Incompétence du juge de l’exécution face à l’autorité de la chose jugée et à la nécessité d’un sursis à statuer.

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Incompétence du juge de l’exécution face à l’autorité de la chose jugée et à la nécessité d’un sursis à statuer.

Compétence du juge de l’exécution

Le juge de l’exécution est compétent pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires, conformément à l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire. Toutefois, cette compétence est limitée aux contestations qui ne portent pas sur le fond du droit, sauf si elles échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. En l’absence de mesures d’exécution forcée, le juge de l’exécution ne peut pas se prononcer sur une demande en paiement fondée, qui relève du juge du fond, comme le stipule l’article 81 du Code de procédure civile.

Autorité de la chose jugée

L’autorité de la chose jugée est un principe fondamental du droit français, énoncé à l’article 1355 du Code civil, qui stipule qu’une décision de justice ayant acquis force de chose jugée ne peut être remise en cause. Dans le cas présent, le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 19 septembre 2007 a tranché le droit à indemnité de résiliation de la SCI INCANA, rendant irrecevable toute nouvelle demande sur ce même fondement, conformément à l’article 1355 du Code civil.

Respect du contradictoire

Le respect du principe du contradictoire est garanti par l’article 16 du Code de procédure civile, qui impose que chaque partie soit mise en mesure de présenter ses observations sur les moyens soulevés. Dans le cas où une cour d’appel déclare une demande irrecevable sans avoir invité les parties à se prononcer sur la fin de non-recevoir, cela constitue une violation de ce principe, entraînant la cassation de la décision, comme l’indique l’arrêt de la Cour de cassation du 23 mars 2024.

Effets de la cassation

La cassation d’une décision entraîne, selon l’article 624 du Code de procédure civile, que l’affaire est renvoyée devant la juridiction compétente pour être jugée à nouveau. En l’espèce, la cassation partielle de l’arrêt du 9 septembre 2022 a laissé le litige en l’état, permettant à la cour de renvoi de réexaminer les demandes de la SCI INCANA, notamment en ce qui concerne l’indemnité de résiliation du bail à construction.

Suspension de l’instance

La demande de sursis à statuer est justifiée par l’article 378 du Code de procédure civile, qui permet au juge de suspendre l’instance lorsqu’il existe un litige pendante devant une autre juridiction susceptible d’influer sur la décision à rendre. Dans ce cas, la cour a ordonné le sursis à statuer jusqu’à la mise à disposition de la décision statuant sur la saisine de la cour, en raison de l’impact potentiel de l’arrêt à intervenir sur le litige en cours.

L’Essentiel : Le juge de l’exécution est compétent pour les difficultés relatives aux titres exécutoires, mais cette compétence est limitée aux contestations ne portant pas sur le fond du droit. En l’absence de mesures d’exécution forcée, il ne peut se prononcer sur une demande en paiement, qui relève du juge du fond. L’autorité de la chose jugée stipule qu’une décision ayant acquis force de chose jugée ne peut être remise en cause, rendant irrecevable toute nouvelle demande sur le même fondement.
Résumé de l’affaire : La présente affaire concerne un bail à construction conclu entre une commune et une société. Par acte notarié des 3 et 7 août 1990, la commune a accordé à la société INCANA un bail pour une parcelle de terrain à bâtir à usage artisanal, d’une durée de 20 ans. Cependant, par un jugement du 19 septembre 2007, le tribunal de grande instance a prononcé la résiliation de ce bail et ordonné l’expulsion de la société, tout en stipulant que la commune devait verser une indemnité de résiliation à la société.

Dans le cadre d’une autre instance, la cour d’appel a, par un arrêt du 9 septembre 2022, déclaré irrecevables les demandes de fixation de l’indemnité de résiliation, invoquant le principe de l’autorité de la chose jugée. La société INCANA a ensuite assigné la commune devant le juge de l’exécution pour obtenir le paiement de l’indemnité, s’élevant à 2.152.543,51 euros, ainsi que d’autres sommes.

Le 15 juin 2023, le juge de l’exécution s’est déclaré incompétent, transmettant l’affaire au tribunal judiciaire. La société a interjeté appel et a fait assigner la commune à une date fixe. L’affaire a été plaidée le 16 avril 2024, et la cour a ordonné la réouverture des débats pour examiner les conséquences de la cassation de l’arrêt du 9 septembre 2022.

