Reconnaissance de la faute intentionnelle et inexcusable de l’employeur dans un contexte de harcèlement et de conditions de travail dégradantes.

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Reconnaissance de la faute intentionnelle et inexcusable de l’employeur dans un contexte de harcèlement et de conditions de travail dégradantes.

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par les articles L. 452-1 à L. 452-5 du Code de la sécurité sociale, qui stipulent que la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut demander une indemnisation complémentaire si l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur. L’article L. 452-5 précise que si l’accident est causé par une faute intentionnelle de l’employeur, la victime conserve le droit de demander réparation du préjudice causé selon les règles du droit commun, ce qui lui permet d’agir en justice pour obtenir une réparation intégrale de son préjudice. En outre, l’article L. 411-1 définit un accident du travail comme tout événement survenu par le fait ou à l’occasion du travail, entraînant une lésion corporelle. La jurisprudence a également établi que la reconnaissance d’une faute inexcusable ou intentionnelle nécessite l’existence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et que la caractérisation de ces fautes doit être fondée sur des éléments concrets établissant un lien direct entre le comportement de l’employeur et le dommage subi par le salarié.

L’Essentiel : La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur permet à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle de demander une indemnisation complémentaire. Si l’accident résulte d’une faute intentionnelle, la victime peut également demander réparation selon les règles du droit commun. Un accident du travail est défini comme tout événement survenant par le fait ou à l’occasion du travail, entraînant une lésion corporelle. La jurisprudence exige des éléments concrets établissant un lien direct entre le comportement de l’employeur et le dommage subi.
Résumé de l’affaire :

Faits de l’affaire

M. l’agent de terrain a été embauché par la société en qualité d’agent de terrain à partir du 10 décembre 2012, bénéficiant d’une reconnaissance de travailleur handicapé. Les parties ont signé une rupture conventionnelle le 10 janvier 2018, homologuée par la DIRRECTE. M. l’agent a saisi le tribunal judiciaire le 23 septembre 2019 pour demander la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Jugement du tribunal

Le tribunal a débouté la société de sa demande de nullité de la requête et a déclaré celle-ci recevable. Il s’est déclaré incompétent pour certaines demandes, notamment la reconnaissance de la faute intentionnelle de l’employeur et a invité M. l’agent à mieux se pourvoir pour d’autres demandes. Le tribunal a également débouté M. l’agent de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable et de ses demandes en réparation.

Appel de M. l’agent

Le 19 octobre 2023, M. l’agent a fait appel, demandant à la cour d’infirmer le jugement et de se déclarer compétente pour juger la faute intentionnelle de l’employeur, ainsi que de constater l’existence de cette faute et d’ordonner une expertise pour chiffrer les préjudices subis.

Arguments de M. l’agent

M. l’agent soutient que le tribunal était compétent pour juger de l’imputabilité de l’accident à la faute intentionnelle de l’employeur. Il évoque des manquements de l’employeur, notamment en matière de sécurité et de harcèlement moral, et demande la reconnaissance de la responsabilité civile nucléaire.

Arguments de la société

La société conteste la compétence du tribunal pour juger des demandes liées à la responsabilité civile nucléaire et au harcèlement moral. Elle soutient qu’aucun harcèlement n’a été reconnu et que M. l’agent ne justifie pas d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal en ce qui concerne l’incompétence pour certaines demandes et a débouté M. l’agent de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable et intentionnelle. Elle a également condamné M. l’agent aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par les articles L. 452-1 à L. 452-5 du Code de la sécurité sociale.

L’article L. 452-1 stipule que « lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime a droit à une indemnisation complémentaire ».

De plus, l’article L. 452-5 précise que « si l’accident est dû à la faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés, la victime conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun ».

Ainsi, la victime d’une faute inexcusable peut prétendre à une réparation intégrale de son préjudice, tout en ayant la possibilité d’agir selon les règles du droit commun pour les préjudices non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale.

Quel est le rôle de la juridiction compétente dans la reconnaissance d’une faute intentionnelle ?

La juridiction compétente pour statuer sur la reconnaissance d’une faute intentionnelle est le pôle social du tribunal judiciaire, conformément à l’article L. 142-8 du Code de la sécurité sociale.

Cet article précise que « le juge judiciaire connaît des contestations relatives au contentieux de la sécurité sociale ».

Il est également important de noter que la reconnaissance d’une faute intentionnelle ne nécessite pas que l’accident ait été préalablement déclaré à la caisse par la victime.

La juridiction de sécurité sociale doit examiner si l’accident ou la maladie présente un caractère professionnel et si la victime établit avoir été victime d’une faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur.

Quel est le lien entre la reconnaissance d’un accident du travail et la faute inexcusable ?

La reconnaissance d’un accident du travail est essentielle pour établir la faute inexcusable de l’employeur, comme le stipule l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale.

Cet article définit l’accident du travail comme « l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ».

Pour qu’une faute inexcusable soit reconnue, il faut que l’accident soit dû à un manquement grave de l’employeur à son obligation de sécurité.

Ainsi, la reconnaissance d’une faute inexcusable ne peut être envisagée que si l’accident du travail est établi, ce qui implique que la victime doit démontrer un lien direct entre l’accident et les conditions de travail.

Quel est le cadre juridique de la rupture conventionnelle et de la transaction ?

La rupture conventionnelle et la transaction sont régies par le Code du travail, notamment par l’article L. 1237-11 qui encadre la rupture conventionnelle.

Cet article stipule que « la rupture conventionnelle est un accord entre l’employeur et le salarié pour mettre fin au contrat de travail ».

En ce qui concerne la transaction, l’article 2044 du Code civil précise que « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ».

Il est important de noter que le conseil de prud’hommes a compétence exclusive pour juger des différends relatifs à ces contrats de travail, ce qui signifie que la cour d’appel ne peut pas statuer sur la nullité de la rupture conventionnelle ou de la transaction.

Quel est le principe de la responsabilité civile nucléaire de l’exploitant ?

La responsabilité civile nucléaire de l’exploitant est régie par les articles L. 597-1 et suivants du Code de l’environnement.

