L’Essentiel : Le 6 juillet 2005, Madame [N] [O] et Monsieur [B] [D] ont contracté un prêt immobilier de 250 000 € pour un bien à [Adresse 16]. Un second prêt de 300 000 € a suivi le 8 août 2005. Le 8 décembre 2015, un redressement judiciaire a été ouvert pour Monsieur [B] [D], avec des créances déclarées de 406 517,41 €. Un plan de redressement a été arrêté le 29 décembre 2016, prévoyant un remboursement intégral en deux ans. En janvier 2022, la cour d’appel a déclaré recevables les contestations de Madame [N] [O] concernant les créances.
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Constitution des prêts immobiliersLe 6 juillet 2005, Madame [N] [O] et Monsieur [B] [D] ont contracté un prêt immobilier de 250 000 € pour l’achat d’un bien immobilier à [Adresse 16], destiné à un usage mixte. Un second prêt de 300 000 € a été contracté le 8 août 2005 pour le même bien, qualifié de « professionnel ». Procédure de redressement judiciaireLe 8 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de Monsieur [B] [D]. Le principal créancier, [11], a déclaré des créances totalisant 406 517,41 € pour les deux prêts. Plan de redressement et créancesLe 29 décembre 2016, un plan de redressement a été arrêté, prévoyant le remboursement intégral du passif en deux ans. En juin 2017, l’état des créances a été publié, et les créances de [11] ont été admises par le juge commissaire. Réclamation de Mme [N] [O]Estimant des irrégularités dans le calcul des intérêts, Madame [N] [O] a déposé une réclamation le 19 janvier 2019, qui a été déclarée irrecevable par ordonnance du 18 juin 2019. Elle a interjeté appel de cette décision le 28 juin 2019. Assignation en licitation partageLe 26 juillet 2019, la SELARL [14] a assigné Madame [N] [O] et Monsieur [B] [D] en licitation partage pour obtenir la vente du bien immobilier. Le juge de la mise en état a rejeté une demande de sursis à statuer en janvier 2022. Décision de la cour d’appelLe 11 janvier 2022, la cour d’appel de Rennes a infirmé l’ordonnance du juge commissaire, déclarant recevables les contestations de Madame [N] [O] concernant les créances, et a invité à saisir le juge du fond pour examiner le bien-fondé de la contestation. Conclusions des partiesLe 28 février 2022, Madame [N] [O] a assigné [11] pour statuer sur sa contestation. En avril 2023, elle et Monsieur [B] [D] ont demandé le déboutement de la SELARL [14] et la condamnation de celle-ci aux dépens. Motifs de la décisionLe tribunal a rappelé que les créanciers peuvent provoquer le partage des biens indivis. L’article L 526-1 du code de commerce protège la résidence principale de l’entrepreneur, même en l’absence de procédure collective. Le tribunal a conclu que Monsieur [B] [D] avait renoncé à cette protection en proposant un plan de redressement. Ordonnance de partage et venteLe tribunal a ordonné le partage de l’indivision sur le bien immobilier, désignant un notaire pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage. Il a également ordonné la vente aux enchères publiques du bien, fixant la mise à prix à 950 000 euros. Les modalités de publicité de la vente ont été établies. Condamnation aux dépensLes défendeurs ont été condamnés aux dépens et à verser une somme de 3 000 euros à la SELARL [14] pour les frais engagés. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications de l’article L. 526-1 du code de commerce concernant l’insaisissabilité de la résidence principale d’un entrepreneur individuel ?L’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, stipule que : « Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne. Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire. La domiciliation de la personne dans son local d’habitation en application de l’article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire. » Cet article vise à protéger la résidence principale des entrepreneurs individuels contre les saisies par leurs créanciers, même si ces derniers ont des créances nées de l’activité professionnelle de l’entrepreneur. Il est important de noter que cette insaisissabilité s’applique même si l’entrepreneur n’est pas en procédure collective, comme c’est le cas pour M. [D] qui, après l’adoption de son plan de redressement, est redevenu in bonis. Ainsi, la protection de la résidence principale est maintenue, et la saisie de celle-ci par les créanciers est interdite, sauf si l’entrepreneur renonce à ce bénéfice, ce qui peut être le cas pour obtenir un prêt. Comment l’article 815-17 du code civil influence-t-il les droits des créanciers dans le cadre d’une indivision ?L’article 815-17 du code civil dispose que : « Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu’il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l’actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis. Les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles. Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l’action en partage en acquittant l’obligation au nom et en l’acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis. » Cet article établit que les créanciers d’un indivisaire ne peuvent pas saisir directement sa part dans les biens indivis, mais ils peuvent provoquer le partage de l’indivision. Cela signifie que, dans le cas de M. [D] et Mme [O], les créanciers peuvent demander la vente du bien immobilier en indivision pour récupérer leurs créances, mais ils ne peuvent pas saisir directement la part de M. [D] dans ce bien. Cette disposition protège les droits des coïndivisaires tout en permettant aux créanciers d’agir pour récupérer leurs créances, ce qui est particulièrement pertinent dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de M. [D]. Quelles sont les conséquences de la renonciation à l’insaisissabilité de la résidence principale dans le cadre d’un plan de redressement ?La renonciation à l’insaisissabilité de la résidence principale peut avoir des conséquences significatives pour un entrepreneur individuel. En effet, lorsque M. [D] a proposé un plan de redressement, il a implicitement renoncé à l’insaisissabilité de sa résidence principale, car le plan prévoyait le règlement de ses créances par la vente de son bien immobilier. Le tribunal a noté que : « La faisabilité [du plan] paraît établie si M. [D] vend son ensemble immobilier dans les deux ans pour désintéresser les créanciers, étant précisé que la valeur de ce bien est estimée à 690 000 euros. » Cela signifie que, pour que le plan de redressement soit accepté, M. [D] devait être en mesure de vendre son bien pour rembourser ses créanciers. En renonçant à l’insaisissabilité, il a permis aux créanciers de demander la vente de son bien en cas de non-respect des termes du plan. Ainsi, la renonciation à l’insaisissabilité est une stratégie qui peut être utilisée pour faciliter le remboursement des dettes, mais elle expose également l’entrepreneur à des risques de saisie si les conditions du plan ne sont pas respectées. Dans le cas présent, M. [D] n’ayant pas respecté les échéances de son plan, cela a conduit à la décision de procéder à la vente de son bien immobilier. |
F.C
LE 09 JANVIER 2025
Minute n°
N° RG 19/03952 – N° Portalis DBYS-W-B7D-KGM2
S.E.L.A.R.L. [14] représentée par Maître [Y] [R], mandataire judiciaire, ès qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de Monsieur [B] [D], par jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTES du 12 février 2019
C/
[B] [D]
[N] [O]
Le 09/01/2025
copie exécutoire
et
copie certifiée conforme
délivrée à
Me NIHOUARN – CP8
copie certifiée conforme
délivrée à
Me VINCE – CP263
copie certifiée conforme
délivrée au notaire
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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PREMIERE CHAMBRE
Jugement du NEUF JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :
Président : Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur : Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur : Florence CROIZE, Vice-présidente,
GREFFIER : Audrey DELOURME
Débats à l’audience publique du 05 NOVEMBRE 2024.
En présence d’[J] [H], auditrice de justice.
Prononcé du jugement fixé au 09 JANVIER 2025, date indiquée à l’issue des débats.
Jugement Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
S.E.L.A.R.L. [14] représentée par Maître [Y] [R], mandataire judiciaire, ès qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de Monsieur [B] [D], par jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTES du 12 février 2019, dont le siège social est sis [Adresse 10]
Représentée par Me François-xavier NIHOUARN, avocat au barreau de NANTES
DEMANDERESSE.
