la société à verser à M. [B] [K] les sommes suivantes :

– 22.099,25 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant le conseil de prud’hommes,

– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a débouté M. [B] [K] des demandes suivantes :

– annuler de l’avertissement injustifié en date du 23 mars 2020,

– et en conséquence, condamner la société Gil ambulances à verser à M. [B] [K] la somme de 500 euros au titre des dommages et intérêts pour sanction injustifiée,

– ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 20 euros par jour de retard ; ordonner la remise d’une attestation pôle emploi rectifiée et conforme sous astreinte de 20 euros par jour de retard,

– condamner la société Gil ambulances au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour d’appel,

– condamner la société Gil ambulances aux dépens de l’instance,

toutes condamnations assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.

L’Unédic délégation AGS CGEA Ile-de-France n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 17 décembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR:

 

A titre liminaire, il convient d’ordonner la jonction des deux procédures et de dire qu’elles suivront désormais le n° RG 21/8895.

Sur l’annulation de l’avertissement du 23 mars 2020

Pour infirmation de la décision, sur appel incident, M. [B] [K] expose que l’avertissement qui lui a été délivré est totalement infondé. Il en sollicite l’annulation et une indemnité de 500 euros en réparation du préjudice ainsi causé.

Pour confirmation du jugement déféré, la société Gil Ambulance réplique que les faits reprochés au salarié et son collègue (absence de signalement du retard lors d’une prise en charge d’une patiente s’étant répercuté sur le reste de la journée) était d’une gravité suffisante pour justifier l’avertissement délivré.

En application de l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L’article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L. 1333-2 du même code précise que le conseil de prud’homme peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

L’avertissement délivré à M. [B] [K] était ainsi libellé : 

« En date du 13 mars 2020. nous avons été amenés à constater les faits suivants :

Nous vous avons envoyé les informations concernant votre prise en charge par message à 13h15 surWhatsApp qui indiquait spécifiquement la prise en charge au sein de l'[10] à 14H00 pour [Localité 9].

Nous avons envoyé ce message si vous ainsi qu’à votre binôme.

Vous vous êtes rendus sur le site de l’HopitaI du [Localité 11] ou vous avez cherché le patient pendant plus de 20 min (et ce sans en avertir votre régulation) pour à la n vous rendre compte que vous vous étiez trompé.

Cette erreur a engendré plus d’1h30 de retard sur la prise en charge initiale ce qui a considérablement désorganisé notre planning.

De plus, vos temps de parcours ont été particulièrement long (plus du double du temps annoncé pardifférents GPS).

Ce n’est pas la première fois que nous attirons votre attention sur votre lenteur d’exécution du travail.

Cet incident a également engendré un retard dans la garde SAMU qui était censée commencer à 19h or vous êtes revenus sur site à 21h, soit au nal plus de 7h pour un transport de 200km au total.

Ces faits constituent un manquement fautif aux obligations issues de votre contrat de travail.

Nous vous adressons, par conséquent, un avertissement et vous demandons de veiller à ce que de tels faits ne se reproduisent pas. »

Pour contester cette sanction, M. [B] [K] expose que le message reçu du régulateur suivant : « [T] [F] [10] gastro enterologie hopsi B5ème étage // CH [Localité 9] » n’était pas clair et que par erreur avec son coéquipier, ils se sont rendus à l’hôpital du [Localité 11] au lieu de l’hôpital [10] ([10]).

Il n’est pas contesté que la prise en charge de la patiente était prévue à 14 heures et que ce n’est qu’à 15 heures 01 que le coéquipier, M. [W], a informé le régulateur de leur retard. Il n’est pas contesté que ce retard a entrainé un retour de l’ambulance au bureau à [Localité 8] à 20 heures alors même que ce véhicule était affecté à une garde à compter de 19 heures.

La cour retient que c’est sans convaincre que le salarié fait valoir que l’instruction du régulateur était mal formulée en expliquant que le nom de l’hôpital concerné était mentionné en minuscules ce qui serait à l’origine de l’erreur d’hôpital et du retard engendré dans le déroulement de la journée mais aussi que c’est tardivement que la régulation a été avertie de la difficulté rencontrée.

La cour en déduit, par confirmation du jugement déféré, que la sanction délivrée était justifiée et que c’est à bon droit que la demande d’annulation a été rejetée ainsi que la demande indemnitaire correspondante.

Sur le licenciement pour faute grave

Pour infirmation du jugement déféré, la société Gil Ambulances fait valoir que c’est à tort que les premiers juges ont requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour confirmation de la décision, M. [B] [K] réplique que l’employeur ne rapporte pas la preuve de la faute reprochée.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige était ainsi essentiellement motivée :

« Nous avons eu à déplorer de votre part plusieurs agissements fautifs.

En effet, le 13 juin 2020, votre régulateur vous a demandé à 10h40 de vous rendre au retour de dialyse de Mme [G] pour 11 I-140, vous étiez alors à [Localité 8]

À 12h, n’ayant pas eu de vos nouvelles, il vous a demandé ou vous étiez et vous lui avez répondu que vous arriviez à peine sur le lieu de prise en charge de la patiente alors que vous n’aviez aucune course depuis plus d’une heure.

Ce retard a eu pour conséquence une annulation de tous les transports futurs de Mme [G] par le service.

Le 6 juin 2020, pour des raisons techniques indépendantes de votre volonté (panne de véhicule), vous n’avez pas pu travailler et, sur ordre de votre régulateur, êtes rentrés chez vous dans l’heure.

ll apparaît sur votre feuille de route du même jour la mention « Payé 10H, vu avec le régulateur ».

