Règle de droit applicableLe licenciement d’un salarié doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L1232-1 du Code du travail. La faute grave, qui justifie un licenciement sans préavis, est définie par l’article L1232-6 du même code comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié, rendant impossible son maintien dans l’entreprise. En cas de contestation, il appartient à l’employeur de prouver la réalité des faits reprochés. Prescription des faits fautifsSelon l’article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Ce délai court à partir de la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des griefs imputés au salarié, comme précisé par la jurisprudence (Cass. soc. 19 avril 2023, n°21.20-734). Insuffisance professionnelle vs. faute disciplinaireL’insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute disciplinaire, mais une cause réelle et sérieuse de licenciement, comme l’indique la jurisprudence (Cass. soc. 16 mars 2016, n°14-23.861). Le juge ne peut modifier la qualification de la rupture donnée par l’employeur dans la lettre de licenciement, qui doit être fondée sur des éléments factuels et non sur des appréciations subjectives. Obligations managérialesL’article L4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de garantir la santé et la sécurité des travailleurs, ce qui inclut la prévention des risques psychosociaux. Un mode de management inadapté, pouvant constituer une forme de harcèlement moral, engage la responsabilité de l’employeur selon l’article L222-33-2 du Code pénal. Rémunération variable et objectifsLa jurisprudence (Cass. soc. 2 décembre 2003, n°01-44.192) stipule que les objectifs conditionnant la part variable de la rémunération doivent être réalistes, réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. En cas de non-respect de ces conditions, le salarié a droit à la totalité de la part variable comme s’il avait atteint les objectifs. Indemnités de licenciementL’article L1235-3 du Code du travail prévoit que si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut accorder une indemnité au salarié, dont le montant est déterminé par un barème en fonction de l’ancienneté. La convention collective applicable peut également prévoir des indemnités spécifiques, comme stipulé dans les articles 75.3.1.2 et 75.3.3 de la convention collective nationale de la métallurgie. |
L’Essentiel : Le licenciement d’un salarié doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse. La faute grave, justifiant un licenciement sans préavis, est définie comme un fait rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. En cas de contestation, l’employeur doit prouver la réalité des faits reprochés. Aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà de deux mois après la connaissance des griefs. L’insuffisance professionnelle est une cause de licenciement, mais ne constitue pas une faute disciplinaire.
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Résumé de l’affaire : Un directeur des opérations a été recruté par la société Equip’aéro en août 2020, avec une ancienneté reprise au 24 août 2000. En octobre 2022, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave, en raison de manquements à ses obligations professionnelles, notamment dans la gestion d’un contrat clé avec la direction de la maintenance aéronautique des armées (DMAé). Ce contrat représentait une part significative du chiffre d’affaires de l’entreprise, mais a engendré des pénalités financières importantes dues à des retards et à une mauvaise gestion.
Le licenciement a été notifié le 18 octobre 2022, invoquant des manquements graves, tels que l’accumulation de pénalités de retard et l’absence de soumission de devis au client, entraînant un manque à gagner estimé entre 600 000 et 700 000 euros. De plus, des problèmes de management ont été signalés, avec des plaintes de salariés concernant un environnement de travail jugé toxique, ce qui a conduit à des démissions. Le directeur des opérations a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, demandant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’un rappel de salaire pour la rémunération variable. Le tribunal a débouté le salarié de ses demandes, mais celui-ci a interjeté appel. En appel, la cour a examiné les griefs de l’employeur et a conclu que les manquements reprochés ne constituaient pas une faute grave, mais plutôt une insuffisance professionnelle. La cour a également jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser des indemnités au salarié, y compris pour le préavis et la rémunération variable. La décision a été infirmée en ce qui concerne le licenciement, et des indemnités substantielles ont été accordées au salarié. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique du licenciement pour faute grave ?Le licenciement pour faute grave est régi par l’article L1232-6 du code du travail, qui stipule que le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement. La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pour la durée limitée du préavis. En l’espèce, le salarié a été licencié pour faute grave en raison de la mauvaise gestion du contrat DMAé et d’un mode de management inadapté. Ces motifs ont été explicitement mentionnés dans la lettre de licenciement, ce qui a permis à l’employeur de se placer sur le terrain disciplinaire. Quel est le délai de prescription pour engager des poursuites disciplinaires ?Selon l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Ce délai court à partir du moment où l’employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des griefs imputés au salarié. Dans cette affaire, la procédure disciplinaire a débuté le 3 octobre 2022, et l’employeur a eu connaissance des faits fautifs dans les deux mois précédents, ce qui signifie que les poursuites disciplinaires n’étaient pas prescrites. Quel est le critère pour établir une faute grave dans le cadre de la gestion d’un contrat ?La gestion d’un contrat doit être conforme aux obligations contractuelles et aux attentes de l’employeur. En vertu de la fiche de fonction signée par le salarié, il était de sa responsabilité de « fixer les objectifs de production » et d’assurer « la bonne exécution de la stratégie et des procédures définies avec la direction générale ». Les manquements à ces obligations, tels que l’absence de réparation des pièces dans les délais impartis et le non-traitement des pièces reçues, peuvent constituer des fautes graves si elles entraînent des conséquences significatives pour l’entreprise, comme des pénalités financières importantes. Quel est le rôle de l’employeur dans la preuve des fautes invoquées ?L’employeur a la charge de la preuve des fautes qu’il invoque pour justifier un licenciement. Cela signifie qu’il doit démontrer que les faits reprochés au salarié sont avérés et qu’ils constituent une faute. En l’espèce, l’employeur a produit des éléments tels que des états de décompte de pénalités et des courriels pour établir la mauvaise gestion du contrat DMAé. Cependant, le salarié a contesté ces éléments, arguant que les retards étaient dus à des difficultés d’approvisionnement et non à une faute de sa part. La cour a retenu que les griefs n’étaient pas établis, ce qui a conduit à l’infirmation du jugement initial. Quel est le cadre légal pour l’indemnité de licenciement en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ?L’article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut octroyer au salarié une indemnité à la charge de l’employeur. Cette indemnité est déterminée en fonction de l’ancienneté du salarié et peut varier entre un minimum et un maximum fixé par un barème. Dans cette affaire, le salarié a été licencié sans cause réelle et sérieuse, et la cour a évalué l’indemnité à 126 000 euros brut, correspondant à 14 mois de salaire brut, en tenant compte de son ancienneté de 22 ans. Quel est le principe de la rémunération variable et ses conditions d’application ?La rémunération variable est généralement conditionnée par l’atteinte d’objectifs définis par l’employeur. Selon la jurisprudence, ces objectifs doivent être réalistes, réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. En l’espèce, le salarié a contesté l’absence de notification des objectifs pour les années 2020 et 2021, ainsi que le caractère inatteignable des objectifs de 2022. La cour a retenu que le salarié avait droit à la rémunération variable pour les années 2020 et 2021, car il avait été embauché avec reprise d’ancienneté et n’avait pas été informé des objectifs pour ces années. |
01 AVRIL 2025
PF/LI
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N° RG 24/00545 – N° Portalis DBVO-V-B7I-DHJS
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[F] [Z]
C/
S.A.S. EQUIP’AERO INDUSTRIE
Grosse délivrée
le :
à
Me Véronique L’HOTE
Me Guy NARRAN
ARRÊT n°
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Sociale
La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire
ENTRE :
[F] [Z]
né le 07 Octobre 1969 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 1] / FRANCE
Représenté par Me Véronique L’HOTE, avocat au barreau de TOULOUSE
APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AUCH en date du 22 Avril 2024 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F 23/00013
d’une part,
ET :
S.A.S. EQUIP’AERO INDUSTRIE prise en la personne de son Président, actuellement en fonctions, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Guy NARRAN, avocat au barreau D’AGEN
Représentée par Me Jean-Sébastien GRANGE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Audrey CAGNIN, avocate au barreau de PARIS
INTIMÉE
d’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 14 Janvier 2025, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Pascale FOUQUET, Conseiller, qui a fait le rapport oral de l’affiare
Anne Laure RIGAULT, Conseiller,
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre elles-mêmes de :
André BEAUCLAIR, Président de chambre
en application des dispositions des article 805 et 945-1 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Laurence IMBERT
ARRÊT : l’arrêt a été mis en délibéré au 11 mars 2025. A cette dat le délibéré a été prorogé au 1er avril 2025 pour être prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par contrat de travail à durée indéterminée du 31 août 2020, M.[F] [Z] a été recruté en qualité de directeur des opérations par la société Equip’aéro – société exerçant son activité dans la conception, le développement et la production d’équipements embarqués et leur maintenance – avec reprise d’ancienneté au 24 août 2000.
