Conditions de prise en charge des maladies professionnellesEn vertu de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau est présumée d’origine professionnelle. Cette présomption d’imputabilité est subordonnée à la réunion de trois conditions : – L’existence d’une maladie prévue à l’un des tableaux, Lorsque l’une des conditions tenant au délai de prise en charge ou à la liste limitative des travaux n’est pas remplie, la maladie peut néanmoins être reconnue d’origine professionnelle si elle est directement causée par le travail habituel de la victime, sur avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Rôle du médecin-conseilConformément aux dispositions de l’article D 461-1-1 du code de la sécurité sociale, il appartient au médecin-conseil de fixer la date de première constatation médicale de la maladie en fonction des documents médicaux qu’il détient dans le cadre de l’instruction et de l’étude des conditions médico-administratives. Le médecin-conseil n’est pas tenu par les éléments mentionnés sur le certificat médical initial et doit vérifier la validité de la condition médicale réglementaire du tableau. Interprétation des tableaux de maladies professionnellesLes tableaux de maladies professionnelles doivent être interprétés de manière stricte, et seule la maladie figurant dans le tableau permet de faire jouer la présomption d’imputabilité. Il appartient au juge de vérifier que la maladie déclarée correspond précisément à celle décrite dans le tableau, avec tous ses éléments constitutifs et de diagnostic prévus. Éléments de preuve à fournir par la CPAMLa caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) doit démontrer que les conditions du tableau des maladies professionnelles dont elle invoque l’application sont remplies. En l’espèce, la CPAM doit établir que la pathologie déclarée par l’assuré correspond à l’une des affections désignées par le tableau n° 4 des maladies professionnelles. La décision de prise en charge de la maladie professionnelle doit être fondée sur des éléments médicaux et administratifs pertinents, et la CPAM ne peut se contenter d’arguments généraux sans prouver la correspondance entre la pathologie déclarée et celle inscrite au tableau. Exclusion des maladies professionnellesIl est également précisé que certaines pathologies, comme les leucémies aiguës avec des antécédents d’hémopathies, sont expressément exclues des maladies professionnelles selon le tableau n° 4. La CPAM doit prouver que la pathologie présentée par l’assuré ne tombe pas sous cette exclusion pour que la prise en charge soit valide. Conséquences de l’absence de preuveEn l’absence de preuve de la correspondance entre la pathologie déclarée et celle inscrite au tableau, la décision de prise en charge de la maladie est inopposable à l’employeur. La CPAM doit apporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau en cause, ce qu’elle n’a pas fait dans le cas présent. |
L’Essentiel : En vertu de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, une maladie inscrite dans un tableau des maladies professionnelles est présumée d’origine professionnelle si certaines conditions sont remplies. Ces conditions incluent l’existence d’une maladie prévue, un délai de prise en charge et une liste des travaux susceptibles de provoquer la pathologie. Si ces conditions ne sont pas remplies, la maladie peut être reconnue d’origine professionnelle sur avis du comité régional.
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Résumé de l’affaire : Un salarié, en qualité de chauffeur livreur, a déclaré une maladie professionnelle, une leucémie aiguë myéloïde, le 12 octobre 2016. La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu cette maladie comme relevant des syndromes myéloprolifératifs, conformément au tableau n° 4 des maladies professionnelles. L’employeur, contestant cette décision, a saisi la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours. Par la suite, l’employeur a porté l’affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, qui a confirmé la décision de la commission et a débouté l’employeur de ses demandes.