Or après enquête, il apparaît que votre régulateur n’a jamais donné cette consigne.

Ce genre de pratique nuit gravement à la confiance que vous nous accordons et installe un climat de méfiance entre vous et votre employeur

Ces deux faits viennent s’ajouter à l’incident du 13 mars 2020 pour lequel vous avez reçu un avertissement.

Vous vous êtes permis d’envoyer un mail à l’Administrateur de notre société dans lequel vous tenez des propos fallacieux avec les conséquences ce que cela peut avoir pour la survie de notre structure. Lors de notre entretien du 13 juillet 2020.

Ce genre de comportement et de mentalité n’est pas compatible avec nos valeurs, ils nuisent gravement à la bonne survie de notre entreprise pour laquelle nous nous battons depuis presque 18 mois.

Vous contestez souvent les dernières courses qui vous sont données sous prétexte d’avoir des occupations privées en attente. Or votre convention collective stipule bien, entre autres, que vous pouvez avoir un temps de travail effectif qui peut aller jusqu’à 12h par jour.

De la même manière, vous contestez très régulièrement vos heures de prise de poste pour cause d’évènements privés.

Globalement, nous avons constaté un changement d’attitude de votre part depuis que nous avons instauré des règles de roulement au niveau des prises de postes

Nous décidons de notre stratégie ainsi que de l’application de celle-ci comme bon nous semble, et ça n’est pas votre rôle de nous imposer telle ou telle méthode.

Cette conduite globale ainsi que ces agissements mettent en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 13 juillet 2020 ne nous ont pas permis de modi er notre appréciation à ce sujet, nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 24 juillet 2020 sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 14 juin 2020 au 24 juillet 2020 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée.(…) »

Il en résulte qu’il a été reproché au salarié la perte des transports de Mme [G], patiente bénéficiant de dialyses suite à un retard important à l’occasion d’un trajet de retour du 13 juin 2020, une feuille de route portant la mention erronée d’un paiement de 10 heures de travail prétendument vu avec le régulateur, le fait que l’intéressé refuse plusieurs courses pour des motifs personnels mais aussi qu’il se soit adressé à l’administrateur en tenant des propos fallacieux.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l’article 12 du code de procédure civile ; qu’en conséquence, si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Alors que la preuve de la réalité des faits reprochés lui incombe, l’employeur se borne à procéder par affirmations. Ainsi que le souligne le salarié, il ne justifie pas de la perte alléguée des transports de dialyse de Mme [G] pas plus que du fait que M. [K] était bien planifié le 6 juin 2020 pour un transport pour lequel il aurait réclamé un paiement de 10 heures « vu avec le régulateur ». Les refus de courses du salarié ne sont pas plus documentées et établies. Enfin c’est à tort que l’employeur a reproché au salarié un courrier adressé à l’administrateur dans lequel il dénonce diverses difficultés rencontrées dans le cadre de l’exécution du contrat de travail sans qu’il soit établi qu’il s’agit de propos excessifs ou mensongers.

Par confirmation du jugement déféré la cour en déduit que la réalité des faits reprochés au salarié n’est pas rapportée et qu’ils ne peuvent justifier ni une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé sur ce point.

C’est à bon droit que les premiers juges ont accordé à M. [K] les sommes suivantes:

– 6.629,78 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 4.209,38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 420,94 euros au titre des congés payés afférents,

– 2.049,47 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

– 204,95 euros au titre des congés payés afférents.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Si l’une des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant eu égard à son ancienneté est compris, en l’espèce, entre 3 et 11 mois de salaire.

Compte-tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération du salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, son préjudice a été justement évalué à la somme de 16 838,32 euros en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est confirmé sur ces points sauf en ce qu’il y a lieu de fixer les sommes au passif de la société Gil Ambulances bénéficiant d’un plan de redressement.

C’est à bon droit que les premiers juges ont ordonné à la société Gil Ambulances le remboursement des indemnités chômage éventuellement versées à M. [B] [K] à deux mois d’indemnité par application de l’article L.1235-4 du code du travail. Ils seront confirmés.

Le jugement déféré est également confirmé en ce qu’il a ordonné la remise d’un bulletin de paie récapitulatif des sommes accordées, un certificat de travail et une attestation conformes à la décision rendue. Le prononcé d’une astreinte à hauteur de cour ne s’impose pas.

Le présent arrêt est déclaré opposable à l’AGS dont la garantie s’exercera en cas de résolution du plan et en l’absence de fonds disponibles dans les limites légales et réglementaires.

Partie perdante, la société Gil Ambulances supportera les dépens d’instance et d’appel, qui sont fixés à son passif ainsi qu’une indemnité de 1000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

ORDONNE la jonction des procédures n° RG 21/08895 et n° RG 21/08969 sous le n° RG 21/08895.

CONFIRME le jugement déféré rendu le 29 avril 2021 sauf à préciser que les sommes accordées sont fixées au passif de la SARL Gil Ambulances bénéficiant d’un plan de redressement sous l’égide de Mme [X] [J], commissaire à l’exécution du plan.

DECLARE le présent arrêt opposable à l’AGS dont la garantie s’exercera en cas de résolution du plan et en l’absence de fonds disponibles dans les limites légales et réglementaires.

FIXE les dépens d’appel au passif de la SARL Gil Ambulances.

FIXE au passif de la SARL Gil Ambulances bénéficiant d’un plan de redressement sous l’égide de Mme [X] [J] commissaire à l’exécution du plan, l’indemnité de 1000 euros due à M. [O] [B] [K] par application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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