Expertise contestée sur l’état des locaux et travaux d’aménagement : absence de fondement légitime.

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Expertise contestée sur l’état des locaux et travaux d’aménagement : absence de fondement légitime.

Obligations contractuelles du preneur

Le preneur d’un bail commercial est soumis à des obligations spécifiques, notamment en ce qui concerne les travaux d’aménagement des locaux. Selon l’article 13-2 du bail commercial, les travaux d’aménagement, ainsi que tous les travaux comportant un changement de distribution, démolitions ou percements de murs, doivent faire l’objet d’une autorisation préalable et écrite du bailleur, sauf pour les cloisonnements.

Il est également précisé que le bailleur donne son accord pour que le preneur puisse réaliser, à ses frais exclusifs et sous sa responsabilité, les travaux d’aménagement nécessaires pour adapter les locaux à son activité. Cette disposition est essentielle pour déterminer si le preneur a respecté ses obligations contractuelles lors de l’exécution des travaux.

Restitution des locaux loués

L’article 18 du bail commercial stipule que le preneur doit rendre les locaux en bon état lors de son départ, et qu’un état des lieux contradictoire doit être établi pour relever les réparations à effectuer. Il est précisé que le preneur doit justifier, par la présentation des acquits, du paiement des contributions et impositions, et qu’il devra acquitter le montant des réparations dues.

Cette règle est cruciale pour évaluer les obligations du preneur en matière de restitution des locaux et pour déterminer si des réparations sont nécessaires à la suite de l’occupation des lieux.

Demande d’expertise judiciaire

Conformément à l’article 146 du Code de procédure civile, une mesure d’instruction, telle qu’une expertise judiciaire, ne peut être ordonnée que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour prouver ses dires. En aucun cas, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée pour suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.

Cette règle est fondamentale pour apprécier la légitimité d’une demande d’expertise et pour déterminer si les éléments de preuve fournis par la partie requérante sont suffisants pour justifier une telle mesure.

État des lieux de sortie

L’état des lieux de sortie doit être contradictoire et doit comporter le relevé des réparations à effectuer, incombant au locataire, conformément à l’article 18 du bail. Les constatations faites lors de cet état des lieux sont déterminantes pour établir l’état des locaux et les obligations de remise en état du preneur.

Il est également important de noter que si aucune réserve n’est formulée par le bailleur lors de l’état des lieux de sortie, cela peut avoir des conséquences sur les obligations du preneur en matière de réparations.

Conséquences des aménagements effectués par le preneur

Les aménagements réalisés par le preneur, qu’ils soient conformes ou non aux règles de l’art, deviennent la propriété du bailleur à la sortie du bail, sans indemnité, comme stipulé à l’article 13-2 alinéa 11 du bail. Cette règle souligne que le preneur n’est pas tenu de remettre en état les locaux en ce qui concerne les aménagements réalisés, tant qu’ils ont été effectués dans le respect des conditions prévues par le bail.

Absence de mise en demeure

La jurisprudence souligne que l’absence de mise en demeure de la part du bailleur pour effectuer des travaux de réparation précis peut exonérer le preneur de ses obligations de remise en état. En effet, si le bailleur ne formule pas de demande explicite de réparation, cela peut être interprété comme une acceptation de l’état des lieux tel qu’il a été constaté lors de la sortie.

Cette règle est essentielle pour déterminer les responsabilités respectives des parties en cas de litige concernant l’état des locaux à la fin du bail.

L’Essentiel : Le preneur d’un bail commercial doit obtenir l’autorisation écrite du bailleur pour les travaux d’aménagement, sauf pour les cloisonnements. Il doit rendre les locaux en bon état lors de son départ, avec un état des lieux contradictoire pour relever les réparations. Les aménagements réalisés deviennent la propriété du bailleur à la sortie, sans indemnité. L’absence de mise en demeure du bailleur pour des réparations peut exonérer le preneur de ses obligations de remise en état, influençant ainsi les responsabilités des parties.
Résumé de l’affaire : Le 3 février 2017, un bail commercial a été signé entre une société immobilière (ci-après dénommée « le bailleur ») et une caisse régionale de crédit agricole (ci-après dénommée « le preneur »). Ce bail concernait des locaux de 7.400 m², sous condition suspensive d’obtention d’un permis de construire pour la rénovation du siège du preneur. Les locaux incluaient des bureaux, des emplacements de stationnement et un local à usage d’habitation.

Un état des lieux d’entrée a été réalisé le 7 février 2017, suivi d’avenants en 2018 et 2019, augmentant le nombre de places de stationnement et le loyer annuel. Le 22 juillet 2019, le preneur a donné congé au bailleur. En septembre 2019, le bailleur a facturé des charges pour l’année 2018, mais le preneur a contesté cette facture. Un accord amiable a été trouvé le 28 janvier 2020, stipulant que le preneur paierait une somme de 414.933,52 euros.