La convention collective nationale de la métallurgie du 7 février 2022 étendue par arrêté du 14 décembre 2022 est applicable à la relation de travail.
Par lettre remise en main propre contre décharge du 3 octobre 2022, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 octobre 2022.
Par courrier recommandé du 18 octobre 2022, le salarié a été licencié pour faute grave pour les motifs suivants :
» Selon votre fiche de fonction, vos principales responsabilités sont de » fixer les objectifs de production et d’assurer et contrôler la bonne exé
cution de la stratégie et des procédures définies avec la direction générale. Il est mis en place les moyens et l’organisation nécessaire pour atteindre les objectifs opérationnels et financiers « .
Par vos fonctions, vous disposez d’un périmètre étendu qui vous laisse un grand champ d’action et une importante autonomie. Vous êtes, comme par le passé, membre du comité de direction.
Vous connaissez dès lors parfaitement les attendus d’un tel poste dans une petite structure telle que la nôtre (missions qui vous ont été rappelées dans la fiche de fonction).
Malheureusement, nous déplorons depuis un temps non prescrit de graves manquements à vos obligations professionnelles :
1° Contrat DMAé
La gestion du contrat DMAé, dont la bonne exécution est de votre responsabilité, révèle de graves manquements à vos obligations dont les conséquences à ce jour sont de nature à mettre en péril l’avenir même de notre entreprise.
Dès votre prise de poste, en tant que membre pivot du comité de direction (65% des effectifs de la société étant sous votre responsabilité), vous avez été alerté sur l’importance de ce marché qui représentait 35% du chiffre d’affaires pour Equip’aéro services.
Dès votre prise de poste, vous aviez tous les leviers en main pour assurer la rentabilité de ce marché et faire en sorte que ce marché soit sous contrôle. Or, la criticité de ce marché a été marquée par une notification importante de pénalité en 2021 de 60 105 euros et au cours du premier semestre 2022 de 104 293 euros.
La criticité de ce marché et l’étendue des pénalités notifiées à la société, susceptible de mettre en cause la pérennité de cette dernière et les emplois des salariés de l’entreprise, aurait dû conduire à une réaction forte de votre part afin de solutionner cette difficulté majeure.
Or, notre client DMAé nous a informé le 4 octobre 2022 par message électronique d’un nouveau montant de pénalités de retard d’un montant de 76 983 euros comme nouvelle conséquence des graves négligences sur la tenue de votre poste.
A réception de cette information, il a été demandé au service finance/ADV une analyse complète de la situation pour comprendre la nature et l’ampleur de ces pénalités.
Il ressort de cette analyse qu’entre le mois de décembre 2019 et le mois d’avril 2021, les pénalités sur ce contrat se sont élevées à 13 649 euros et votre négligence fautive a pour effet d’accroître de manière drastique le montant des pénalités qui s’élèvent entre le mois de mai 2021 et ce jour à 241 381 euros.
Une gestion appropriée de votre part de ce dossier aurait pu conduire à éviter 150 000 euros de pénalités.
Cette pénalité financière est gravement impactante pour notre structure et met directement en péril son activité et menace sa pérennité.
Par ailleurs, il apparaît également dans le cadre de l’analyse de ce dossier qu’alors que nous étions toujours sous engagement contractuel, les retards accumulés dans les ateliers sur la réalisation de la prestation n’ont pas pu permettre la soumission de 46 devis au client DMAé. Par conséquent, nous avons dû retourner ces 46 équipements au client sur les mois d’août et septembre 2022 pour un montant de manque à gagner estimé entre 600 000 et 700 000 euros pour Equip’aéro services.
De plus, du fait de vos manquements, près de 2 000 heures de travail des mécaniciens sur les équipements lors des 24 derniers mois n’ont purement pas été facturés.
Ainsi, du fait de vos manquements, les prestations de support équipement militaire pour Equip’aéro services n’ont pas été honorées. Le retard généré a été source d’importantes pénalités et votre absence de pilotage du dossier d’un manque à gagner considérable faute d’avoir pris, en votre qualité de directeur des opérations, les mesures nécessaires au redressement de la situation.
Vous n’ignorez pas que la non-résolution du problème relatif au retard de traitement des réparations des équipements et l’accumulation des pénalités afférentes pouvait conduire l’entreprise à sa faillite. Pour autant, vous n’avez pas pris en compte la dimension essentielle de ces actions, préférant mettre en place des actions de type amélioration continue, mettant ainsi en péril nos engagements contractuels.
Ce type de manquement professionnel est particulièrement grave pour un directeur des opérations dont l’essence même est de connaître en temps réel ses encours, les risques associés de pénalité et donc de tout mettre en ‘uvre pour livrer les équipements qui sont en retards au plus vite.