L’article L. 597-1 stipule que « l’exploitant d’une installation nucléaire de base est responsable des dommages causés par un accident nucléaire ».

Cette responsabilité est de nature objective, ce qui signifie que l’exploitant est responsable même en l’absence de faute.

De plus, l’article L. 597-19 précise les procédures applicables en cas de dommage nucléaire, renforçant ainsi le cadre juridique de la responsabilité civile nucléaire.

Quel est le rôle des articles L. 4131-4 et L. 452-5 du Code du travail dans le cadre de la reconnaissance d’une faute inexcusable ?

L’article L. 4131-4 du Code du travail établit une présomption irréfragable de faute inexcusable lorsque l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.

Cet article précise que « l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ».

En lien avec cela, l’article L. 452-5 du Code de la sécurité sociale permet à la victime de demander réparation pour un préjudice causé par une faute intentionnelle de l’employeur.

Ainsi, la combinaison de ces deux articles renforce la protection des travailleurs en cas de manquement de l’employeur à ses obligations de sécurité.

N° RG 23/03466 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JPOO

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 28 FEVRIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/01546

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 18 Septembre 2023

APPELANT :

Monsieur [L] [U]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 7]

comparant en personne

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE RED

[Adresse 6]

[Localité 14]

non comparante ni représentée

CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZ IERES (CNIEG)

[Adresse 2]

[Localité 5]

non comparante ni représentée

CAISSE D’ASSURANCE MALADIE DES INDUSTRIES ELECTRIQ UE ET GAZIERE (CAMIEG)

[Adresse 1]

[Localité 9]

non comparante ni représentée

S.A. [13] ([13])

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Marine CHOLLET de la SELARL FRÉDÉRIC VERRA ET MARINE CHOLLET, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 05 Décembre 2024 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme CHEVALIER, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 05 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2025, délibéré prorogé au 28 février 2025

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé le 28 Février 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [L] [U] a été embauché par la société [13] ([13] ou la société) à partir du 10 décembre 2012 en qualité d’agent de terrain / rondier, « maîtrise débutant », affecté à la centrale nucléaire de production électrique (CNPE) de [Localité 10] (Ardennes).

Il bénéficiait d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

Les parties ont signé une rupture conventionnelle le 10 janvier 2018, qui a été homologuée par la DIRRECTE.

M. [U] a saisi le 23 septembre 2019 le pôle social du tribunal de grande instance de Rouen, devenu tribunal judiciaire, d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 18 septembre 2023, cette juridiction :

– a débouté la société [13] de sa demande de nullité de la requête du 23 septembre 2019 formée par M. [U] et a déclaré cette dernière recevable,

– s’est déclaré incompétent au profit du conseil de prud’hommes de Paris s’agissant des demandes suivantes :

1.1.1 : la reconnaissance de la faute intentionnelle de l’employeur pour les accidents du travail et maladie professionnelle déclenchée par les conditions de travail,

1.13 (1.13.1 et 1.13.2) :la demande de nullité de la transaction ;

– s’est déclaré incompétent et a invité M. [U] à mieux se pourvoir pour les demandes suivantes :

« 1.1.3 : la reconnaissance que les accidents sont en lien avec les différentes alertes et entraîne la prise en charge des accidents sous le régime de la responsabilité civile nucléaire

1.2 (1.2.1 et 1.2.2) : Reconnaissance du lien avec les alertes de sécurité du personnel et des installations nucléaires

1.14 Demande de nullité vis-à-vis du contrat d’exclusivité IEG et Fonction publique

1.15.1 contrat des médecins-conseils des IEG : transfert des contrats de travail des médecins conseils des IEG de [13] à la CNIEG. Amende à [13] pour corruption des agents de contrôle de la sécurité sociale.

1.15.2 Fonds d’indemnisation spécial : création d’un fonds d’indemnisation spécial des accidents chimiques survenus par la non-mise en place des EPI chimiques sur le parc nucléaire. Fonds indemnisant les agents [13] et sous-traitant. Création d’une commission d’enquête pour déterminer qui peut être indemnisé au titre de se fond.

1.15.3 Registre de sécurité sociale : interdiction pour le CNPE de Chooz de tenir un registre de sécurité sociale

1.15.4 Faute du médecin du travail

1.15.5 Gestion de la mission handicap. Poursuite des responsables handicap pour détournement des aides SAMETH.

1.16.3 Violation de l’article 595 du code de procédure civile (1.16.3.1 Rétention documentaire, 1.16.3.2 Utilisation de document délictueux, 1.16.3.3 et 4 : Utilisation d’une qualité pour obtenir une décision par malversation, 1.16.3.5 Inspection de toute demande d’appel au regard de la sûreté et de l’intérêt de l’entité moral, 1.16.3.6 Nullité de toute demande contraire aux intérêts de [13] et son contrat de mission de service public) »

– débouté la société [13] de sa demande de rejet de certaines pièces des débats,

– débouté M. [U] de sa demande visant à faire reconnaître l’existence d’une faute inexcusable de la société [13] à son encontre,

– débouté M. [U] de ses demandes en réparation afférentes (1.3 à 1.12), à savoir :

« 1.3 Demande de prise en charge médicale : 1.3.1 Frais médicaux et 1.3.2 Psychologue / Psychiatre

1.4 Demande sous forme de sommes : 1.4.1 A titre principal : je demande le plafond d’indemnisation par accident du travail défini par la responsabilité civile nucléaire. Soit 15 millions de Droit de Tirage spécial * par accident (15 millions de DTS = 18,88 millions (26/02/23) ; 1.4.2 A titre subsidiaire : le plafond d’indemnisation de la responsabilité civile de l’ensemble des personnes concernées par l’accident ainsi que le plafond d’indemnisation de la responsabilité civile [13].

1.5 Compensation du préjudice d’autonomie en nature : 1.15.1 A titre principal : prise en charge par la CNIEG des fautes ce qui entraîne une réintégration au IEG avec tous les avantages inhérents. La mise en place d’une aide-ménagère pour compenser l’épuisement engendré par l’aggravation du handicap auparavant non handicapant.

