Conflit autour de la gestion financière d’une copropriété

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Conflit autour de la gestion financière d’une copropriété

L’Essentiel : La société IMMOBILIERE SUISSA a été assignée par le syndicat des copropriétaires d’un immeuble à Bobigny pour obtenir la restitution d’un solde de trésorerie. Le tribunal a d’abord accédé à cette demande, mais la société a ensuite contre-attaqué en réclamant 11 624 euros, demande jugée irrecevable. En 2023, IMMOBILIERE SUISSA a sollicité un renvoi, tandis que le syndicat a demandé son déboutement. Le tribunal a rejeté la demande de renvoi, confirmé l’irrecevabilité de la demande de répétition de l’indu, et condamné IMMOBILIERE SUISSA à verser des dommages et intérêts au syndicat.

Contexte de l’affaire

La société IMMOBILIERE SUISSA, spécialisée dans la gestion de copropriété, a été assignée par le syndicat des copropriétaires d’un immeuble à Bobigny et son syndic, CEDRIC PAILLAS IMMOBILIER, pour obtenir la restitution d’un solde de trésorerie et divers documents.

Ordonnances et jugements initiaux

Le 25 septembre 2017, le tribunal a accédé à la demande des plaignants. Par la suite, le 12 avril 2018, une nouvelle assignation a été faite pour la liquidation de l’astreinte, qui a été fixée à 2 730 euros par jugement du 27 décembre 2018.

Actions de la société IMMOBILIERE SUISSA

Le 21 novembre 2019, la société IMMOBILIERE SUISSA a contre-attaqué en demandant 11 624 euros en répétition de l’indu, mais cette demande a été jugée irrecevable par le tribunal de Bobigny le 22 juin 2022, décision confirmée par la cour d’appel de Paris le 28 juin 2023.

Demandes réciproques des parties

Dans ses conclusions du 17 février 2023, IMMOBILIERE SUISSA a demandé un renvoi de l’affaire et a formulé plusieurs demandes de paiement, tandis que le syndicat des copropriétaires, dans ses conclusions du 5 avril 2024, a demandé le déboutement de IMMOBILIERE SUISSA et des dommages et intérêts.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande de renvoi de IMMOBILIERE SUISSA, a confirmé l’irrecevabilité de sa demande de 11 624 euros, et a débouté sa demande de dommages et intérêts. En revanche, il a condamné IMMOBILIERE SUISSA à verser 1 000 euros au syndicat des copropriétaires pour dommages et intérêts et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion et exécution provisoire

Le tribunal a également déclaré irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires au bénéfice de la société CPI et a condamné IMMOBILIERE SUISSA aux dépens, avec exécution provisoire de la décision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’irrecevabilité des demandes de la société IMMOBILIERE SUISSA ?

L’irrecevabilité des demandes de la société IMMOBILIERE SUISSA repose sur l’autorité de la chose jugée, conformément à l’article 1355 du Code civil, qui stipule que « la chose jugée est celle qui a été tranchée par un jugement définitif ».

Dans ce cas, la cour d’appel de Paris a confirmé que les demandes de la société IMMOBILIERE SUISSA en paiement de la somme de 11 624 euros étaient irrecevables, car elles se heurtaient à une décision antérieure.

Ainsi, l’article 472 du Code de procédure civile précise que « le juge ne fait droit à la demande que si elle est régulière, recevable et bien fondée ».

En conséquence, la société IMMOBILIERE SUISSA ne pouvait pas relancer une demande qui avait déjà été tranchée, ce qui a conduit à son débouté.

Quelles sont les conditions pour qu’une action en justice soit considérée comme abusive ?

L’article 32-1 du Code de procédure civile stipule que « le juge peut condamner la partie qui a abusé de son droit d’agir en justice à des dommages et intérêts ».

Pour qu’une action soit qualifiée d’abusive, il faut démontrer qu’elle a été engagée avec malice, mauvaise foi ou qu’elle repose sur une erreur grossière équivalente au dol.

Dans cette affaire, le tribunal a constaté que les demandes de la société IMMOBILIERE SUISSA avaient été jugées irrecevables, ce qui indique qu’elle avait engagé une procédure sans fondement.