D’UNE PART
ET :
Monsieur [B] [D]
né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 18], demeurant [Adresse 16]
Représenté par Me Sébastien VINCE, avocat au barreau de NANTES
Madame [N] [O]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 13] (BELGIQUE), demeurant [Adresse 16]
Représentée par Me Sébastien VINCE, avocat au barreau de NANTES
DEFENDEURS.
D’AUTRE PART
Le 6 juillet 2005, Madame [N] [O] et son compagnon, Monsieur [B] [D], ont contracté conjointement, auprès de la [11], un prêt immobilier d’un montant principal de 250 000 € pour l’achat d’un bien immobilier situé à [Adresse 16], et destiné à un usage mixte de maison d’habitation et de local professionnel pour l’activité d’architecte naval exercée par Monsieur [B] [D] à titre individuel.
Le 8 août 2005, le couple a contracté conjointement, auprès du [11], un second prêt immobilier dit “professionnel” d’un montant principal de 300 000 € pour l’achat du même bien immobilier.
Par jugement du 8 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de M. [B] [D].
Le [11], principal créancier de M. [B] [D], a déclaré au passif de celui-ci :
– une créance de 176 382,17 € au titre du prêt du 6 juillet 2005,
– une créance de 230 135,24 € au titre du prêt du 8 août 2005.
Par jugement du 29 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Nantes a arrêté un plan de redressement au bénéfice de M. [B] [D] prévoyant le remboursement de 100% du passif, provisoirement arrêté a 492 227,73 €, en 2 ans dans les conditions suivantes :
– 4 701,91 € à l’homologation,
– 4 875,26 € le 29 décembre 2017,
– 482 650,56 € le 29 décembre 2018.
Le 15 juin 2017, l’état des créances du 2 mai 2017 a été publié au BODACC.
Par ordonnance du 19 septembre 2017, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Nantes a prononcé l’admission de la créance déclarée par le [11] au titre du prêt du 6 juillet 2005.
Par ordonnance du 29 septembre 2017, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Nantes a prononcé l’admission de la créance déclarée par le [11] au titre du prêt du 8 août 2005.
Estimant que des irrégularités affectaient le calcul des intérêts des prêts, Mme [N] [O] a officialisé, par l’intermédiaire de son conseil, une réclamation à l’état des créances par lettre recommandée avec avis de réception au greffe du tribunal de grande instance de Nantes du 19 janvier 2019.
Par jugement du 12 février 2019, le tribunal de grande instance de Nantes a désigné Maître [Y] [R] en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de réaliser toute démarche pour recouvrer les dividendes prévus au plan de continuation arrêté au profit de [B] [D] par le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 29 décembre 2016.
Par ordonnance du 18 juin 2019, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Nantes a déclaré irrecevable la réclamation à l’état des créances de Mme [N] [O].
Le 28 juin 2019, Mme [N] [O] a interjeté appel de cette décision.
Par acte du 26 juillet 2019, la SELARL [14], représentée par Maître [R], en sa qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de [B] [D], a assigné Mme [N] [O] et M. [B] [D] en licitation partage devant le tribunal de grande instance de Nantes, afin d’obtenir la vente à la barre de la présente juridiction de la maison d’habitation susmentionnée et l’attribution à son profit, après partage de l’indivision, de la portion du prix de vente de l’immeuble revenant à [B] [D], sur le fondement des articles 815-17 et suivants, et 1341-1 du code civil.
Par ordonnance du 6 janvier 2022, le juge de la mise en état a notamment rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision judiciaire définitive dans le cadre de la réclamation à l’état des créances du redressement judiciaire de M. [B] [D], alors pendante devant la cour d’appel de Rennes, présentée par M. [B] [D] et Mme [N] [O].
Par arrêt du 11 janvier 2022, la cour d’appel de Rennes a infirmé l’ordonnance du juge commissaire du tribunal de grande instance de Nantes du 18 juin 2019, déclaré recevables les contestations de Mme [N] [O] à l’encontre des créances déclarées par le [11], rejeté la contestation de cette dernière au titre du prêt du 6 juillet 2015, déclaré sérieuse sa contestation au titre du prêt du 8 août 2015 et l’a invitée à saisir le juge du fond compétent, l’examen du bien-fondé de cette contestation excédant les pouvoirs de la cour d’appel statuant sur le recours d’une décision du juge commissaire.