1.6 Compensation en lien avec le statut des IEG et l’affiliation CANIEG/CNIEG : 1.6.1 A titre principal : rattrapage des avantages IEG depuis la rupture illégale de mon affiliation au IEG ; 1.6.2 A titre subsidiaire : réintégration aux avantages IEG en lien avec l’affiliation au régime des accidents du travail des IEG et la retraite associée (CNIEG).

1.7 Compensation sous forme d’adaptation horaire : 1.7.1 A titre principal : la remise en place des 32H d’embauche complémentés d’un 75 % soit 3J semaine effective décomposer sous la forme de 5J semaine de 8h avec 2RTT semaine acquit à prendre en fonction de l’état de fatigue, mais devant. Ceci sans perte de salaire. La mise en place d’un 60 % sans perte de revenu ; 1.7.2 A titre subsidiaire : la mise en place des 32h par semaine d’embauche soit 4 jours de travail effectif. La mise en place d’un 80 % sans perte de revenu.

1.8 Préjudice perte d’espérance de vie : 1.8.1 A titre principal : la possibilité de départ en retraite à 100 % à l’âge de 55 ans dans les conditions actuelles définit par les IEG pour service actif et charte pour l’égalité des chances. Rajout de 2 échelons d’ancienneté pour la perte d’espérance de vie et de cotisation. 1.8.2 A titre subsidiaire : le départ en retraite à taux plein à 60 ans pour la perte de plus de 5 ans d’espérance de vie et des plus de 5 ans à subir les violences d'[13] en termes d’actes directs et de défaut de responsabilité. Rajout de 1 échelon d’ancienneté pour la perte d’espérance de vie et de cotisation.

1.9 Demande sous forme de rente si réfute de réintégration : rente correspondant à la rémunération développée dans la demande de réintégration. Evolution de la rente calquée sur la base des évolutions des personnels [13] détachés à la représentation syndicale et rattrapée automatiquement sur la part de Plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS)

1.10 Demande sous forme de revalorisation / réintégration : 1.10.1 A titre principal : intégration au corps des mines pour les jours de travail avec une rémunération correspondante ; 1.10.2 A titre subsidiaire : réintégration comme agent des IEG au niveau correspondant aux bilans de compétence par la pratique réalisée par [13] sous forme de tache en interne et en sous-traitante.

1.11 Parcours professionnel : 1.11.1 Blocage de VAE pour réalisation des conclusions. Prise en charge de la rédaction du live 2 de la VAE ; 1.11.2 Plafonnement des droits CPF : remplissage des droits CPFD en lien avec la loi SAPIN2 et le droit à une réorientation professionnelle ; 1.11.3 Fond [15] : prise en charge de la formation de mon choix pour réaffectation de l’autorisation [15] et [13] de départ en formation diplômante

1.12 Retraite / Service actif conduite nucléaire : 1.12.1 A titre principal : retraite à 55 ans dans les conditions du service actif [13] et de l’accord handicap [13]. Rajout des 10 % conduite nucléaire à la rémunération à vie pour 10 ans d’activité de service actif à la conduite nucléaire. A titre subsidiaire : retraite à 55 ans dans les conditions du service actif [13] et de l’accord handicap [13] ».

– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

– débouté M. [U] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile (1.17) et ses demandes 1.16.1 et 1.16.2,

– condamné M. [U] aux dépens de l’instance.

Le 19 octobre 2023, M. [U] a fait appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Soutenant et complétant oralement ses écritures 1 et 2, M. [U] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il :

– a déclaré le tribunal incompétent pour juger que ses arrêts maladie étaient liés à une faute intentionnelle de l’employeur,

– l’a débouté de sa demande visant à la reconnaissance d’une faute inexcusable de la société [13] et de ses demandes en relevant ;

et statuant à nouveau, de :

– se déclarer compétente pour juger la faute intentionnelle,

– constater l’existence d’une faute intentionnelle d'[13],

– constater l’existence d’une faute inexcusable d'[13],

– juger recevables et bien fondées les demandes en découlant,

– ordonner une expertise en vue de chiffrer les préjudices qu’il a subis (mission précisée au dispositif des écritures),

– condamner la société [13] à lui régler une provision de 10 000 euros à valoir sur l’indemnisation future de son préjudice,

– condamner [13] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.

M. [U] soutient que le tribunal judiciaire, pôle social, était compétent pour juger de l’imputabilité de l’accident du travail à la faute intentionnelle de l’employeur, estimant que l’article L. 452-5 du code de la sécurité sociale ouvre une alternative à la victime, qu’une action en reconnaissance de la faute intentionnelle dirigée contre l’auteur des faits n’est pas exclusive de la recherche de la faute inexcusable de l’employeur si celui-ci n’est pas l’auteur de la faute intentionnelle. Il ajoute que le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution avec réserves d’interprétation les articles L. 452-1, L. 452-2 et L.452-5 du code de la sécurité sociale, pour en déduire qu’il n’a pas invalidé l’option ouverte aux victimes de saisir l’une ou l’autre des formations de jugement et que la victime peut solliciter la fixation de son préjudice lié à la reconnaissance de la faute intentionnelle de l’auteur, la caisse faisant l’avance des indemnités visées à l’article L. 452-3 et les autres postes de préjudice faisant l’objet d’une condamnation de l’auteur et de ses éventuels garants.

