Nature du contrat de travailLe contrat de travail de Mme [B] est un contrat à durée déterminée saisonnier, régi par les articles L.1242-1 et L.1243-5 du Code du travail. Ce type de contrat est spécifiquement conçu pour des tâches qui se répètent chaque année à des dates fixes, en fonction des saisons. La fin de la relation de travail est déterminée par l’échéance du terme, qui dans ce cas est la fin de la saison, soit le 15 avril 2018. Prescription des créances salarialesL’article L.3245-1 du Code du travail stipule que l’action en paiement des salaires se prescrit par trois ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer cette action. En l’espèce, le délai de prescription pour les créances salariales a été calculé à partir de la date de rupture du contrat, le 15 avril 2018, ce qui signifie que les demandes de Mme [B] sont recevables car elles ont été formulées dans le délai légal. Rappel de salaire et heures supplémentairesSelon l’article L.3171-2 du Code du travail, le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires effectuées, que ce soit avec l’accord de l’employeur ou en raison des tâches qui lui ont été confiées. L’employeur doit fournir des documents permettant de comptabiliser le temps de travail. En l’espèce, Mme [B] a produit des éléments précis concernant ses heures de travail, et l’employeur n’a pas contesté ces éléments, ce qui a conduit à la reconnaissance de ses droits à des rappels de salaire pour heures supplémentaires. Indemnité compensatrice de congés payésL’article L.3121-28 du Code du travail prévoit qu’en cas de rupture du contrat de travail avant que le salarié ait pu bénéficier de l’intégralité de ses congés payés, il a droit à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est calculée sur la base de la rémunération brute totale perçue par le salarié pendant la période de référence. Dans le cas présent, Mme [B] a droit à une indemnité compensatrice de congés payés pour la fraction de congé non prise. Injonction de remise de documentsL’article 1231-6 du Code civil impose à l’employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat, tels que le bulletin de salaire et les attestations nécessaires. En l’espèce, la cour a ordonné à la société [D] [I] de remettre à Mme [B] les documents rectifiés conformément à la décision, sans astreinte, mais en respectant les obligations légales de l’employeur. |
L’Essentiel : Le contrat de travail de Mme [B] est un contrat à durée déterminée saisonnier, prenant fin le 15 avril 2018. Les créances salariales se prescrivent par trois ans à partir de la rupture du contrat. Mme [B] a droit au paiement des heures supplémentaires effectuées, et l’employeur n’a pas contesté ses éléments de preuve. En cas de rupture avant l’intégralité des congés payés, elle a droit à une indemnité compensatrice. La cour a ordonné à l’employeur de remettre les documents de fin de contrat.
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Résumé de l’affaire : Une femme de chambre a été embauchée par une société d’hôtellerie sous un contrat à durée déterminée saisonnier, courant du 27 janvier au 11 mars 2018. Après cette date, la relation de travail s’est poursuivie jusqu’au 15 avril 2018, date de fermeture de l’établissement. Le 13 avril 2018, une altercation avec une collègue a conduit la salariée à ne plus se présenter au travail, bien qu’elle ait affirmé être à la disposition de son employeur. Ce dernier a considéré qu’elle avait abandonné son poste.