Ces manquements sont d’autant plus graves que nous vous avions déjà alerté sur la nature inappropriée de vos méthodes de travail. A chaque demande d’explications, vous dissimulez votre inaction par des données chiffrées sous forme de tableau excel censé répondre à toutes les attentes. Lors de notre rendez-vous bi-mensuel en tête à tête, et notamment d’un point en date du 1er septembre 2022, je vous ai sommé de me présenter des solutions concrètes. A ce titre, je vous ai demandé de me proposer une organisation optimale et efficiente de l’atelier. Je m’interrogeais sur l’opportunité de maintenir 3 niveaux hiérarchiques pour gérer 14 personnes.
A ce jour, aucun résultat probant ne m’a été présenté et cette mission n’a pas été réalisée alors qu’elle était prioritaire.
2° Mode de management
D’autre part, nous vous avons alerté à plusieurs reprises sur le fait que votre mode de management était totalement inadapté. A ce titre, il est important de rappeler que vos manquements ont eu des conséquences dommageables pour l’entreprise. Certains salariés ont préféré quitter l’entreprise que de poursuivre sous votre management.
La dimension humaine fait partie intégrante de vos responsabilités managériales. Cela est d’autant plus vrai que vous avez une grande partie des salariés de l’entreprise sous votre responsabilité et l’insatisfaction qui en découle à une conséquence directe sur le climat social et l’ambiance de travail au sein de l’entreprise.
A titre d’illustration, votre poste de directeur des opérations comprenait à l’origine, selon la fiche de poste que vous avez signé à votre embauche, le pilotage du service informatique et du service des moyens généraux.
Suite à une plainte des membres de l’équipe qui ne souhaitaient pas poursuivre au sein de l’entreprise en raison de votre mode de management jugé particulièrement toxique par les salariés, notamment envers le personnel de sexe féminin, nous sommes convenus, à titre de prévention, de vous en retirer le pilotage.
A cette occasion, il vous a été indiqué qu’un changement managérial s’imposait pour préserver la santé des salariés et que votre comportement devait changer de manière urgente compte tenu du risque psycho-social associé.
Cependant, loin de mettre fin aux problématiques managériales, nous avons dû faire face à plusieurs démissions ainsi qu’à de nouvelles situations de mal-être au travail de vos collaborateurs ou stagiaires. A l’occasion de la gestion de ces sujets par l’intervention du service RH, vos méthodes de management ont été critiquées par les intéressés.
Par ces mêmes réunions bimensuelles et notamment en date du 1er septembre 2022 vous avez, une nouvelle fois, été sommé d’adopter un comportement plus approprié avec vos équipes.
En méconnaissance de ces avertissements, vous avez poursuivi avec des façons de procéder des plus critiquables, avec exigence et sans écoute : vous génériez à tous une charge de travail conséquente sans jamais vous préoccuper des besoins et attentes de vos équipes.
A la suite d’une alerte des collègues de travail préoccupés par l’état de santé, le service RH a reçu le 6 septembre 2022 un collaborateur. Il a été constaté que le salarié présentait les premiers signes d’épuisement professionnel avec insomnies, réactions vives et pas toujours appropriées, dépit et sentiment d’impasse. Il n’avait plus envie de venir sur le site et songeait à quitter l’entreprise. Ce sentiment n’était pas isolé et les alertes départ de membres de vos équipes se sont multipliés. A titre de précaution et de prévention, cette alerte a donné lieu à une enquête du service RH relatif au bien-être du middle management en vue d’éviter des situations de burn-out ou de départ de l’entreprise.
Lors des entretiens qui se sont déroulés du 12 au 19 septembre 2022, les retours des salariés concordent sur le constat de votre management inapproprié. Le ressenti global particulièrement éloquent résume l’ensemble des griefs que les collaborateurs autant que votre hiérarchie vous reprochent en ce qui concerne votre management : manque d’écoute, absence de support, absence de considération technique de la discipline managée, charge représentée pour des tâches sans valeur ajoutée, aucun sens des priorités, beaucoup de points ouverts sans visibilité sur leur échéance, aucune solution trouvée mais toujours de nouvelles demandes occasionnant de nouveaux problèmes. Si certains ont adopté des méthodes de contournement pour éviter de subir vos écueils, d’autres épuisés envisagent sérieusement de quitter l’entreprise.
Le bien-être au travail de nos collaborateurs est une de nos priorités.
Nous vous rappelons qu’en vertu de l’article L 4122-1 du code du travail, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Un mode de management tel que le vôtre serait de nature à constituer une forme de harcèlement moral sanctionné par l’article L.222-33-2 du code pénal. Il engage la responsabilité de son auteur mais aussi celle du dirigeant.
Votre management vient en infraction de notre obligation de prévention et de sécurité et ne permet plus d’envisager votre maintien au sein de notre société.
L’ensemble de ces manquements professionnels constitue une faute grave rendant impossible votre maintien dans l’entreprise, même pendant la durée limitée d’un préavis. »
Par requête introductive d’instance enregistrée au greffe le 23 janvier 2023, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’Auch pour obtenir un rappel de salaire au titre de la rémunération variable, voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en condamnation de l’employeur aux indemnités de rupture ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.
Par jugement contradictoire rendu le 22 avril 2024, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil de prud’hommes d’Auch siégeant en formation de départage à :
– Débouté M. [Z] de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamné M. [Z] à payer à la société Equip’aéro Industrie la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné M. [Z] au payement des dépens de l’instance.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 14 mai 2024, M. [Z] a régulièrementformé appel de l’entier jugement en désignant la société Equip’aéro Industrie en qualité de partie intimée et en visant les chefs de jugement critiqués qu’il cite dans sa déclaration d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2024 et l’affaire fixée pour plaider à l’audience du 14 janvier 2024.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
A) Moyens et prétentions de M. [Z], appelant
Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 3 décembre 2024, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions par application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [Z] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande tendant à voir juger son licenciement comme étant dénué de cause réelle et sérieuse,
– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité compensa-trice de préavis à hauteur de 54.000 ‘, outre 5 400 ‘ de congés payés y afférents,
– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité conven-tionnelle de licenciement à hauteur de 115 779 ‘,
– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et inté-rêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 150 000 ‘,
– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et inté-rêts pour licenciement vexatoire à hauteur de 54 000 ‘,
– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable 2020, 2021, 2022, outre les congés payés afférents,
– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à régler à la société la somme de 1.200 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
– Dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
– Condamner la société Equip’aéro Industrie à lui régler :
* Indemnité compensatrice de préavis : 54 000 ‘ et 5 400 ‘ de congés payés y affé-rent ;
* Indemnité conventionnelle de licenciement : 115 779 ‘ ;
* Dommages et intérêts sans cause réelle et sérieuse : 150 000 ‘ ;
* Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 54 000 ‘ ;
– Condamner la société Equip’aéro Industrie à lui régler un rappel de salaire de 32400 ‘ au titre de la rémunération variable 2020-2021-2022 outre 3240 euros de congés payés y afférents ;
– Condamner la société Equip’aéro Industrie à lui verser la somme de 5 000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouter la société Equip’aéro Industrie de l’intégralité de ses demandes et la con-damner aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, M. [Z] fait valoir que :
1° Sur le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
– l’employeur n’apporte pas la preuve des fautes qu’il invoque ;
– s’ils sont avérés, les faits ne caractérisent pas une faute mais une insuffisance professionnelle.