Par acte du 28 février 2022, Mme [N] [O] a assigné le [11] devant le tribunal judiciaire de Nantes afin qu’il statue sur sa contestation.
En l’état de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 10 octobre 2022, la SELARL [14], représentée par Maître [Y] [R], mandataire judiciaire, en sa qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de M. [B] [D], demande au tribunal, sur le fondement des articles 1341-1 et 815-17 et suivants du code civil, L. 526-1 du code de commerce, de:
débouter M. [B] [D] et Mme [N] [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
en conséquence,
ordonner les opérations de compte, liquidation et partage entre M. [B] [D], d’une part, et Mme [N] [O], d’autre part, sur le bien immobilier ainsi désigné:Ville et commune d’[Localité 15]
[Adresse 16]
Lieudit “[Adresse 16]”
Cadastré section [Cadastre 12], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 4] et [Cadastre 1]
pour une contenance de 137a 255 ca
Bien acquis suivant acte reçu par Maître [A], notaire associé à [Localité 17] le 25 août 2005;
commettre pour y procéder Monsieur le Président de la Chambre des Notaires ou son délégataire, sous la surveillance du juge de la mise en état ;
préalablement,
ordonner la vente dudit bien à la barre du tribunal de grande instance de Nantes, sur le cahier des conditions de la vente établie par Maître François-Xavier Nihouarn, avocat au barreau de Nantes ;fixer la mise à prix à 950 000 euros ;ordonner les conditions de publicité auxquelles la vente sera soumise;s’entendre condamner M. [B] [D] à payer à Maître [Y] [R], en sa qualité de mandataire ad hoc la somme de 5 000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.A titre liminaire, la SELARL [14], ès qualités, conteste que l’article L. 526-1, alinéa 1er, du code de commerce soit applicable en l’espèce, puisque cet article trouve à s’appliquer uniquement pour les entrepreneurs individuels en procédure collective, et tout particulièrement en liquidation judiciaire. En effet, cette procédure a vocation à dessaisir les débiteurs de la gestion de leurs biens et ce dessaisissement n’est aujourd’hui plus possible sur la résidence principale du débiteur en liquidation judiciaire, depuis la loi du 6 août 2015 instituant cet article L. 526-1. Elle relève que M. [D] n’a jamais été en procédure de liquidation judiciaire et qu’en tout état de cause, il se trouve aujourd’hui être in bonis par l’effet de l’adoption du plan de redressement à son avantage par un jugement du tribunal de commerce de Nantes du 29 décembre 2016. Il estime donc que M. [D] n’est en l’état plus en procédure collective. Elle rappelle que Maître [R] ne représente pas la procédure collective mais qu’il intervient en qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de M. [D], en vendant le bien litigieux, ainsi que celui-ci s’y était engagé il y a maintenant près de six ans et demi.
A l’appui de ses demandes, elle rappelle que M. [D] est redevable de la somme totale échue de 544 178,09 euros et que son plan de redressement a été élaboré et adopté sur la base de la cession de son bien immobilier, dont le prix de vente devait venir éteindre le passif. Elle fait observer que deux ans et demi après l’adoption du plan, M. [D] n’a pas procédé à la vente de son bien et que s’il a pu faire part d’éventuels acquéreurs, uniquement en janvier 2019 au moment où il s’est trouvé contraint de le faire en raison des procédures engagées, il n’a jamais démontré sa volonté d’opérer rapidement la vente. Elle estime que M. [D] n’ayant pas réglé le montant des dividendes dues au titre du plan de redressement, elle est bien fondée à engager une procédure en licitation, à l’effet de provoquer le partage du bien immobilier dont M. [D] est propriétaire en indivision par moitié en pleine propriété.
