L’article L.1226-14 du Code du travail stipule que la rupture du contrat de travail dans les cas d’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ouvre droit pour le salarié à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L.1234-5, ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, égale au double de l’indemnité prévue par l’article L.1234-9. Les articles L.1226-10 et L.1226-14 précisent que les règles protectrices applicables aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie, et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
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L’Essentiel : L’article L.1226-14 du Code du travail stipule que la rupture du contrat de travail pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ouvre droit à une indemnité compensatrice égale à celle du préavis, ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement, sauf dispositions plus favorables. Les articles L.1226-10 et L.1226-14 précisent que les règles protectrices s’appliquent si l’inaptitude a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie, et que l’employeur en avait connaissance.
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Résumé de l’affaire :
Engagement et Accidents de TravailUn ouvrier agricole a été engagé par contrat à durée indéterminée par une exploitation agricole. En juin 2014, il a subi un accident du travail, suivi d’une rechute en novembre 2016, entraînant une incapacité permanente partielle de 3%. En 2017, il a été reconnu comme travailleur handicapé et a subi plusieurs arrêts de travail pour maladie professionnelle. Inaptitude et LicenciementEn août 2019, un médecin du travail a déclaré l’ouvrier inapte temporairement, puis définitivement en janvier 2020. Après un entretien préalable, il a été licencié en février 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. L’ouvrier a contesté ce licenciement devant le conseil de prud’hommes. Jugement du Conseil de Prud’hommesLe conseil a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, déboutant l’ouvrier de ses demandes. L’ouvrier a interjeté appel de cette décision en décembre 2022. Appel et Demandes de l’OuvrierDans ses conclusions, l’ouvrier a demandé l’infirmation du jugement, le paiement d’indemnités compensatrices et de dommages-intérêts pour résistance abusive. La société a contesté la recevabilité de ses demandes et a demandé la caducité de l’appel. Décision de la Cour d’AppelLa cour a déclaré irrecevable la demande de caducité de l’appel, a jugé les demandes de l’ouvrier recevables, et a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes. Elle a reconnu le licenciement fondé et a condamné la société à verser des indemnités à l’ouvrier pour licenciement abusif et résistance abusive. Indemnités et IntérêtsLa cour a ordonné le paiement d’indemnités compensatrices, d’une indemnité spéciale de licenciement, de dommages-intérêts pour résistance abusive, ainsi que des frais de justice, avec des intérêts au taux légal à compter de la décision. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique du licenciement pour inaptitude dans le cadre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ?Le licenciement pour inaptitude est encadré par l’article L.1226-14 du Code du travail, qui stipule que « la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L.1226-12 [concernant l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle] ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L.1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L.1234-9. » Il est également précisé que les règles protectrices s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine l’accident ou la maladie, et que l’employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement. Ainsi, dans le cas présent, le salarié a été reconnu inapte à son poste en raison d’une maladie professionnelle, ce qui engage la responsabilité de l’employeur en matière de reclassement et d’indemnisation. Quel est le rôle du médecin du travail dans la procédure de licenciement pour inaptitude ?Le médecin du travail joue un rôle crucial dans la procédure de licenciement pour inaptitude, comme le souligne l’article L.1226-10 du Code du travail. Cet article stipule que « l’employeur doit, avant de procéder à la rupture du contrat de travail, consulter le médecin du travail qui émet un avis sur l’aptitude du salarié à son poste. » Dans le cas présent, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte, ce qui a conduit à la procédure de licenciement. L’employeur doit donc respecter cet avis et ne peut pas procéder à un licenciement sans avoir pris en compte l’avis médical. Il est également important de noter que l’employeur doit justifier de ses efforts pour reclasser le salarié avant de procéder à un licenciement, ce qui est une obligation légale. Quel est le principe de la protection des salariés victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ?La protection des salariés victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles est inscrite dans le Code du travail, notamment à travers les articles L.1226-10 et L.1226-14. Ces articles établissent que les salariés ayant subi un accident du travail ou une maladie professionnelle bénéficient d’une protection