Expertise et garanties d’assurance : enjeux de la preuve précontentieuse

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Expertise et garanties d’assurance : enjeux de la preuve précontentieuse

L’Essentiel : Le 10 octobre 2023, le président du tribunal a désigné un expert judiciaire à la demande de Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S], assignant AXA FRANCE IARD, assureur de la société ECO FERMETURES. Lors de l’audience du 15 octobre 2024, AXA a demandé sa mise hors de cause, arguant que les désordres étaient antérieurs à la réception des travaux. Le juge a constaté qu’ECO FERMETURES était assurée par AXA durant les travaux et a décidé de ne pas l’exclure. Il a ordonné que les opérations d’expertise soient communes à AXA, imposant des obligations de communication et fixant un délai pour le rapport.

Exposé du litige

Selon une ordonnance du 10 octobre 2023, le président du tribunal a désigné un expert judiciaire, Monsieur [L] [O], à la demande de Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V]. Ces derniers ont assigné la compagnie AXA FRANCE IARD, assureur de la société ECO FERMETURES, pour que les opérations d’expertise soient rendues communes et opposables à cette dernière. Lors de l’audience du 15 octobre 2024, les demandeurs ont soutenu leur demande et présenté leurs pièces.

Position de la compagnie AXA FRANCE IARD

En défense, AXA FRANCE IARD a demandé sa mise hors de cause, arguant que ses garanties ne s’appliquaient pas aux désordres allégués, qui seraient apparus avant la réception des travaux. La compagnie a précisé que le différend était de nature contractuelle, se limitant aux relations entre elle et la société ECO FERMETURES. Les demandeurs n’ont pas contesté cette demande.

Analyse du juge des référés

Le juge a constaté que la société ECO FERMETURES était assurée par AXA FRANCE IARD durant la période des travaux. Il a souligné que la question de l’étendue de la garantie relevait du juge du fond et non du juge des référés. Par conséquent, il a décidé de ne pas mettre hors de cause AXA FRANCE IARD.

Demande d’ordonnance commune

Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] ont justifié d’un motif légitime pour rendre les opérations d’expertise communes à AXA FRANCE IARD, en raison de l’assurance en vigueur lors des travaux. L’expert a également donné son avis sur la situation.

Décision du juge des référés

Le juge a déclaré qu’il n’y avait pas lieu à référé sur la demande de mise hors de cause d’AXA FRANCE IARD et a ordonné que les opérations d’expertise soient communes à cette compagnie. Il a également imposé des obligations de communication de pièces et de convocation à l’expert, tout en fixant un délai pour le dépôt du rapport et une provision pour la rémunération de l’expert. Les dépens ont été laissés à la charge des demandeurs.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la demande de mise hors de cause formulée par la compagnie AXA FRANCE IARD ?

La compagnie AXA FRANCE IARD, en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES, a sollicité sa mise hors de cause en invoquant l’absence de motif légitime,

au motif que ses garanties ne seraient pas mobilisables. Elle a soutenu que les désordres allégués par Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] étaient apparus avant la réception des travaux,

ce qui les exclurait de la couverture d’assurance. En effet, selon l’article 1792 du Code civil, le constructeur est responsable des désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage

ou le rendent impropre à sa destination pendant une durée de dix ans à compter de la réception des travaux.

Ainsi, la compagnie AXA FRANCE IARD a argué que le différend était de nature contractuelle, se limitant aux relations entre la société ECO FERMETURES et les demandeurs,

sans impliquer sa responsabilité en tant qu’assureur.

Quelles sont les conditions pour rendre les opérations d’expertise communes et opposables à l’assureur ?

Selon l’article 145 du Code de procédure civile, il est possible de rendre les opérations d’expertise communes et opposables à un tiers, tel qu’un assureur,

s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Pour justifier d’un motif légitime, la partie requérante doit démontrer la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

Dans cette affaire, Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] ont produit des éléments prouvant que la société ECO FERMETURES,

qui a réalisé les travaux litigieux, était assurée auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD au moment de l’exécution des travaux.

Cela constitue un motif légitime pour rendre les opérations d’expertise communes et opposables à l’assureur, car cela permettrait à l’assureur de se défendre

et de faire valoir ses droits dans le cadre de l’expertise.

Quelle est la portée de la décision du juge des référés concernant la mise hors de cause de l’assureur ?

Le juge des référés a décidé qu’il n’y avait pas lieu de mettre hors de cause la compagnie AXA FRANCE IARD,

en raison de l’absence de contestation sur l’existence d’un contrat d’assurance entre celle-ci et la société ECO FERMETURES.

Il a souligné que la question de l’étendue de la garantie de l’assureur ne relevait pas de sa compétence,

mais devait être tranchée par le juge du fond. En effet, l’article 472 du Code de procédure civile stipule que le juge des référés ne statue que sur l’évidence,

et ne peut pas se prononcer sur des questions de fond qui nécessitent une instruction plus approfondie.

Ainsi, la décision du juge des référés permet de maintenir la compagnie AXA FRANCE IARD dans la procédure,

lui donnant la possibilité de participer aux opérations d’expertise et de défendre ses intérêts.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les frais d’expertise ?

La décision du juge des référés a également des implications sur les frais d’expertise. En effet, il a ordonné que les opérations d’expertise soient rendues communes à la compagnie AXA FRANCE IARD,

ce qui signifie que cette dernière devra participer aux frais d’expertise. Selon l’article 700 du Code de procédure civile,

le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés.

Dans ce cas, les frais avancés par Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] pour l’expertise seront à la charge de la compagnie AXA FRANCE IARD,

qui devra également consigner une provision complémentaire pour la rémunération de l’expert.