L’employeur a alors interjeté appel, mais la cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal. En réponse, l’employeur a formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation a partiellement annulé l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant l’affaire devant la cour d’appel de Lyon tout en condamnant la caisse aux dépens. Dans le cadre de la procédure, l’employeur a soutenu que la maladie déclarée ne correspondait pas à un syndrome myéloprolifératif, arguant que le salarié était atteint d’une leucémie aiguë, qui ne se confond pas avec les syndromes mentionnés dans le tableau des maladies professionnelles. La caisse a, quant à elle, affirmé que la pathologie déclarée relevait bien de ce tableau, en se basant sur l’avis de son médecin-conseil. La cour a examiné les éléments médicaux et a conclu que la caisse n’avait pas prouvé que la maladie déclarée par le salarié correspondait aux critères du tableau n° 4. En conséquence, la décision de prise en charge de la maladie a été déclarée inopposable à l’employeur, et la caisse a été condamnée aux dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique de la présomption d’origine professionnelle des maladies ?La présomption d’origine professionnelle des maladies est régie par l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que « est présumée d’origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles, et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. » Pour qu’une maladie soit reconnue comme d’origine professionnelle, trois conditions doivent être réunies : – L’existence d’une maladie prévue à l’un des tableaux, – Un délai de prise en charge, sous réserve d’un délai d’exposition pour certaines affections, – La liste, limitative ou indicative, des travaux susceptibles de provoquer la pathologie. Si l’une des conditions n’est pas remplie, la maladie peut néanmoins être reconnue d’origine professionnelle si elle est directement causée par le travail habituel de la victime, sur avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Quel est le rôle de la caisse primaire d’assurance maladie dans la reconnaissance des maladies professionnelles ?La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a pour rôle de vérifier que les conditions d’application des tableaux des maladies professionnelles sont remplies. Selon l’article D 461-1-1 du code de la sécurité sociale, il appartient au médecin-conseil de fixer la date de première constatation médicale de la maladie en fonction des documents médicaux qu’il détient. Il n’est pas tenu par les éléments mentionnés sur le certificat médical initial. Le médecin-conseil doit également vérifier la validité de la condition médicale réglementaire du tableau. La CPAM doit démontrer que la pathologie déclarée par l’assuré correspond à l’une des maladies désignées dans le tableau applicable. En cas de contestation, il appartient à la CPAM de prouver que les conditions d’application du tableau sont remplies. Quel est l’impact de la désignation de la maladie sur la prise en charge par la CPAM ?La désignation de la maladie est cruciale pour la prise en charge par la CPAM. Les tableaux de maladies professionnelles sont d’interprétation stricte, et seule la maladie figurant dans le tableau permet de faire jouer la présomption d’imputabilité. Dans le cas présent, la déclaration de maladie professionnelle mentionne une leucémie aiguë myéloïde, tandis que la CPAM a notifié une prise en charge au titre du « syndrome myéloprolifératif ». Il est essentiel que la maladie déclarée corresponde précisément à celle décrite dans le tableau, avec tous ses éléments constitutifs et de diagnostic prévus. Si la CPAM ne parvient pas à établir que la pathologie déclarée correspond à la définition de la maladie désignée dans le tableau, la prise en charge peut être déclarée inopposable à l’employeur. Quel est le rôle du juge dans la vérification de la correspondance entre la maladie déclarée et le tableau des maladies professionnelles ?Le juge a pour rôle de vérifier que la maladie déclarée par la victime correspond précisément à celle décrite dans le tableau des maladies professionnelles. Cela implique d’examiner tous les éléments constitutifs et de diagnostic prévus par le tableau. La jurisprudence souligne que le juge doit s’assurer que la CPAM a établi que la pathologie déclarée par l’assuré répond à la définition de la maladie désignée dans le tableau. Si la CPAM ne démontre pas que la maladie déclarée correspond aux conditions du tableau, la décision de prise en charge peut être infirmée. Dans le cas présent, le juge a constaté que la CPAM n’avait pas prouvé que la pathologie déclarée par l’assuré correspondait à un syndrome myéloprolifératif, ce qui a conduit à l’inopposabilité de la décision de prise en charge à l’employeur. Quel est le principe de la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale ?Le principe de la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019, selon l’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale. Toutefois, pour les procédures introduites avant cette date, le principe de gratuité demeure. Dans l’affaire en question, la procédure ayant été introduite en 2017, il n’y avait pas lieu de statuer sur les dépens de première instance. La CPAM, ayant succombé dans ses demandes, sera tenue aux dépens d’appel, conformément aux règles de procédure civile. |
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 23/05826 – N° Portalis DBVX-V-B7H-PDIG
Société [7]
C/
CPAM DE [Localité 4]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de Dijon du 14/05/2019
Cour d’appel de Dijon du 20/01/2022
Cour de Cassation de PARIS du 01 Juin 2023
RG : 568 F-D
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 11 MARS 2025
APPELANTE :
Société [7]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Valéry ABDOU de la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Grégory MAZILLE, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
CPAM DE [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Mme [P] [N] (Membre de l’entrep.) en vertu d’un pouvoir général
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Février 2025
Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Anais MAYOUD, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
– Béatrice REGNIER, présidente
– Nabila BOUCHENTOUF, conseillère
– Anne BRUNNER, conseillère
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 Mars 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Anais MAYOUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [L] (l’assuré) a été embauché par la société [7] (la société, l’employeur), venant aux droits de la société [3] ([3]), en qualité de chauffeur livreur.