Le 19 avril 2021, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer des rappels de salaires et des indemnités, estimant que la rupture de son contrat constituait un licenciement abusif. Le jugement du 3 avril 2023 a déclaré la salariée irrecevable en raison de la prescription, la condamnant aux dépens. En réponse, la salariée a interjeté appel le 2 mai 2023. La société a contesté la recevabilité de l’appel, arguant que la salariée n’avait pas demandé l’infirmation du jugement initial. En mai 2024, le conseiller de la mise en état a débouté la société de ses demandes et a condamné celle-ci à verser des frais à la salariée. Dans ses conclusions, la salariée a demandé l’infirmation du jugement et la reconnaissance de ses droits, notamment en matière de licenciement abusif et de rappels de salaires. La cour a examiné la nature de la relation contractuelle et a conclu que le contrat saisonnier avait pris fin à l’échéance, soit le 15 avril 2018. Les demandes de la salariée concernant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été jugées infondées. Cependant, la cour a reconnu la recevabilité de ses demandes de rappels de salaires et d’heures supplémentaires, condamnant la société à verser des sommes dues, tout en confirmant la décision sur les frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la prescription des demandes de paiement de salaires ?L’article L.3245-1 du code du travail stipule que l’action en paiement ou en répétition des salaires se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Cette disposition précise que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. Il est également important de noter que, selon l’article 2228 du code civil, le jour pendant lequel se produit un événement d’où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai. Ainsi, pour la créance salariale relative au mois d’avril 2018, le délai de prescription expirait à la fin du mois d’avril 2021, et pour les autres créances de nature salariale, ce même délai expirait au 15 avril 2021 à 24 heures. Dans cette affaire, la salariée a posté sa requête le 14 avril 2021, ce qui signifie que ses demandes ne sont pas atteintes par la prescription et sont donc recevables. Quel est le statut juridique du contrat de travail saisonnier dans cette affaire ?Le contrat de travail de la salariée a été établi en vertu d’un contrat à durée déterminée saisonnier, qui, bien que signé le 13 février 2018, mentionne qu’il est conclu conformément aux dispositions légales en vigueur, notamment aux articles L.122-1-3, L.122-3-4 et D.121-2 du code du travail. L’article L.1243-5 du code du travail précise que ce type de contrat a cessé de plein droit à l’échéance du terme, c’est-à-dire à la fin de la saison. Dans cette affaire, la saison hivernale s’est terminée le 15 avril 2018, date à laquelle la relation de travail a pris fin. La poursuite du travail par la salariée après le 11 mars 2018 ne constitue pas une transformation du contrat en un contrat à durée indéterminée, mais plutôt une continuation de la relation contractuelle jusqu’à la fin de la saison. Ainsi, la relation de travail a été exécutée en vertu d’un contrat à durée déterminée saisonnier, et la cessation de celle-ci a été conforme aux dispositions légales. Quel est le droit à rémunération pour les heures supplémentaires effectuées par la salariée ?L’article L.3171-2 du code du travail stipule que le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées. L’employeur est tenu de fournir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, comme le précise l’article L.3171-3. En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’article L.3171-4 impose à l’employeur de fournir au juge les éléments justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié. Dans cette affaire, la salariée a produit un tableau détaillant ses horaires de travail, et l’employeur n’a pas fourni de pièces pour contredire ce décompte. La cour a donc conclu que la salariée avait effectué des heures supplémentaires au-delà de celles qui lui avaient été payées, et a condamné l’employeur à lui verser une somme pour ces heures supplémentaires, conformément aux dispositions légales. Quel est le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés due à la salariée ?L’article L.3121-28 du code du travail prévoit que lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit une indemnité compensatrice de congé égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence. Cette indemnité est calculée selon les dispositions prévues aux articles L.3121-24 à L.3121-27. Dans cette affaire, la salariée a droit à une indemnité compensatrice de congés payés, calculée sur la base des salaires perçus de janvier à mars 2018, ainsi que sur le salaire d’avril 2018 et les heures supplémentaires. La cour a donc alloué à la salariée une somme pour cette indemnité, dans les limites de sa demande, conformément aux dispositions légales applicables. Quel est le fondement des demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?Les demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse reposent sur le principe selon lequel un salarié ne peut être licencié que pour une cause réelle et sérieuse, comme le stipule l’article L.1232-1 du code du travail. Dans cette affaire, la salariée a soutenu que son licenciement était abusif et vexatoire, mais la cour a constaté que la relation de travail avait pris fin à l’échéance du contrat à durée déterminée saisonnier, soit à la fin de la saison. Par conséquent, les demandes d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été jugées infondées. La cour a donc débouté la salariée de ces demandes, confirmant que la cessation de la relation de travail était conforme aux dispositions légales en vigueur. |
Numéro 25/876
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 20/03/2025
Dossier : N° RG 23/01229 – N° Portalis DBVV-V-B7H-IQNE
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[E] [B]
C/
S.A.R.L. [D] [I]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 20 Mars 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 15 Janvier 2025, devant :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Mme PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [E] [B]
née le 24 Juillet 1986 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-64445-2023-03822 du 09/01/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PAU)
Représentée par Me Ludovic TARDY, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
S.A.R.L. [D] [I] Prise en la personne de son représentant légal, son gérant en exercice Monsieur [D] [I],
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me William CHARTIER de la SELEURL LEXATLANTIC, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 03 AVRIL 2023
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU
RG numéro : F 21/00133
Selon contrat à durée déterminée saisonnier à temps complet en date du 13 février 2018, Mme [E] [B] a été embauchée par la SARL [D] [I], qui exploite un établissement hôtelier à la station de ski de [Localité 4], en qualité de femme de chambre ‘ service, du 27 janvier 2018 au 11 mars 2018.