renforcée, notamment en matière de licenciement. L’article L.1226-10 précise que « l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie, et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. » Cela signifie que même si l’inaptitude est constatée après un certain temps, si elle est liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié bénéficie de protections spécifiques, notamment en matière d’indemnisation et de reclassement. Quel est le régime des indemnités en cas de licenciement pour inaptitude ?En cas de licenciement pour inaptitude, le salarié a droit à des indemnités spécifiques, comme le prévoit l’article L.1226-14 du Code du travail. Cet article stipule que le salarié a droit à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement. Cette indemnité spéciale est, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, égale au double de l’indemnité prévue par l’article L.1234-9. Cela signifie que le salarié licencié pour inaptitude a droit à une compensation financière significative, qui vise à protéger ses droits en tant que victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Il est donc essentiel pour l’employeur de respecter ces dispositions afin d’éviter des litiges et des condamnations pour non-respect des droits des salariés. Quel est le recours possible en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ?En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour contester la décision de l’employeur. L’article L.1235-1 du Code du travail précise que « le salarié peut demander la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse. » Dans ce cadre, le salarié peut demander des dommages-intérêts pour compenser le préjudice subi en raison de ce licenciement. Le montant de ces dommages-intérêts est déterminé par le juge, en tenant compte de divers facteurs, tels que l’ancienneté du salarié, la nature de son emploi et les circonstances du licenciement. Ainsi, dans le cas présent, le salarié a contesté son licenciement en arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse, ce qui a conduit à une décision favorable en première instance, confirmée par la cour d’appel. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 FEVRIER 2025
N° RG 22/03766 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VSVC
AFFAIRE :
[J] [Z]
C/
S.A.S. FERME MORIN
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Novembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY-PONTOISE
N° Chambre :
N° Section : A
N° RG : 20/00357
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Carole DUTHEUIL de
la SCP EVODROIT
Me Bahar BASSIRI BARROIS de la SELARL BASSIRI-BARROIS PASCAL ASSOCIES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [J] [Z]
né le 07 Mars 1962 à Portugal ([Localité 3])
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Carole DUTHEUIL de la SCP EVODROIT, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 13 –
APPELANT
****************
S.A.S. FERME MORIN
N° SIRET : 348 764 457
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Bahar BASSIRI BARROIS de la SELARL BASSIRI-BARROIS PASCAL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0068 – Me Virginie PASCAL avocate au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Janvier 2025 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Présidente,
Madame Véronique PITE, Conseillère,
Madame Odile CRIQ, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
M. [J] [Z] a été engagé par contrat à durée indéterminée, à compter du 19 juin 2000, en qualité d’ouvrier agricole, par l’exploitation agricole à responsabilité limitée Ferme Morin, devenue la société par actions simplifiée Ferme Morin, qui a pour activité l’agriculture et les pépinières, emploie moins de onze salariés et relève de la convention collective des polycultures Ile de France non-cadre.
Le 6 juin 2014, M. [Z] a été victime d’un accident du travail, suivi d’une rechute le 15 novembre 2016, prise en charge au titre de la législation professionnelle, pour lequel finalement, un taux d’incapacité permanente partielle lui était reconnu à raison de 3%.
Les 9 mai puis 24 octobre 2017, la mutualité sociale agricole lui a reconnu deux pathologies d’origine professionnelle : une tendinopathie profonde à l’épaule gauche et une surdité bilatérale.
Parallèlement, la qualité de travailleur handicapé lui a été allouée par la maison départementale des personnes handicapées, la même année.
A compter du 16 août 2017, M. [Z] a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle et ces arrêts maladie ont été renouvelés à plusieurs reprises.
Le 6 août 2019, le médecin du travail a effectué une étude de poste et a rendu un avis d’inaptitude temporaire.
A compter du 1er octobre 2019, M. [Z] a perçu une pension d’invalidité 2ème catégorie.
Suite à une visite de reprise qui s’est déroulée le 21 janvier 2020, et par avis daté du même jour, le médecin du travail a déclaré M. [Z] inapte totalement et définitivement à un emploi, en précisant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
Convoqué finalement le 29 janvier 2020, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 7 février suivant, M. [Z] a été licencié par courrier du 18 février 2020 énonçant une inaptitude définitive et une impossibilité de reclassement.