Ainsi, le tribunal a considéré que la société IMMOBILIERE SUISSA avait commis une erreur grossière en maintenant ses demandes, entraînant un dommage pour le syndicat des copropriétaires, qui a été réparé par l’octroi de 1 000 euros de dommages et intérêts.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile dispose que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Dans cette affaire, la société IMMOBILIERE SUISSA a été condamnée à payer 2 000 euros au syndicat des copropriétaires sur le fondement de cet article.

Cette condamnation vise à compenser les frais de procédure engagés par la partie gagnante, en l’occurrence le syndicat des copropriétaires, qui a dû faire face à une action en justice jugée infondée.

Ainsi, l’article 700 permet de garantir que la partie qui a raison dans un litige ne soit pas pénalisée financièrement par les frais de justice, renforçant ainsi l’équité dans le système judiciaire.

Comment le tribunal a-t-il appliqué l’article 514 du Code de procédure civile ?

L’article 514 du Code de procédure civile stipule que « le jugement est exécutoire de plein droit, même en cas d’appel ».

Dans cette affaire, le tribunal a déclaré que le jugement était assorti de l’exécution provisoire de droit, ce qui signifie que les décisions prises, notamment celles concernant les dommages et intérêts, devaient être exécutées immédiatement, sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

Cette disposition vise à assurer que les droits des parties soient respectés sans retard, même si l’une des parties conteste la décision.

Ainsi, le tribunal a veillé à ce que le syndicat des copropriétaires puisse bénéficier rapidement des sommes qui lui étaient dues, renforçant l’efficacité de la justice.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 13 JANVIER 2025

Chambre 5/Section 3
AFFAIRE: N° RG 21/09972 – N° Portalis DB3S-W-B7F-VWER
N° de MINUTE : 25/00010

DEMANDEUR

Société IMMOBILIERE SUISSA
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Josiane CARRIERE JOURDAIN de la SELEURL CARRIERE JOURDAIN, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E0055

C/

DEFENDEURS

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 3], représenté par son syndic, le Cabinet CPI, SAS
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Laure RYCKEWAERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0688

SAS CEDRIC PAILLAS IMMOBILIER
[Adresse 4]
[Localité 2]
non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Aliénor CORON, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Zahra AIT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 18 Novembre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par Madame Aliénor CORON, Juge, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société IMMOBILIERE SUISSA exerce l’activité de syndic de copropriété.

Par acte du 21 juin 2017, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] (93) et son syndic la société CEDRIC PAILLAS IMMOBILIER (la société CPI) ont assigné la société IMMOBILIERE SUISSA devant le président du tribunal de grande instance de Bobigny statuant comme en matière de référé, afin de la voir condamner sous astreinte à lui remettre le solde de trésorerie appartenant au syndicat des copropriétaires ainsi que divers documents.

Par ordonnance du 25 septembre 2017, il a été fait droit à ces demandes.

Par acte du 12 avril 2018, le syndicat des copropriétaires et la société CPI ont assigné la société IMMOBILIERE SUISSA devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de liquidation de l’astreinte et de condamnation de la société IMMOBILIERE SUISSA à leur remettre le solde de trésorerie sous astreinte.

Par jugement du 27 décembre 2018, le juge de l’exécution a liquidé à la somme de 2 730 euros l’astreinte pour la période du 3 décembre 2017 au 3 juin 2018, condamné la société IMMOBILIERE SUISSA au paiement de cette somme, et fait droit à la nouvelle demande d’astreinte.

Par acte du 21 novembre 2019, la société IMMOBILIERE SUISSA a assigné le syndicat des copropriétaires et la société CPI devant le tribunal judiciaire de Paris, sollicitant notamment leur condamnation à lui payer la somme de 11 624 euros en répétition de l’indu, outre des dommages et intérêts.

Le dossier a été transmis au tribunal judiciaire de Bobigny pour compétence.

Par ordonnance du 22 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bobigny a jugé la demande en paiement de la somme de 11 624 euros irrecevable comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 juin 2023.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 février 2023, la société IMMOBILIERE SUISSA sollicite du tribunal de :
-Ordonner le renvoi de l’affaire à une date lointaine afin que la cour d’appel puisse statuer sur l’appel formé contre l’ordonnance du juge de la mise en état du 22 juin 2022
A défaut de renvoi,
-Condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 11 624 euros avec intérêts à compter du 8 novembre 2019, et à défaut à compter de ses conclusions
-Condamner le syndicat des copropriétaires et la société CPI solidairement ou l’un à défaut de l’autre à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts
-Condamner le syndicat des copropriétaires et la société CPI sous les mêmes modalités à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-Ordonner l’exécution provisoire.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 avril 2024, le syndicat des copropriétaires sollicite du tribunal de :
-Débouter la société IMMOBILIERE SUISSA de l’ensemble de ses demandes
-La condamner à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts
-La condamner à leur payer et à la société CPI la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-La condamner aux dépens comprenant les frais d’assignation.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera référé aux conclusions des parties pour un complet exposé des moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 octobre 2024.