« Sur l’engagement de la responsabilité civile nucléaire de l’exploitant », il se prévaut notamment des dispositions des articles L.597-1 et suivants du code de l’environnement, de son activité professionnelle relevant de l’exploitation d’une Installation Nucléaire de Base (INB), de la définition d’un dommage nucléaire donnée par la convention de Paris en vigueur, d’ « écarts sur [son] poste à la sectorisation incendie [qui ont] fait l’objet de demande de mesure de correction raisonnable qui par leur non applicaton discriminatoire ont entraîné le conflit mettant en danger la santé publique », d’une absence de prescription, de l’article L. 597-19 du code de l’environnement relatif aux procédures applicables. Il en déduit que le pôle social du tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur un dommage en lien avec la RCN [responsabilité civile nucléaire], que les fautes inexcusables ou intentionnelles « sont bien soumises à la Responsabilité Civile Nucléaire ainsi qu’à l’augmentation des plafonds qui en découle ainsi qu’une règle de traitement des écarts prescrits a l’arrêté INB », que l’avocat prestataire d'[13] doit, en application des articles R. 593-9 à R. 593-13 du code de l’environnement, justifier d’une formation spécifique au droit nucléaire pour représenter [13], que le non-respect de ces dispositions et de celles des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative entraîne la nullité de son mandat, que tout mensonge ou absence de déclaration de l’avocat doit être poursuivi dans les conditions des dispositions des articles L. 1333-12 du « code de défense », que l’ASN déposera ses conclusions comme ministère public, que le Conseil d’Etat vérifiera que les conclusions d'[13] sont conformes à ses engagements internationaux de transparence et que l’audience sera enregistrée et retransmise par le biais du réseau des commissions locales d’information en application des dispositions des articles L. 125-1 et suivants du code de l’environnement. Il demande, en lien avec la responsabilité civile nucléaire, l’augmentation du plafond d’indemnisation, le doublement des compensations, l’affichage en application des dispositions des articles L. 125-1 et suivants du code de l’environnement, la retransmission en commission locale de l’audience avec possibilité offerte au public de poser les questions à [13] en application des dispositions des articles L. 123-1 et suivants et L. 125-1 et suivants du code de l’environnement.

S’agissant de la faute intentionnelle de l’employeur, que M. [U] définit comme un manquement volontaire et conscient dirigé contre le salarié, qui fait disparaître l’aléa sur l’arrivée du dommage couvert par la disposition des articles L.452-1 à L. 452-4 du code de la sécurité sociale, il dénonce une situation de harcèlement moral avec intention du directeur d’unité de porter atteinte à sa santé mentale en le plaçant à plusieurs reprises dans des situations de travail anormales destinées à l’amener à prendre rapidement l’initiative de la rupture de la relation contractuelle. Il se prévaut à cet égard d’un changement d’affectation contraint le 14 mai 2014, avec baisse de rémunération de 30 % et passage de 32 à 35 heures de travail hebdomadaire, sans validation médicale alors qu’il bénéficiait d’un emploi adapté à raison de son statut de travailleur handicapé ; de l’installation d’un désaccord important avec sa hiérarchie après qu’il a signalé des anomalies affectant les équipements de protection individuelle (EPI) dans le cadre d’une nouvelle mission à partir de décembre 2014, et de l’exercice de son droit de retrait fin 2015 ; du caractère vain des interventions de l’ASN ou de son inspection du travail, de l’échec de la médiation engagée par l’intermédiaire du défenseur des droits à l’été 2016 ; de son interdiction d’accès à la zone nucléaire du CNPE début février 2017, date à partir de laquelle il s’est retrouvé dans un bureau isolé sans accès physique possible à son service d’origine et dans une aile peu fréquentée d’un bâtiment administratif. Il évoque des conséquences de cette situation sur sa santé physique et mentale telle que perte de cheveux et de barbe, perte d’ongles, diarrhées sanglantes, anémie, saignements de nez dans un contexte de stress au travail, et multiples arrêts maladie courant 2017 s’analysant comme des accidents du travail en lien avec le harcèlement moral. Il estime que la situation dans laquelle [13] l’a placé constitue une faute intentionnelle. Il demande à la cour de citer à comparaître les préposés et le prestataire ayant participé à ces actes en application des articles L. 4741-1 et suivants du code du travail et L. 452-5 du code de la sécurité sociale, la réparation de la faute intentionnelle étant faite sous le principe du droit commun et les fautifs devant venir justifier directement de leurs actes. Il demande à la cour de reconnaître l’engagement de la responsabilité civile nucléaire au motif que les situations de harcèlement sont toutes en lien avec des demandes de mise en conformité avec l’obligation de sûreté nucléaire ayant fait l’objet de demandes auprès de l’ASN. A titre secondaire, il est demandé à la cour de juger que la situation dans laquelle son employeur l’a placé constitue une faute inexcusable et de bénéficier des dispositions de l’article L. 4131-4 du code du travail, ce qui crée une présomption irréfragable de faute inexcusable en lien avec les multiples alertes sur la dégradation de sa santé ; et de reconnaître l’engagement de la responsabilité civile nucléaire.

« Sur la reconnaissance automatique de l’accident par la faute de la CAMIEG et de son médecin-conseil » M. [U] se prévaut de l’arrêté du 13 septembre 2011 portant règlement spécial du contrôle médical du régime spécial de sécurité sociale des industries électriques et gazières et soutient ainsi que la médecine-conseil des IEG est autonome et seule compétente pour organiser les contrôles et enquêtes y compris en termes d’accident du travail. Il se prévaut également de l’article 7 du statut de médecin-conseil des IEG et assure avoir toujours respecté ses obligations en se déplaçant pour justifier de ses arrêts. Il évoque en particulier l’arrêt du 13 juillet 2017 par suite de sa demande de rupture conventionnelle, la transmission le 17 suivant au médecin conseil et à l’employeur de l’arrêt pour « asthénie et syndrome dépressif dans le cadre de la maladie endocrinienne et conflit professionnel ; marche régulière à but thérapeutique », la prolongation de cet arrêt et son courriel du 3 août 2017 qui aurait dû entraîner une inspection du médecin-conseil pour vérifier ses dires et enclencher la « pers155-longue-maladie-invalidite-commissions-nationales-invalidite-et-accidents-du-travail », son hospitalisation en départ du lieu de travail le 15 novembre 2017 par un droit de retrait demandant une étude faite en présence de l’inspecteur du travail et de l’agent du service de prévention de la caisse d’assurance maladie dans les délais impartis, son courriel du 24 novembre 2017 – resté sans réponse – par lequel il demandait au médecin conseil de confirmer que l’hospitalisation avait bien été enregistrée comme un accident du travail. Soulignant que le médecin-conseil des IEG en charge de l’enquête accident du travail n’en a fait aucune, il considère que cela vaut reconnaissance tacite de l’accident du travail et de la faute inexcusable associée, et cela d’autant que l’agent de contrôle de l’inspection du travail a établi qu’il y avait bien harcèlement moral et discrimination au travail. Il demande à la cour de statuer sur la reconnaissance tacite de la faute inexcusable de l’employeur par prescription des délais d’enquête.