Un état des lieux de sortie a été effectué le 30 janvier 2020, constatant un bon état général des locaux. Cependant, des différends ont persisté concernant les charges et l’état des lieux, conduisant le preneur à engager une action en référé. Le tribunal a ordonné une expertise et a débouté le preneur de plusieurs demandes, notamment celle de remboursement d’un dépôt de garantie.

Le bailleur a ensuite assigné le preneur devant le tribunal judiciaire de Toulouse, qui a rendu un jugement le 20 mars 2023, confirmant le débouté du preneur de ses demandes. Ce dernier a interjeté appel, demandant la réformation du jugement. La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance, déboutant le preneur de sa demande d’expertise et le condamnant aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de la demande d’expertise judiciaire formulée par la bailleresse ?

La bailleresse, en l’occurrence la SCI Midcamp, a demandé une expertise judiciaire pour évaluer l’état des locaux à la sortie, en dénonçant un manque d’entretien et de réparation, ainsi que pour examiner les travaux effectués par le preneur dans le cadre du bail.

Pour justifier cette demande, la SCI Midcamp a produit un rapport d’expertise d’un architecte et un constat d’un commissaire de justice. Cependant, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel (CRCAM), en tant que preneur, s’est opposée à cette demande, arguant que les clauses du bail n’exigeaient pas d’autorisation pour les travaux de cloisonnement et que le bailleur avait déjà donné son accord pour les aménagements.

L’article 146 du Code de procédure civile stipule que « une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve. »

Ainsi, la cour a constaté que la demande d’expertise ne reposait sur aucun motif légitime, car la bailleresse n’a pas prouvé que les travaux effectués par le preneur n’étaient pas conformes aux obligations contractuelles.

Quel est le rôle des articles 13-2 et 18 du bail commercial dans cette affaire ?

L’article 13-2 du bail commercial précise que « les travaux d’aménagement ainsi que tous les travaux comportant changement de distribution, démolitions ou percements de murs, de poutres ou de planchers (à l’exception des cloisonnements) devront faire l’objet d’une autorisation préalable et écrite du Bailleur, qui ne pourra toutefois refuser sans justes motifs. »

Cet article établit que le preneur doit obtenir l’autorisation du bailleur pour certains travaux, mais il précise également que le bailleur a déjà donné son accord pour les travaux d’aménagement présentés dans le descriptif joint, permettant ainsi au preneur de réaliser ces travaux à ses frais.

L’article 18, quant à lui, stipule que « le Preneur devra, lors de son départ, et préalablement à tout enlèvement des mobiliers et marchandises, justifier par présentation des acquits, du paiement des contributions, impositions etc. Il devra rendre en bon état les locaux et acquitter, outre le montant des loyers, charges, taxes accessoires exigibles, le montant des réparations qui pourraient être dues par lui. »

Cet article impose au preneur de rendre les locaux en bon état et de justifier des réparations dues. Cependant, la cour a constaté que la bailleresse n’avait pas formulé de demande de réparation avant la sortie, conformément à cet article, et que les états des lieux de sortie indiquaient un bon état général des locaux.

Quel est l’impact des constatations des experts sur la décision de la cour ?

Les constatations des experts, notamment celles de l’architecte, ont été examinées par la cour. L’expertise a relevé que les cloisons du 4ème étage avaient été modifiées et ne correspondaient pas aux plans d’origine. Cependant, la cour a noté que ces modifications avaient été autorisées par le bailleur et que le preneur avait le droit de cloisonner les locaux sans autorisation préalable.

La cour a également souligné que les aménagements réalisés par le preneur, qu’ils soient conformes ou non aux normes, devenaient la propriété du bailleur à la sortie du bail, sans indemnité.

Ainsi, les constatations des experts n’ont pas été jugées suffisantes pour établir une non-conformité aux obligations contractuelles du preneur. La cour a donc conclu que la demande d’expertise judiciaire ne reposait pas sur des motifs légitimes, ce qui a conduit à débouter la SCI Midcamp de sa demande.

Quel est le résultat de la décision de la cour concernant les dépens et les frais irrépétibles ?

La cour a décidé de débouter la SCI Midcamp de sa demande d’expertise judiciaire et a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. En conséquence, la SCI Midcamp a été condamnée aux dépens d’appel.

Concernant les frais irrépétibles, la cour a précisé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit la possibilité d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles à la partie gagnante. Cela signifie que la SCI Midcamp n’a pas droit à une indemnisation pour ses frais d’avocat ou autres frais liés à la procédure.

Cette décision souligne que la cour a considéré que la demande de la SCI Midcamp était infondée et qu’elle n’avait pas justifié de motifs légitimes pour sa demande d’expertise, entraînant ainsi une condamnation aux dépens.