Le 25 juin 2024, la cour a réservé toutes les demandes et a renvoyé l’affaire à une audience ultérieure. La commune a déposé des conclusions demandant le rejet des demandes de la société. La cour a finalement décidé de surseoir à statuer sur la compétence du juge de l’exécution jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur l’appel en cours, en raison de l’absence d’effet juridique de l’arrêt cassé.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la compétence du juge de l’exécution dans cette affaire ?

La compétence du juge de l’exécution est régie par l’article 81 du code de procédure civile, qui stipule que le juge de l’exécution est compétent pour connaître des demandes relatives à l’exécution des décisions de justice.

En l’espèce, le juge de l’exécution a déclaré son incompétence au profit du tribunal judiciaire, considérant qu’aucune mesure d’exécution forcée n’avait été engagée.

Il a ainsi appliqué l’article 81, qui précise que le juge de l’exécution ne peut se prononcer sur une demande en paiement fondée en l’absence de mesures conservatoires ou d’exécution forcée.

Cette décision est renforcée par l’article 954 du code de procédure civile, qui indique que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées dans les conclusions, ce qui implique que le juge de l’exécution doit se limiter à ce qui est effectivement en cours d’exécution.

Quel impact a eu la décision de la Cour de cassation sur le litige en cours ?

La décision de la Cour de cassation du 23 mars 2024 a eu un impact significatif sur le litige, en cassant partiellement l’arrêt de la cour d’appel du 9 septembre 2022.

Cette cassation a été prononcée au visa des articles 16 et 624 du code de procédure civile, qui imposent que les parties soient invitées à présenter leurs observations avant qu’une fin de non-recevoir soit soulevée d’office.

Ainsi, la cour d’appel, en déclarant irrecevables les demandes de la société civile immobilière, a agi en violation de ces articles, ce qui a conduit à la nécessité de réexaminer le litige.

La cassation a donc rétabli le débat sur l’autorité de la chose jugée, notamment concernant le droit à l’indemnité de résiliation, et a permis à la cour de renvoi de se prononcer à nouveau sur les demandes de la société INCANA.

Quel est le rôle de l’autorité de la chose jugée dans cette affaire ?

L’autorité de la chose jugée est un principe fondamental du droit qui interdit de rejuger une question déjà tranchée par une décision de justice définitive.

Dans cette affaire, le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 19 septembre 2007 a établi le droit à l’indemnité de résiliation pour la société INCANA, ainsi que les modalités d’évaluation de celle-ci.

L’article 1351 du code civil précise que « l’autorité de la chose jugée s’attache à la décision qui a statué sur le fond », ce qui signifie que les parties ne peuvent pas contester à nouveau ce qui a déjà été décidé.

La cour a donc constaté que la demande de la société INCANA, visant à faire reconnaître la reconduction tacite du bail, était irrecevable en raison de cette autorité de la chose jugée, ce qui a été confirmé par la décision de la Cour de cassation.

Quel est l’effet de la décision du Conseil constitutionnel sur la procédure en cours ?

La décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1068 (QPC) du 17 novembre 2023 a déclaré contraires à la Constitution certains mots de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, reportant les effets de cette abrogation au 1er décembre 2024.

Cette décision a pour effet de modifier la compétence du juge de l’exécution, qui ne peut plus connaître des contestations relatives à l’exécution forcée, mais uniquement des difficultés relatives aux titres exécutoires.

Ainsi, l’article L. 213-6 doit être interprété comme conférant au juge de l’exécution une compétence exclusive sur les difficultés relatives aux titres exécutoires, même si elles portent sur le fond du droit.

Dans le cas présent, le litige ne porte pas sur une contestation d’exécution forcée, mais sur la validité du titre exécutoire résultant du jugement du 19 septembre 2007, ce qui justifie le sursis à statuer jusqu’à ce que la cour d’appel tranche le litige en cours.

Arrêt N°

PC

N° RG 23/00894 – N° Portalis DBWB-V-B7H-F5HJ

S.C.I. INCANA [Localité 2]

C/

Commune COMMUNE DE [Localité 4]

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 21 MARS 2025

Chambre civile TGI

Appel d’une ordonnance rendue par le JUGE DE L’EXECUTION DE SAINT DENIS (REUNION) en date du 15 JUIN 2023 suivant déclaration d’appel en date du 28 JUIN 2023 rg n°: 22/03168

APPELANTE :

S.C.I. INCANA [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1] (REUNION)

Représentant : Me Frédéric CERVEAUX de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

Commune COMMUNE DE [Localité 4] Représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l’hôtel de ville

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Virginie GARNIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 805 et 917 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Décembre 2024 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Le président a indiqué que l’audience sera tenue en double rapporteur. Les parties ne s’y sont pas opposées.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 21 Mars 2025.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 21 Mars 2025.

