Obligation de sécurité de l’employeurL’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, conformément à l’article L 4121-1 du Code du travail, qui stipule que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Cette obligation inclut la prévention des risques professionnels, comme le précise l’article L 4121-2 du même code, qui impose à l’employeur de mettre en œuvre des actions de prévention des risques et d’amélioration des conditions de travail. Harcèlement moralLe harcèlement moral est défini par l’article L 1152-1 du Code du travail, qui interdit les agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel. En cas de litige, l’article L 1154-1 impose au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement. Licenciement pour inaptitudeLe licenciement pour inaptitude est encadré par l’article L 1226-2 du Code du travail, qui stipule que l’employeur doit procéder à un reclassement du salarié déclaré inapte, sauf si le maintien dans l’emploi serait gravement préjudiciable à la santé du salarié. En cas d’impossibilité de reclassement, l’employeur peut procéder au licenciement, mais ce dernier doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L 1232-1. Exécution de bonne foi du contrat de travailL’article 1134 du Code civil impose aux parties au contrat de travail d’exécuter celui-ci de bonne foi. Cette obligation implique que l’employeur doit agir dans l’intérêt du salarié et respecter les engagements pris, notamment en matière de sécurité et de conditions de travail. Le manquement à cette obligation peut constituer un motif de résiliation judiciaire du contrat de travail. Article 700 du Code de procédure civileL’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Cette disposition vise à compenser les frais de justice engagés par la partie qui a gagné le procès. |
L’Essentiel : L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, stipulant qu’il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé. Cette obligation inclut la prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail. Le harcèlement moral est interdit, et en cas de litige, le salarié doit présenter des éléments laissant supposer son existence. Le licenciement pour inaptitude nécessite un reclassement, sauf si cela nuit gravement à la santé du salarié.
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Résumé de l’affaire : Une salariée, employée par la société Mutualité Française Champagne Ardenne SSAM depuis 1990, a été déclarée inapte à tout poste par un avis médical en mai 2023, entraînant son licenciement pour inaptitude le 19 juin 2023. En réponse, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, invoquant des comportements de harcèlement moral de la part de sa supérieure, qui auraient dégradé ses conditions de travail et sa santé.
Le conseil de prud’hommes a rendu un jugement le 15 février 2024, déclarant la salariée recevable mais mal fondée dans ses demandes. Le licenciement a été jugé justifié, et la salariée a été condamnée à verser 1 200 euros à l’employeur au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La salariée a ensuite interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de la résiliation judiciaire de son contrat de travail. En appel, la salariée a soutenu que les comportements de sa supérieure constituaient un harcèlement moral, et a produit plusieurs attestations pour étayer ses allégations. Cependant, la cour a constaté que la plupart des griefs étaient non circonstanciés et non datés, ne permettant pas d’établir un harcèlement moral. Les éléments matériels retenus n’ont pas suffi à prouver l’existence d’un harcèlement, et la cour a également jugé que l’employeur avait respecté son obligation de sécurité. Finalement, la cour a confirmé le jugement de première instance, rejetant les demandes de la salariée, y compris celles relatives à des indemnités et à la nullité du licenciement. La salariée a été condamnée à verser des frais d’appel à l’employeur, et le jugement a été maintenu dans son intégralité. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par la salariée ?La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par la salariée repose sur l’article L 1154-1 du Code du travail, qui stipule que « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Dans ce cas, la salariée a allégué des comportements humiliants et dégradants de la part de sa supérieure, ce qui pourrait constituer un harcèlement moral. Cependant, la cour a constaté que les griefs formulés par la salariée étaient souvent non circonstanciés et non datés, ce qui a conduit à un rejet de sa demande. Quel est le rôle de l’employeur en matière d’obligation de sécurité ?L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, conformément à l’article L 4121-1 du Code du travail, qui dispose que « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cette obligation inclut également une obligation de prévention, comme le précise l’article L 4121-2, qui impose à l’employeur de « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Dans le cas présent, la cour a constaté que l’employeur avait pris des mesures suffisantes pour préserver la santé et la sécurité de la salariée, notamment en commanditant un audit sur les risques psychosociaux. Ainsi, la cour a jugé que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de sécurité, ce qui a conduit au rejet de la demande de résiliation judiciaire. Quel