a) Sur le grief relatif à la mauvaise gestion du contrat DMAé
– les faits sont prescrits : la société s’est vue appliquer des pénalités de manière récurrente depuis 2020 et en a toujours négocié la réduction voire l’annulation, le courrier du 3 octobre 2022 n’étant qu’un élément de transfert d’éléments chiffrés antérieurs ;
– toutes les relations avec le client DMAé sont traitées par le service commercial, qui gère les problèmes de retard depuis le début de l’activité, effectue des rapports et expliquent les causes et les actions menées ;
– sur le non-traitement des pièces reçues et l’émission de devis avant la fin du marché en février 2022 pour toutes les pièces du marché :
* il a alerté la société sur la criticité économique du contrat et l’absence de rentabilité sur de nombreuses réparations ;
* il n’émet pas les devis ;
* le retour des 46 équipements est dû à un coût de réparation trop élevé (2 463 470 euros pour des équipements d’une valeur de 346 037 euros) et à des délais d’approvisionnement trop longs qui ont conduit le client à les réformer et à demander leur retour. Pour parvenir à la marge de 600 000 euros figurant dans la lettre de licenciement, le client DMAé aurait dû consentir des devis sept fois supérieurs aux prévisions du contrat ;
* la décision de rupture du contrat a été prise indépendamment de la situation de retard.
b) Sur le grief relatif au mode de management inadapté
– les faits sont prescrits : la société en a eu connaissance avant le mois de septembre 2022 ;
– il n’a pas de lien hiérarchique avec Mme [L] qui n’a signalé aucune difficulté lors de son entretien avec son supérieur hiérarchique [H] [S] le 10 janvier 2022
– le mal-être de Mme [L] est antérieur aux faits dénoncés et sans lien avec le management exercé ;
– il n’est pas responsable de la charge de travail laquelle est liée au niveau demandé d’activité partielle depuis 3 ans
– il verse en ce sens les entretiens annuels 2021 de ses collaborateurs pour démontrer qu’aucune difficulté le mettant en cause n’a été signalée
– il verse de nombreuses attestations démontrant sa compétence professionnelle et son mode de mangement bienveillant
– les départs de MM. [D] et [R] sont des démissions pour motifs personnels ;
– l’activité de la société n’a pas repris postérieurement à la crise du COVID, la baisse du résultat est constante, un ajustement des effectifs apparaît nécessaire à la survie de la société, ce qui explique les nombreuses démissions survenues au sein de la société
– son licenciement pour faute dissimule le motif économique de la suppression de son poste
– malgré la sommation qui lui a été délivrée, la société n’a pas communiqué le registre des entrées et sorties du personnel et les départs se poursuivent
– les comptes de 2021 à 2023 n’ont pas été publiés
– l’évolution du chiffre d’affaires entre 2016 et 2020 font état d’une baisse constante du résultat de la société alors que l’activité aéronautique a repris en 2021
2° Sur les conséquences pécuniaires de la rupture
– Il a subi un préjudice :
– son employeur a modifié son contrat de travail en le rétrogradant
– il n’a pas retrouvé d’emploi et est toujours indemnisé par Pôle emploi depuis 2023
– son licenciement est survenu dans des conditions vexatoires. Il verse un certificat médical
– la jurisprudence citée par l’employeur ne s’applique pas en l’espèce. Son contrat de travail corroboré par le courriel du 9 juin 2020 vise une stricte reprise d’ancienneté et non un renvoi au calcul d’une indemnité fixée contractuellement ou conventionnellement.
3° Sur le rappel de rémunération variable due sur les trois derniers exercices
– aucun objectif n’a été fixé pour les années 2020 et 2021
– les objectifs de 2022 sont inatteignables, potestatifs et tardifs car communiqués le 31 mars de l’année en cours
– a situation financière obérée de la société n’étant pas établie et ne justifiant pas le manquement de l’employeur.
B) Moyens et prétentions de la société Equip’aéro industrie, intimée
Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 18 décembre 2024, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions par application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Equip’aéro industrie demande à la cour de :
– la recevoir dans ses écritures ;
– les dire recevables et bien-fondées ;
Confirmer le jugement rendu dans toutes ses dispositions ;
– juger irrecevables ou injustifiées les demandes de M.[Z] ;
– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [Z] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [Z] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
1° Sur le licenciement
a) Sur le grief relatif à la mauvaise gestion du contrat DMAé
– les faits ne sont pas prescrits : c’est le courriel du 3 octobre 2022 qui l’a informée du montant de nouvelles pénalités de retard, ce qui l’a conduit à engager la procédure de licenciement le jour même ;
– elle est fondée à reprocher au salarié des faits antérieurs de même nature lesquels se sont poursuivis ;
– les délais de réparation fixés contractuellement n’ont pas été respectés, si bien qu’elle a été exposée à des pénalités de retard :
* le salarié n’a pris aucune mesure pour lui permettre de respecter ses engagements, en dépit de l’accumulation des retards et des pénalités correspondantes versées (6 500 euros entre le début du contrat et janvier 2021, 62 359 euros en 2021, 104 293 au 1er semestre 2022 et 70 000 euros en octobre 2022), alors qu’il en avait la charge en application de sa fiche de poste et de sa qualité de directeur des opérations ;
* les indemnités des tranches TC4 à TC5 correspondent aux indemnités réceptionnées après l’entrée en fonction du salarié et lui sont dès lors exclusivement imputables ;
* le salarié est également responsable des pénalités antérieures à son entrée en fonction puisqu’il n’a pris ensuite aucune mesure pour accélérer les réparations afin de minimiser les pénalités ;
* le courriel du 3 octobre 2022 a informé le salarié de l’existence de nouvelles pénalités de retard, confirmant son inaction et son attitude fautive car il n’a pris aucune mesure pour y remédier
– des prestations ont été réalisées sur plusieurs pièces sans qu’aucun devis n’ait été accepté par le client ;
* le salarié n’a pas organisé la production afin que l’ensemble des devis soient établis avant la fin du marché, de sorte qu’elle a émis 46 devis postérieurement à la date de fin du marché, qui ont tous été rejetés, soit une perte de chiffre d’affaires égale à 2 500 000 euros et une perte de marge d’environ 600 000/700 000 euros. S’il incombe au service commercial d’éditer les devis, le travail préalable d’étude des pièces et de détermination du caractère réparable et l’avancée de ces opérations incombait au salarié et n’a pas été effectué ;
* informée le 3 octobre 2022 de nouvelles pénalités, elle a découvert que de nombreuses heures de travail avaient été effectuées sur des pièces sans devis signé par le client, ce qui établit l’absence totale d’organisation dans la réalisation des prestations;
– ces manquements lui ont été particulièrement préjudiciables, le client DMAé a cessé toute relation commerciale avec elle ;
– le salarié a été alerté sur la situation et la nature inapproprié de ses méthodes de travail
– consistant à ne pas prendre de décision stratégique malgré les sollicitations de ses subordonnés
– à dissimuler son inaction par des tableaux excel sensés répondre à toutes les attentes ;
– l’importance des pénalités et leur récurrence caractérisent un manque d’attention et un désintérêt du salarié constituant des manquements disciplinaires et non une insuffisance professionnelle ;
– il importe peu que le service commercial ait pu obtenir une diminution des pénalités, qui s’élèvent à plus de 250 000 euros, ce qui ne remet pas en cause le comportement fautif du salarié ;
– indépendamment des relations avec le client, gérées par le service commercial, et même si elle était informée des difficultés, il est reproché au salarié de n’avoir pris aucune mesure pour fixer des objectifs de production conforme au contrat DMAé et de ne pas avoir pris des mesures pour gérer les dysfonctionnements ou améliorer l’organisation ;
– la criticité du marché et le caractère irréparable des pièces ne sont pas établis et ne justifient pas l’inaction du salarié, qui chiffre lui-même les conséquences financières de son inertie à plus de 2 millions d’euros.
