Indemnisation pour détention provisoire injustifiée.

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Indemnisation pour détention provisoire injustifiée.

Indemnisation de la détention provisoire

Conformément aux articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du Code de Procédure Pénale, toute personne ayant subi une détention provisoire dans le cadre d’une procédure ayant abouti à une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive, a droit à une réparation intégrale du préjudice moral et matériel causé par cette détention.

Le délai pour introduire une demande d’indemnisation est de six mois à compter de la décision définitive, à condition que la personne ait été informée de son droit à réparation, conformément aux dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du même code.

Conditions de la demande d’indemnisation

La requête d’indemnisation doit être présentée au premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle la décision a été prononcée, et doit contenir un exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que toutes les indications utiles prévues à l’article R.26 du Code de Procédure Pénale.

En l’espèce, M. [N] a respecté ces conditions en présentant sa requête dans le délai imparti et en fournissant les éléments nécessaires à l’examen de sa demande.

Évaluation du préjudice moral

L’évaluation du préjudice moral doit prendre en compte les circonstances particulières de la détention, notamment la séparation familiale, l’absence lors d’événements significatifs tels que la naissance d’un enfant, ainsi que les conditions de détention, y compris les impacts psychologiques liés à la pandémie de Covid-19.

Le préjudice moral est évalué en fonction de la gravité des souffrances endurées, et des éléments tels que l’absence de condamnation antérieure et les conditions de détention peuvent être pris en compte pour déterminer le montant de l’indemnisation.

Perte de chance de revenus

La perte de chance de percevoir des revenus en raison de la détention doit être évaluée en tenant compte des promesses d’embauche et des opportunités professionnelles manquées. La demande d’indemnisation pour perte de chance doit démontrer un lien de causalité entre la détention et la perte de revenus.

Il est essentiel de prouver que la détention a eu un impact direct sur la capacité à obtenir un emploi stable et rémunérateur, et que cette perte de chance est sérieuse et quantifiable.

Frais d’avocat et article 700 du Code de Procédure Civile

Les frais d’avocat engagés dans le cadre de la procédure d’indemnisation peuvent être pris en compte, mais doivent être justifiés et détaillés. L’article 700 du Code de Procédure Civile permet d’allouer une somme à la partie qui a dû faire face à des frais irrépétibles, en tenant compte des circonstances de l’affaire.

La demande de remboursement des frais d’avocat doit être clairement liée aux diligences effectuées spécifiquement pour le contentieux de la détention, et non à des frais globaux non détaillés.

L’Essentiel : Toute personne ayant subi une détention provisoire dans le cadre d’une procédure ayant abouti à une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement a droit à une réparation intégrale du préjudice moral et matériel. Le délai pour introduire une demande d’indemnisation est de six mois à compter de la décision définitive. La requête doit être présentée au premier président de la cour d’appel et contenir un exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que les indications utiles.
Résumé de l’affaire : Un requérant, de nationalité bangladaise, a été mis en examen pour contrefaçon de documents administratifs, association de malfaiteurs et aide à l’entrée irrégulière d’un étranger en septembre 2020. Il a été placé en détention provisoire, mais a été libéré en mars 2021 sous contrôle judiciaire. En décembre 2023, un juge a prononcé un non-lieu à son égard, décision devenue définitive en janvier 2025. En juin 2024, le requérant a déposé une requête pour obtenir une indemnisation pour sa détention, sollicitant des réparations pour préjudice matériel et moral.

Dans sa requête, le requérant a demandé 15 000 euros pour le préjudice matériel, 30 000 euros pour le préjudice moral, et 2 000 euros pour les frais d’avocat. L’agent judiciaire de l’État a contesté la recevabilité de la demande, arguant que le requérant n’avait pas produit un certificat de non-appel. Sur le fond, il a proposé une indemnisation de 15 700 euros pour le préjudice moral et 100 euros pour la perte de chance de revenus, tout en rejetant les autres demandes.