Greffier : Mme Véronique FONTAINE

LA COUR

Suivant acte notarié des 3 et 7 août 1990, la commune de [Localité 4] a donné à bail à construction à la société INCANA [Localité 2] une parcelle de terrain à bâtir à usage artisanal sise à [Localité 4] lieudit [Localité 2] d’une superficie de 3.626 m2 pour une durée de 20 ans à compter du 7 août 1990.

Par un jugement du 19 septembre 2007, le tribunal de grande instance de Saint-Denis a, notamment, prononcé la résiliation du bail à construction, ordonné l’expulsion de la société INCANA [Localité 2] et de tous occupants de son chef, sous astreinte, dit que la commune de [Localité 4] devra régler à la société INCANA [Localité 2] l’indemnité de résiliation prévue au paragraphe C de la page 14 du bail à construction.

Saisie dans le cadre d’une autre instance d’une demande en fixation de l’indemnité de résiliation du bail à construction, la cour d’appel de céans a, par un arrêt du 9 septembre 2022, a constaté l’irrecevabilité de la demande tenant le principe de l’autorité de chose jugée et invité les parties à saisir, le cas échéant la juridiction compétente pour statuer sur les difficultés relatives aux titres exécutoires et aux contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée.

Par un acte du commissaire de justice du 31 octobre 2022, la société INCANA [Localité 2] a fait assigner la commune de [Localité 4] devant le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion aux fins de faire :

A titre principal :

– condamner la commune de [Localité 4] à lui payer la somme de 2.152.543,51 euros ;

A titre subsidiaire :

– fixer l’indemnité due à la société INCANA [Localité 2] prévue au paragraphe C page 14 du bail à construction à la somme de 2.152.543,51 euros (valeur 2022), sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement ;

– condamner la commune de [Localité 4] à lui payer la somme de 3.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Par jugement rendu le 15 juin 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a statué en ces termes :

SE DECLARE incompétent au profit de la 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de SAINT-DENIS.

ORDONNE la transmission du dossier de l’affaire, avec copie de la présente décision, au greffe du tribunal judiciaire de SAINT-DENIS, 1ère chambre, service civil, qui invitera les parties à poursuivre l’instance.

RESERVE les dépens.

*

La SCI INCANA [Localité 2] a interjeté appel par déclaration déposée par RPVA le 28 juin 2023.

Puis, autorisée par ordonnance sur requête du premier président en date du 3 juillet 2023, la SCI INCANA [Localité 2] a fait assigner à jour fixe la Commune de [Localité 4] par acte de commissaire de justice délivré le 7 juillet 2023, déposé au greffe de la cour le 12 juillet 2023.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 16 avril 2024 après renvois à la demande des parties.

*

Par message reçu le 19 juin 2024, a sollicité la réouverture des débats pour qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir sur renvoi après cassation, sauf à ordonner le sursis à statuer sans renvoi à la mise en état.

*

Par arrêt avant dire droit mis à disposition le 25 juin 2024, la cour a ordonné la réouverture des débats, invité les parties à conclure sur les conséquences de la cassation de l’arrêt du 9 septembre 2022 en ce qui concerne la présente instance, réservé toutes les demandes et renvoyé l’affaire à l’audience du mardi 17 septembre 2024 à 10 heures 30.

*

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 23 octobre 2024, après l’arrêt avant dire droit, la SCI INCANA [Localité 2] demande à la cour de :

 » SURSEOIR A STATUER dans l’attente de l’arrêt à intervenir dans l’instance actuellement pendante sur renvoi après cassation.

RESERVER les dépens.  »

*

La commune de [Localité 4] a déposé des conclusions d’intimé n° 2 le 27 novembre 2024, adressées au premier président de la cour d’appel. Selon le dispositif de celles-ci, elle demande de :

 » Prendre acte que la commune s’en remet à justice,

Rejeter les demandes de la SCI INCANA [Localité 2] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.  »

*

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de  » constatations  » ou de  » dire et juger  » lorsqu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la compétence du juge de l’exécution :

Pour se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire, le juge de l’exécution a considéré que la société INCANA [Localité 2] reconnaît qu’aucune mesure d’exécution forcée n’a été engagée à l’encontre de la commune de [Localité 4] sur le fondement du jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 19 septembre 2007. Il a alors fait application d’office de l’article 81 du code de procédure civile, retenant qu’en l’absence de toute mesure conservatoire ou d’exécution forcée, le juge de l’exécution n’est pas compétent pour se prononcer sur une demande en paiement fondée, laquelle relève du juge du fond.