b) Sur le grief tenant à un mode de management inadapté
– le management est inclus dans sa fiche de poste
– à la suite de la plainte de 4 salariés, notamment celle de Mme [L] ancienne salariée, le management de deux services lui a été retiré le 14 février 2022 sans qu’il s’y oppose
– les faits ne sont pas prescrits : elle a reçu des alertes dès le 9 février 2022 puis le 6 septembre 2022 ; les entretiens entre le service des ressources humaines et les salariés sous la supervision de M. [Z] se sont tenus entre le 12 et le 19 septembre 2022, soit moins de deux mois avant la convocation à l’entretien préalable du 3 octobre 2022
– les entretiens réalisés du 12 au 19 septembre 2022 dans le cadre de l’enquête relative au bien-être du middle management corroborent le management inadapté ;
– les salariés n’ont pas fait part de leur-mal être dans le cadre des entretiens annuels conduit par le salarié car ils craignaient sa réaction ;
– aucune des attestations versées aux débats par le salarié n’émane d’un salarié de l’entreprise, hormis celle de M. [V], qui est l’ami de M. [Z] et l’a fait recruter dans des conditions très avantageuses
– l’existence de difficultés économiques ne prive pas les agissements du salarié de leur caractère fautif
2° Sur les conséquences pécuniaires de la rupture
– les prétentions du salarié excédent le plafond du barème de l’article L.1235-3 du code du travail
– le salarié ne justifie pas d’un préjudice lui permettant de prétendre au plafond indemnitaire
– l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse doit être minorée en considération de la somme de 115 779 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
– la clause de reprise d’ancienneté d’origine contractuelle s’analyse en une clause pénale qui aboutit à des conséquences manifestement excessives :
* l’ancienneté du salarié est multipliée artificiellement par 11, avec des répercussions importantes en terme indemnitaire;
* le demandeur ne souffre pas d’un préjudice justifiant l’octroi de ces sommes ;
* la situation financière dégradée de la société rend la clause d’autant plus excessive
– la convention collective prévoit une indemnité de préavis à hauteur de six mois pour les salariés ayant 5 ans de présence effective dans l’entreprise. Cette condition n’est pas remplie par M. [Z] et ne peut être suppléée par la clause de reprise d’ancienneté
– le salarié n’a justifié ni des circonstances vexatoires de son licenciement ni d’un préjudice subi
3° Sur le rappel de rémunération variable
– le salarié a rejoint la société en août 2020 et l’a quittée en octobre 2022. Il ne peut donc prétendre au paiement d’une rémunération variable pour trois années complètes
– les objectifs 2022 ont fait l’objet d’une lettre d’objectifs. Ils n’ont pas été atteints, raison pour laquelle le salarié n’en n’a pas bénéficié en 2022
– sur la période, aucun salarié n’a bénéficié d’une rémunération variable en raison de la situation financière obérée de la société
I – Sur le rappel de rémunération variable
Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que les objectifs individuels et collectifs d’un salarié conditionnant la part variable de sa rémunération, peuvent être définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction et que les objectifs doivent être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.
Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, ils doivent être réalistes et réalisables (Cass. soc. 2-12-2003 n° 01-44.192 F-D ; Cass. soc. 13-1-2009 n° 06-46.208 FS-PB) et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (Cass. soc. 2-3-2011 n° 08-44.977 FP-PB), sauf si des circonstances particulières rendent impossible leur fixation à cette date. À défaut, le montant maximal prévu pour la part variable doit être payé intégralement au salarié comme s’il les avait réalisés. (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-17.063).
En l’espèce, en vertu des dispositions de l’article 4 » convention de forfait jours » du contrat de travail signé entre les parties, la rémunération du salarié : » se décompo-sera de la manière suivante :
– Une rémunération fixe forfaitaire mensuelle brute de base : 9 000 euros soit 108 000 bruts annuels (sur douze mois).
– Une rémunération variable : prime annuelle éventuellement versées selon l’atteinte des objectifs versés annuellement par » lettre d’objectifs « , à hauteur de 10% de la rémunération fixe du salarié.
Cette rémunération correspond à un système de forfait jour conforme à la convention collective applicable dans l’entreprise pour 216 jours travaillés par année civile. L’année civile s’entend du 1er janvier au 31 décembre. « .
Dans la lettre d’objectifs individuels du 30 mars 2022, émargée par le salarié, il est prévu au paragraphe » Principes de fonctionnement » que : » La rémunération variable est conçue pour récompenser la contribution du directeur des opérations aux performances d’EQUIP’AERO SERVICES et d’EQUIP’AERO TECHNIQUE durant l’année. Cette performance est mesurée grâce à des objectifs quantitatifs.(‘).
La rémunération variable est composée à 100 % d’objectifs quantitatifs.
Pour l’année 2022, les objectifs quantitatifs sont les objectifs de chiffre d’affaires hors taxe facturé déduction faite des remises, commissions et éventuelles pénalités sur le périmètre de responsabilité.
