L’Essentiel : La présente affaire concerne un salarié, en l’occurrence un mécanicien, qui a subi un accident du travail le 24 février 2021, entraînant une lésion à l’épaule droite. L’employeur a déclaré cet accident à la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM), qui a pris en charge les soins. Suite à l’accident, le salarié a développé une nouvelle lésion, contestée par l’employeur, qui a argué qu’elle n’était pas liée à l’accident initial. Le tribunal a ordonné une expertise médicale et a finalement statué en faveur de la CPAM, confirmant la présomption d’imputabilité et condamnant l’employeur aux dépens.
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Contexte de l’AffaireLa présente affaire concerne un salarié, en l’occurrence un mécanicien, qui a été employé par une société. Ce dernier a subi un accident du travail le 24 février 2021, alors qu’il effectuait une tâche de serrage de boulon, entraînant une lésion musculo-ligamentaire à l’épaule droite. La société a déclaré cet accident à la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM), qui a pris en charge les soins liés à cet incident. Déclarations Médicales et ContestationsSuite à l’accident, le salarié a développé une nouvelle lésion, une ténosynovite, qui a été déclarée à la CPAM le 4 mars 2021. La société, par l’intermédiaire de son conseil, a contesté la prise en charge de cette nouvelle lésion, arguant qu’elle ne pouvait pas être considérée comme liée à l’accident initial. En réponse, la CPAM a soutenu que toutes les lésions survenues avant la guérison de l’accident de travail bénéficiaient de la présomption d’imputabilité. Expertise JudiciaireLe tribunal a ordonné une expertise médicale pour évaluer les lésions et déterminer si la nouvelle lésion était liée à l’accident. Un expert a été désigné pour examiner le dossier médical et établir un rapport sur la nature des lésions, la durée des arrêts de travail, et la relation entre l’accident et les lésions. Ce rapport a été déposé en décembre 2023, et l’affaire a été renvoyée pour plaidoirie en septembre 2024. Arguments des PartiesLa société a demandé que les soins et arrêts liés à la nouvelle lésion soient déclarés inopposables, affirmant qu’il n’existait pas de lien causal prouvé entre l’accident et cette lésion. De son côté, la CPAM a insisté sur le fait que toutes les lésions survenues avant la date de consolidation de l’accident de travail devaient être considérées comme imputables à celui-ci, sauf preuve du contraire de la part de l’employeur. Décision du TribunalLe tribunal a statué en faveur de la CPAM, déclarant que la présomption d’imputabilité s’appliquait aux soins et arrêts liés à la nouvelle lésion. Il a également condamné la société aux dépens, affirmant que celle-ci n’avait pas réussi à prouver l’absence de lien entre l’accident et la nouvelle lésion. En conséquence, la prise en charge des soins et arrêts a été déclarée opposable à la société. ConclusionLe tribunal a ainsi confirmé la décision de la CPAM de prendre en charge les soins liés à l’accident de travail et à la nouvelle lésion, tout en déboutant la société de ses demandes contraires. La société a été condamnée à payer les dépens de la procédure, soulignant l’importance de la présomption d’imputabilité dans les affaires d’accidents du travail. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur l’inopposabilité des soins et arrêts, en lien avec la nouvelle lésionL’article L.411-1 du code de la sécurité sociale établit une présomption d’imputabilité pour les accidents du travail. Il stipule que : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. » Cette présomption s’applique aux lésions initiales, à leurs complications, ainsi qu’à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident du travail ou la maladie professionnelle. Elle couvre toute la période d’incapacité, précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation. Ainsi, toutes les conséquences directes de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle doivent être prises en charge par la caisse. En l’espèce, le salarié a été victime d’un accident du travail le 24 février 2021, et une nouvelle lésion a été constatée le 4 mars 2021, soit 10 jours après l’accident. Les soins et arrêts liés à cette lésion, survenus entre l’accident et la guérison, bénéficient de la présomption d’imputabilité, sauf si l’employeur prouve l’absence de lien entre les deux. L’employeur n’a pas réussi à établir un état antérieur ou une cause étrangère. Le rapport d’expertise indique qu’il n’y a « probablement pas de lien certain direct et total avec l’accident », mais il souligne également que la nouvelle lésion pourrait avoir été exacerbée par l’accident. Le médecin conseil de la caisse confirme que la nouvelle lésion est compatible avec l’accident, et si un état antérieur existait, il