Irrégularité de convocation et protection des droits en matière de soins psychiatriques.

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Irrégularité de convocation et protection des droits en matière de soins psychiatriques.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

L’article L. 3216-1 du code de la santé publique stipule que l’irrégularité affectant une décision administrative de soins psychiatriques sans consentement n’entraîne la mainlevée de la mesure que si elle a causé une atteinte aux droits de la personne concernée.

Le juge doit d’abord établir si l’irrégularité est avérée, puis déterminer si cette irrégularité a eu pour conséquence une atteinte aux droits de l’intéressé.

DEFAUT DE CONVOCATION DU CURATEUR

L’application des articles 468 et 475 du code civil impose que, lorsque le patient est sous mesure de protection, le curateur doit être convoqué.

Le défaut d’information et de convocation du curateur constitue une irrégularité de fond, selon l’article 119 du code de procédure civile, qui ne nécessite pas la preuve d’un grief et peut être soulevée à tout moment, y compris en appel.

IRREGULARITE DE LA PROCEDURE

La procédure est déclarée irrégulière lorsque le curateur désigné n’est pas informé de la procédure, ce qui porte atteinte aux droits de l’intéressé.

En conséquence, la décision de maintien de l’hospitalisation complète doit être infirmée, et la mainlevée de la mesure ordonnée, sous réserve d’un délai pour établir un programme de soins.

DIFFEREMENT DE LA MAINLEVEE

L’article L. 3211-12, III, alinéa 2, du code de la santé publique permet de différer la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, en tenant compte de l’état de santé du patient et des risques associés, afin de permettre l’établissement d’un programme de soins.

L’Essentiel : L’irrégularité affectant une décision administrative de soins psychiatriques sans consentement n’entraîne la mainlevée de la mesure que si elle a causé une atteinte aux droits de la personne concernée. Le défaut d’information et de convocation du curateur constitue une irrégularité de fond, qui peut être soulevée à tout moment. La procédure est déclarée irrégulière lorsque le curateur n’est pas informé, portant atteinte aux droits de l’intéressé, entraînant l’infirmation de la décision de maintien de l’hospitalisation complète.
Résumé de l’affaire : Un individu, né en 1987, a été admis en soins psychiatriques sans consentement par ordonnance judiciaire le 15 mai 2023, suite à une déclaration d’irresponsabilité. Cette mesure a été maintenue par arrêté préfectoral. Le 24 octobre 2024, un magistrat a ordonné la levée de l’hospitalisation complète, permettant la mise en place d’un programme de soins ambulatoires. Cependant, le 6 mars 2025, l’individu a été réadmis en hospitalisation complète en raison de son refus de soins et de son déni des troubles, comme l’indiquait un certificat médical.

Le 13 mars 2025, le magistrat a confirmé la mesure d’hospitalisation, l’individu n’ayant pas pu comparaître en raison de son état de santé. Le 18 mars 2025, il a adressé une demande de rencontre au juge des libertés. Lors de l’audience du 24 mars 2025, le conseil de l’individu a soulevé une irrégularité de procédure, arguant du défaut de convocation du curateur désigné. L’avocate générale a requis la confirmation de l’ordonnance, tandis que le directeur de l’hôpital et la préfecture n’étaient pas présents.

Le tribunal a constaté qu’un jugement de curatelle désignant une association comme curateur avait été prononcé, mais que le curateur n’avait pas été informé de la procédure. Cette irrégularité a été jugée comme portant atteinte aux droits de l’individu. En conséquence, la procédure a été déclarée irrégulière, et la décision de maintien de l’hospitalisation a été infirmée. Toutefois, la mainlevée de la mesure a été différée pour permettre l’établissement d’un programme de soins, en raison des risques associés à l’état de santé de l’individu.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est l’impact de l’irrégularité de la procédure sur la décision d’hospitalisation sans consentement ?

L’article L. 3216-1 du code de la santé publique stipule que l’irrégularité affectant une décision administrative de soins psychiatriques sans consentement n’entraîne la mainlevée de la mesure que si elle a causé une atteinte aux droits de la personne concernée.

Il appartient donc au juge de vérifier, dans un premier temps, si l’irrégularité est établie, puis, dans un second temps, si cette irrégularité a entraîné une atteinte aux droits de l’intéressé.

Dans l’exercice de son office, le juge ne peut se substituer au médecin pour apprécier l’état mental du patient et son consentement aux soins, comme le souligne la jurisprudence (1re Civ., 27 septembre 2017, n°16-22.544).

Quel est le rôle du curateur dans la procédure d’hospitalisation ?

L’application combinée des articles 468 et 475 du code civil impose que, lorsque le patient est sous une mesure de protection, le curateur ou le tuteur doit être convoqué.