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Dans le dernier état de leurs conclusions notifiées par RPVA le 6 avril 2023, Mme [N] [O] et M. [B] [D] sollicitent du tribunal, au visa de l’article L. 526-1 du code de commerce:
débouter Me [R], ès qualités, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;condamner Me [R], ès qualités, à leur payer la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner le même aux entiers dépens de l’instance.
Ils contestent que le bénéfice de l’article L. 526-1 du code de commerce, rendant de droit insaisissables les droits du débiteur sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale, soit réservé aux personnes physiques faisant l’objet d’une procédure collective. Ils soulignent que ce texte appartient au livre V du code de commerce, intitulé “des effets de commerce et des garanties” et non au livre VI “des difficultés des entreprises”. Ils estiment que l’existence d’une procédure collective au moment où le juge statue n’est pas une condition d’application dudit texte. Ils en concluent que si le redressement judiciaire de M. [D] a aujourd’hui pris fin, le fait que celui-ci soit désormais in bonis n’est pas susceptible de faire obstacle à l’application de l’insaisissabilité légale.
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Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions susvisées.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2024.
L’article 815-17 du code civil dispose que les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu’il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l’actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis.
Les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles.
Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l’action en partage en acquittant l’obligation au nom et en l’acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis.
Les articles 2284 et 2285 du même code prévoient respectivement que quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir et que les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.
L’article L 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, prévoit, que par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne. Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire. La domiciliation de la personne dans son local d’habitation en application de l’article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.
Il n’est pas discuté que le bien dont il est sollicité la licitation, acquis en indivision par M. [D] et Mme [O], constitue la résidence principale de M. [D].
M. [D] étant redevenu in bonis après l’adoption du plan de redressement par jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 29 décembre 2016, il ne fait pas l’objet d’une procédure collective.
L’article L. 526-1 précité interdit la saisie du bien qu’est la résidence principale de l’entrepreneur. La saisie est définie comme la voie d’exécution qui consiste à placer un bien du débiteur sous main de justice en vue de sa réalisation au profit du créancier saisissant. Les textes relatifs à la saisie n’imposent pas que le débiteur soit placé sous protection de justice.
Il s’en suit que contrairement à ce que soutient la SELARL [14], représentée par Me [Y] [R], ès qualités, l’article L. 526-1 du code de commerce, d’interprétation stricte, n’a pas vocation à s’appliquer qu’aux entrepreneurs individuels faisant l’objet d’une procédure collective, même si, de fait, le bénéfice de cette disposition sera majoritairement invoquée par les débiteurs placés en liquidation judiciaire.
La place de l’article L. 526-1 dans le code de commerce le confirme, ainsi que le soulignent les défendeurs.
Néanmoins, il ressort de la lecture des travaux parlementaires que l’entrepreneur individuel peut renoncer au bénéfice de cette disposition, notamment pour l’obtention d’un prêt.
Force est de constater qu’en l’espèce, il ressort du jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 29 décembre 2016 que M. [D] a proposé un plan de continuation prévoyant le règlement immédiat des créances inférieures à 500 euros dans la limite de 5% du passif ainsi que le règlement du passif échu suivant une unique option: paiement du passif à 100% en deux annuités progressives à compter de la date anniversaire du jugement d’homologation, à savoir 1% la première année et 99% la deuxième année. Le tribunal indique que la “faisabilité [du plan] paraît établie si M. [D] vend son ensemble immobilier dans les deux ans pour désintéresser les créanciers, étant précisé que la valeur de ce bien est estimée à 690 000 euros, montant de son prix d’achat en 2005″.
Dans sa requête adressée au président du tribunal de grande instance de Nantes, aux fins de donner force exécutoire du jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 29 décembre 2016, Maître [W] [I], agissant en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de M. [B] [D], précisait que “les modalités de règlement des dividendes ont été arrêtées afin de laisser à M. [D] le temps de vendre son bien”.
Il s’en suit que M. [D], en présentant au tribunal son plan de redressement par continuation, a renoncé au bénéfice de l’insaisissabilité de sa résidence principale, à défaut, son plan de redressement n’aurait pas été arrêté par le tribunal.