Il a saisi, le 18 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise pour solliciter le bénéfice de la protection inhérente aux salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle, ce à quoi la société s’opposait.
Par jugement rendu le 25 novembre 2022 et notifié le 30 novembre suivant, le conseil a statué comme suit :
Dit que le licenciement pour inaptitude de M. [Z] est sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L 1226-2 du code du travail ;
Déboute M. [Z] de ses demandes
Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire
Met les éventuels dépens à la charge de chaque partie.
Le 22 décembre 2022, M. [Z] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par conclusions du 22 juillet 2024, la société a sollicité du conseiller de la mise en état le prononcé de la caducité de la déclaration d’appel du salarié, de l’irrecevabilité de ses conclusions au fond n°1 et 2, auxquels M. [Z] s’opposait.
Par ordonnance d’incident du 7 novembre 2024, le magistrat de la mise en état de la chambre sociale 4-6 de la cour d’appel de Versailles a statué comme suit :
Déboutons la SAS Ferme Morin de son moyen tiré de la caducité de la déclaration d’appel de M. [Z]
Disons les conclusions n°1 de M. [Z] recevables ;
Disons les conclusions n°2 de M. [Z] recevables excepté les paragraphes II 1) à 3) ;
Rejetons les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la SAS Ferme Morin aux dépens de l’incident.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 30 août 2024, M. [Z] demande à la cour de :
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Pontoise du 25 novembre 2022,
Débouter la SAS Ferme Morin de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, en son appel, et déclarer recevables ses conclusions n°1, 2, 3,
Dire et juger qu’il doit bénéficier de la protection inhérente aux salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle,
Dire et juger que la rupture de son contrat de travail a pour origine une inaptitude professionnelle,
Condamner la SAS Ferme Morin à lui régler, au titre de l’indemnité compensatrice, la somme de 5.136,96 euros,
Condamner la SAS Ferme Morin à lui régler, au titre du solde de l’indemnité spéciale de licenciement, la somme de 14.480,11 euros,
Condamner la SAS Ferme Morin à lui régler, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire, la somme de 2.000 euros,
Condamner la SAS Ferme Morin à lui régler, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 4.000 euros,
Dire et juger que les sommes susmentionnées produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les créances salariales et à compter du jugement pour les créances indemnitaires,
Condamner la SAS Ferme Morin aux entiers dépens qui comprendront les frais de recouvrement.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 22 juillet 2024, la société Ferme Morin demande à la cour de :
Recevoir l’intégralité de ses moyens et prétentions,
Prononcer la caducité de la déclaration d’appel de M. [Z] et constater l’extinction de l’instance d’appel et le dessaisissement de la cour,
Prononcer l’irrecevabilité des demandes et des conclusions au fond n° 1 et n°2 de M. [Z],
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise du 25 novembre 2022 en ce qu’il a dit que le licenciement pour inaptitude de M. [Z] est sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1226-2 du code du travail,
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise du 25 novembre 2022 pour le surplus,
Débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,
En toute hypothèse :
Condamner M. [Z] à lui régler la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel,
Condamner M. [Z] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 18 décembre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 14 janvier 2025.
Alors, le conseiller rapporteur a mis dans les débats la possible irrecevabilité devant la cour de la demande de caducité de la déclaration d’appel formée par la société Ferme Morin, du moment que l’article 914 du code de procédure civile dispose que les parties soumettent au conseiller de la mise en état qui est seul compétent de sa désignation jusqu’à la clôture de l’instruction leurs conclusions spécialement adressées à ce magistrat tendant à prononcer la caducité de l’appel.
Par note en délibéré reçue le 16 janvier, la société Ferme Morin précisait n’être pas opposée à ce que l’irrecevabilité de sa demande formée devant la cour soit reconnue, dans la mesure où elle fut tranchée par le conseiller de la mise en état.
Sur les incidents
La caducité de l’appel
La société Ferme Morin se prévaut de l’insuffisance des mentions portées aux écritures adverses du 20 mars 2023, que M. [Z] dénie.