Le défaut d’information et de convocation du curateur par le greffier constitue une irrégularité de fond, selon l’article 119 du code de procédure civile. Cette irrégularité ne nécessite pas la preuve d’un grief et n’est pas couverte par le fait que le patient ait été assisté par un avocat (1re Civ., 16 mars 2016, pourvoi n° 15-13.745).

De plus, cette irrégularité peut être soulevée à tout moment, y compris pour la première fois en appel (1re Civ., 12 mai 2021, pourvoi n°20-13.307).

Quel est le résultat de l’irrégularité constatée dans la procédure ?

Il a été constaté qu’un jugement de curatelle renforcée a été prononcé le 31 octobre 2024, désignant l’Association Tutélaire de l’Essonne comme curateur, alors que la curatrice initialement convoquée n’était plus compétente.

Cette situation a conduit à une atteinte aux droits de l’intéressé, justifiant la déclaration d’irrégularité de la procédure, l’infirmation de la décision critiquée, et l’ordonnance de la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète.

Cependant, en vertu de l’article L. 3211-12, III, alinéa 2, du code de la santé publique, la mainlevée de la mesure a été différée pour permettre l’établissement d’un programme de soins, en raison de l’état de santé du patient.

Quel est le délai pour la mise en œuvre de la mainlevée de l’hospitalisation ?

La décision du magistrat délégué a ordonné que la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète prenne effet dans un délai maximal de 24 heures, afin qu’un programme de soins puisse être établi.

Cette mesure vise à garantir que, malgré la mainlevée, le patient puisse bénéficier d’un suivi approprié, en tenant compte des risques potentiels pour sa santé et celle des autres, comme indiqué dans les certificats médicaux.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 28 MARS 2025

(n°183, 4 pages)

N° du répertoire général : N° RG 25/00183 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CK7WN

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Mars 2025 -Tribunal Judiciaire d’EVRY (Magistrat du siège) – RG n° 25/00856

L’audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 24 Mars 2025

Décision : Réputée contradictoire

COMPOSITION

Elise THEVENIN-SCOTT, conseiller à la cour d’appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d’appel de Paris,

assistée de Morgane CLAUSS, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision

APPELANT

Monsieur [E] [W] (Personne faisant l’objet de soins)

né(e) le 23 novembre 1987 à [Localité 4]

demeurant Chez Monsieur [W] [Adresse 2]

Actuellement hospitalisé au C.H. [3]

comparant en personne assisté de par Maître Maximilien MESSI, avocat commis d’office au barreau de Paris,

CURATEUR

ASSOCIATION TUTELAIRE DE L’ESSONNE

Représenté par Mme [G] [P]

non comparant, non représenté,

INTIMÉ

M. LE PREFET DE L’ESSONNE

non comparant, non représenté,

PARTIE INTERVENANTE

M. LE DIRECTEUR DU C.H. [3]

non comparant, non représenté,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Madame LESNE, avocate générale,

Comparante,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [E] [W], né le 23 novembre 1987 à [Localité 4], a été admis en soins psychiatriques sans consentement par ordonnance du juge du 15 mai 2023 faisant suite à une déclaration d’irresponsabilité prononcée le même jour. La mesure a, par la suite, était maintenue par arrêté préfectoral.

Le 24 octobre 2024, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté d'[Localité 1] a ordonné la levée de l’hospitalisation complète et la mise en place d’un programme de soins ambulatoires.

Un programme de soins ambulatoires a été mis en place par arrêté préfectoral du 25 octobre 2024.

Par arrêté préfectoral du 06 mars 2025, Monsieur [E] [W] a été réintégré en hospitalisation complète.

Le certificat médical de ré-admission du 06 mars 2025 indique que Monsieur [E] [W] ne se rend pas aux rendez-vous au CMP, refuse les soins, et est dans le déni des troubles.

La mesure a été maintenue par ordonnance du magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté d'[Localité 1] du 13 mars 2025. L’état de santé de Monsieur [E] [W] et le risque de fugue ne lui ont pas permis de comparaître.

Le 18 mars 2025, Monsieur [E] [W] a rédigé le courrier suivant, adressé par l’hôpital psychiatrique à la cour d’appel :

 » JLD

Je vous écrit car je souhaiterais vous voir merci de votre compréhension  »

Les parties ont été convoquées à l’audience du 24 mars 2025, qui s’est tenue en audience publique.

Par des conclusions exposées oralement à l’audience, le conseil de Monsieur [E] [W] soulève l’irrégularité de la procédure pour défaut de convocation du curateur actuellement désigné de son client, et sur le fond demande la levée de la mesure et la mise en place d’un programme de soins ambulatoires.

L’avocate générale a requis oralement s’en rapporter sur l’irrégularité soulevée et sur le fond la confirmation de l’ordonnance compte-tenu de la teneur du dernier certificat médical de situation.