Le 12 octobre 2016, l’assuré a souscrit une déclaration de maladie professionnelle pour une leucémie aiguë myéloïde, laquelle était accompagnée d’un certificat médical initial du même jour.
Le 30 janvier 2017, la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 5] (la CPAM, la caisse) a, après instruction du dossier, notifié à l’employeur la prise en charge de l’affection ‘syndromes myéloprolifératifs’ au titre du tableau n° 4 A des maladies professionnelles.
Contestant cette décision, la société a saisi la commission de recours amiable.
Le 15 mai 2017, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
La commission de recours amiable, par décision du 29 novembre 2017, a rejeté son recours.
Par jugement du 14 mai 2019, le tribunal :
– déclare le recours recevable,
– confirme la décision de la commission de recours amiable de la CPAM du 29 novembre 2017,
– déboute la société de l’ensemble de ses demandes,
– condamne la même aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 7 juin 2019, la société a relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 20 janvier 2022, la cour d’appel de Dijon :
– confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– condamne la société aux dépens d’appel.
La société a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 1er juin 2023, la Cour de cassation :
– casse et annule, sauf en ce qu’il déclare le recours recevable, l’arrêt rendu le 20 janvier 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon,
– remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon,
– condamne la CPAM aux dépens,
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la CPAM et la condamne à payer la société la somme de 3 000 euros.
La Cour de cassation juge qu’« il résulte [de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale] que la maladie, telle qu’elle est désignée dans les tableaux des maladies professionnelles, est celle définie par les éléments de description et les critères d’appréciation fixés par chacun de ces tableaux. Il appartient à la CPAM de démontrer que les conditions du tableau des maladies professionnelles dont elle invoque l’application sont remplies.
Pour déclarer opposable à l’employeur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle par la caisse, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l’employeur ne démontre pas que la maladie désignée dans le certificat médical initial, soit une « myélodysplasie acutisée en leucémie aigüe myéloïde » ne correspond pas à l’une des affections désignées par le tableau n° 4 des maladies professionnelles sous le terme « syndrome myéloprolifératif ». Il ajoute que l’avis du directeur des risques professionnels de la CARSAT et le colloque médico-administratif concluent au bien-fondé de la prise en charge de la maladie au titre de ce tableau et que l’acutisation consiste en le passage d’une maladie chronique à l’état aigu.
En se déterminant ainsi, sans vérifier que la caisse établissait que la pathologie déclarée par la victime correspondant aux syndromes myéloprolifératifs visés par le tableau n° 4 des maladies professionnelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
Par déclaration enregistrée le 15 juin 2023, la société a saisi la juridiction de renvoi.
Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 27 juin 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions le jugement,
En conséquence,
– dire et juger que la décision de la CPAM reconnaissant l’origine professionnelle de la maladie du salarié lui est inopposable,
A titre subsidiaire,
– ordonner une expertise afin de déterminer si la maladie présentée par le salarié correspondait à un syndrome myéloprolifératif relevant du tableau n°4 des maladies professionnelles.
Par ses dernières écritures reçues au greffe le 14 janvier 2025 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de :
A titre principal,
– confirmer le jugement,
– rejeter la demande d’inopposabilité de la société,
A titre subsidiaire,
– ordonner une mesure d’expertise médicale judiciaire aux fins qu’un médecin expert, mis en possession du dossier médical du salarié, se prononce sur la désignation de la pathologie dont ce dernier était atteint et sur son inscription au tableau n°4 des maladies professionnelles,
En tout état de cause,
– condamner la société aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
SUR LA DEMANDE D’INOPPOSABILITE
Recherchant l’infirmation du jugement et se prévalant d’un rapport d’expertise de la société [6], la société conteste le caractère professionnel de la maladie déclarée le 12 octobre 2016. Elle soutient que M. [L] était porteur d’une leucémie aigüe et non chronique, de sorte que sa maladie ne correspond pas à un syndrome myéloprolifératif tel désigné par le tableau n° 4 des maladies professionnelles dans sa version en vigueur à la date de la déclaration et pris en charge par la caisse.