est le critère de justification du licenciement pour inaptitude ?Le licenciement pour inaptitude est justifié lorsque l’avis médical déclare le salarié inapte à tout poste, comme le stipule l’article L 1226-2 du Code du travail. Cet article précise que « Lorsque le médecin du travail déclare un salarié inapte à son poste, l’employeur doit, dans un délai de six mois, proposer un autre emploi au salarié, sauf si le maintien dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Dans le cas présent, l’avis médical a déclaré la salariée inapte à tous les postes, ce qui a permis à l’employeur de procéder à son licenciement pour inaptitude. La cour a confirmé que le licenciement était justifié, car l’employeur avait respecté les obligations légales en matière de reclassement. Quel est le fondement des demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif ?Les demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif reposent sur l’article L 1235-3 du Code du travail, qui prévoit que « En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des dommages et intérêts. La salariée a demandé des dommages et intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, arguant que son inaptitude était causée par le harcèlement moral dont elle se disait victime. Cependant, la cour a rejeté ces demandes, considérant que les allégations de harcèlement n’étaient pas établies et que le licenciement était justifié. Ainsi, les demandes de dommages et intérêts ont été déclarées infondées. Quel est l’impact de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, la cour a confirmé la condamnation de la salariée à verser une somme au titre de l’article 700, en raison de sa position de partie perdante. La cour a également précisé que la demande de la salariée à ce titre était rejetée, ce qui signifie qu’elle ne pouvait pas obtenir de remboursement de ses frais. Ainsi, l’article 700 a été appliqué pour compenser les frais engagés par la partie gagnante dans le cadre de la procédure. |
du 20/03/2025
N° RG 24/00378 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FOVI
FM/ACH
Formule exécutoire le : 20/03/2025
à :
[W]
[H]
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 20 mars 2025
APPELANTE :
d’une décision rendue le 15 février 2024 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TROYES, section ACTIVITES DIVERSES (n° F 22/00123)
Madame [F] [E]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe LEJEUNE de la SCP LEJEUNE-THIERRY, avocat au barreau de l’AUBE
INTIMÉE :
Mutualité MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM Prise en la personne de son représentant légal, domicilié de droit audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Laurence BELLEC de la SARL BELLEC & ASSOCIES, avocate au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 janvier 2025, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. François MELIN, Président, et Monsieur Olivier JULIEN, Conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 20 mars 2025.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. François MELIN, président
Madame Isabelle FALEUR, conseillère
Monsieur Olivier JULIEN, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par M. François MELIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [F] [E] a été embauchée par la société Mutualité Française Champagne Ardenne SSAM le 1er mars 1990.
En dernier lieu, elle était responsable du service tiers payant.
Mme [F] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes d’une demande de résiliation judiciaire le 19 mai 2022.
Par un avis du 15 mai 2023, elle a été déclarée inapte dans les termes suivants : « Inapte à tous les postes, tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». L’avis a retenu le cas suivant de dispense de l’obligation de reclassement : « Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à a santé ».
Elle a été licenciée le 19 juin 2023 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par un jugement du 15 février 2024, le conseil a :
– Déclaré Mme [F] [E] recevable mais mal fondée en ses demandes,
– Dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [F] [E] est tout à fait justifié,
– Débouté Mme [F] [E] de l’ensemble des demandes,
– Condamné Mme [F] [E] à verser à la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM la somme de 1.200€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Débouté la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM de sa demande d’audition de témoin,
– Condamné Mme [F] [E] aux dépens.
La salariée a formé appel.
Par des conclusions remises au greffe le 2 janvier 2025, Mme [F] [E] demande à la cour de :
– Débouter la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM de sa demande d’audition de témoins
– Si par impossible, la Cour ordonnait l’audition de témoin en la personne de Mme [A] [D] sollicitée par la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM, ordonner les auditions de Mesdames [V], [K] et [S], ou tout autre témoin qu’il plaira à la Cour ayant attesté en faveur de Mme [F] [E],
– Infirmer le jugement en ce qu’il a :
· Déclaré Mme [F] [E] mal fondée en ses demandes,
· Dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [F] [E] est tout à fait justifié,
· Débouté Mme [F] [E] de l’ensemble de ses demandes,
· Condamné Mme [F] [E] à verser à la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
· Condamné Mme [F] [E] aux dépens.