La relation de travail s’est poursuivie après cette date.
Le 13 avril 2018, Mme [B] et une de ses collègues ont eu une altercation au sein de l’établissement.
A compter de cette date, la salariée n’est plus venue sur son lieu de travail. Elle indique qu’elle s’est tenue à la disposition de son employeur, ce dernier relevant qu’elle ne s’est plus présentée sur le lieu de travail et qu’elle a abandonné son poste le 13 avril 2018.
Par requête reçue au greffe le 19 avril 2021, Mme [E] [B] a saisi la juridiction prud’homale au fond de différentes demandes en paiement de sommes à titre de rappels de salaires, d’indemnités et consécutives à la rupture de la relation de travail qu’elle estime être un licenciement abusif et vexatoire.
Par jugement de départage du 3 avril 2023, le conseil de prud’hommes de Pau a’:
– Déclaré Mme [E] [B] irrecevable en son action du fait de la prescription,
– L’a condamnée en conséquence aux entiers dépens,
– Débouté la société SARL [D] [I] de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Le 2 mai 2023, Mme [E] [B] a interjeté appel du jugement.
Selon conclusions d’incident transmises par voie électronique le 31 octobre 2023 et 17 janvier 2024, la SARL [D] [I] a sollicité du conseiller de la mise en état de’:
– Déclarer irrecevable l’appel interjeté par Mme [B] le 2 mai 2023 au motif qu’à l’appui de sa déclaration d’appel, elle ne sollicitait pas l’infirmation du jugement rendu le 3 avril 2023 par le conseil de prud’hommes de Pau concernant les chefs de jugement visés par la déclaration d’appel,
– Condamner l’appelant aux dépens et à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon ordonnance du 16 mai 2024, le conseiller de la mise en état a’notamment :
– Débouté la SARL [D] [I] de ses demandes,
– Condamné la SAS (sic) [D] [I] aux dépens de l’incident et à payer à Mme [E] [B] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique 8 octobre 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Mme [E] [B] demande à la cour de’:
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Pau du 3 avril 2023,
– Déclarer Mme [B] recevable en ses demandes,
> A titre principal,
– Juger que le licenciement de Mme [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– Condamner la SARL [D] [I] à verser à Mme [B] la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire,
> A titre subsidiaire,
– Juger que le licenciement de Mme [B] est irrégulier,
– Condamner la SARL [D] [I] à verser à Mme [B] la somme de 1.965,84 euros à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier,
> En tout état de cause,
– Condamner la SARL [D] [I] à verser à Mme [B] la somme de 689,69 euros brut à titre de rappel de salaire pour le mois d’avril 2018, outre la somme de 68,97 euros brut au titre des congés payés y afférents,
– Condamner la SARL [D] [I] à verser à Mme [B] la somme de 1.162,4 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 116,24 euros brut au titre des congés payés y afférents,
– Condamner la SARL [D] [I] à verser à Mme [B] la somme de 278,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– Condamner la SARL [D] [I] à verser à Mme [B] la somme de 584,03 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 58,40 euros brut au titre des congés payés y afférents,
– Condamner la SARL [D] [I] à verser à Mme [B] la somme de 2.400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance y compris les éventuels frais d’exécution forcée,
– Enjoindre la SARL [D] [I] de remettre à Mme [B] sa lettre de licenciement, son bulletin de salaire du mois d’avril 2018 et ses documents de fin de contrat établis conformément à l’arrêt à intervenir dans un délai de 15 jours à compter du prononcé de l’arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.
– Dire que les sommes allouées à Mme [B] porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts.
