L’Essentiel : La caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a initialement évalué l’incapacité permanente de M. [V] à 3 % suite à un accident du travail. Contestant cette décision, M. [V] a obtenu une réévaluation à 12 % par une juridiction spécialisée, ce qui a conduit la caisse à interjeter appel. M. [V] a soulevé une exception de péremption, arguant que la Cour n’avait pas correctement examiné les actes interruptifs. Cependant, la Cour a rappelé que les mémoires échangés dans les délais justifiaient le rejet de cette exception, concluant que l’instance demeurait valide.
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Contexte de l’affaireLa caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a déterminé, par une décision du 1er décembre 2014, que M. [V] avait une incapacité permanente partielle de 3 % suite à un accident du travail. M. [V] a contesté cette décision, et une juridiction spécialisée a réévalué son taux d’incapacité à 12 %. La caisse a alors interjeté appel de ce jugement. Arguments de l’assuréM. [V] a soulevé une exception de péremption d’instance, arguant que la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail n’avait pas correctement examiné les actes interruptifs du délai de péremption. Il a soutenu que la Cour s’était contentée d’énumérer des actes sans expliquer leur impact sur l’avancement du litige, ce qui aurait privé sa décision de fondement légal. Réponse de la CourLa Cour a rappelé que, selon l’article 386 du code de procédure civile, une instance est périmée si aucune diligence n’est accomplie pendant deux ans. Elle a précisé que les parties n’étaient pas tenues d’accomplir des diligences particulières pour interrompre la péremption, sauf si la juridiction l’exigeait. En l’espèce, la Cour a constaté que les mémoires avaient été échangés dans les délais, justifiant ainsi le rejet de l’exception de péremption. Conclusion de la CourLa Cour nationale a donc conclu que l’exception de péremption soulevée par M. [V] n’était pas fondée, car aucune diligence particulière n’avait été imposée aux parties. Les mémoires échangés étaient suffisants pour maintenir l’instance en cours. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’exception de péremption d’instance selon l’article 386 du code de procédure civile ?L’article 386 du code de procédure civile stipule que : « L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans. » Cette disposition est essentielle pour comprendre le mécanisme de la péremption d’instance. En effet, la péremption est une sanction qui intervient lorsque les parties ne montrent pas d’activité dans le cadre de la procédure pendant un délai de deux ans. Il est donc crucial que les parties accomplissent des actes qui manifestent leur volonté de faire progresser le litige. Dans le cas présent, la Cour nationale a examiné si des diligences avaient été effectuées par les parties, ce qui a conduit à la décision de rejeter l’exception de péremption. Quelles sont les conditions pour qu’un acte soit considéré comme une diligence interruptive du délai de péremption ?Pour qu’un acte soit considéré comme une diligence interruptive du délai de péremption, il doit manifester la volonté de son auteur de faire progresser le litige vers sa solution. L’article 386 du code de procédure civile ne se contente pas d’exiger l’existence d’actes, mais impose également que ceux-ci soient significatifs et pertinents. Dans l’affaire examinée, la Cour a constaté que des mémoires avaient été échangés entre les parties, ce qui a été jugé suffisant pour interrompre le délai de péremption. Cependant, une simple demande de renseignements sur l’état d’avancement de la procédure, comme celle effectuée le 21 mars 2018, ne constitue pas une diligence interruptive. Ainsi, la jurisprudence précise que seules les actions qui visent à faire avancer le litige peuvent interrompre le délai de péremption. Comment la jurisprudence interprète-t-elle la notion de diligence dans le cadre de la procédure devant la Cour nationale ?La jurisprudence, notamment à travers l’arrêt du 10 octobre 2024, a précisé que, sauf obligation particulière imposée par la juridiction, les parties ne sont pas tenues d’accomplir des diligences pour faire avancer la procédure. Cela signifie que la direction de la procédure échappe aux parties, qui ne doivent pas nécessairement solliciter la fixation de l’affaire à une audience pour éviter la péremption. L’article R. 143-20-1 du code de la sécurité sociale, qui rend applicable l’article 386 du code de procédure civile à la Cour nationale, souligne également cette approche. Ainsi, la Cour nationale a rejeté l’exception de péremption en considérant que les mémoires échangés constituaient des diligences suffisantes, sans qu’il soit nécessaire d’exiger des parties qu’elles prennent des initiatives supplémentaires. Quelles sont les implications de l’article R. 143-26 du code de la sécurité sociale sur la procédure devant la Cour nationale ?L’article R. 143-26 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à son abrogation, stipule que : « La procédure devant la Cour nationale est orale. Toutefois, les parties qui adressent à la Cour nationale un mémoire dans les conditions prévues par l’article R. 143-25 sont dispensées de se présenter à l’audience. » Cette disposition a des implications significatives sur la manière dont les parties peuvent interagir avec la Cour nationale. En effet, elle permet aux parties de soumettre des mémoires écrits sans avoir à se présenter physiquement à l’audience, ce qui peut faciliter l’accès à la justice. Cela signifie également que les mémoires peuvent être considérés comme des actes de diligence, contribuant ainsi à éviter la péremption. La Cour nationale a donc pu conclure que les mémoires échangés étaient suffisants pour interrompre le délai de péremption, conformément à cette règle. Comment la Cour nationale a-t-elle appliqué les principes de la péremption dans cette affaire ?Dans cette affaire, la Cour nationale a appliqué les principes de la péremption en examinant les actes accomplis par les parties. Elle a relevé que des mémoires avaient été échangés aux dates du 29 août 2016, 10 octobre 2016 et 15 novembre 2019. Ces échanges ont été jugés suffisants pour démontrer que les parties avaient accompli des diligences, empêchant ainsi la péremption de l’instance. La Cour a également précisé que la demande de renseignements sur l’état d’avancement de la procédure ne constituait pas une diligence interruptive, conformément à la jurisprudence établie. Ainsi, la décision de la Cour nationale de rejeter l’exception de péremption repose sur l’analyse des actes significatifs accomplis par les parties, respectant les exigences des articles applicables. |
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 35 F-D
Pourvoi n° N 22-11.139
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
M. [S] [V], domicilié [Adresse 4], [Localité 2], a formé le pourvoi n° N 22-11.139 contre les arrêts rendus les 3 juin 2020 et 30 novembre 2021 par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (B)), dans le litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain, et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon les arrêts attaqués (Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, 3 juin 2020 et 30 novembre 2021), par décision du 1er décembre 2014, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain (la caisse) a retenu l’incapacité permanente partielle de M. [V] (l’assuré) au taux de 3 % à la suite d’un accident du travail.