Sur l’accident du travail et la faute inexcusable de l’employeur, M. [U] reproche à la société [13] deux fautes inexcusables :

– le défaut de suivi du contrôle radiologique de matériaux ayant entraîné sa contamination,

– le traitement discriminatoire subi s’analysant comme du harcèlement moral. Il considère qu’il résulte du harcèlement moral trois accidents du travail distincts au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale :

* mai 2014 : le changement de poste contre l’avis médical sans respect des procédures et sans fiche de poste conforme aux tâches réalisées,

* février 2017 : le dépôt chez le médecin traitant par le médecin du travail pour mise en arrêt maladie,

* novembre 2017 : hospitalisation en départ du lieu de travail pour les mêmes motifs que février 2017.

S’agissant en particulier du défaut de suivi et de contrôle des risques radiologiques, M. [U] évoque sa contamination (révélée lors du passage au portique) en 2016 à l’occasion de la réalisation d’un essai périodique lors duquel il a manipulé des contenants d’eau déclarée non contaminée mais qui en réalité l’était. Il dénonce l’absence de contrôle médical sur sa personne effectué dans les suites de cette contamination. Il demande à la cour de retenir la faute inexcusable d'[13] pour défaut de suivi radiologique, de demander la mise en place de mesures de mise en conformité, de retenir l’engagement de la responsabilité civile nucléaire pour la contamination relevant d’un accident radiologique tel que le dispose le tableau de la « pièce 40 guides ASN relatifs aux délations d’évènement significatif dans les INB », de demander à l’ASN de suivre la mise en place des mesures, de faire les significations d’accident du travail sur découverte de contamination ainsi que l’inscription au tableau de suivi IRSN des expositions.

S’agissant en particulier du harcèlement moral, il soutient avoir subi un traitement anormal par comparaison avec les autres agents du service, qui a commencé par son changement d’affectation en mai 2014 et a trouvé son point le plus marquant par son isolement du reste de la centrale en février 2017. Il fait valoir que les interventions de l’ASN et de l’inspecteur du travail n’ont pas permis de modifier cette situation qui a eu des conséquences sur sa santé physique et mentale. Évoquant un noyau dur de harceleurs au sein du CNPE de [Localité 10], il soutient que l’employeur averti à de multiples reprises par l’inspection du travail ne peut prétendre avoir ignoré la situation, et qu’au vu des nombreux arrêts maladie dont il a bénéficié en 2017 [13] avait forcément conscience du danger auquel il était exposé, et n’a cependant pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il ajoute qu'[13] n’a pas respecté la réglementation et évoque une maladie professionnelle au regard d’un stress à long-terme, de la gestion des transfusions sanguines jusqu’en 2022, indiquant aller mieux aujourd’hui. Il indique avoir demandé une reconnaissance d’accident du travail ou de maladie professionnelle au médecin conseil des IEG.

« Sur la nullité de la rupture conventionnelle et transaction » : M. [U] conteste la validité de la rupture conventionnelle en soutenant qu’elle a été réalisée sous la contrainte. Il estime que « la transaction illégale faite par M. [I] relève d’un détournement de bien social et couvrant les fautes des managers, est incompatible avec la continuité de sa fonction » ; qu’elle doit être mise à la charge des managers en application de l’article L. 225-41 du code de commerce ; qu’il y a lieu à rattrapage de salaire.

« Sur les obligations liées à la représentation de [13] SA », M. [U] soutient que durant les différentes procédures en lien avec le préjudice Me Chollet n’a pas cessé de mentir sur les obligations d'[13] SA et a refusé de se conformer aux dispositions de l’article L. 591-5 du code de l’environnement relevant d’une obligation internationale de sûreté définie à l’INSAG-4 découlant de l’accident de Tchernobyl. Il estime que la présomption de mandat de l’avocate doit pouvoir être contrôlée, qu’elle est complice du harcèlement mis en place en représailles de mesure de sauvegarde, ce qui la rend incompétente pour représenter [13]. Il demande à la cour de « convoquer Me Chollet comme complice des actes », qu'[13] et son représentant viennent justifier « tous ces propos par rapport règles et statut de [13] », « de vérifier tous les propos de [13] et de les frapper de nullité s’ils sont non argumentés ou incompatibles avec les règles et obligations auquel [13] est soumise », d’appliquer les règles inscrites à la « Piece 1 CCC-recueil de cas pratiques-pour juge » en cas de refus de [13] de nommer un nouvel avocat, de « déclarer que [13] ne s’est pas représenter a la première instance et que les préposer on user de leur autorité pour tromper les juges » et de « juges aucune requête en contestation a été licitement déposer et valide en vertu de tous les éléments de droit près cité et qu’en conséquence [13] n’a fait aucune contestation en première instance ce qui n’entraîne pas de droit a contestation en appel ».

Il évoque une amélioration fragile de son état de santé depuis qu’il a un nouvel employeur. Il demande à la cour de convoquer son employeur pour attester de l’amélioration de sa santé et de la diminution de ses arrêts maladie, demande à son employeur d’attester des adaptations mises en place pour lui permettre de mieux gérer ces aggravations de son handicap, et fait ainsi valoir que le handicap résultant du harcèlement s’estompe dans un environnement de travail normal, qu’il n’est donc pas lié à une aggravation normale de son handicap préexistant à l’embauche.

Il indique que « les membres de la direction de la « Direction du Central Nucléaire » seront appelés à se justifier du harcèlement persistant envers M. [U] et de leur défaut d’action ; que les inspecteurs du travail de l’ASN réaliseront de bonne foi leurs obligations et viendront déposer des conclusions en application des articles 421 à 429 du code de procédure civile et en vertu de leur mission de police des installations (L. 596-4-1 du code de l’environnement) ; que la DSND viendra donner avis des actes volontaires / malveillants envers la sûreté nucléaire et envers un employé exerçant ses obligations inscrites à l’article R. 1333-3-2 du code de défense ; que les inspecteurs de la sécurité européens viendront donner leur avis sur les violations des différentes directives Euratom ainsi que des engagements pris pour l’attribution des licences d’exploitation, qu’ils viendront accompagnés du greffe de la CJUE pour retranscrire et enregistrer la décision des juges.