Le directeur de l’hôpital ainsi que la préfecture n’ont pas comparu et ne se sont pas faits représenter.

Vu la communication du jugement de curatelle en date du 31 octobre 2024 du tribunal judiciaire d'[Localité 1] désignant l’Association Tutélaire de l’Essonne (ATE) en qualité de curateur de Monsieur [E] [W] en cours de délibéré.

Vu les observations du conseil de Monsieur [E] [W] et du parquet général suite à la communication de cette pièce.

SUR CE,

L’office du juge judiciaire implique un contrôle relatif à la fois à la régularité de la décision administrative d’admission en soins psychiatriques sans consentement et au bien-fondé de la mesure, en se fondant sur des certificats médicaux.

Il résulte de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique que l’irrégularité affectant une décision administrative de soins psychiatriques sans consentement n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en fait l’objet. Il appartient donc au juge de rechercher, d’abord, si l’irrégularité affectant la procédure est établie, puis, dans un second temps, si de cette irrégularité résulte une atteinte aux droits de l’intéressé.

Dans l’exercice de son office, le juge ne saurait se substituer au médecin dans l’appréciation de l’état mental du patient et de son consentement aux soins (1re Civ., 27 septembre 2017, n°16-22.544).

Sur le moyen pris du défaut de convocation du curateur

L’application combinée des articles 468 et 475 du code civil impose que, lorsque le patient bénéficie d’une mesure de protection, le curateur ou le tuteur doit être convoqué (notamment 1re Civ., 20 mars 2024, pourvoi n° 22-21.898).

Il résulte de l’article 119 du code de procédure civile que le défaut d’information et de convocation du curateur par le greffier du juge en charge du contrôle de l’hospitalisation sans le consentement de la personne sous curatelle, constitue une irrégularité de fond qui :

– ne requiert pas la preuve d’un grief,

– n’est pas couverte par le fait que le patient a été assisté par un avocat (1re Civ., 16 mars 2016, pourvoi n° 15-13.745),

– peut être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel (1re Civ., 12 mai 2021, pourvoi n°20-13.307).

Or, il résulte des pièces du dossier qu’un jugement de curatelle renforcée a été prononcé le 31 octobre 2024 désignant l’ATE de l’Essonne en qualité de curateur de Monsieur [E] [W], alors qu’a été convoquée à l’audience devant le premier juge Madame [T] [W], curatrice désignée initialement en 2021. Il en résulte que le curateur de Monsieur [E] [W] n’a pas été informé de la procédure suivie devant le premier juge.

Au regard de cette irrégularité et compte-tenu de l’atteinte portée aux droits de l’intéressé, il convient de déclarer la procédure irrégulière, d’infirmer la décision critiquée et d’ordonner la mainlevée de la mesure de soins sans consentement sous forme d’une hospitalisation complète.

Toutefois, en application de l’article L. 3211-12, III, alinéa 2, du code de la santé publique et au regard de la situation de Monsieur [E] [W] telle que décrite par les certificats médicaux, notamment le certificat médical du 20 mars 2025 (« une grande imprévisibilité s’observe avec risque de passage à l’acte hétéro agressif. « ), il y a lieu de décider que cette mainlevée de la mesure sera différée, dans un délai maximal de 24 heures, afin qu’un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi.

PAR CES MOTIFS,

Le magistrat délégué du premier président, statuant en dernier ressort, publiquement, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe,

DÉCLARE l’appel recevable,

INFIRME l’ordonnance du juge des libertés et de la détention,

ORDONNE la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète de Monsieur [E] [W],

DÉCIDE que cette mainlevée prend effet dans un délai maximal de 24 heures, afin qu’un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi ;

LAISSE les dépens à la charge de l’État.

Ordonnance rendue le 28 MARS 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ

Notification ou avis fait à :

X patient à l’hôpital

ou/et ‘ par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l’hôpital

‘ tiers par LS

X préfet de l’Essonne

‘ avocat du préfet

X tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d’appel de Paris

AVIS IMPORTANTS :

Je vous informe qu’en application de l’article R.3211-23 du code de la santé publique, cette ordonnance n’est pas susceptible d’opposition. La seule voie de recours ouverte aux parties est le pourvoi en cassation . Il doit être introduit dans le délai de 2 mois à compter de la présente notification, par l’intermédiaire d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

Le pourvoi en cassation est une voie extraordinaire de recours qui exclut un nouvel examen des faits ; il a seulement pour objet de faire vérifier par la Cour de Cassation si la décision rendue est conforme aux textes législatifs en vigueur.

Ce délai est augmenté d’un mois pour les personnes qui demeurent dans un département ou territoire d’outre-mer et de deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.

RE’U NOTIFICATION LE :

SIGNATURE DU PATIENT :


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