Elle souligne que si une catégorie propre a été créée par le décret du 15 janvier 2009 au titre des leucémies aiguës, celles-ci ne se confondent pas avec les syndromes myéloprolifératifs.
Elle en conclut que la maladie déclarée ne relève pas du tableau n° 4 des maladies professionnelles, que la présomption d’imputabilité prévue à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale n’a pas vocation à s’appliquer, peu important que les autres conditions dudit tableau soient remplies.
En réponse, la CPAM fait valoir que le médecin-conseil a, dans son avis du 10 janvier 2017, indiqué que l’affection déclarée était un ‘syndrome myéloprolifératif’ relevant du tableau n° 4, affection découverte en janvier 2015 et qui a fait l’objet d’une acutisation en septembre 2015. Elle se fonde sur l’argumentaire de son médecin-conseil qui considère que si le ‘syndrome myéloprolifératif’ n’est pas adapté à la pathologie déclarée, laquelle relève davantage de la ‘leucémie aiguë myéloblastique’, également visée au tableau n° 4, il n’en demeure pas moins que les conditions administratives de prise en charge de ces deux pathologies sont strictement similaires.
S’agissant du rapport de la société [6] produit par l’employeur, la caisse souligne qu’elle n’est pas un médecin mandaté et qu’elle n’a donc pas été destinataire du dossier médical de l’assuré, de sorte que son avis n’est pas pertinent.
En vertu de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles, et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Trois conditions doivent être réunies :
– l’existence d’une maladie prévue à l’un des tableaux,
– un délai de prise en charge, sous réserve d’un délai d’exposition pour certaines affections,
– la liste, limitative ou indicative, des travaux susceptibles de provoquer la pathologie.
Lorsque l’une des conditions tenant au délai de prise en charge ou à la liste limitative des travaux n’est pas remplie, la maladie peut néanmoins être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime sur avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Conformément aux dispositions de l’article D 461-1-1 du code de la sécurité sociale, il appartient au médecin conseil de fixer la date de première constatation médicale de la maladie en fonction des documents médicaux qu’il détient dans le cadre de l’instruction et de l’étude des conditions médico-administratives. Il n’est pas tenu par les éléments mentionnés sur le certificat médical initial. Il appartient également au médecin-conseil de vérifier la validité de la condition médicale réglementaire du tableau.
Seule la question de la désignation de la maladie est ici en débat.
Les tableaux de maladies professionnelles sont d’interprétation stricte et seule la maladie figurant audit tableau permet de faire jouer la présomption d’imputabilité.
Par ailleurs, il est constant qu’il appartient au juge saisi de vérifier que la maladie déclarée corresponde précisément à celle décrite au tableau avec tous ses éléments constitutifs et tous les éléments de diagnostic prévus.
Ici, la déclaration de maladie professionnelle du 12 octobre 2016 vise, au titre de la pathologie, une leucémie aiguë myéloide, le certificat médical du même jour précisant que M. [L] est suivi ‘depuis janvier 2015 pour une myélodysplasie acutisée en leucémie aiguë myéloïde’.
La décision de notification adressée à l’employeur le 30 janvier 2017 précise que ‘la maladie : syndrome myéloprolifératif inscrite dans le tableau n° 4 : hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant est d’origine professionnelle’.
Dans sa version applicable au litige, le tableau n° 4 vise les pathologies suivantes :
désignation de la pathologie
délai de prise en charge
Hypoplasies et aplasies médullaires isolées ou associées (anémie ; leuconeutropénie ; thrombopénie) acquises primitives non réversibles.
3 ans (sous réserve d’une durée d’exposition de 6 mois)
Syndromes myélodysplasiques acquis et non médicamenteux.