Soutenant et complétant oralement ses écritures 1 et 2, la société [13] demande à la cour de :

– se déclarer incompétente et renvoyer M. [U] à mieux se pourvoir concernant les demandes suivantes :

– sur la demande présentée par M. [U] au titre de la « responsabilité civile nucléaire de l’exploitant » ;

– sur la demande au titre d’un prétendu harcèlement moral ;

– sur la demande au titre d’une prétendue nullité de la rupture conventionnelle et de la transaction ;

– sur la demande au titre des « obligations liées à la représentation de [13] SA » ;

– sur la demande au titre de « l’amélioration de [la] santé [de M. [U]] en lien avec la prise en compte partielle de l’aggravation de [son] handicap » ;

– sur les demandes envers la direction des centrales nucléaires, les inspecteurs du travail de l’ASN et l’inspection de la sécurité nucléaire européenne ;

– confirmer le jugement en ce qu’il :

– s’est déclaré incompétent au profit du conseil de prud’hommes de Paris s’agissant des demandes :

– 1.1.1 de reconnaissance de la faute intentionnelle de l’employeur pour les accidents du travail et maladie professionnelle déclenchée par les conditions de travail,

– 1.13 (1.13.1 et 1.13.2) de nullité de la transaction

– s’est déclaré incompétent et a invité M. [U] à mieux se pourvoir pour les demandes suivantes :

« 1.1.3 : la reconnaissance que les accidents sont en lien avec les différentes alertes et entraîne la prise en charge des accidents sous le régime de la responsabilité civile nucléaire

1.2 (1.2.1 et 1.2.2) : Reconnaissance du lien avec les alertes de sécurité du personnel et des installations nucléaires

1.14 Demande de nullité vis-à-vis du contrat d’exclusivité IEG et Fonction publique

1.15.1 contrat des médecins-conseils des IEG : transfert des contrats de travail des médecins conseils des IEG de [13] à la CNIEG. Amende à [13] pour corruption des agents de contrôle de la sécurité sociale.

1.15.2 Fonds d’indemnisation spécial : création d’un fonds d’indemnisation spécial des accidents chimiques survenus par la non-mise en place des EPI chimiques sur le parc nucléaire. Fonds indemnisant les agents [13] et sous-traitant. Création d’une commission d’enquête pour déterminer qui peut être indemnisé au titre de se fond.

1.15.3 Registre de sécurité sociale : interdiction pour le CNPE de Chooz de tenir un registre de sécurité sociale

1.15.4 Faute du médecin du travail

1.15.5 Gestion de la mission handicap. Poursuite des responsables handicap pour détournement des aides SAMETH.

1.16.3 Violation de l’article 595 du code de procédure civile (1.16.3.1 Rétention documentaire, 1.16.3.2 Utilisation de document délictueux, 1.16.3.3 et 4 : Utilisation d’une qualité pour obtenir une décision par malversation, 1.16.3.5 Inspection de toute demande d’appel au regard de la sûreté et de l’intérêt de l’entité moral, 1.16.3.6 Nullité de toute demande contraire aux intérêts de [13] et son contrat de mission de service public) »

– a débouté la société [13] de sa demande de rejet de certaines pièces des débats,

– a débouté M. [U] de sa demande visant à faire reconnaître l’existence d’une faute inexcusable de la société [13] à son encontre,

– a débouté M. [U] de ses demandes en réparation afférentes (1.3 à 1.12),

– a débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

– a débouté M. [U] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile (1.17) et ses demandes 1.16.1 et 1.16.2,

En tout état de cause :

– débouter M. [U] de ses demandes,

– condamner M. [U] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [U] aux dépens.

Concernant l’incompétence de la juridiction, la société [13] soutient en premier lieu qu’en application de l’article L. 142-8 du code de la sécurité sociale, le juge judiciaire connaît des contestations relatives au contentieux de la sécurité sociale (défini à l’article L. 142-1 du même code) et au contentieux de l’admission à l’aide sociale (défini à l’article L. 142-3 du même code).

Elle soutient par ailleurs que la responsabilité civile nucléaire de l’exploitant ne relève pas de la compétence du pôle social du tribunal judiciaire et, partant, de la chambre sociale de la cour d’appel.

Elle fait valoir que la reconnaissance de l’existence d’un harcèlement moral relève de la compétence du conseil de prud’hommes, tandis que le pôle social du tribunal judiciaire est compétent pour traiter de la question de l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ; que la chambre sociale de la cour d’appel de Rouen ne peut conclure à l’existence d’un harcèlement moral ou à un manquement de la société à son obligation de sécurité.

Elle considère que la cour n’est pas compétente pour statuer sur la nullité de la rupture conventionnelle et transaction. Elle fait valoir en toute hypothèse qu’une telle demande a déjà été présentée devant le conseil de prud’hommes de Paris, qui a notamment « [prononcé] la fin de non-recevoir qui est fondée, y [a] fait droit et [a] déclaré irrecevable l’instance engagée par Monsieur [L] [U] [M] », et que l’appel contre cette décision a été déclaré caduc.

Elle fait valoir que Me Chollet n’étant pas partie à la procédure, la cour ne peut que se déclarer incompétente concernant les prétentions formées par M. [U] à son encontre ; qu’il en est de même des prétentions formées contre la direction des centrales nucléaires, les inspecteurs du travail de l’ASN et l’inspection de la sécurité nucléaire européenne. Elle considère que la cour ne peut que se déclarer incompétente s’agissant des prétentions formées au titre de l’amélioration de la santé de M. [U] en lien avec la prise en compte partielle de l’aggravation de son handicap.