2. Saisie d’un recours par l’assuré, une juridiction chargée du contentieux technique a fixé ce taux à 12 %, par un jugement dont la caisse a relevé appel.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L’assuré fait grief à l’arrêt du 3 juin 2020 de rejeter l’exception de péremption d’instance opposée à la caisse, alors :
« 1°/ que les juges ne peuvent rejeter une exception de péremption en se contentant d’énumérer les actes ou courriers prétendument interruptifs mais doivent expliquer en quoi ces actes ont manifesté la volonté de leur auteur de faire progresser le litige vers sa solution et sont intervenus à l’intérieur du délai biennal ; que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de péremption soulevée par l’exposant en énumérant divers actes et courriers, depuis un mémoire transmis le 29 août 2016 jusqu’à « d’autres diligences » effectuées avant l’ordonnance de clôture, pour ensuite affirmer qu’il « ne s'(était) donc pas écoulé de délai de plus de deux ans sans qu’aucune des parties n'(eût) accompli de diligences aux fins d’avancement de la procédure » ; que n’ayant aucunement explicité en quoi les divers actes ou courriers cités par elle auraient été de nature à faire progresser le litige vers sa solution, ne mettant pas ainsi le juge de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur l’existence de diligences interruptives du délai de péremption, la Cour nationale a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 386 du code de procédure civile ;
2°/ que ne constitue pas une diligence interruptive du délai biennal une simple demande de renseignements sur l’état d’avancement de la procédure ; que l’arrêt attaqué a constaté que le mémoire transmis le 29 août 2016 par une partie et reçu par l’autre le 10 octobre suivant avait été suivi d’une télécopie du 21 mars 2018 par laquelle une partie avait interrogé le secrétariat de la cour sur l’état d’avancement de la procédure, et qu’ensuite l’exposant avait expédié un nouveau mémoire le 15 novembre 2019 ; que ces énonciations faisaient ressortir que le délai de péremption courait au plus tard à compter du 10 octobre 2016, de sorte qu’il était acquis le 10 octobre 2018 ; qu’en rejetant néanmoins l’exception de péremption au prétexte qu’une partie aurait adressé le 21 mars 2018, au secrétariat de la cour, une demande de renseignements sur l’avancement de la procédure, quand une telle missive ne constituait pas une diligence interruptive de péremption, la Cour nationale a violé l’article 386 du code de procédure civile. »
4. Selon l’article 386 du code de procédure civile, rendu applicable à la procédure devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (la Cour nationale) par l’article R. 143-20-1 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans.
5. Selon l’article R. 143-26 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à son abrogation par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, la procédure devant la Cour nationale est orale. Toutefois, les parties qui adressent à la Cour nationale un mémoire dans les conditions prévues par l’article R. 143-25 sont dispensées de se présenter à l’audience conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile.
6. Il résulte des articles R. 143-27 et R. 143-28-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure à leur abrogation par le décret précité, que lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le président de la section à laquelle elle a été confiée en assure l’instruction et que, dans ce cas, une ordonnance de clôture, mentionnant la date de l’audience, est notifiée à chacune des parties.
7. En l’absence d’instruction, les parties sont, en application de l’article R. 143-28-2 du même code, dans sa rédaction antérieure à son abrogation par le décret précité, convoquées à l’audience par le secrétariat de la Cour nationale. La convocation les informe de la possibilité qu’elles ont d’y présenter des observations orales.
8. Par un arrêt rendu le 10 octobre 2024 (2e Civ., 10 octobre 2024, pourvoi n° 22-12.882, publié), la Cour de cassation a jugé qu’il résulte des dispositions précitées, interprétées à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’à moins que les parties ne soient tenues d’accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Elles n’ont, dès lors, pas de diligences à accomplir en vue de l’audience à laquelle elles sont convoquées par le secrétariat de la Cour nationale.
9. En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l’affaire à une audience à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif.
10. Ayant relevé que les parties avaient adressé leurs mémoires respectifs les 29 août 2016 et le 10 octobre suivant puis le 15 novembre 2019, c’est à bon droit que la Cour nationale a rejeté l’incident de péremption, aucune diligence particulière n’ayant été mise à la charge des parties par la juridiction.
11. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
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