a été aggravé par l’accident du travail. Ainsi, le rapport d’expertise ne renverse pas la présomption d’imputabilité, et tous les soins et arrêts, y compris ceux liés à la nouvelle lésion, sont déclarés opposables à l’employeur. Sur les dépensL’article 696 du code de procédure civile précise que : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. » Dans cette affaire, la société S.A.S [4] a succombé à l’instance. Par conséquent, elle sera tenue de supporter l’intégralité des dépens. Le tribunal, statuant en premier ressort, a déclaré opposable à la société S.A.S [4] la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines, prenant en charge l’accident du travail survenu le 24 février 2021, au préjudice du salarié. Il a également déclaré opposable à la société S.A.S [4] la prise en charge de tous les soins et arrêts consécutifs à cet accident, y compris ceux résultant de la nouvelle lésion. Les parties ont été déboutées de leurs demandes contraires ou plus amples, et la société S.A.S [4] a été condamnée aux entiers dépens. Enfin, il est précisé que tout appel de cette décision doit être interjeté dans le mois suivant la réception de la notification de la présente décision. |
Copies certifiées conformes délivrées,
le :
à :
– Société [4]
– CPAM DES YVELINES
– Me Philippe AXELROUDE
– Me Mylène BARRERE
N° de minute :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE
JUGEMENT RENDU LE VENDREDI 22 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/00390 – N° Portalis DB22-W-B7G-QSEK
Code NAC : 89E
DEMANDEUR :
Société [4]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Philippe AXELROUDE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Béatrice ARMAND, avocate au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
CPAM DES YVELINES
Service Juridique
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Marie-Sophie CARRIERE, vice-présidente
Madame [I] [O], représentante des employeurs et des travailleurs indépendants
Monsieur [Y] [Z], représentant des salariés
Madame Valentine SOUCHON, greffière
DEBATS : A l’audience publique tenue le 20 Septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 22 Novembre 2024.
Pôle social – N° RG 22/00390 – N° Portalis DB22-W-B7G-QSEK
Monsieur [N] [J], né le 09 mars 1968, a été embauché par la société S.A.S [4] le 23 janvier 2006, en qualité de mécanicien aciérie.
Le 25 février 2021, la société S.A.S [4] a renseigné une déclaration d’accident du travail le concernant, mentionnant un accident du travail survenu le 24 février 2021 à 11h30, dans les circonstances suivantes : le salarié serrait un boulon et aurait ressenti une vive douleur à l’épaule, cet évènement étant à l’origine d’un accident musculo ligamentaire épaule droite.
Par courrier du 27 septembre 2021, la caisse primaire d’assurance-maladie (ci-après CPAM ou caisse) des Yvelines a pris en charge cet accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le 04 mars 2021, une nouvelle lésion, à savoir une ténosynovite long biceps – latéralité : droite a été déclarée à la CPAM des Yvelines par monsieur [N] [J], lésion prise en charge par la caisse par décision du 27 septembre 2021.
Par lettre recommandée expédiée le 06 avril 2022, la société S.A.S [4], par le biais de son conseil, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de contester la décision implicite de rejet de la Commission médicale de recours amiable.
Par jugement en date du 5 mai 2023, le tribunal a ordonné avant dire droit une expertise confiée au docteur [H] [E] avec pour mission de : prendre connaissance de l’entier dossier médical de monsieur [N] [J] établi par la CPAM, déterminer exactement les lésions provoquées par l’accident, fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relations directe et exclusive avec ces lésions, dire si l’accident a seulement révélé ou s’il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statut initial ou a recommencé à évoluer pour son propre compte, en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n’est plus médicalement justifiée au regard de l’évolution du seul état consécutif à l’accident, rédiger un pré-rapport à soumettre aux parties, intégrer dans le rapport d’expertise final les commentaires de chaque partie concernant le pré-rapport et les réponses apportées à ces commentaires et transmettre le rapport écrit à la juridiction pour le 5 septembre 2023, le dossier étant renvoyé à l’audience du 18 septembre 2023 à 15h30.
Par ordonnance du 1er juin 2023, le docteur [P] [B] a été désigné aux lieu et place du docteur [E], le dépôt du rapport étant prorogé au 31 octobre 2023 et l’affaire renvoyée à l’audience du 13 novembre 2023 à 15h30.
Le rapport d’expertise a été déposé le 12 décembre 2023.
Le dossier a fait l’objet de plusieurs renvois, l’affaire étant finalement fixée pour être plaidée à l’audience du 20 septembre 2024.