Le calcul est réalisé le 30 avril de chaque année selon arrêté de comptes à cette date. »
Au paragraphe » II Objectifs et périmètre associé « , il est prévu que : » L’objectif de CA sera atteint à 100 % pour un CA global EAS et EAT de 9 721 010 ‘ sur l’année 2022. « .
L’employeur produit le courriel du 22 mai 2023 émanant du responsable comptable, M. [M], à Mme [K] mentionnant que, sur les périodes de 2020 à 2022, aucune part variable n’avait été versée par la société mais sans que ce courriel justifie de l’absence d’atteinte des objectifs quantitatifs.
L’employeur ne justifie pas non plus de la notification de lettres d’objectifs au salarié en 2020 et 2021. M. [Z] a été embauché avec reprise d’ancienneté au 24 août 2000 et a été licencié le 18 octobre 2022. En conséquence, la rémunération variable lui est due pour l’année 2020, compte tenu de sa reprise d’ancienneté ainsi que pour l’année 2021.
La cour condamne la société Equip’aéro à payer à M. [Z] la somme de 21 600 euros de ce chef outre la somme de 2 160 euros de congés payés afférents et infirme le jugement entrepris.
Au paragraphe « IV Conditions générales d’application », il est prévu que: » Tout départ en cours d’année n’ouvrira pas droit au versement du plan bonus, (‘) quelle que soit la cause et quel que soit l’auteur de la rupture, à l’exception des ruptures conventionnelles, des transferts, des départs à la retraite, des décès « .
En conséquence, en application del adipsoition conventionnelle, le licenciement n’étant pas prévu au nombre des exceptions, la cour déboute M. [Z] sa demande au titre de l’année 2022. Le jugement sera confirmé
II – Sur le licenciement
Il résulte de l’article L1232-6 du code du travail que le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement.
En l’espèce, aux termes de sa lettre de licenciement, l’employeur s’est placé sur le terrain de la faute et donc sur le terrain disciplinaire.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pour la durée limitée du préavis.
L’insuffisance professionnelle correspond à une cause réelle et sérieuse du licenciement sans pouvoir être qualifiée de faute disciplinaire à défaut d’élément » moral » caractéristique de la faute.
Le juge ne peut modifier la qualification de la rupture donnée par l’employeur aux termes de sa lettre de licenciement.
Par courrier du 18 octobre 2022, qui fixe les limites du litige, M. [Z] a été licencié pour faute grave par l’employeur lui reprochant :
– une mauvaise gestion du contrat DMAé
– un management inadapté
A-Sur la gestion du contrat avec la direction de la maintenance aéronautique des armées (DMAé)
* Sur la prescription du grief
En vertu de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.
Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites (Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2023 n°21.20-734).
Le délai court du jour où l’employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des griefs imputés au salarié (Cour de cassation, chambre sociale, 8 décembre 2021 n°20-15.798).
Cet article ne s’oppose pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où les agissements de même nature du salarié se sont poursuivis ou réitérés jusqu’à moins de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires (Cour de cassation, chambre sociale, 19 janvier 2017 n°15-24 .404).
Pour le point de départ du délai d’engagement de la procédure disciplinaire, le supérieur hiérarchique qui a connaissance des faits fautifs d’un salarié doit être considéré comme l’employeur même s’il n’est pas titulaire du pouvoir disciplinaire [Cour de cassation, chambre sociale, 23 juin 2021 n° 20-13.762].
En l’espèce, la procédure disciplinaire a débuté le 3 octobre 2022, par la remise en main propre contre décharge à M. [Z] de la convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Cette remise intervient le jour même de l’envoi d’un courriel de Mme [E], du service client, récapitulant l’ensemble des pénalités financières supportées par la société Equip’aéro au titre de l’exécution du contrat DMAé depuis octobre 2020.
Une partie importante desdites pénalités a déjà été portée précédemment à la connaissance de l’employeur, par les états de décompte de pénalités envoyés régulièrement par la direction de la maintenance aéronautique des armées à la société entre le 17 mars 2020 et le 17 octobre 2022.
La connaissance de l’existence et du montant exact des pénalités par l’employeur à la fin du mois de juin 2022 est corroborée par les courriers et courriels de M. [G], directeur des ventes, des 7 janvier 2022, 11 mai 2022, 12 mai 2022 et 29 juin 2022.
Toutefois, les pénalités d’octobre 2022 ont été portées à la connaissance de l’employeur par les états de décompte des 17 octobre 2022, anticipés par le courriel de Mme [E] du 3 octobre 2022, lequel indique de nouvelles pénalités, respectivement de 44 193 euros hors taxes pour la tranche n°4 et de 28 854 euros hors taxes pour la tranche n°5.
Il est dès lors établi que la société Equip’aéro a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des pénalités de retard liées au contrat DMAé par le courriel de Mme [E] du 3 octobre 2022.
C’est également ce courriel qui a permis à la société d’avoir connaissance de la poursuite et de l’augmentation des pénalités de retard attachées à ce contrat, soit des agissements de même nature que ceux dont elle était déjà informée.
M. [Z] a ainsi été mis à pied le jour même de l’information à la société de la poursuite et de l’ampleur exacte des agissements de même nature que ceux qui lui étaient reprochés. Les poursuites disciplinaires diligentées par l’employeur ne sont dès lors pas prescrites.
Sur le fond
Alors que M. [Z] conteste le premier grief tenant à la mauvaise gestion du contrat DMAé, l’employeur, sur lequel pèse la charge de la preuve, le décline en trois moyens :
1- l’absence de réparation des pièces dans le délai imparti
2- le non-traitement des pièces reçues
3- la réalisation de prestations non acceptées par le client
1 – L’absence de réparation des pièces dans les délais
L’employeur produit :
– les états de décompte de pénalités dressés par la direction de la maintenance aéronautique des armées des 17 mars 2020, 27 octobre 2020, 22 janvier 2021, 23 avril 2021, 26 avril 2021, 31 août 2021, 3 septembre 2021, 10 novembre 2021, 15 mars 2022, 12 mai 2022, 24 mai 2022, 17 novembre 2022.
– la fiche de fonction signée entre les parties et annexée au contrat de travail, en sa qualité de directeur des opérations, M. [Z] avait pour fonction de » fixer les objectifs de production au niveau du groupe Equip’aéro et d’assurer le contrôle de la bonne exécution de la stratégie et des procédures définies avec la direction générale. Il met en place les moyens et l’organisation nécessaire pour atteindre les objectifs opérationnels et financiers « .
A ce titre, il lui incombait de » piloter le service achat et logistique : suivre et garantir la cohérence, l’efficacité et la performance des fonctions achats, sous-traitance et logistique.
Piloter la production : fixer les objectifs de production des ateliers et des lignes de fabrication et gérer, en partenariat avec le responsable production, les dysfonctionnements prévisibles ou constatés.
