L’Essentiel : La fiabilité d’un procédé de signature électronique est mise en cause lorsque l’absence de certificat qualifié empêche de présumer sa validité. Dans une affaire, la S.A. BANQUE CIC EST n’a pas pu prouver que Monsieur [Y] [O] avait signé un contrat de prêt par voie électronique. La simple mention « Signé électroniquement » ne suffit pas à établir la preuve de la signature. En conséquence, la banque a été déboutée de sa demande de paiement, car elle n’a pas démontré que les conditions contractuelles avaient été acceptées par l’emprunteur. La décision rappelle l’importance de la preuve dans les contrats électroniques.
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En l’absence de certificat qualifié de signature électronique, la présomption de fiabilité d’une signature électronique ne joue pas.
L’article premier du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée, et que constitue « une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement dont il s’agit et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l’article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement ». En la cause, une banque a échoué à démontrer qu’un client avait signé un prêt par signature électronique. La banque n’a pas non plus produit de fichier de preuve électronique et il ne saurait se déduire de la simple mention « Signé électroniquement par Monsieur [O] [Y] » que ce document a effectivement été signé électroniquement par ce dernier. En application de l’article 1353 du code civil en sa version applicable au litige, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. Il incombe à chaque partie, par application de l’article 9 du code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. L’article 1366 du code civil dispose que : « L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ». L’article 1367 alinéa 2 du même code dispose que « lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garanti, dans des conditions fixées par décret en conseil d’État ». La S.A. BANQUE CIC EST a consenti à Monsieur [Y] [O] un crédit renouvelable, mais ce dernier n’a pas honoré plusieurs échéances, ce qui a conduit la banque à demander la déchéance du terme du contrat. La banque a assigné Monsieur [Y] [O] en justice pour obtenir le paiement de la somme due, ainsi que des intérêts et des frais. L’affaire a été retenue à l’audience, mais Monsieur [Y] [O] n’était ni présent ni représenté. L’affaire a été mise en délibéré pour une date ultérieure. REPUBLIQUE FRANÇAISE 17 juillet 2024 S.A. BANQUE CIC EST C/ TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX JUGEMENT DU 17 juillet 2024 DEMANDERESSE : S.A. BANQUE CIC EST représentée par Me Emmanuel CONSTANT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant DÉFENDEUR : Monsieur [Y] [O] non comparant COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : Madame CART Magalie, Juge DÉBATS : Audience publique du : 22 mai 2024 Copie exécutoire délivrée Copie délivrée Suivant offre préalable acceptée le 14 mai 2022 par signature électronique, la S.A. BANQUE CIC EST a consenti à Monsieur [Y] [O], un crédit renouvelable d’un montant maximal de 20.000 euros, ouvrant droit pour le prêteur à un taux débiteur et un taux effectif global variables selon le montant du crédit utilisé, la nature de l’utilisation et la durée de remboursement choisie par l’emprunteur. Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la S.A. BANQUE CIC EST a entendu se prévaloir de la déchéance du terme dudit contrat. Par acte de commissaire de justice en date du 4 avril 2024, la S.A. BANQUE CIC EST a fait assigner Monsieur [Y] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Meaux, aux fins de le voir condamner au paiement, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de : L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 22 mai 2024. La S.A. BANQUE CIC EST, représentée par son conseil, demande le bénéfice de son acte introductif d’instance. Sur les moyens relevés d’office par le juge sur le respect des diverses obligations édictées par le code de la consommation et annexés à la note d’audience, elle indique que son action n’est pas forclose et qu’elle est en mesure de justifier de la régularité du contrat. Monsieur [Y] [O], cité selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, n’est ni présent, ni représenté à l’audience. L’affaire a été mise en délibéré au 17 juillet 2024. Par courriel reçu au greffe en date du 12 juin 2024, sur autorisation du tribunal, le conseil de la demanderesse a justifié de l’accusé de réception de la lettre en recommandé revenue « destinataire inconnu à l’adresse » concernant l’assignation délivrée selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile. En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. L’article 473 du code de procédure civile prévoit que le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à personne. Il convient de rappeler à titre préliminaire que le contrat liant les parties est soumis aux dispositions d’ordre public des articles L.311-1 et suivants du code de la consommation auxquelles les parties ne peuvent déroger. Sur l’office du juge En application de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles du droit qui lui sont applicables, en vertu de l’article 16 du même code, il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu’il a relevé d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. Conformément aux dispositions de l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application. I – SUR LA DEMANDE PRINCIPALE EN PAIEMENT Sur la signature du contrat En application de l’article 1353 du code civil en sa version applicable au litige, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. Il incombe à chaque partie, par application de l’article 9 du code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. La S.A. BANQUE CIC EST produit aux débats l’offre de crédit consentie à Monsieur [Y] [O], ayant été acceptée par le débiteur par signature électronique, comportant la mention « signé électroniquement par Monsieur [O] [Y] ». L’article 1366 du code civil dispose que : « L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ». L’article 1367 alinéa 2 du même code dispose que « lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garanti, dans des conditions fixées par décret en conseil d’État ». L’article premier du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée, et que constitue « une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement dont il s’agit et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l’article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement ». En l’espèce, la demanderesse ne verse pas aux débats de certificat qualifié de signature électronique. Dès lors elle échoue à démontrer avoir mis en œuvre une signature électronique qualifiée pour permettre de démontrer sa fiabilité, ne pouvant donc pas bénéficier de cette présomption. La S.A. BANQUE CIC EST ne produit pas non plus un fichier de preuve électronique et il ne saurait se déduire de la simple mention « Signé électroniquement par Monsieur [O] [Y] » que ce document a effectivement été signé électroniquement par ce dernier. En effet la preuve d’une signature électronique, fut-elle simple, implique davantage que la seule mention de signature électronique en bas d’un document, même accompagnée de documents pour permettre d’établir l’existence de relations entre les parties. La preuve de la signature du contrat, laquelle implique l’acceptation par l’emprunteur des dispositions contractuelles dont le taux d’intérêt, n’est donc pas établie et dès lors aucune des dispositions contractuelles ne peut être opposée à Monsieur [Y] [O], étant observé qu’aucun document ne démontre qu’il a en accepté les conditions. La S.A. BANQUE CIC EST doit donc être déboutée de sa demande principale tendant au paiement de sommes en exécution de dispositions contractuelles. II – SUR LES MESURES ACCESSOIRES En application de l’article 696 du code de procédure civile, la S.A. BANQUE CIC EST partie perdante, supportera la charge des dépens. Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge peut condamner la partie perdante à payer une somme au titre des frais de justice exposés et non compris dans les dépens. Cependant, pour des raisons d’équité tirées de la situation des parties, il peut, même d’office, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. Compte tenu de l’issue du litige, la société demanderesse sera donc déboutée de sa demande à ce titre. Enfin, selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée. En l’espèce, l’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision. La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort, Déboute la S.A. BANQUE CIC EST de l’ensemble de ses demandes en paiement à l’encontre de Monsieur [Y] [O] au titre du contrat de prêt consenti le 14 mai 2022 ; Déboute la S.A. BANQUE CIC EST de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamne la S.A. BANQUE CIC EST aux dépens de l’instance ; Déboute la S.A. BANQUE CIC EST du surplus de ses demandes ; Rappelle l’exécution provisoire de droit de la présente décision. La Greffière La Juge des contentieux de la protection |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption de fiabilité d’une signature électronique selon le décret n° 2017-1416 ?La présomption de fiabilité d’une signature électronique est établie par l’article premier du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017. Ce texte stipule que cette présomption est valable jusqu’à preuve du contraire, lorsque la signature électronique est qualifiée. Une signature électronique qualifiée est définie comme une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement pertinent, et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié. Ce dernier doit répondre aux exigences de l’article 29 du règlement, et reposer sur un certificat qualifié de signature électronique, conforme à l’article 28. Ainsi, sans certificat qualifié, la présomption de fiabilité ne s’applique pas, ce qui a été un point déterminant dans l’affaire examinée. Quelles sont les obligations de preuve en matière de signature électronique dans le cadre d’un litige ?En matière de signature électronique, l’article 1353 du code civil impose une obligation de preuve à celui qui réclame l’exécution d’une obligation. Cela signifie que la partie qui demande le paiement doit prouver que l’obligation existe, tandis que la partie qui se prétend libérée doit justifier le paiement ou l’extinction de son obligation. De plus, l’article 9 du code de procédure civile précise que chaque partie doit prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention. Dans le cas d’une signature électronique, il est également nécessaire de démontrer que la signature est fiable et que l’identité du signataire est assurée, conformément à l’article 1367 du code civil. En l’absence de preuve adéquate, comme un certificat qualifié ou un fichier de preuve électronique, la demande de paiement peut être rejetée. Quels ont été les motifs du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux ?Le tribunal judiciaire de Meaux a débouté la S.A. BANQUE CIC EST de sa demande de paiement pour plusieurs raisons. Premièrement, la banque n’a pas pu prouver que Monsieur [Y] [O] avait effectivement signé le contrat de prêt par une signature électronique qualifiée. La seule mention « Signé électroniquement par Monsieur [O] [Y] » ne constitue pas une preuve suffisante. De plus, la banque n’a pas produit de certificat qualifié de signature électronique, ce qui est essentiel pour bénéficier de la présomption de fiabilité. En conséquence, le tribunal a jugé que la preuve de la signature du contrat n’était pas établie, rendant ainsi les dispositions contractuelles inopposables à Monsieur [Y] [O]. Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme pour couvrir les frais de justice exposés, qui ne sont pas inclus dans les dépens. Cependant, le juge a la possibilité de décider qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation, même d’office, pour des raisons d’équité. Dans cette affaire, la S.A. BANQUE CIC EST a été déboutée de sa demande au titre de l’article 700, ce qui signifie qu’elle n’a pas obtenu de compensation pour ses frais de justice. Cette décision reflète l’équité du tribunal, compte tenu de l’issue du litige et de la situation des parties. Quelles sont les conséquences de l’absence de comparution de Monsieur [Y] [O] lors de l’audience ?L’absence de comparution de Monsieur [Y] [O] lors de l’audience n’a pas empêché le tribunal de statuer sur le fond du litige. Selon l’article 472 du code de procédure civile, même si le défendeur ne se présente pas, le juge peut rendre une décision sur le fond, à condition que la demande soit régulière et fondée. Le tribunal a donc examiné les éléments présentés par la S.A. BANQUE CIC EST et a conclu que la demande de paiement n’était pas justifiée. Cela souligne que l’absence d’une partie ne prive pas le tribunal de son pouvoir de décision, tant que les conditions de recevabilité sont respectées. |
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