Dans ses conclusions récapitulatives n°2 adressées au greffe par voie électronique le 2 décembre 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la SARL [D] [I], formant appel incident, demande à la cour de’:
> A titre principal,
– Débouter Mme [B] [E] de l’intégralité de ses demandes.
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Pau, section commerce (RG N° 21/00133), le 3 avril 2023 en ce qu’il a :
Déclaré Mme [E] [B] irrecevable en son action du fait de la prescription,
Condamné, en conséquence, Mme [E] [B] aux entiers dépens.
> A titre subsidiaire,
– Débouter Mme [B] [E] de l’intégralité de ses demandes,
> En tout état de cause,
– Condamner Mme [B] [E] à verser à la société [D] [I] SARL une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 décembre 2024.
Mme [B] formule plusieurs demandes qui concernent, d’une part, des créances salariales, dont une indemnité compensatrice de préavis, et, d’autre part, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société [D] [I] oppose à ces demandes une fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Avant d’examiner les demandes présentées, il importe de préciser la nature de la relation contractuelle qui a uni les parties ainsi que la date à laquelle elle a cessé. En effet, même en l’absence de demande expresse de requalification du contrat de travail, les prétentions de Mme [B] au titre de la rupture de la relation contractuelle imposent à la cour de procéder à ce préalable.
Il résulte des éléments du dossier que Mme [B] a été engagée en vertu d’un contrat à durée déterminée saisonnier qui, bien que signé le 13 février 2018, mentionne qu’il «’est conclu conformément aux dispositions légales en vigueur notamment aux articles L.122-1-3, L.122-3-4 et D.121-2’» (sic) et «’pour la période de la saison d’hiver du 27/01/2018 au 11/03/2018’».
Le contrat saisonnier est une catégorie spécifique de contrat à durée déterminée pouvant être souscrit avec un terme apparemment imprécis mais qui sera en réalité la fin de la saison.
L’article 14 2) de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, applicable à la présente espèce, dispose que le travailleur saisonnier est un salarié employé conformément aux dispositions légales en vigueur, notamment aux articles’L.122-1-1 (3°),’L.122-3-4,’D.121-2, dans les établissements permanents ou saisonniers pour des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.
L’emploi saisonnier peut ne pas coïncider avec la durée totale de la saison. Le contrat saisonnier ne pourra être ni inférieur à 1 mois, ni excéder 9 mois, sous réserve de la définition qui sera donnée par les commissions décentralisées lorsque celles-ci seront mises en place.
Les contrats de travail à caractère saisonnier peuvent être conclus :
a) Pour toute la durée de la saison correspondant aux dates d’ouverture et de fermeture de l’entreprise ;
b) Pour une période comprise dans le cadre d’une saison avec une durée minimum de 1 mois
c) Pour une période correspondant à un complément d’activité saisonnière en précisant les dates de début et de fin de la période.
La rédaction du contrat de Mme [B] permet de considérer que cette dernière a été embauchée pour toute la saison hivernale et à tout le moins du 27 janvier au 11 mars 2018. La poursuite, par la salariée, de son travail au sein de la société [D] [I] après le 11 mars 2018, ne s’analyse donc pas en une transformation du contrat en un contrat à durée indéterminée, mais par la poursuite de la relation contractuelle à durée déterminée jusqu’à la fin de la saison hivernale qui est intervenue, cette année-là, le 15 avril 2018 ainsi qu’en atteste le responsable d’exploitation du domaine skiable de [Localité 4]. Cette date marque d’ailleurs également la fermeture de l’hôtel exploité par la société [D] [I] et au sein duquel travaillait Mme [B].
Ainsi, la relation de travail s’est exécutée en vertu d’un contrat à durée déterminée saisonnier qui, en application de l’article L.1243-5 du code du travail, a cessé de plein droit à l’échéance du terme, c’est-à-dire la réalisation de cet objet et plus précisément la fin de la saison.
C’est d’ailleurs cette date du 15 avril 2018 qui est mentionnée comme terme du contrat sur les documents de fin de contrat établis par la société [D] [I]. Il résulte en outre de l’attestation de Mme [X] [P] épouse [D] que Mme [B], qui bénéficiait d’un hébergement en studio fourni par son employeur, en a restitué les clés le 15 avril 2018, «’sans motif’», ce qui a concrétisé également la fin de la relation contractuelle.