Statuant de nouveau,
Recevoir Mme [F] [E] dans l’ensemble de ses demandes,
A titre principal :
Déclarer que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [F] [E] était justifiée,
A titre subsidiaire :
Déclarer que le licenciement est nul à titre principal, sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire,
En tout état de cause :
– Condamner la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM à verser les sommes suivantes :
4.608,64 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,
460,86 euros bruts de congés payés afférents,
70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul à titre principal et 70.000 de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,
10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur et manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi,
2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM aux dépens,
– Débouter la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM de l’ensemble de ses demandes.
Par des conclusions remises au greffe le 3 janvier 2025, la société Mutualité Française Champagne Ardenne SSAM demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu en ce qu’il a :
Déclaré Mme [F] [E] recevable mais mal fondée en ses demandes,
Dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [F] [E] tout à fait justifié,
Débouté Mme [F] [E] de l’ensemble des demandes,
Condamné Mme [F] [E] à verser à la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM la somme de 1.200€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamné Mme [F] [E] aux dépens
INFIRMER le jugement rendu en ce qu’il a débouté la MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM de sa demande d’audition de témoin,
STATUANT A NOUVEAU :
ORDONNER l’audition de témoin de Mme [A], [J] [D], domiciliée [Adresse 2] à [Localité 5] ;
FIXER cette audition à la date souhaitée par la Cour d’Appel de Reims ;
En tout état de cause :
DEBOUTER Mme [F] [E] de l’ensemble de ses demandes,
CONDAMNER Mme [F] [E] d’avoir à payer la somme de 3.600 € au titre de l’article 700 du CPC,
CONDAMNER Mme [F] [E] en tous les frais et dépens liés à la présente instance.
Sur les demandes d’audition de témoins:
La société Mutualité Française Champagne Ardenne SSAM demande à la cour d’ordonner l’audition de Mme [A], [J] [D], domiciliée [Adresse 2] à [Localité 5].
En réponse, Mme [F] [E] demande à la cour de :
– Débouter la société Mutualité Française Champagne Ardenne SSAM de sa demande d’audition de témoin ;
– Si par impossible, la Cour ordonnait l’audition de témoin, ordonner les auditions de Mmes [V], [K] et [S], ou tout autre témoin qu’il plaira à la Cour ayant attesté en faveur de Mme [F] [E].
La demande d’audition formée par la société Mutualité Française Champagne Ardenne SSAM est rejetée dans la mesure où celle-ci produit une attestation, de près de trois pages, de Mme [D] et qu’elle n’explique pas, de façon pertinente, en quoi son audition permettrait de mieux éclairer la cour.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté l’employeur.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail:
Mme [F] [E] demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Elle indique avoir « subi de la part de la part de la responsable de son service, soutenue en cela par la direction de la MUTUALITE FRANCAISE, des comportements humiliants, perturbant son travail et ayant dégradé ses conditions de travail et son état de santé.
Les agissements se concrétisent notamment par :
– Des réflexions intempestives, déplacées et violentes concernant sa personne, sa manière d’être, de parler et de se comporter. Les remarques concernent notamment les échanges qu’elle a, et doit avoir avec ses collègues de travail dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Ce, de manière quotidienne, et donc réitérée.
– Réflexions désobligeantes dès qu’une parole est émise par l’une des salariées,
– Interdiction de communiquer,
– Les réflexions et réprimandes ont lieu devant les collègues de travail, ce qui est particulièrement humiliant et vexatoire,
– Idem de la venue de Mme [D] dans le bureau de Mme [E] pour la réprimander pour des faits infondés,
– Il en est de même des fréquentes convocations dans le bureau de Mme [D] pour la réprimander toujours pour des faits infondés,
(‘)
– Surveillance constante et anxiogène,
– Réunion faite par Mme [D] sur le champ avec les autres personnes du service (avec exclusion de Mme [E]) sitôt la réunion avec le directeur général terminée le 8 septembre 2020 pour annoncer de manière enjouée la suppression du poste de Mme [L].
La MUTUALITE FRANCAISE CHAMPAGNE ARDENNE SSAM le conteste en produisant un commentaire de ‘Mme [D] elle-même’en toute subjectivité.