Construire, améliorer et analyser les indicateurs de performance et prendre les mesures de réajustement nécessaires pour améliorer la production. « .
Il était expressément attendu de M. [Z] qu’il » analyse les résultats et faits techniques justifiants les coûts de revient et évalue les temps gammés et la mise à jour dans l’ERP « , et qu’il » garantisse son processus afin de comprendre et remplir les exigences, de le considérer en termes de valeur ajoutée, de mesurer sa performance et son efficacité et de l’améliorer en permanence sur la base de mesures objectives « .
Il incombait donc à M. [Z], en sa qualité de directeur des opérations, la responsabilité de mettre en place les moyens et l’organisation nécessaires pour atteindre les objectifs et d’assurer l’efficacité et la performance, allant jusqu’à garantir le processus et l’améliorer en permanence.
La société Equip’aéro vise, dans la lettre de licenciement de » graves négligences sur la tenue de votre poste « , la » négligence fautive du salarié » et une gestion inappropriée « .
Il apparaît à la lecture des courriers de M. [G], directeur commercial, des 11 mai 2021, 12 mai 2022 et 29 juin 2022 que l’employeur attribue ces retards, non à une faute à caractère volontaire de la part du salarié, mais à des difficultés d’approvisionnement auprès des constructeurs d’origine et au manque de pièces disponibles sur les marchés s’agissant d’équipements vieillissants.
Ces difficultés d’approvisionnement sont corroborées par le courriel de M.[A] du 22 avril 2022, lequel souligne » nous avons vu certaines pièces à récupérer, mais malheureusement il n’y a pas de miracles « , par les courriels de M.[G] du 29 avril 2022, lequel souligne l’existence de délais annoncés le 14 avril qui ne sont pas améliorables malgré l’existence de renégociation de délais avec la société Safran, et du 28 avril 2022, qui revient sur l’identification des pièces détachées » prélevables » et récupérables, par le courriel de M. [S] du 20 avril 2022, lequel expose les pistes envisagées pour parvenir à obtenir des pièces détachées et par l’attestation de M. [V], ancien directeur général de la société, du 20 novembre 2022, lequel témoigne que le prix et le délai d’approvisionnement des pièces sont en forte augmentation du fait du vieillissement des produits.
Le grief n’est pas donc établi ne présentant aucun caractère volontaire de la part du salarié.
Il ne s ‘agit donc pas d’une faute mais d’une insuffisance professionnelle.
2 – Sur le non-traitement des pièces reçues
Il est reproché à M. [Z] que : » les retards accumulés dans les ateliers sur la réalisation de la prestation n’ont pas pu permettre la soumission de 46 devis au client DMAé. Par conséquent, nous avons dû retourner ces 46 équipements au client « .
Aucun des éléments produits aux débats ne permet d’établir l’existence de retards accumulés dans les ateliers.
S’il est établi par le courriel de M. [Z] du 21 juillet 2022 que 46 équipements ont été retournés en l’état au client et que l’absence d’établissement des devis n’est pas contesté, aucun des éléments versés aux débats ne permet d’imputer que cette absence serait constitutive d’une faute imputable à M. [Z].
Le courriel de M. [S] » CR CODIR » du 20 avril 2022 souligne au contraire l’impuissance de la société Equip’aéro face aux problèmes suscités par la livraison de l’encours : » la DMAé est furieuse, mais sans action de leur part auprès de Safran nous n’avons pas de solution « .
Ce courriel explique cette impasse par le prix des pièces détachés et le délai de livraison de ces pièces, entre 300 et 400 jours. Ces difficultés de prix et de délais sont corroborées par le courriel de M.[S] » DAMé- situation de crise » du 20 avril 2022, les courriers de la société au client des 11 mai 2021 et 29 juin 2022, le courriel de M. [G], directeur des ventes, du 29 avril 2022, et les courriels échangés entre M. [Z] et M. [S] le 22 avril 2022. Par courriel du 22 avril 2022, M. [S], directeur général, a expressément donné pour instruction à M. [Z] de » rester en BER dans ce cas-là et ne rien lancer ni ne rien communiquer comme piste « .
Le grief n’est dès lors pas établi et n’est pas de nature à constituer une faute car il ne présente aucun caractère volontaire.
3 – Sur la réalisation de prestations sans devis accepté par le client
Au soutien de ses prétentions, la société Equip’aéro verse aux débats un fichier excel, soit une trentaine de pages parfaitement illisibles.
Il ressort néanmoins des conclusions de l’employeur que les heures de travail incriminées sont, selon lui, la conséquence de la gestion défectueuse des ateliers imputée à M. [Z].
Il ne ressort pas de ce grief un quelconque caractère volontaire.
En conséquence, le grief n’est pas établi.
B – Sur le management
Sur la prescription du grief
En vertu de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.
Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites (Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2023 n°21.20-734).
En l’espèce, la procédure disciplinaire a débuté le 3 octobre 2022.
L’employeur a reçu une alerte le 6 septembre 2022. Il résulte du courriel échangé entre Mme [K], DRH et M. [S], directeur, que M. [Z] est en cause : » il faut lancer des entretiens avec l’ensemble des N-1 de [F] afin de faire le point sur la situation.Il y a déjà eu deux démissions dans ses n-1, je n’en veux pas une troisième « .
L’employeur a réalisé du 12 au 27 septembre 2022 des points RH avec les 10 collaborateurs de M. [Z] desquels il ressort des difficultés de positionnement et de management de la part de ce dernier.
Il ressort des éléments ainsi versés aux débats que l’employeur a eu connaissance des agissements du salarié en septembre 2022 soit dans le délai de deux mois prévu par le texte. Les faits ne sont pas prescrits.
Sur le fond,
L’employeur produit :
– les courriels du 6 septembre 2022 entre Mme [K] et M. [S]
– le tableau de synthèse des entretiens entre Mme [K] et les collaborateurs du salarié
– le courriel de Mme [L] du 18 mai 2023
– les organigrammes
– l’attestation de Mme [C]
La cour rappelle que l’objectif premier du management est d’améliorer la performance. Globalement , le management est un ensemble de techniques qui permettent de gérer, organiser, diriger, contrôler et planifier les différentes activités de l’entreprise.
En l’espèce, l’employeur reproche à M. [Z] des carences managériales à l’origine de plaintes et du départ de plusieurs de ses collaborateurs.
Or, de telles carences ne relèvent pas d’un acte volontaire mais d’une insuffisance professionnelle et ne sont donc pas constitutives d’une faute.
En conséquence, le grief n’est pas établi.
Le jugement est dès lors réformé en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande tendant à voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
III – Sur les conséquences pécuniaires de la rupture
En l’espèce, les parties liquident leurs prétentions sur un salaire mensuel non contesté de 9 000 euros brut, soit le montant du salaire mensuel fixe contractuellement convenu entre les parties.