L’article 914 du code de procédure civile énonce que « les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
‘ prononcer la caducité de l’appel ;
(‘) Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d’appel la caducité ou l’irrecevabilité après la clôture de l’instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. (‘)
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal. »
Etant précisé que le conseiller de la mise en état statua sur ce point par ordonnance du 7 novembre 2014, il convient de dire irrecevable la demande formée devant la cour qui n’est pas la formation utile pour en connaître.
L’irrecevabilité des demandes
Au visa de l’article 768 du code de procédure civile, la société Ferme Morin estime que les premières conclusions de M. [Z] sont dépourvues de prétentions, sans que les suivantes puissent y suppléer, ce que ce dernier dénie.
Cependant, les demandes de M. [Z] ne sauraient être irrecevables du seul motif qu’elles sont introduites par les mots « dire » ou « dire et juger », et il appert que dans ses premières conclusions, M. [Z], au contraire sollicitait la condamnation de son colitigant au paiement des mêmes sommes d’argent que dans le dernier état du litige.
Etant précisé que l’intéressé poursuivit expressément l’infirmation du jugement, ses demandes sont recevables, comme au reste, ses conclusions.
L’irrecevabilité des conclusions du 3 juin 2024
La société Ferme Morin se prévaut du dépassement du délai de l’article 910 du code de procédure civile, et M. [Z] répond n’être tenu d’aucun délai pour lui répondre.
Le conseiller de la mise en état, par ailleurs saisi de la question, l’a tranchée en disant irrecevables les paragraphes II 1) à 3) des conclusions n°2 de M. [Z], si bien qu’il n’y a plus lieu de statuer sous cet aspect.
Sur le mérite de l’action
La cause du licenciement
La société Ferme Morin qui relève n’avoir pas méconnu l’obligation de reclassement dont l’avis du médecin du travail la libérait, sollicite l’infirmation du jugement ayant considéré de ce motif le licenciement sans cause, et M. [Z] souligne n’avoir jamais soutenu l’abus du licenciement.
Aucune partie ne soulevant en première instance le mal-fondé du licenciement, c’est à tort que les premiers juges, statuant au-delà de leur saisine, considèrent, sur la base d’un moyen soulevé d’office, devoir requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé à cet égard.
La cause de l’inaptitude
L’article L.1226-14 du code du travail énonce que « la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L.1226-12 [concernant l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle] ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L.1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L.1234-9. »
Il résulte des articles L.1226-10 et L.1226-14 du code du travail, dans leur version issue de la loi du 8 août 2016, que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
M. [Z] soutient avoir été arrêté sans discontinuer du 16 août 2017 au 21 novembre 2019 pour un motif professionnel, au su de l’employeur, et rappelle qu’au demeurant la cause professionnelle même partielle de l’inaptitude convoque le droit à la protection, si bien qu’un dernier arrêt, après consolidation, ne dirait rien de l’origine du mal. Il relève en outre que le service d’une pension d’invalidité rend superflu la remise du formulaire ouvrant droit à l’indemnité temporaire d’inaptitude. Il souligne la parfaite connaissance par l’employeur de sa maladie professionnelle.
En réplique, la société Ferme Morin conteste l’origine professionnelle de l’inaptitude, que le médecin du travail n’a pas retenue, selon elle, ainsi qu’en témoigne tant son courrier que l’absence du formulaire prévu à l’article D.433-3 du code de la sécurité sociale. Elle fait valoir qu’après avoir été placé en arrêt maladie pour raison professionnelle, dès le mois d’octobre 2019, le salarié bénéficia d’un nouvel arrêt maladie initial d’un motif non professionnel. Elle dénie par ailleurs toute authenticité au protocole de soins du 1er octobre 2019 que n’a pas visé le médecin conseil de la caisse. En tout état de cause, la société Ferme Morin argue de sa méconnaissance d’une telle origine que n’épuise pas la reconnaissance, en un autre temps, d’une maladie professionnelle. Elle note que M. [Z] n’établit nullement la continuité de ses lésions.