Il peut par ailleurs être observé que dans son jugement du 12 février 2019, le tribunal de grande instance de Nantes avait relevé que M. [D] ne s’était pas opposé à la désignation d’un mandataire ad hoc chargé d’obtenir le recouvrement des annuités dues, “expliquant que des démarches [étaient] en cours pour vendre son bien immobilier, ce qui serait de nature à désintéresser des créanciers.”
Il n’est pas contesté que M. [D] ne s’est pas acquitté des échéances du plan et qu’il reste redevable des sommes dues, augmentées des créances nées postérieurement au jugement du 29 décembre 2016.
Il convient dans ces conditions d’ordonner le partage de l’indivision existant entre M. [D] et Mme [O] sur le bien sis à [Localité 15].
Il résulte de l’article 1364 du code de procédure civile que si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d’accord, par le tribunal.
Il convient de désigner Me [C] [T], notaire à [Localité 15], sous le contrôle du juge commis du tribunal judiciaire de Nantes.
En vertu de l’article 1377 du code de procédure civile, le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.
Il y a lieu de constater l’absence de toute réponse ou proposition concrète de la part de M. [D], et ce, depuis près de neuf ans, auquel il appartient au demeurant de mettre fin à tout moment à la procédure de vente forcée en désintéressant le créancier.
En conséquence, il convient d’ordonner la vente sur licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal judiciaire de Nantes de la maison d’habitation sise à [Adresse 16].
Compte tenu du prix d’acquisition du bien, de sa localisation, de sa composition et de l’évolution des prix immobiliers des maisons d’habitation, il convient de fixer la mise à prix à la somme demandée de 950 000 euros.
Les modalités de publicité de la vente seront arrêtées comme suit :
* une annonce dans un journal d’annonces légales,
* 2 avis simplifiés dans des journaux périodiques,
* un placard à proximité du bien à vendre ;
Sur les autres demandes
Succombant à l’instance, les défendeurs seront condamnés aux dépens. Ils ne peuvent dès lors prétendre à l’octroi d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable qu’ils soient condamnés à prendre en charge les frais que la demanderesse a dû engager pour faire valoir ses droits en justice, évalués à la somme de 3 000 euros.
Le Tribunal,
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE le partage de l’indivision immobilière entre Monsieur [B] [D] et Madame [N] [O], portant sur le bien sis [Adresse 16], lieudit “[Adresse 16]”, [Localité 15] [Localité 15], cadastré section [Cadastre 12], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 4] et [Cadastre 1] pour une contenance de 137 a, 255 ca, acquis suivant acte reçue par Maître [A], notaire associé à [Localité 17] le 25 août 2005;
DÉSIGNE à cet effet Maître [C] [T], notaire à [Localité 15], avec mission de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage dudit bien ;
COMMET le juge commis du tribunal judiciaire de Nantes pour surveiller lesdites opérations et faire rapport en cas de difficultés conformément aux articles 1365 et suivants du code de procédure civile ;
ORDONNE la vente sur licitation aux enchères publiques, à la barre du tribunal judiciaire de Nantes, sur le cahier des conditions de vente qui sera déposé par Maître François-Xavier Nihouarn, avocat au barreau de Nantes, dudit bien ;
FIXE la mise à prix à la somme de 950 000 euros ;
FIXE les modalités de publicité de la vente comme suit :
* une annonce dans un journal d »annonces légales,
* deux avis simplifiés dans des journaux périodiques,
* un placard à proximité du bien à vendre ;
REJETTE la demande présentée par Monsieur [B] [D] et Madame [N] [O] au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE Monsieur [B] [D] et Madame [N] [O] à verser à la SELARL [14], représentée par Maître [Y] [R], pris en sa qualité de mandataire ad hoc chargé de recouvrer les dividendes du plan de redressement de Monsieur [B] [D], la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [B] [D] et Madame [N] [O] aux dépens, qui seront recouvrés directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Audrey DELOURME Géraldine BERHAULT
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