Le Ministère public a reconnu la recevabilité de la requête et a soutenu que le préjudice moral devait être réparé, tout en rejetant les demandes de remboursement des frais d’avocat. Le tribunal a finalement jugé que le requérant avait droit à une indemnisation pour 155 jours de détention, allouant 16 000 euros pour le préjudice moral et 4 922,40 euros pour la perte de chance de revenus, ainsi que 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes ont été rejetées, et les dépens ont été laissés à la charge de l’État.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’indemnisation du requérant ?

La demande d’indemnisation du requérant est fondée sur les articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du Code de Procédure Pénale.

Selon l’article 149, « la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. »

L’article 149-1 précise que « la demande d’indemnisation doit être présentée dans un délai de six mois à compter de la décision définitive. »

L’article R.26 énonce que « la requête doit contenir l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles. »

Dans cette affaire, le requérant a respecté ces dispositions en présentant sa requête dans le délai imparti et en fournissant les éléments requis.

Quel est le montant alloué au titre du préjudice moral et sur quelle base a-t-il été déterminé ?

Le montant alloué au titre du préjudice moral est de 16 000 euros.

Cette somme a été déterminée en tenant compte de plusieurs éléments. Le requérant a subi une séparation familiale avec son épouse enceinte, n’a pas pu assister à la naissance de son fils, et a été incarcéré durant la pandémie de Covid-19, ce qui a aggravé son préjudice moral.

Les conditions de détention difficiles, bien que non directement prouvées par le requérant, ont également été prises en compte, notamment en raison de la surpopulation carcérale.

Le choc psychologique lié à son incarcération, sans antécédent judiciaire, a également été un facteur déterminant dans l’évaluation du préjudice moral.

Quel est le montant alloué au titre de la perte de chance de percevoir des revenus ?

Le montant alloué au titre de la perte de chance de percevoir des revenus est de 4 922,40 euros.

Cette somme a été calculée sur la base d’un salaire net de 1 230,60 euros mensuels, en tenant compte de la période de détention du requérant.

La perte de chance a été évaluée à 80%, considérant que le requérant n’exerçait pas d’activité professionnelle au moment de son incarcération et qu’il avait une promesse d’embauche qui n’a pu se concrétiser en raison de sa détention.

Le calcul a été effectué pour la période allant d’octobre 2020 à mars 2022, soit 5 mois de perte de revenus potentiels.

Quel est le fondement de l’allocation de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ?

L’allocation de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile est justifiée par le fait qu’il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant ses frais irrépétibles.

L’article 700 stipule que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans ce cas, bien que le requérant n’ait pas pu prouver le montant exact de ses frais d’avocat liés à la détention, le tribunal a reconnu la nécessité d’une compensation pour les frais engagés dans le cadre de la procédure.

Ainsi, une somme a été allouée pour couvrir partiellement ces frais, en tenant compte des circonstances de l’affaire.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre 1-5DP

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 31 Mars 2025

(n° , 6 pages)

N°de répertoire général : N° RG 24/10867 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJTA4

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Victoria RENARD, Greffière, lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 04 Juin 2024 par M. [G] [N] né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 6] (BANGLADESH), demeurant [Adresse 3] ;

Comparant

Assisté par Me Laura BEAUVAIS – MUTZIG, avocat au barreau de PARIS

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 20 Janvier 2025 ;

Entendu Me Laura BEAUVAIS – MUTZIG assistant M. [G] [N],

Entendu Me Sarah GIBERGUES, avocat au barreau de PARIS substituant Me Fabienne DELECROIX, avocat au barreau de PARIS, avocat représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,

Entendue Madame Martine TRAPERO, Substitute Générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [G] [N], né le [Date naissance 1] 1975, de nationalité bangladaise, a été mis en examen des chefs de contrefaçon de documents administratifs, association de malfaiteurs et d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’un étranger le 30 septembre 2020 par un juge d’instruction du tribunal judiciaire de Paris. Par ordonnance du juge des libertés et de la détention de la même juridiction, il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt [5].

Par nouvelle ordonnance du 04 mars 2021, le juge d’instruction a remis en liberté le requérant et l’a placé sous contrôle judiciaire.