Il est important de noter que si la consignation n’est pas effectuée dans le délai imparti,

l’extension de la mission de l’expert à la compagnie AXA FRANCE IARD sera caduque, ce qui pourrait avoir des conséquences sur la procédure d’expertise.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français

Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 26 novembre 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/00956 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-QMDP

PRONONCÉE PAR

Carol BIZOUARN, Première vice-présidente,
Assistée de Fabien DUPLOUY, greffier, lors des débats à l’audience du 15 octobre 2024 et lors du prononcé

ENTRE :

Monsieur [Y] [V]
demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Philippe MIALET de la SELAS MIALET-AMEZIANE SELAS, avocat au barreau de l’ESSONNE

Madame [A] [S] épouse [V]
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Philippe MIALET de la SELAS MIALET-AMEZIANE SELAS, avocat au barreau de l’ESSONNE

DEMANDEURS

D’UNE PART

ET :

S.A. AXA FRANCE IARD, en qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Stéphanie BOYER de la SELARL ARIANE, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : D1538

DÉFENDERESSE

D’AUTRE PART

ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort.

**************

EXPOSE DU LITIGE

Selon ordonnance du 10 octobre 2023 rendue dans l’affaire enregistrée sous le RG n°23/00695, le président du tribunal de céans statuant en référé a, sur la demande de Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V], désigné Monsieur [L] [O] en qualité d’expert judiciaire.

Par assignation délivrée le 12 septembre 2024, Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] demandent, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, que les opérations d’expertise soient rendues communes et opposables à la compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES.

A l’audience du 15 octobre 2024, Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V], représentés par leur conseil, ont soutenu leur acte introductif d’instance et déposé leurs pièces telles que visées dans l’assignation.

En défense, la compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES, représentée par son conseil, s’est référée à ses conclusions aux termes desquelles, elle sollicite :
– à titre principal, sa mise hors de cause au motif que ses garanties ne sont pas mobilisables et de débouter Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] de leurs entières demandes, fins et conclusions,
– à titre subsidiaire, de lui donner acte de ses entières protestations et réserves d’usage s’agissant de lui rendre communes et opposables les opérations d’expertise judiciaires confiées à Monsieur [L] [O].

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience ainsi qu’à la note d’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande de mise hors de cause

La compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES sollicite sa mise hors de cause, invoquant l’absence de motif légitime du fait que ses garanties ne soient pas mobilisables.

En effet, elle indique que les désordres allégués par Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V], s’ils sont constatés par l’expert judiciaire, sont des désordres apparus avant réception, affectant les travaux de l’assurée, indépendamment des volets responsabilité décennale et responsabilité civile qui ne peuvent pas être mobilisés, comme elle l’a déjà indiqué à la société ECO FERMETURES.

Elle conclut que le différend revêt un caractère purement contractuel et se limite aux relations entre la société ECO FERMETURES et Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V].

Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] ne formulent pas d’observation sur cette demande.

Au cas présent, il n’est pas contesté par les parties que, comme il ressort des pièces versées aux débats, la société ECO FERMETURES, a été assurée auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD notamment du 1er janvier 2021 au 1er janvier 2022 et que les travaux ont été réalisés pendant cette période.

Il convient donc de constater que les parties sont susceptibles de s’opposer sur l’étendue de la garantie de la compagnie AXA FRANCE IARD à l’égard des travaux réalisés par son assurée, la société ECO FERMETURES.

Or, il n’appartient pas au juge des référés, juge de l’évidence, de déterminer la nature et l’étendue de la garantie due, cette appréciation relevant du juge du fond.

Par conséquent, il n’y a pas lieu, à ce stade de la procédure, de mettre hors de cause la compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES.

Sur la demande d’ordonnance commune

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

L’expert a donné son avis dans son courriel du 27 août 2024.

Il ressort des pièces produites aux débats par Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] que la société ECO DERMETURES, présente dans la cause pour avoir réalisé des travaux litigieux à leur domicile, était assurée auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD au moment de l’exécution.

En conséquence, il convient de constater que Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] justifient d’un motif légitime de rendre communes et opposables à la compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES, les opérations d’expertise.

Il sera donc fait droit à la demande, aux frais avancés de Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V], dans les termes du dispositif ci-dessous.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des référés, statuant publiquement par ordonnance contradictoire et en premier ressort :

DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande de mise hors de cause de la compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES ;

DÉCLARE communes à la compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES, les opérations d’expertise ordonnées par l’ordonnance de référé du 10 octobre 2023 ayant désigné Monsieur [L] [O] en qualité d’expert judiciaire ;

DIT que Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] communiqueront sans délai à compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert ;

DIT que l’expert devra convoquer la compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES à la prochaine réunion d’expertise au cours de laquelle elle sera informée des diligences déjà accomplies et invitée à formuler ses observations ;

INFORME la partie intéressée qu’elle pourra être invitée par l’expert à l’utilisation d’Opalexe, outil de gestion dématérialisée de l’expertise ;

IMPARTIT à l’expert un délai supplémentaire d’un mois pour déposer son rapport ;

FIXE à la somme de 500 (cinq cents) euros la provision complémentaire à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V], entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 5] à [Localité 6] ([Courriel 7], Tél : [XXXXXXXX01] ou [XXXXXXXX04]), dans le délai de 6 semaines à compter de la délivrance par le greffe aux parties de la présente ordonnance, sans autre avis ;

DIT que, faute de consignation par Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] dans ce délai impératif, l’extension de la mission de l’expert à la compagnie AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES, sera caduque et privée de tout effet ;

DIT que dans l’hypothèse où la présente décision est portée à la connaissance de l’expert après dépôt de son rapport, ses dispositions seront caduques ;

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V].
Ainsi fait et prononcé par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2024, et nous avons signé avec le greffier.

Le Greffier, Le Juge des Référés,


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