Elle conteste toute faute intentionnelle, soutenant que l’admission de celle-ci requiert, au préalable, la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ce dont M. [U] ne justifie pas. Elle indique ignorer même si celui-ci estime avoir été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Elle ajoute qu’aucun harcèlement moral n’a jamais été reconnu au bénéfice de M. [U], a fortiori aucun accident du travail ou maladie professionnelle au titre d’un tel harcèlement.

« Sur le prétendu harcèlement moral », elle fait valoir que l’obligation de sécurité de l’employeur n’est pas une obligation de résultat, que la juridiction n’est pas compétente pour en juger, que l’inspecteur de l’ASN n’est pas davantage compétent pour reconnaître l’existence d’un harcèlement moral. Elle soutient qu’aucun manquement à son obligation de sécurité n’est établi, aucun harcèlement moral caractérisé. Elle ajoute que M. [U] ne peut se prévaloir de l’article L. 4131-4 du code du travail alors qu’il n’a pas été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Elle estime que, faute pour M. [U] de justifier d’une reconnaissance par la juridiction compétente d’un harcèlement moral, la cour ne pourra que le débouter de sa demande de reconnaissance d’une faute intentionnelle.

Elle ajoute qu’une faute intentionnelle implique un acte volontaire accompli avec l’intention de causer des lésions corporelles, qu’elle ne se confond pas avec l’élément intentionnel du délit de harcèlement moral ; qu’ainsi, la reconnaissance d’un harcèlement moral commis par l’employeur ne permet pas en elle-même de caractériser la faute intention

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, il est rappelé que la présence instance devant la cour, saisie de l’appel formé contre un jugement rendu par le pôle social d’un tribunal judiciaire, est régie par les dispositions du code de procédure civile à l’exclusion de toute autre, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de prévoir une retransmission de l’audience, a fortiori avec la possibilité pour le public de poser des questions à [13].

Étant rappelé que la présente instance vise notamment à la reconnaissance d’une faute inexcusable qui ne peut être imputée qu’à l’employeur, qu’aucune prétention n’est formée contre les différentes personnes ou entités visées par M. [U] (étant considéré que, notamment, donner un avis, se justifier, attester de l’amélioration de la santé d’un salarié ou déposer des conclusions ne peut être considéré comme constituant une prétention), que ces personnes ou entités sont désignées parfois sans précision, telles que, notamment, les préposés et le prestataire ayant participé aux actes constitutifs de la faute intentionnelle alléguée, ou les membres de la direction de la « Direction du Central nucléaire », ou les inspecteurs de sécurité européens, il est considéré que M. [U] n’a pas valablement saisi la cour de demandes de mise en cause de ces personnes ou entités, qui ne sont donc pas partie au litige.

S’agissant en particulier de Me Chollet, avocat d'[13], il est rappelé qu’en application de l’article 416 du code de procédure civile, les avocats sont investis d’un mandat ad litem dont ils sont dispensés de rapporter la preuve. Il n’appartient ni à la partie adverse ni à la juridiction de se prévaloir, de constater ou décider d’une absence, d’une nullité ou d’une révocation de ce mandat, de sorte que M. [U] ne peut valablement contester la représentation de son employeur par Me Chollet.

Il n’y a pas lieu de tenir compte d’éventuels moyens et/prétentions communiqués seulement par courriel à la cour dès lors que seuls comptent ceux soutenus à l’audience.

S’agissant de la « nullité de la rupture conventionnelle et transaction », il est rappelé que le conseil de prud’hommes a compétence exclusive pour juger les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient, à l’exception des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la sécurité sociale en matière d’accidents du travail et maladies professionnelles. La présente cour statuant sur l’appel d’une décision rendue par le pôle social du tribunal judiciaire est donc incompétente pour statuer sur ces prétentions. Le jugement est confirmé de ce chef.

Par ailleurs, la cour n’est tenue de statuer que sur les prétentions régulièrement présentées, et cela sans suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

Sur l’exception d’incompétence s’agissant de la demande de reconnaissance d’une faute intentionnelle

En vertu de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions prévues notamment aux articles L. 452-1 à L. 452-5, aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre (livre IV du code de la sécurité sociale « Accidents du travail et maladies professionnelles ») ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime.

Ainsi, en application des articles L. 452-1 et L. 452-3, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime a droit à une indemnisation complémentaire et peut, indépendamment de la majoration de rente, demander réparation de divers préjudices à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale.

Mais selon l’article L. 452-5 du même code, si l’accident est dû à la faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés, la victime conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du livre IV.

Il s’en déduit que la victime d’une faute intentionnelle peut prétendre à une réparation intégrale de son préjudice et conserve pour cela, par exception aux dispositions de l’article L. 451-1 précité, la possibilité d’agir selon les règles du droit commun aux fins d’indemnisation des préjudices non couverts par le livre IV.

Pour autant, il ne lui est pas interdit de solliciter devant le juge de la sécurité sociale la reconnaissance d’une faute intentionnelle et l’indemnisation des préjudices qui en découlent.

Il convient dès lors de rejeter l’exception d’incompétence, au demeurant non soutenue par l’employeur. Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur le bien fondé des demandes de reconnaissance d’une faute intentionnelle et

d’une faute inexcusable d'[13]

Étant rappelé que les dispositions légales relatives tant à la faute inexcusable qu’à la faute intentionnelle sont comprises dans le livre IV du code de la sécurité sociale, la reconnaissance de l’une ou l’autre faute suppose l’existence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

A cet égard, il y a lieu de préciser que si l’action en reconnaissance d’une faute inexcusable ou intentionnelle prévue par l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ne peut être engagée que pour autant que l’accident ou la maladie survenu à la victime revêt le caractère d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la reconnaissance de la faute inexcusable ou intentionnelle n’implique pas que l’accident ou la maladie ait été pris en charge comme tel par l’organisme social, ni même qu’il/elle ait été préalablement déclaré à la caisse par la victime. Il appartient à la juridiction de sécurité sociale, après débat contradictoire, de rechercher si l’accident ou la maladie présente un caractère professionnel et si l’assuré établit avoir été victime d’une faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur.