Cela étant, il ressort des pièces versées aux débats que M. [Z] a été arrêté, sans discontinuer, dès le 16 août 2017 et en dernier lieu du 21 août au 21 novembre 2019, pour accident du travail ou maladie professionnelle, en raison d’une tendinopathie profonde de l’épaule gauche définitivement reconnue comme maladie professionnelle par la mutualité sociale agricole le 9 mai 2017, qu’un protocole de soins a été établi le 1er octobre 2019 par le médecin de ville de M. [Z] pour « soins après la consolidation » jusqu’au 1er octobre 2022 en raison de la même pathologie, visé par la mutualité sociale agricole le 9 décembre 2019 ainsi qu’en témoignent son courrier d’accompagnement, le document revêtu de la signature du médecin-conseil dont il ne convient, à défaut d’aucun élément sérieux, de quereller la sincérité, et le volet n°2 de l’exemplaire visant le code rural revêtu du tampon du médecin conseil. De la sorte, les pièces n°28 et 30 de M. [Z] n’ont aucun lieu d’être écartées. Ce protocole contient la prescription de kinésithérapie, balnéo, et centre anti-douleurs.
Du moment que lors de l’étude du poste de « conducteur d’engin » faite le 6 août 2019, le médecin du travail note la poursuite de soins en raison de la rééducation spécialisée suivie par le salarié en concluant : « Prévoir à cette reprise une inaptitude probable », finalement décidée le 21 janvier 2020, et que ces mêmes soins étaient encore prescrits à l’automne 2019 sous le contrôle du médecin conseil de la caisse, M. [Z] démontre suffisamment le lien entre sa maladie professionnelle reconnue par la caisse qui tient d’une tendinopathie profonde de l’épaule gauche, serait-il partiel, et l’inaptitude, les moyens de la société Ferme Morin tirés du silence du médecin du travail à son interrogation sur l’origine de l’inaptitude, du défaut de demande d’indemnité temporaire d’inaptitude ou du placement de M. [Z] dès le 1er octobre 2019, au reste erroné, en arrêt de travail non professionnel étant sans portée.
Par ailleurs, l’employeur qui a été avisé de l’ensemble des arrêts de travail supportant jusqu’au 21 novembre 2019 la mention de leur origine professionnelle et des avis du médecin du travail, a nécessairement connaissance de cette origine.
Il sera fait droit aux prétentions principales de M. [Z] dont les quanta ne sont pas disputés, par voie d’infirmation du jugement.
Sur la résistance abusive
La société Ferme Morin dénie toute résistance abusive que M. [Z] lui impute, en relevant ses relances, l’absence de réponse du médecin du travail sur l’origine de l’inaptitude, et ses moyens dilatoires.
L’employeur qui a été informé d’une maladie professionnelle au long court, ayant empêché le salarié, dont le contrat était suspendu depuis des années, immédiatement suivie d’une inaptitude définitive dont la prémice s’esquissait dès avant et dont les incidences somatiques sur le travail manuel confié ne pouvaient lui échapper, ne saurait pas se méprendre, sauf motifs singuliers ici non invoqués, sur l’origine professionnelle de cette inaptitude, qu’un dernier arrêt-maladie du 20 novembre 2019 au 20 janvier 2020 renseigné sur un formulaire ordinaire ne pouvait modifier.
C’est donc à faute que l’employeur refusa de s’acquitter des sommes prévues à l’article L.1226-14 précité.
Ces sommes présentant pour partie un caractère alimentaire, M. [Z] subit un dommage dépassant les intérêts moratoires, et il en sera justement indemnisé par l’allocation de 2.000 euros, à titre de dommages-intérêts compensatoires.
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Dit irrecevable la demande de la société par actions simplifiée Ferme Morin en caducité de l’appel ;
Dit les demandes et les conclusions n°1 de M. [J] [Z] recevables ;
Dit n’y avoir lieu de statuer sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions n° 2 de M. [J] [Z] ;
Infirme le jugement dans toutes ses dispositions ;
Dit le licenciement fondé ;
Condamne la société par actions simplifiée Ferme Morin à payer à M. [J] [Z] les sommes de :
5.136,96 euros au titre de l’indemnité compensatrice d’un montant égal à l’indemnité compensatrice de préavis ;
14.480,11 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement ;
2.000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d’intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2020 pour les créances échues à cette date et que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;
Condamne la société par actions simplifiée Ferme Morin aux entiers dépens, qui ne comprennent pas les frais de recouvrement forcé régis par des textes ad hoc.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Isabelle FIORE Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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