– Interdiction de communiquer avec ses collègues de travail, et en particulier Mme [S] suite au déménagement,
– Demandes aux autres salariées de ne pas communiquer avec Mme [E] et Mme [S], avec un isolement en conséquence ; dès que des collègues leur parle, Mme [D] s’immisce et met fin à la conversation (au bout de quelques secondes). Ce comportement a lieu même pendant les pauses repas.
– Après des réunions de travail auxquelles Mme [D] participe, cette dernière venait faire un compte-rendu dans les bureaux, à l’exception de celui où travaille Mme [E] et Mme [S].
– Absence de réponse aux demandes concernant le travail, rétention d’informations,
– Refus de fractionnement des jours de congés alors que cela est permis aux autres salariées,
L’employeur s’en défend sans aucune démonstration.
– Menaces de sanctions disciplinaires et de se « retrouver au chômage » si elle ne faisait pas d’efforts.
– réflexions, coups de colère réitérées de sa supérieure à son encontre. Mme [E] travaille dans un climat de peur permanent.
Ces comportements constituent :
– à tout le moins un manquement à l’obligation de sécurité de la salariée dont l’état de santé est gravement affecté,
– des actes répondant à la définition du harcèlement moral compte tenu de la dégradation des conditions de travail et de l’état de santé de la salariée, l’avenir professionnel de cette dernière étant compromis » (conclusions p. 21 et 22).
Au soutien de ces allégations, Mme [F] [E] produit différentes attestations :
Une attestation de Mme [S], qui présentent différents éléments qui la concerne elle-même et non pas Mme [F] [E], qui indique qu’en septembre 2019 Mme [D] lui a reproché d’avoir aidé Mme [F] [E] à faire un pansement suite à une brûlure à son domicile, que Mme [D] leur a dit « vous n’avez fait aucun effort sur l’intonation de vos voix et si vous continuez vous allez avoir un avertissement », que le 12 septembre 2019, le directeur a pris position en faveur de Mme [D] en incitant Mme [F] [E] à reconnaître que Mme [S] dérangeait Mme [D] pendant son travail en parlant trop fort, que lorsqu’elle et Mme [F] [E] avaient besoin de s’absenter, elles étaient obligées de récupérer leurs heures d’absence avant d’être absentes, que Mme [D] souhaitait bon appétit ou bonnes vacances à tous les salariés sauf à Mme [F] [E] ou à Mme [S], qu’après une réunion, Mme [D] les a dénigrées en ne répondant pas à leurs questions, que dès qu’elle avait une contrariété, Mme [D] venait se plaindre et leur reprochait leurs voix et leurs comportements, qu’elles étaient son bouc émissaire, que Mme [D] ne supportait pas que Mme [F] [E] et Mme [S] aient des minutes de convivialité avec des collègues, que Mme [D] ne leur autorisait pas le fractionnement des jours de vacances, que le 17 mars 2020, après l’annonce de la nécessité de télétravailler, Mme [F] [E] a demandé ce qu’il allait en être de ses congés payés prévus peu après et Mme [D] l’a agressée verbalement en lui répondant que ce n’était pas sa préoccupation, et que le 8 septembre 2020, Mme [D] a annoncé au reste de l’équipe la suppression du poste de Mme [F] [E] et de celui de Mme [S] ;
Une attestation de Mme [K] qui indique qu’au début de l’année 2020, Mme [D] est allée dans le bureau de Mme [S] qui évoquait le remplacement d’une collègue pour lui dire qu’elle n’avait pas à en parler, que Mme [D] a indiqué suite au confinement que le télétravail permettait de ne pas entendre le bruit causé par Mme [S] et Mme [F] [E], qu’en juin 2020, Mme [D] a dit à Mme [F] [E] et à Mme [S] « vous êtes bien remontées ce matin », et qu’en septembre 2020, Mme [D] a annoncé la suppression des postes de Mme [F] [E] et de Mme [S] ;
Une attestation de Mme [V] qui indique que Mme [D] lui a dit que Mme [S] n’était pas une personne de confiance, qu’elle sentait une anxiété des collègues, que Mme [D] avait des a priori sur Mme [F] [E] et Mme [S], qu’en juillet 2020, Mme [D] a dit à Mme [F] [E] et à Mme [S] « vous êtes bien remontées ce matin », que Mme [D] scrutait les faits et gestes de l’équipe, et qu’il y avait une ambiance anxiogène ;