* Sur l’indemnité compensatrice de préavis
En application des dispositions de l’article L.1234-5 du code du travail, le salarié qui n’est pas licencié pour faute grave peut prétendre au payement d’une indemnité compensatrice lorsqu’il n’exécute pas son préavis, sans préjudice de l’indemnité de congés-payés sur cette période, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application de l’article 75.2.1 de la convention collective nationale applicable, la durée du préavis est de 2 mois pour le salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté.
En l’espèce, la présence de M. [Z] dans l’entreprise est de 2 ans, soit un préavis de 2 mois correspondant à une indemnité compensatrice de préavis de 18 000 euros brut, outre 1 800 euros de congés-payés afférents, sommes auxquelles l’employeur sera condamné. Le jugement entrepris sera infirmé
* Sur l’indemnité de licenciement.
En application des articles 75.3.1.2 de la convention collective nationale applicable, il est prévu au paragraphe » Groupes d’emplois F, G, H et I » que :
» Pour les salariés dont l’emploi relève des groupes d’emplois F, G, H et I, l’indemnité de licenciement, sans pouvoir dépasser un montant égal à 18 mois de salaire de référence, est au moins égale à un montant fixé comme suit :
1° Pour un salarié dont l’ancienneté est inférieure à 8 ans : 1/4 de mois de salaire de référence par année d’ancienneté ;
2° Pour un salarié dont l’ancienneté est au moins égale à 8 ans :
a) 1 / 5 de mois de salaire de référence par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 7 ans ;
b) 3 / 5 de mois de salaire de référence par année d’ancienneté pour les années à partir de 7 ans
(…) »
Selon l’article 75.3.3 de la même convention collective, » Majoration et planchers ou minoration de l’indemnité de licenciement des salariés relevant des groupes d’emplois F, G, H et I « , il est prévu que :
» Lorsque l’emploi du salarié relève des groupes d’emplois F, G, H ou I à la date à laquelle l’employeur a manifesté la volonté de le licencier, le montant de l’indemnité de licenciement calculé conformément à l’article 75.3.1.2 et l’article 75.3.2 de la présente convention est majoré :
– de 20 % pour les salariés âgés de 50 ans à moins de 55 ans et justifiant de 5 ans d’ancienneté, sans pouvoir être inférieur à 3 mois de salaire de référence ;
– de 30 % pour les salariés âgés de 55 ans à moins de 60 ans et justifiant de 5 ans d’ancienneté, sans pouvoir être inférieur à 6 mois de salaire de référence.
Le montant, résultant des alinéas précédents, ne peut pas dépasser un montant égal à 18 mois de salaire de référence.
(…) »
En l’espèce, le contrat de travail signé entre les parties prévoit une reprise d’ancienneté au 24 août 2000, soit une ancienneté de 22 ans.
En vertu des dispositions de l’article 1134 du code civil, cette convention légalement formée tient lieu de loi aux parties et ne peut être révoquée.
En application des articles précités de la convention collective applicable, le salarié bénéficie d’une ancienneté supérieure à 8 ans, soit 22 ans, est âgé de 54 ans au moment du licenciement a droit à une indemnité est ainsi calculée : 1/5 de mois de salaire jusqu’à 7 ans et 3/5 de mois de salaire à partir de 7 ans, indemnité majorée de 20%, soit une indemnité de licenciement égale à 115 779 euros brut.
Lorsque l’indemnité de licenciement est prévue par le contrat de travail, elle présente le caractère d’une clause pénale et peut être réduite par le juge en vertu de l’article 1152 du code civil si elle présente un caractère manifestement excessif (Cour de cassation, chambre sociale, 16 mars 2016 n°14-23.861).
La société Equip’aéro a volontairement consenti au salarié une reprise d’ancienneté, dont le quantum a donné lieu à des négociations entre les parties. Cet accord contractuel tient désormais lieu de loi aux parties signataires, l’importante majoration des indemnités qui en résulte n’est dès lors pas artificielle, contrairement à ce que soutient l’employeur.
Elle n’est pas non plus disproportionnée en raison de son ancienneté.
La société sera dès lors déboutée de sa demande de réduction et condamnée à payer la somme de 115 779 euros brut.
* Sur l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
L’article L. 1235-3 du code du travail prévoit : » Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous. »
L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice lié à la perte injustifiée de l’emploi.
Selon le barème susvisé, pour une ancienneté de 22 ans, le salarié peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 mois et 16,5 mois de salaire.
Le salarié, débauché par la société de son précédent poste, licencié deux ans plus tard, à 54 ans, justifie être toujours au chômage le 30 juillet 2024.
Compte tenu de ces éléments, la cour retient que l’indemnité de nature à réparer intégralement le préjudice de M. [Z] doit être évaluée à 126 000 euros brut, soit 14 mois de salaire brut.
Par arrêt infirmatif, la société Equip’aéro sera condamnée à payer à M. [Z] les sommes de 126 000 euros brut au titre de l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de 115 779 euros brut au titre de l’indemnité de licenciement et de 18 000 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 1 800 euros au titre des congés-payés afférents.
Le jugement entrepris sera réformé.
Il résulte enfin des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail que, lorsque le juge condamne l’employeur à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-3 du même code, il ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage. Il convient de faire application de ces dispositions au cas d’espèce.
IV – Sur la demande en dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
M. [Z] ne démontre pas de circonstances vexatoires entourant son licenciement.
La cour confirme le jugement déféré de ce chef
V – Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement de première instance sera infirmé sur les dépens et les frais non répétibles de procédure.
La société Equip’aéro Industrie, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.
La société Equip’aéro Industrie, qui succombe en appel, sera condamnée à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu le 22 avril 2024 par le conseil de prud’hommes d’Auch, sauf en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande en rappel de rémunération variable pour l’année 2022 et en dommages-intérêts pour licenciement vexatoire
Et, statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,
DECLARE le licenciement de M. [F] [Z] sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Equip’aéro Industrie à payer à M. [F] [Z] :
-126 000 euros bruts au titre de l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
-115 779 euros bruts au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
-18 000 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 1 800 euros au titre des congés-payés afférents
CONDAMNE la société Equip’aéro Industrie à payer à M. [F] [Z] la somme de 21 600 euros brut de rappel de salaire au titre de la rémunération variable 2020 et 2021, outre celle de 2 160 euros brut de congés-payés afférents,
CONDAMNE la société Equip’aéro Industrie aux dépens de première instance et d’appel,
CONDAMNE la société Equip’aéro Industrie à payer à M. [F] [Z] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
DEBOUTE la société Equip’aéro Industrie de ses prétentions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Equip’aéro Industrie à rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [F] [Z], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller, et par Laurence IMBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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