Par ordonnance du 08 décembre 2023, le magistrat instructeur a prononcé un non-lieu à l’égard de M. [N]. Cette décision est devenue définitive à son égard comme en atteste le certificat de non appel du 06 janvier 2025.

Le 04 juin 2024, M. [N] a adressé une requête au premier président de la cour d’appel de Paris en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire en application de l’article 149 du code de procédure pénale.

Il sollicite dans celle-ci du premier président de :

Déclarer recevable et bien fondée la demande d’indemnisation

Allouer à M. [N] la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice matériel

Lui allouer la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral

Lui allouer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en réponse, notifiées par RPVA et déposées le 26 décembre 2024, développées oralement, M. [N] a maintenu ses demandes et sollicité en outre la somme de 3 000 euros au titre des frais d’avocat de statuer sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA et déposées le 22 novembre 2024, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de :

Déclarer la requête présentée par M. [N] irrecevable faute de produire un certificat de non-appel attestant que la décision de non-lieu est devenue définitive ;

Dire l’agent judiciaire de l’Etat recevable en ses conclusions ;

Sur le fond et dans le cas où M. [N] verserait un certificat de non-appel de l’ordonnance de non-lieu du 08 décembre 2023 :

Allouer à M. [N] une somme de 15 700 euros en réparation de son préjudice moral ;

Allouer à M. [N] une somme de 1 00 euros en réparation de la perte de chance de percevoir un revenu durant sa détention ;

Débouter M. [N] de sa demande de perte de chance de se maintenir dans le poste occupé ;

Débouter M. [N] de sa demande de perte de chance de retrouver un emploi stable et bien rémunéré depuis sa libération ;

Sur la demande de remboursement des frais,

Juger qu’il ne peut pas être statué sur cette demande dans la mesure où elle n’est pas reprise dans le dispositif de la requête, le premier président n’est pas saisi ;

Débouter M. [N] de cette demande à titre subsidiaire ;

Débouter M. [N] du surplus de ses demandes ;

Ramener à de plus justes proportions la demande formulée au titre de l’article 700 du code de proécdure civile.

Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 25 octobre 2024 et reprises oralement à l’audience, conclut :

A la recevabilité de la requête pour une détention provisoire de 155 jours ;

A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;

A la réparation de la perte de chance de retrouver un emploi et au rejet de la réparation des frais de défénse.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d’un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d’appel. Cette requête doit contenir l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l’article R.26 du même code.

Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.

En l’espèce, M. [N] a présenté sa requête en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire le 04 juin 2024, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de non-lieu est devenue définitive. Cette requête contenant l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi qu’ultérieurement le certificat de non appel en date du 06 janvier 2025, est signée par son avocat et la décision de non-lieu n’est pas fondée sur un des cas d’exclusions visé à l’article 149 du code de procédure pénale.

Par conséquent, la requête de M. [N] [Y] est recevable pour une durée de détention de 155 jours.

Sur l’indemnisation

Sur le préjudice moral

Le requérant soutient que son incarcération a été particulièrement douloureuse dans la mesure où il était marié depuis 2017 et qu’il n’a pu se rendre au Bangladesh pour rendre visite à son épouse alors qu’elle était enceinte et qu’il n’a pas pu assister à la naissance de son fils né le [Date naissance 2] 2021, car il était toujours incarcéré. Il n’a pas pu les voir par la suite car son contrôle judiciaire lui interdisait de quitter le territoire national. Durant sa détention, il a subi de plein fouet la pandémie de Covid-19 et ses confinements successifs et n’a eu aucune visite en détention à l’exception de celles de son avocat. Le choc traumatique a été violent car le requérant n’avait aucune condamnation au casier judiciaire et n’avait jamais été incarcéré auparavant. Ses conditions de détention ont été difficiles à la maison d’arrêt [5] en raison d’une surpopulation carcérale de 121,5% et de surpopulation chronique attestée par un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. En raison de son préjudice moral qu’il considère comme considérable, M. [N] sollicite l’allocation d’une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral.