Une attestation de Mme [U], ancienne déléguée du personnel, qui indique que Mme [F] [E] et Mme [S] l’ont contactée au second semestre 2019 pour obtenir des conseils en raison du harcèlement qu’elles disaient subir de la part de Mme [D], et qu’un délégué syndical les a contactées pour les conseiller;
Une copie d’un échange de SMS entre Mme [S] et un représentant du personnel, qui indique le 27 août 2010 avoir vu le directeur pour lui parler des problèmes à [Localité 6] (pièce 12) ;
Un mail du directeur à un représentant du personnel du 6 octobre 2020 indiquant que le GISMA propose l’organisation d’un audit sur les risques psychosociaux, à l’initiative de certains salariés du service comptabilité-tiers payant (pièce 13) ;
Le procès-verbal de la réunion du comité économique et social du 22 octobre 2020 qui précise que le directeur a indiqué « que nous avons été sollicités » par le GISMA pour un audit suite à une visite de deux salariés de la comptabilité-tiers payant (pièce 14) ;
Un courrier du directeur, du 30 juin 2021, qui indique vouloir profiter de l’expertise du GISMA pour établir une méthode de travail permettant l’identification des facteurs de stress et que les salariés du service Comptabilité ‘ tiers payant pourront rencontrer une psychologue du GISMA (pièce 15) ;
Un courrier de Mme [F] [E] du 16 novembre 2021 au directeur pour lui indiquer qu’elle subit depuis 2019 des comportements constitutifs de harcèlement moral de la part de sa responsable (pièce n° 9) ;
Le mail de Mme [S] adressé au directeur le 4 septembre 2019 pour lui demander une rencontre afin d’évoquer les problèmes relationnel et professionnel rencontrés dans le service tiers payant. (pièce 3) ;
Un courrier de Mme [K] au directeur, du 23 novembre 2021, qui indique avoir été témoin d’altercations entre Mme [D] d’une part et Mme [F] [E] et Mme [S] d’autre part (pièce 18).
Mme [F] [E] indique par ailleurs que la direction a soutenu Mme [D] en laissant perdurer la situation, malgré les alertes et en indiquant à Mme [F] [E] dans un courrier du 8 décembre 2021 que ses accusations contre sa responsable étaient erronées (pièce 10) et qu’il a donc fait preuve de déni (courrier du directeur pièce 19). Elle ajoute que ce courrier du 8 décembre 2021 est en lui-même un acte de harcèlement compte tenu des termes violents et injurieux utilisés par l’employeur.
Elle fait valoir que malgré l’annonce, en septembre 2020 par Mme [D] de la suppression de son poste, elle n’a pas eu la moindre nouvelle ni la moindre proposition de reclassement.
Elle précise que l’employeur a refusé de réaliser une enquête sur les faits de harcèlement dont le directeur avait été informé, et que l’audit effectué par le GISMA et par la médecine du travail n’est pas un élément d’enquête puisqu’il a été réalisé à l’initiative de la médecine du travail elle-même.
Mme [F] [E] ajoute que ces éléments ont conduit à une dégradation de son état de santé et à une dépression (pièces 8, 24 à 27, 43, 44, 53, 57, 59, 60 à 64).
Au regard de ces éléments, la cour doit examiner successivement l’allégation de harcèlement moral et celle de manquement à l’obligation de sécurité, qui fondent la demande de résiliation judiciaire.
Concernant l’allégation de harcèlement moral, il y a lieu de rappeler, de manière générale, que :
L’article L 1154-1 du code du travail dispose que « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles » ;
Le juge doit vérifier la matérialité des faits allégués.
La cour relève que Mme [F] [E] fait état de nombreux griefs, qui ont tous été résumés ci-dessus, contre son employeur et qu’il lui appartient, dans un premier temps, de les établir matériellement, ce qui suppose qu’ils soient suffisamment précis, circonstanciés et situés dans le temps.
Or, la plupart des griefs formulés par Mme [F] [E] sont de simples allégations générales, non circonstanciées et non datées, ou contestées par l’employeur et non corroborées par des éléments objectifs, de sorte qu’ils ne sont pas matériellement établis.