3 ans
Leucémies aiguës myéloblastique et lymphoblastique à l’exclusion des leucémies aiguës avec des antécédents d’hémopathies.
20 ans (sous réserve d’une durée d’exposition de 6 mois)
Syndromes myéloprolifératifs.
20 ans (sous réserve d’une durée d’exposition de 6 mois)
Le médecin-conseil a considéré que la pathologie présentée par l’assuré correspondait à l’une de celles figurant au tableau, libellé sous l’intitulé ‘syndrome myéloprolifératif’ et désigné sous le code syndrome correspondant ‘004.AAD.471″, le colloque médico-administratif portant également une croix dans la case ‘oui’ à la question ‘les conditions médicales réglementaires du tableau sont-elles remplies ».
Pour parvenir à ce diagnostic, le médecin-conseil indique qu’il est d’accord avec le diagnostic figurant sur le certificat médical initial.
Or, la pathologie figurant au certificat médical initial ne fait pas référence à un syndrome myéloprolifératif.
De même, si l’INRS précise que ce terme ‘syndrome myéloprolifératif’ regroupe quatre pathologies à savoir, la leucémie myéloïde chronique (LMC), la splénomégalie myéloïde, la maladie de Vaquez et la trombocytémie essentielle, il n’est pas démontré par la caisse que la pathologie désignée au certificat médical initial recouvre l’une de ces affections.
En outre, si le service médical de la caisse n’est pas tenu par la description littérale de l’affectation telle qu’elle est énoncée au certificat médical initial, il revient toutefois à ce service de rechercher si l’affection déclarée par l’assuré correspond bien à l’une des pathologies désignées par le tableau en cause.
Or, au cas présent, les éléments mentionnés dans le colloque médico-administratif ne permettent pas de s’assurer que la pathologie déclarée par M. [L] répond à la définition de la pathologie désignée dans le tableau des maladies professionnelles telle que retenue par la caisse laquelle, au contraire, admet pour la première fois à hauteur de cour, après cassation, que le libellé et le code syndrome retenus ne correspondaient pas à l’affection présentée par l’assuré, et reconnaît que la pathologie ‘leucémie aigue myéloblastique’ désignée sous le code 004.AAC.920 était plus adaptée.
La caisse ne peut, par ailleurs, se contenter d’indiquer que l’intitulé est indifférent dès lors que ces deux pathologies présentent les mêmes conditions de prise en charge et de liste de travaux, puisque la cour relève que le tableau vise au titre des leucémies aiguës, ‘les leucémies aiguës myéloblastique et lymphoblastiques à l’exclusion des leucémies aigües avec des antécédents d’hémopathies’, ce dont il se déduit que les ‘leucémies aigües avec des antécédents d’hémopathies’ ne sont pas des maladies professionnelles. Et il n’est pas démontré par la caisse que cette pathologie a effectivement été instruite, que la pathologie présentée par M. [L] correspond à cette affection ni qu’elle n’est pas concernée par l’exclusion prévue au tableau n° 4.
S’agissant de la demande d’expertise, sollicitée subsidiairement par la caisse, la cour la rejette dès lors qu’aucun litige d’ordre médical relatif à l’état de santé de l’assuré n’existe en l’espèce, et qu’il appartient à la seule caisse qui a décidé d’une prise en charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau en cause, ce qu’elle ne fait pas.
Dans ces conditions, il convient de retenir que la caisse qui ne démontre pas l’existence d’un syndrome myéloprolifératif à la date du colloque médico-administratif n’établit pas, à l’égard de la société, que la maladie prise en charge correspond aux conditions du tableau n° 4 de sorte que, par infirmation du jugement, la décision de prise en charge de la maladie de M. [L] déclarée le 12 octobre 2016 est inopposable à l’employeur.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
L’abrogation, au 1er janvier 2019, de l’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l’espèce, la procédure ayant été introduite en 2017, il n’y avait pas lieu de statuer sur les dépens de première instance.
La caisse, qui succombe, sera tenue aux dépens d’appel.
La cour,
Infirme, dans les limites de la cassation, le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare inopposable à la société [7] la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par M. [L] le 12 octobre 2016,
Dit n’y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 5] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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