L’appelante rappelle que par son jugement du 24 novembre 2020, le tribunal a constaté le maintien dans les lieux avec l’accord de la Commune de [Localité 4] de la SCI INCANA [Localité 2] et a, en conséquence, débouté cette dernière de sa demande indemnitaire. Sur appel de cette décision, la cour de céans a, suivant son arrêt du 9 septembre 2022, notamment déclaré irrecevables les demandes de la SCI INCANA [Localité 2] et de la Commune de [Localité 4] aux fins de fixation de l’indemnité de résiliation du bail à construction au motif que le tribunal de grande instance de Saint-Denis, par jugement du 19 septembre 2007,

Avait déjà tranché le droit à indemnité de résiliation de la SCI INCANA [Localité 2] et les modalités d’évaluation de celle-ci en disant que la Commune devrait régler à la SCI INCANA [Localité 2] l’indemnité de résiliation prévue au paragraphe C de la page 14 du bail à construction. La cour a alors constaté l’irrecevabilité de la demande tenant au principe de l’autorité de la chose jugée et invité les parties à saisir le cas échéant la juridiction compétente pour statuer sur les difficultés relatives au titre exécutoire et aux contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée.

Cependant, cet arrêt a été cassé par l’arrêt de la Cour de cassation du 23 mars 2024, mais seulement en ce qu’il a – notamment – déclaré irrecevables les demandes de la SCI INCANA [Localité 2] aux fins de fixation de l’indemnité de résiliation du bail à construction. Selon l’appelante, la cassation partielle a été prononcée uniquement au visa des articles 16 et 624 du code de procédure civile, savoir que la cour d’appel de céans avait, suivant son arrêt du 09 septembre 2022, déclaré irrecevable la demande indemnitaire de la SCI INCANA [Localité 2] sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur cette fin de non-recevoir qu’elle a soulevée d’office.

Dès lors, devant la cour de céans saisie sur renvoi après cassation, le débat au fond tenant de l’autorité de la chose jugée reste entier, la Commune de [Localité 4] soutenant d’ailleurs, dans ses conclusions signifiées le 3 octobre 2024, que l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 septembre 2024 rend irrecevable la demande de la SCI INCANA [Localité 2] tenant à voir reconnaître la reconduction tacite du bail du 3 et 7 août 1990 (Pièce nouvelle n° 12 : signification de conclusions devant la Cour d’appel de Saint-Denis du 3 octobre 2024).

En conséquence, la cour de renvoi pourrait parfaitement déclarer à nouveau la demande de la SCI INCANA [Localité 2] aux fins de fixation de l’indemnité de résiliation du bail à construction irrecevable et inviter les parties à saisir, le cas échéant, la juridiction compétente pour statuer sur les difficultés relatives au titre exécutoire et aux contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée.

La Commune de [Localité 4] a conclu devant une juridiction qui n’est pas saisie de l’appel, le premier président de la cour d’appel. Elle est donc présumée adopter les motifs du premier juge en l’absence de conclusions régulières d’intimée.

Ceci étant exposé,

Il est d’abord opportun de rappeler la dévolution du présent appel puisque la cour est saisie sur assignation à jour fixe pour statuer sur la décision du juge de l’exécution de se déclarer incompétent au profit du juge du fond.

La seule question posée à la cour est donc de déterminer si le juge de l’exécution dispose de la compétence pour fixer le montant de l’indemnité de résiliation due à la SCI INCANA [Localité 2] par la Commune de [Localité 4], et ce en vertu des disposition de l’arrêt du 9 septembre 2022 cassé par l’arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2024,  » mais seulement en ce qu’il :

– déclare irrecevable la demande de la société civile immobilière Incana [Localité 2] aux fins de constater la reconduction tacite du bail à construction;

– déclare irrecevable les demandes de la société civile immobilière Incana [Localité 2] aux fins de fixation de l’indemnité de résiliation du bail à construction ;