Seuls les griefs suivants sont matériellement établis, compte tenu des termes des attestations et pièces produites :
– au début de l’année 2020, Mme [D] est allée dans le bureau de Mme [S] qui évoquait le remplacement d’une collègue pour lui dire qu’elle n’avait pas à en parler ;
– en juin ou juillet 2020, Mme [D] a dit à Mme [F] [E] et à Mme [S] « vous êtes bien remontées ce matin » ;
– un courrier du directeur du 8 décembre 2021 qui répond aux allégations de harcèlement formulées par Mme [F] [E] ;
– des problèmes de santé.
Il y a donc lieu d’examiner si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement.
La cour retient que tel n’est pas le cas dans la mesure où les deux premiers griefs concernent des remarques sans portée, où le courrier du directeur se borne à répondre, point par point, aux allégations de Mme [F] [E], et où aucun élément du dossier ne conduit à retenir qu’il existe un lien entre les problèmes de santé, qui ne sont pas contestés, et le travail, les certificats médicaux faisant état d’un harcèlement au travail n’ayant pas de force probante puisqu’ils ne font que rapporter les dires de Mme [F] [E].
En conséquence, l’allégation de harcèlement moral est rejetée.
Concernant l’allégation de manquement à l’obligation de sécurité, la cour rappelle, de manière générale, que l’employeur a une obligation de sécurité en application de l’article L 4121-1 du code du travail et une obligation de prévention fondée sur l’article L 4121-2.
Or, l’employeur a pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée dès lors que le GISMA a mené un audit dans le service où travaillait Mme [F] [E], que la question de l’audit du GISMA a été mise à l’ordre du jour des réunions du comité économique et social du 22 octobre 2020 et du 9 septembre 2021, qu’il n’est pas contesté que le rapport du GISMA a été transmis au CSE qui n’y a pas donné suite, et que l’employeur a répondu aux allégations de Mme [F] [E] par un courrier du 8 décembre 2021.
La cour retient donc que l’employeur n’a pas manqué à son obligation de prévention et à son obligation de sécurité.
La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n’est ainsi pas fondée, pas plus que les demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité, ainsi que l’a retenu à juste titre le jugement, qui est confirmé de ce chef.
De même, sont rejetées les demandes de condamnation de l’employeur à payer les sommes suivantes :
– 4.608,64 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,
– 460,86 euros bruts de congés payés afférents,
– 70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul à titre principal et 70.000 de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire.
Sur l’allégation de manquement de l’employeur à l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi:
Mme [F] [E] soutient que l’employeur a manqué à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi (conclusions p. 57 à 59).
Toutefois, la cour relève qu’en réalité, Mme [F] [E] se prévaut uniquement de manquements allégués aux obligations de prévention et de sécurité de l’employeur, manquements dont il a toutefois été précédemment indiqué qu’ils ne sont pas établis.
Mme [F] [E] ne se réfère à aucun autre élément dont il résulterait un manquement à l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail.
Sa demande est donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la demande de nullité du licenciement:
A titre subsidiaire, Mme [F] [E] demande à la cour de juger le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement nul, au motif que l’inaptitude a été causée par les agissements imputés à Mme [D] et à l’employeur qui ont été présentés ci-dessus, la salariée précisant que « les demandes liées à la résiliation judiciaire du contrat de travail ou concernant le caractère abusif du licenciement sont les mêmes » (conclusions p. 54).
Toutefois, dès lors que les allégations de harcèlement moral et de manquement aux obligations de prévention et de sécurité ont été écartées, cette demande de nullité doit être rejetée, comme l’a retenu à juste titre le jugement, qui est confirmé de ce chef.
De même, sont rejetées les demandes de condamnation de l’employeur à payer les sommes suivantes :
4.608,64 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,
460,86 euros bruts de congés payés afférents,
70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul à titre principal et 70.000 de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire.
Sur l’article 700 du code de procédure civile:
Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné Mme [F] [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A hauteur d’appel, elle est condamnée à payer à ce titre la somme de 1 500 euros. Sa demande est quant à elle rejetée.
Sur les dépens:
Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné Mme [F] [E] aux dépens.
Celle-ci, qui succombe, est également condamnée aux dépens d’appel.
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [F] [E] à payer à la société Mutualité Française Champagne Ardenne SSAM la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [F] [E] aux dépens d’appel ;
Rejette le surplus des demandes formées par les parties.
La Greffière Le Président
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