L’agent judiciaire de l’Etat indique que la séparation familiale d’avec son épouse qui était alors enceinte et le fait de n’avoir pas pu assister à la naissance de son enfant sont des éléments qu’il convient de prendre en considération au titre du préjudice moral, de même que l’incarcération durant la pandémie de Covid-19. Par contre, l’interdiction de quitter le territoire national ne pourra pas être retenue car elle est en lien avec le contrôle judiciaire et non pas le placement en détention. Le rapport cité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté est proche de sa période de détention mais ne peut pas être retenu car le requérant ne démontre pas avoir personnellement subi des conditions difficiles de détention. En raison des 155 jours de détention injustifiée, l’agent judiciaire de l’Etat se propose d’allouer la somme de 15 700 euros au requérant en réparation de son préjudice moral.

Le Ministère public soutient que le choc carcéral a été aggravé par la séparation familiale d’avec son épouse alors enceinte. Pour autant, la séparation existait avant le placement en détention du requérant. Il pourrait être tenu compte de l’absence de contact téléphonique, de son absence lors de la naissance de son fils et du fait que la détention s’est déroulée durant la pandémie de Covid-19. Les conditions difficiles de détention ne sont attestées par aucune élément et le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté n’est pas concomitant à la période de détention du requérant. Cet élément ne sera donc pas pris en compte au titre de l’aggravation du préjudice moral.

Il ressort des pièces produites aux débats qu’au moment de son incarcération M. [N] était âgé de 45 ans, était marié depuis 2017 et son épouse se trouvait alors enceinte de ses ‘uvres. Bien que son épouse demeure au Bangladesh, il lui rendait visite chaque année et lui téléphonait régulièrement. En raison de son placement en détention, il n’a pas prendre ses nouvelles de son épouse et n’a pas pu assister à la naissance de son enfant. C’est ainsi que la séparation familiale sera prise en compte au titre de l’aggravation de son préjudice moral.

Le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation et c’est ainsi que le choc carcéral de M. [N] est important.

Concernant les conditions de détention indignes, le requérant ne produit un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui date de 03 au 14 février 2020, soit légèrement antérieur au 30 septembre 2020, mais ce rapport fait état d’une surpopulation chronique qui était de 122% en janvier 2020 qui qui peut donc être retenue.

Le fait d’avoir été incarcéré pendant la pandémie mondiale de Covid-19 et des confinements successifs et de n’avoir reçu aucune visite pendant son incarcération sera retenu au titre de l’aggravation du préjudice moral.

Au vu de ces différents éléments, il sera alloué une somme de 16 000 euros à M. [N] en réparation de son préjudice moral.

Sur le préjudice matériel

Sur la perte de revenus :

M. [N] fait valoir que son incarcération a entraîné une perte de chance de retrouver un emploi stable après avoir dû fermer son taxiphone. Il avait reçu une promesse d’embauche pour intégrer la société [4] à compter d’octobre 2020, ce que son incarcération avait empêché. A sa libération, l’impact de la détention sur son état psychique ne lui a pas permis de conserver cet emploi qu’il a rapidement quitté. Il a ensuite prouvé un autre emploi en juillet 2021, où il a été maltraité. Il a finalement retrouvé un nouvel emploi en février 2023 mais dont le précaire. C’est pourquoi, il sollicite l’indemnisation durant son incarcération mais également à l’issue de celle-ci ne trouvant plus d’emploi stable et bien rémunéré après. Il sollicité à ce titre une somme de 15 000 euros au titre de sa parte de revenus.