A cette date, la société SAS [4], représentée par son conseil, a sollicité que lui soient déclarées inopposables les prestations n’ayant pas de lien certain et exclusif avec l’accident de travail survenu le 24 février 2021, ce qui revient au regard du rapport d’expertise à exclure toutes les prestations (arrêts et soins) au titre de la lésion du 4 mars 2021.
Elle expose que la nouvelle lésion apparue 10 jours après l’accident de travail ne bénéficie pas de la présomption d’imputabilité à l’accident. Elle ajoute que la CPAM ne démontre pas le lien causal entre l’accident du travail pris en charge et cette nouvelle lésion, l’expert dans son rapport relevant qu’il n’est pas possible de l’établir.
La CPAM des Yvelines, représentée par son conseil, a demandé de déclarer les lésions mentionnées sur le certificat médical initial du 4 mars 2021 imputables à l’accident du travail survenu le 24 février 2021, dire opposables à la société les soins et arrêts prescrits du 25 février 2021 au 3 mai 2021 au titre de l’accident du travail du 24 février 2021 et débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Elle expose que toutes les lésions apparues avant la date de consolidation bénéficient de la présomption d’imputabilité à l’accident du travail, la société devant rapporter pour écarter la lésion constatée le 4 mars 2021 qu’elle est le résultat d’une cause extérieure au travail ou d’un état pathologique antérieur indépendant. Elle précise à cet égard que l’expert ne peut affirmer l’absence de lien direct et total avec l’accident.
Pour un exposé des faits de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il convient de se reporter aux écritures des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 22 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur l’inopposabilité des soins et arrêts, en lien avec la nouvelle lésion :
L’article L.411-1 du code de la sécurité sociale instaure une présomption d’imputabilité, puisqu’il prévoit qu’est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
En application des articles L. 411-1, L. 431-1 et L. 433-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité s’applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident du travail ou la maladie professionnelle, pendant toute la période d’incapacité, précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement, à toutes les conséquences directes de l’accident du travail ou la maladie professionnelle. Elle fait obligation à la caisse de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail les dépenses afférentes à ces lésions.
La présomption d’imputabilité des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l’état de la victime et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire.
En l’espèce, Monsieur [N] [J] a été victime d’un accident du travail survenu le 24 février 2021 qui a été déclaré guéri le 3 mai 2021.
À la lésion initiale s’est ajoutée une nouvelle lésion suivant un certificat médical en date du 4 mars 2021 soit 10 jours après l’accident mais avant la date de guérison.
Les soins et arrêts en lien avec cette lésion survenus entre l’accident de travail et la guérison bénéficient donc de la présomption d’imputabillité posée à l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, sauf pour l’employeur de démontrer une absence totale de lien entre les deux du fait d’une cause étrangère ou d’un état antérieur.
L’employeur échoue à établir un état antérieur ou une cause étrangère au travail, le docteur [B] dans son rapport d’expertise indiquant qu’il n’y a “probablement pas de lien certain direct et total avec l’accident” tout en précisant qu’il est “probable que la ténosynovite se soit manifestée ou exacerbée brutalement le 24 février 2021 sans que le diagnostic précis ait été porté ce jour là”.
A cet égard, le médecin conseil de la CPAM des Yvelines confirme que la nouvelle lésion survenue le 4 mars 2021 est compatible avec le fait accidentel, ajoutant que s’il existait un état antérieur il a été aggravé par l’accident du travail.
En conséquence, le rapport d’expertise du docteur [B] ne permet pas de renverser la présomption d’imputabilité, de sorte qu’il y a lieu de retenir que l’ensemble des soins et arrêts, y compris ceux résultant de la nouvelle lésion, seront donc déclarés opposables à l’employeur.
Sur les dépens:
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société SAS [4], succombant à l’instance, sera tenue aux entiers dépens.
Le Tribunal, statuant en premier ressort et par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe le 22 novembre 2024;
DÉCLARE opposable à la société SAS [4] la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des YVELINES, prenant en charge au titre de la législation professionnelle l’accident du travail survenu le 24 février 2021, au préjudice de monsieur [N] [J];
DÉCLARE opposable à la société SAS [4] la prise en charge de l’ensemble des soins et arrêts consécutifs à l’accident du travail survenu le 24 février 2021, au préjudice de monsieur [N] [J], y compris ceux résultant de la nouvelle lésion déclarée le 4 mars 2021;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,
CONDAMNE la société SAS [4] aux entiers dépens.
DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de la notification de la présente décision.
La Greffière La Présidente
Madame Valentine SOUCHON Madame Marie-Sophie CARRIERE
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