Sur les demandes en rappel de salaires durant l’exécution du contrat de travail
Mme [B] formule des demandes de’:
– Rappel de salaire pour le mois d’avril 2018, ainsi que les congés payés y afférents,
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées en 2018,
– Indemnité compensatrice de congés payés 2018.
La société [D] [I] lui oppose la prescription de ses demandes.
Sur la recevabilité des demandes
L’article L.3245-1 du code du travail dispose que l’action en paiement ou en répétition des salaires se prescrit par’trois ans’à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré.
Il résulte de l’article 2228 du code civil’que le jour pendant lequel se produit un événement d’où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai.
L’article 2229 poursuit que la’prescription’est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.
Lorsque la demande est formée devant le’Conseil’de prud’hommes par une’lettre’recommandée’avec demande d’avis de’réception, la’date’de’saisine’de la juridiction et partant, le moment où la prescription est interrompue, doit être fixée à la’date’d’envoi de la’lettre’au’Conseil’de prud’hommes.
En l’espèce, la rupture de la relation contractuelle est intervenue le 15 avril 2018.
Le salaire était versé en fin de mois.
Il s’ensuit que, pour la créance salariale relative au mois d’avril 2018, le délai de prescription expirait à la fin du mois d’avril 2021 et que, pour les autres créances de nature salariale, y compris celle relative aux congés payés exigibles à la fin de la relation contractuelle, ce même délai de prescription expirait au 15 avril 2021 à 24 heures.
Mme [B] a posté sa requête datée du 14 avril 2021 par lettre recommandée avec accusé de réception déposée à la Poste le 15 avril 2021.
Ses demandes ne sont donc pas atteintes par la prescription et sont dès lors recevables.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur le bien-fondé des demandes
* Sur le rappel de salaire pour le mois d’avril 2018
Il n’est pas contesté par la société [D] [I] que Mme [B] n’a pas été payée de ses jours de travail effectués en avril 2018. Il n’est pas plus dénié que cette dernière a effectué sa prestation de travail du 1er au 13 avril 2018. Il est également établi que la salariée n’était pas à son poste de travail les 14 et 15 avril 2018. Toutefois, la cour n’est pas en mesure d’affirmer l’imputabilité de cette absence. L’attestation susvisée de Mme [P] épouse [D] confirme que Mme [B] était présente dans le logement mis à sa disposition jusqu’au 15 avril 2018, soit le terme du contrat de travail. Elle se trouvait donc à la disposition de son employeur jusqu’à cette date.
Un salaire doit donc lui être payé pour la période du 1er au 15 avril 2018.
La société [D] [I] sera donc condamnée à lui payer, à ce titre, la somme réclamée de 689,69 euros, outre 68,97 euros pour les congés payés y afférents.
* Sur les heures supplémentaires
Le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
En application de l’article L.3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Suivant l’article L.3171-3 du code du travail, l’employeur tient à la disposition de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
L’article L.3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance et fixe les créances salariales y relatives.
En l’espèce, Mme [B] produit un tableau reprenant ses horaires de travail, jour par jour et semaine par semaine. Il en ressort les temps de travail hebdomadaires suivants, après déduction de 45 minutes pour le temps de repas dès que les heures de travail sont effectuées sur ce temps que la cour fixe aux périodes 12h-14h et 19h-21h’:
. Semaine du 29/01 au 04/02′: 38 heures
. Semaine du 05/02 au 11/02′: 41,25 heures
. Semaine du 12/02 au 18/02′: 50 heures
. Semaine du 19/02 au 25/02′: 51,75 heures
. Semaine du 26/02 au 04/03′: 62,75 heures
. Semaine du 05/03 au 11/03′: 48,75 heures
. Semaine du 12/03 au 18/03′: 32,25 heures
. Semaine du 19/03 au 25/03′: 29,25 heures
. Semaine du 26/03 au 01/04′: 33 heures
. Semaine du 02/04 au 08/04′: 38,25 heures
. Semaine du 09/04 au 13/04′: 26 heures.