L’agent judiciaire de l’Etat souligne que le requérant n’exerçait aucune profession au jour de son incarcération et que sa demande ne peut s’analyser qu’en une perte de chance. La promesse d’embauche produit est datée du 08 janvier 2020 mais semble plutôt avoir été rédigée en janvier 2021. Le salaire évoqué est un salaire brut, ce qui correspond à un salaire net de 1 230,60 euros. Par ailleurs, le requérant indique lui-même qu’il a rapidement quitté cet emploi. C’est pourquoi, l’AJE propose une somme de 1 000 euros à ce titre. La maltraitance évoquée dans le second poste est étayée par aucune pièce et le jugement du conseil des prud’hommes produit est illisible. En outre, la perte de chance d’obtenir un emploi stable et bien rémunéré n’est démontrée par aucune pièce alors qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la maltraitance évoquée et le placement en détention provisoire. Aucune somme ne sera donc allouée pour le surplus.

Le Ministère Public considère qu’il résulte des pièces versées aux débats que la perte de chance d’exercer un emploi pendant sa détention et dans les 3 mois qui ont suivis semble établie. Mais, les sommes sollicitées paraissent élevées et il convient de retenir un salaire net et non pas brut.

En l’espèce il ressort des pièces produites aux débats et de la promesse d’embauche du 08 janvier 20221 que cette dernière comporte une erreur de plume et semble avoir été rédigée le 08 janvier 2021 pour une embauche au mois d’octobre 2020. Le salaire indiqué dans cette promesse est de 1 554,58 euros bruts, ce qui correspond à un salaire net de 1 230,60 euros.

En outre, M. [N] ne travaillant pas avant son incarcération, il ne s’agit donc pas d’une perte de revenus mais une perte de chance de percevoir des revenus. Cette perte de chance peut être considérée comme sérieuse et évaluée à 80%. Sur la base d’un salaire de 1 230,60 euros mensuels d’octobre 2020 au 04 mars 2022, la perte de chance de revenus a été de 1 230,60 euros X 5 mois X 80% = 4922,40 euros.

A l’issue de sa remise en liberté, le requérant a immédiatement travaillé. Il n’est pas démontré que le fait qu’il ait quitté rapidement cet emploi soit en lien avec son placement en détention provisoire. Il n’est pas d’avantage démontré que le suivant où il ait été maltraité soit également lié à son placement en détention, et aucune somme ne sera donc allouée au titre de ces autres perte de chance.

M. [N] sollicite également la somme de 3 000 euros au titre de ses frais d’avocat liés à la détention provisoire, en étant assisté lors du débat sur la prolongation de la détention provisoire, en faisant des demandes de mises en liberté et des demandes de modification de son contrôle judiciaire.

L’agent judiciaire de l’Etat considère que la demande n’a pas été reprise dans le dispositif de la requête et qu’il ne peut être statué sur cette demande. A titre subsidiaire, la facture produite du 1er décembre 2023 porte sur un montant de 4 200 euros et est établie pour un forfait global accompagnement instruction délictuelle sans détailler les diligences en lien avec le contentieux de la détention. Il y a donc lieu de rejeter sa demande.

Le Ministère Public indique que le requérant produit une facture d’honoraires acquittée non détaillée avec la mention forfait accompagnement instruction délictuelle qui ne détaille pas le coût des diligences exclusivement en lien avec le contentieux de la détention provisoire. La demande sera donc rejetée.

En l’espèce, M. [N] verse aux débats une facture d’honoraires acquittée en date du 1er décembre 2023 d’un montant e 4 200 euros. Cette facture correspond à un forfait pour l’accompagnement durant toute l’instruction de nature délictuelle. Or, cette facture comprend des diligences qui sont en lien avec le contentieux de la détention et d’autres qui ne le sont pas. Faute de détailler le coût de chacune des prestations, il n’est pas possible d’individualiser le coût des diligences en lien exclusif et direct avec le contentieux de la détention. Dans ces conditions la demande, qui était par ailleurs recevable pour avoir été reprise dans le dispositif des dernières conclusions du requérant, sera rejetée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [N] ses frais irrépétibles et une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons la requête de M. [G] [N] recevable ;

Lui allons les sommes suivantes :

16 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

4 922, 40 euros au titre de la perte de chance de percevoir des revenus ;

2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons M. [G] [N] du surplus de ses demandes ;

Laissons les dépens à la charge de l’Etat.

Décision rendue le 17 Mars 2025 prorogée au 31 mars 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


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