– déboute la société civile immobilière Incana [Localité 2] de sa demande de restitution des loyers perçus par la commune de [Localité 4] ;

– déboute la société civile immobilière Incana [Localité 2] de sa demande de condamnation de la commune de [Localité 4] en remboursement de la taxe foncière ;

– condamne la société civile immobilière Incana [Localité 2] à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 17 155,27 euros au titre de l’indemnité d’occupation pour la période du 7 octobre 2011 au 15 novembre 2015 ;

– et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile,  »

Ainsi, par l’effet de la cassation, le litige se trouve dans l’état suivant, selon le dispositif du jugement du 24 novembre 2020, car le tribunal judiciaire de Saint-Denis a :

 » -constaté le maintien dans les lieux, avec l’accord de la Commune de [Localité 4], de la SCI INCANA [Localité 2], suite à reconduction tacite du bail à construction ;

-ordonné la restitution par la Commune de [Localité 4] à la demanderesse des loyers du bail commercial entre la SCI INCANA [Localité 2] et la Société BAMY Automobiles à compter d’octobre 2015 ;

-débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions ; (..) »

Or, la saisine du juge de l’exécution est apparemment motivée par cette décision qui a affirmé l’irrecevabilité de la demande au fond en considérant que le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 19 septembre 2007, exécutoire, disait que l’indemnité de résiliation était due, en déterminait les modalités d’évaluation, mais n’en fixait pas le montant, de sorte qu’il convenait de le chiffrer aux fins de condamnation de la Commune de SAINT PAUL à la lui payer.

L’arrêt cassé prévoyait alors que, par l’effet de l’autorité de la chose jugée en 2007, le preneur avait perdu son droit de propriété temporaire, permettant ainsi au bailleur de disposer de la propriété des immeubles construits avant l’expiration du bail.

Ainsi, l’ensemble du litige relatif à la reconduction du bail, à l’indemnité de résiliation et à ses modalités d’évaluation est pendant devant la cour d’appel suite à la saisine en date du 23 juillet 2024 par la Commune de [Localité 4], enregistrée sous les références RG-24-971, qui doit être appelée à l’audience du 18 mars 2025 pour la seconde fois avant clôture et fixation pour plaidoiries.

Pour cette raison, la demande de sursis à statuer apparaît justifiée.

Mais il est désormais nécessaire de rappeler les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1068 (QPC) du 17 novembre 2023, aux termes de laquelle, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il convenait de déclarer contraires à la Constitution les mots  » des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée  » figurant au premier alinéa de l’article L. 213-6 du COJ tout en reportant les effets de l’abrogation de ces dispositions au 1er décembre 2024 et en jugeant que  » jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou, au plus tard, au 1er décembre 2024. »

Or, il est aussi constant qu’aucune loi nouvelle n’est venue remplacer l’ancien texte de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire avant le 1er décembre 2024.

L’article 62 alinéa 2 de la Constitution précise qu’ » une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée  » et ne prévoit d’aménagements à cette abrogation que s’agissant de la remise en cause des effets que la disposition a produits, ces aménagements devant être expressément prévus dans la décision.

Ainsi, il convient de lire l’article L. 213-6 du COJ comme suit actuellement :  » Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.  »

En l’espèce, le litige soumis à la cour ne porte pas sur  » une contestation soulevée à l’occasion d’une exécution forcée  » mais bien sur la difficulté relative au titre exécutoire résultant du jugement du 19 septembre 2007, savoir si cette décision est affectée de l’autorité de la chose jugée en ce qui concerne le principe de l’indemnité de résiliation et son mode de calcul sans en fixer le montant.

Ainsi, il apparaît en l’état inutile de se prononcer sur la décision du juge de l’exécution tant que la cour d’appel n’aura pas tranché le litige pendant concernant l’appel contre le jugement du 24 juillet 2020, compte tenu de l’absence d’effet juridique de l’arrêt du 9 septembre 2022 par l’effet de la cassation du 23 mai 2024 et de la saisine de la cour d’appel de renvoi.

La demande de sursis à statuer sera accueillie.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt avant dire-droit,

ORDONNE le sursis à statuer sur la compétence du juge de l’exécution jusqu’à la mise à disposition de la décision statuant sur la saisine de la cour (RG-24-971) de renvoi contenant appel du jugement du 24 juillet 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion ;

DIT que l’affaire sera rappelée à la demande de la partie la plus diligente ou d’office ;

RESERVE toutes les demandes.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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