Le salarié produit également ses bulletins de paie des mois de janvier, février et mars 2018 desquels il résulte qu’il a été payé des heures supplémentaires suivantes’:
. 17,33 heures majorées à 10% en février 2018
. 17,33 heures majorées à 10% en mars 2018
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, auquel incombe le contrôle de la durée du travail de ses salariés, d’y répondre.
Or, celui-ci n’apporte aucune pièce relative à la durée du travail de Mme [B], pas même ses plannings pour contrer le décompte non excessif de la salariée qui admet avoir travaillé, certaines semaines, moins que la durée prévue contractuellement.
A la lecture de tous ces éléments, la cour a la conviction de Mme [B] a effectué des heures supplémentaires au-delà de celles qui lui ont été payées et qui correspondent strictement à l’application du contrat, lequel prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 39 heures, conforme à celle instituée par la convention collective applicable et rappelée dans son avenant n° 2 du 5 février 2007 relatif à l’aménagement du temps de travail.
En application de ce dernier texte, dans son article 4′:
. Les heures effectuées entre la 36e’et la 39e’heure sont majorées de 10 %,
. Les heures effectuées entre la 40e’et la 43e’heure sont majorées de 20 %,
. Les heures effectuées à partir de la 44e’heure sont majorées de 50 %.
En conséquence, la société [D] [I] sera condamnée à payer à Mme [B] la somme de 610,70 euros au titre du solde des heures supplémentaires, outre 61,07 euros pour les congés payés y afférents.
* Sur l’indemnité compensatrice de congés payés
En application de l’article L.3121-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, calculée selon les dispositions prévues aux articles L.3121-24 à L.3121-27 du même code.
Eu égard aux salaires perçus de janvier à mars 2018, le salaire d’avril 2018 et les heures supplémentaires ayant fait l’objet de développements particuliers ci-avant avec obtention d’indemnités de congés payés afférentes, il sera alloué à Mme [B], dans les limites de sa demande, la somme de 278,95 euros.
Sur la rupture de la relation de travail
Il a été vu ci-avant que la relation de travail entre Mme [B] et le société [D] [I] s’était déroulée dans le cadre d’un contrat à durée déterminée qui a pris fin à son échéance, soit la fin de la saison, de sorte que les demandes d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, ainsi que d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont infondées.
Mme [B] en sera déboutée.
Le jugement déféré qui a déclaré les demandes de la salariée irrecevables sera donc infirmé.
Sur les demandes accessoires
Il sera enjoint à la société [D] [I] de remettre à Mme [B] un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision, sans qu’il ne soit toutefois nécessaire d’assortir cette injonction d’une astreinte.
Les sommes allouées porteront intérêts au taux légal comme suit’:
. pour les créances de nature salariale, à compter du 27 avril 2021, date de réception de la lettre de convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation à laquelle était jointe la requête de la salariéé devant le conseil de prud’hommes, qui vaut mise en demeure au sens de l’article 1231-6 du code civil,
. pour les créances de nature indemnitaire, à compter de la présente décision qui en fixe le . quantum en application de l’article 1231-7 du code civil.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné Mme [B] aux dépens mais confirmé du chef relatif aux frais irrépétibles.
La société [D] [I], qui succombe finalement à l’instance, devra en supporter les entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.
Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [B] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Pau en date du 3 avril 2023, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles’;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant’:
DECLARE recevables les demandes de Mme [E] [B] ;
DEBOUTE Mme [E] [B] de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, ainsi que d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
CONDAMNE la société [D] [I] à payer à Mme [E] [B] les sommes de’:
– 689,69 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d’avril 2018 outre 68,97 euros pour les congés payés y afférents,
– 610,70 euros au titre du solde des heures supplémentaires, outre 61,07 euros pour les congés payés y afférents,
– 278,95 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés’;
ORDONNE à la société [D] [I] de remettre à Mme [E] [B] un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision’;
DIT n’y avoir lieu à astreinte’;
DIT que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal comme suit’:
– pour les créances de nature salariale, à compter du 27 avril 2021,
– pour les créances de nature indemnitaire, à compter de la présente décision’;
CONDAMNE la société [D] [I] aux entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle’;
CONDAMNE la société [D] [I] à payer à Mme [E] [B] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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