La société CPI, régulièrement assignée à personne, n’a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À défaut de comparution du défendeur, l’article 472 du code de procédure civile dispose que le juge ne fait droit à la demande que si elle régulière, recevable et bien fondée.

Il ne sera répondu que dans les présents motifs aux demandes de constat et de « dire et juger » qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 768 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, qui ne doivent à ce titre pas apparaître au dispositif des conclusions des parties.

Sur l’arrêt de la cour d’appel de Paris

Il n’y a pas lieu de renvoyer l’affaire dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de Paris, qui a été rendu le 28 juin 2023, étant observé que la société IMMOBILIERE SUISSA n’a pas conclu depuis, malgré les nombreux renvois qui ont été ordonnés à cette fin.

Les demandes de la société IMMOBILIERE SUISSA en paiement de la somme de 11 624 euros ayant été jugées irrecevables, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur la demande de dommages et intérêts

Se fondant sur l’article 32-1 du code de procédure civile, la société IMMOBILIERE SUISSA sollicite la condamnation des défendeurs à lui payer la somme de 4 000 à titre de dommages et intérêts. Elle fait valoir que les procédures engagées à son encontre par ces derniers revêtent un caractère abusif dans la mesure où ils ne pouvaient ignorer qu’elles étaient infondées.

En vertu des dispositions de l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, il ressort des décisions du 25 septembre 2017 et du 27 décembre 2018 qu’il a été fait droit aux demandes du syndicat des copropriétaires et de la société CPI.

Ils ne sauraient dans ces conditions être condamnés au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et la société IMMOBILIERE SUISSA sera déboutée de sa demande en ce sens.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

Le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation de la société IMMOBILIERE SUISSA à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, faisant valoir que l’action en justice de la société IMMOBILIERE SUISSA ne pouvait aboutir, le litige ayant déjà été tranché.

En vertu des dispositions de l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, il ressort de l’ordonnance du juge de la mise en état confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 juin 2023 que la société IMMOBILIERE SUISSA était irrecevable en sa demande principale. Sa demande de dommages et intérêts reposait par ailleurs implicitement mais nécessairement sur sa demande principale.

En ne se désistant pas de l’instance et en maintenant ses demandes, la société IMMOBILIERE SUISSA a commis une erreur grossière équipollente au dol.

Cet abus dans son droit d’agir a causé au syndicat des copropriétaires un dommage consistant en une incertitude liée à la longueur de la procédure, qu’il convient de réparer par l’octroi d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les mesures de fin de jugement

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société IMMOBILIERE SUISSA, partie perdante, sera condamnée aux dépens.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires l’intégralité de ses frais de procédure non compris dans les dépens. La société IMMOBILIERE SUISSA sera donc condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande du syndicat des copropriétaires en paiement de la somme de 5 000 euros au bénéfice de la société CPI sera jugée irrecevable, le syndicat des copropriétaires n’ayant pas qualité à agir au nom de celle-ci.

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit, sans qu’il soit nécessaire de le rappeler au dispositif de la décision.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

-Déboute la société IMMOBILIERE SUISSA de sa demande de renvoi,

-Rappelle que la société IMMOBILIERE SUISSA est irrecevable en ses demandes en paiement de la somme de 11 624 euros,

-Déboute la société IMMOBILIERE SUISSA de sa demande de dommages et intérêts,

-Condamne la société IMMOBILIERE SUISSA à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] (93) la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,

-Condamne la société IMMOBILIERE SUISSA à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] (93) la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-Déclare irrecevables les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] (93) au bénéfice de la société CPI,

-Condamne la société IMMOBILIERE SUISSA aux dépens, comprenant les frais d’assignation.

Fait au Palais de Justice, le 13 janvier 2025

La minute de la présente décision a été signée par Madame Aliénor CORON, Juge, assistée de Madame Zahra AIT, greffière.

LA GREFFIERE LA JUGE

Madame AIT Madame CORON


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