L’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, considère comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. Sur le fondement de cet article, il est admis que constitue un accident du travail tout fait précis survenu soudainement au temps et au lieu du travail et qui est à l’origine d’une lésion corporelle.

Or, s’agissant de sa demande de reconnaissance d’une faute intentionnelle, M. [U] développe différents moyens relatifs au caractère délibéré, intentionnel, du comportement de l’employeur à son égard mais sans se prévaloir précisément et expressément d’un évènement soudain à l’origine de l’apparition concomitante ou temporellement proche d’une lésion. S’il évoque ses arrêts de travail pour maladie prescrits en 2017 comme autant d’accidents, force est de constater qu’il ne décrit pas, pour chacun d’eux, quel aurait été l’évènement précis et soudain en cause qui aurait causé une lésion physique ou psychique, et laquelle, à l’origine de l’arrêt de travail.

S’agissant de sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable, M. [U] se prévaut de deux fautes principales (en substance, un défaut de suivi de contrôle radiologique et un traitement discriminatoire s’analysant comme un harcèlement moral) sans cependant, là encore, énoncer clairement quel évènement soudain et quelle lésion corporelle causée par celui-ci caractériseraient un accident causé par cette faute.

En effet, il n’est pas justifié de la contamination alléguée, dont au demeurant M. [U] ne précise pas la date dans ses conclusions, ni d’éventuelles conséquences concrètes pour le salarié.

Il est également précisé que le harcèlement moral, et les faits matériels le constituant selon M. [U], ne constituent pas en eux-mêmes des accidents au sens de la législation de sécurité sociale s’ils ne répondent pas à la définition ci-dessus indiquée.

Le changement de poste intervenu en mai 2014, à supposer même qu’il ait été réalisé sans respect des règles afférentes, ne constitue pas par lui-même un fait accidentel, et cela d’autant moins qu’il n’est allégué aucune lésion corporelle concomitante liée.

De même, le fait d’avoir été déposé chez son médecin traitant en février 2017 par le médecin du travail ne constitue pas en soi un accident sans la caractérisation d’un évènement accidentel et de l’apparition subséquente d’une lésion. S’il est constant qu’il lui a été demandé le 7 février 2017 de travailler désormais hors zone nucléaire, il ne justifie pas d’une lésion physique ou psychique en résultant, ses seules allégations ne pouvant suffire.

S’agissant de son hospitalisation le 15 novembre 2017, il est relevé que selon le document de sortie du 17 novembre 2017, le motif en était une suspicion d’insuffisance surrénalienne aiguë. Ce document fait état, au titre de l’ « histoire de la maladie », de la « présence de diarrhées avec notions de sang dans les selles depuis 3j avec lipothymie dans un contexte de stress au travail chez un patient présentant des épisodes de diarrhées sanglantes itératives. Notion d’anémie sur une possibilité origine digestive ce mois ci ainsi que notion d’epistaxis et diarrhée sanglantes il y a 4 mois sans exploration ». Il est mentionné, comme diagnostic de sortie : « décompensation insuffisance surrénalienne sur contexte de stress. MICI ‘ »

Le dossier médical du salarié permet de comprendre qu’il a vu le médecin du travail en début d’après-midi ce jour-là et lui a indiqué demander une hospitalisation « en raison de sa hypo[illisible] réactionnel à son stress au travail », décrivant « [illisible] depuis 2 3 jours avec une selle sanglante ainsi qu’un épisode d’hypothymie.

M. [U], qui évoque à cette même date l’exercice d’un droit de retrait pour mise en danger en raison de ces conditions de travail, sans plus de précision, ne justifie pas d’un évènement soudain causé par le travail, à tout le moins survenu au temps et au lieu du travail.

Les pièces produites mettent en évidence qu’il a mal supporté les indications de son supérieur hiérarchique selon lesquelles, en substance, il n’avait pas le pouvoir de décider d’un retour à son poste précédent et dans ce contexte n’a pas souhaité se joindre à ses collègues à l’occasion d’un petit-déjeuner d’équipe, cela lui semblant trop difficile.

En substance, M. [U] évoque des manifestations de ses maladies préexistantes à son embauche dans un contexte de stress au travail, situation qui ne peut s’analyser en un accident du travail ni en une maladie professionnelle.

Enfin, dans ce litige opposant en premier lieu le salarié et l’employeur, un éventuel manquement de l’organisme de sécurité sociale à ses obligations en matière d’instruction d’un dossier d’accident du travail ou de maladie professionnelle ne pourrait en aucun cas aboutir à la reconnaissance d’un tel accident.

Il n’est donc pas constaté d’accident du travail ou maladie professionnelle susceptible de permettre la recherche d’une faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur.

Par suite, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable ; y ajoutant, de le débouter également de sa demande de reconnaissance d’une faute intentionnelle.

Sur les frais du procès

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.

M. [U], partie perdante, est condamné aux dépens d’appel.

Par suite, il est débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné à ce même titre à payer à la société [13] la somme de 300 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire à l’égard de tous et rendue en dernier ressort :

Confirme le jugement rendu le 18 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Rouen, pôle social en ce qu’il :

– s’est déclaré incompétent au profit du conseil de prud’hommes de Paris s’agissant de la demande 1.13 (1.13.1 et 1.13.2) : demande de nullité de la transaction [rupture conventionnelle] ;

– a débouté M. [U] de sa demande visant à faire reconnaître l’existence d’une faute inexcusable de la société [13] à son encontre,

– a débouté M. [U] de ses demandes de réparation afférentes,

– a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– a débouté M. [U] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux dépens,

L’infirme pour le surplus des dispositions frappées d’appel,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit qu’il n’y avait pas lieu de prévoir une retransmission de l’audience, a fortiori avec la possibilité pour le public de poser des questions à [13],

Dit que M. [U] ne peut valablement contester la représentation de son employeur par Me Chollet,

Déclare la présente cour compétente pour statuer sur la demande de reconnaissance d’une faute intentionnelle,

Déboute M. [U] de cette demande,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [U] aux dépens d’appel,

Déboute M. [U] de sa demande au titre des frais irrépétibles et le condamne à ce même titre à payer à la société [13] la somme de 300 euros.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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