25/03/2025

ARRÊT N°

N° RG 23/01382 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PMH5

VS CG

Décision déférée du 20 Mars 2023

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE

( 22/01978)

Madame [G]

S.C.I. MIDCAMP

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 2] 31

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à Me DESSART

Me SPINAZZE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

*

ARRÊT DU VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

*

APPELANTE

S.C.I. MIDCAMP poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me André THALAMAS de la SELARL T & L AVOCATS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 2] 31

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Mathieu SPINAZZE de la SELARL DECKER, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V. SALMERON, présidente, chargée du rapport et S. MOULAYES, conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

S. MOULAYES, conseillère

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

Exposé des faits et procédure :

Suivant acte authentique du 3 février 2017 passé par devant Me [U] [W], notaire à Castelsarrasin, la Sci Midcamp a donné à bail à usage commercial à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Toulouse 31 (ci-après CRCAM) des locaux d’une surface totale privative de 7.400 m2 dépendant d’un ensemble immobilier à destination de bureaux d’une surface globale de 14.000m2 sis [Adresse 1] à [Localité 2] (31).

Le bail a été consenti sous condition suspensive d’obtention d’un permis de construire par la CRCAM [Localité 2] 31 en vue de la rénovation de son siège sis [Adresse 3], dont les travaux devaient durer entre trois et quatre années.

Il a été prévu au bail que les lieux loués incluent :

des locaux à usage de bureaux, comprenant les lots n°1 à 15 du Bâtiment 1, soit quatre étages, d’une surface de 3.700 m2,

des locaux à usage de bureaux comprenant les lots n°19 à 30, ainsi que lot n°16 situé au rez-de-chaussée du Bâtiment 2 de l’ensemble immobilier, soit quatre étages, d’une surface de 3.254 m2,

des locaux portant sur les lots n°17 (129,9 m2) et 18 (246,7 m2),

un local situé à l’entrée de l’ensemble immobilier d’une surface de 70 m2 (à usage d’habitation au jour de la conclusion du bail),

105 emplacements de stationnements intérieurs et 45 emplacements de stationnements extérieurs.

Le 7 février 2017, un état des lieux d’entrée a été réalisé par constat par Monsieur [C], clerc habilité au sein de la Scp Feres Male Raynaud-Senegas, huissiers de justice. Ce constat a été réalisé en la présence d’un représentant de chacune des parties au bail.

Suivant avenants authentiques en date du 28 mars 2018 et du 22 février 2019, le nombre d’emplacements de stationnements a été étendu pour être porté à 170 emplacements intérieurs et 61 emplacements extérieurs pour un montant du loyer annuel de 432.623,28 euros.

Par acte du 22 juillet 2019 à effet au 30 janvier 2020, la CRCAM a donné congé à son bailleur.

Le 30 septembre 2019 et au titre de la régularisation des charges de l’année 2018, la société Midcamp a adressé à la CRCAM, une facture n°91 d’un montant de 62.892,74 euros ht.

Par courrier recommandé en date du 18 novembre 2019, la CRCAM a informé son bailleur de son désaccord compte tenu des sommes déjà versées par elle au titre de l’année 2018.

Par lettre officielle en date du 9 janvier 2020, le conseil de la CRCAM a indiqué qu’elle avait réglé la totalité des sommes réclamées par le bailleur depuis le début du bail.

Par courrier en date du 24 janvier 2020, la société Midcamp a adressé à la CRCAM une mise en demeure de régler la somme de 742.472,66 euros.

Le 28 janvier 2020, une réunion amiable s’est tenue entre les parties, réunion ayant abouti à un accord entre elles.

Cet accord a été retranscrit par mails réciproques des parties le jour même, aux termes desquels :

la CRCAM s’est engagée au paiement de la somme de 414.933,52 euros ttc,

en contrepartie, la société Midcamp s’est engagée à fournir l’ensemble des justificatifs des charges et taxes à régler

Par virement en date du 29 janvier 2020, la CRCAM a procédé au virement.

Le 30 janvier 2020, un état des lieux de sortie a été réalisé en présence de représentants des parties et a donné lieu à deux procès-verbaux d’huissier de justice dressés à la même date, l’un à la demande du bailleur, l’autre à celle du preneur. Lors de cet état des lieux, Me [B], huissier de justice, a également constaté le virement réalisé par la CRCAM.

La CRCAM a adressé deux courriers en date du 19 mai 2020 et du 1er juillet 2020 afin de lui rappeler son engagement à l’issue de la réunion amiable.

Parallèlement et en raison de différends ayant persisté pendant toute l’exécution du bail quant aux charges lui ayant été imputées, la CRCAM a engagé une action en référé.

Par ordonnance de référé en date du 2 avril 2021, le président du tribunal judiciaire de Toulouse a :

ordonné une expertise aux fins d’établir les comptes entre les parties,

ordonné à la société Midcamp de justifier du montant exact des sommes réglées au titre des taxes foncières, dans le délai d’un mois à compter de l’ordonnance et à défaut sous astreinte provisoire de 500 euros par jour pendant un délai de trois mois,

ordonné à la société Midcamp de communiquer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 2] les avis de dégrèvement, les justificatifs de remboursement par l’administration fiscale et l’attestation du service des impôts attestant de l’existence ou de l’absence de dégrèvement sur la période concernée,

une provision d’un montant de 120 953,92 euros au titre du trop versé au titre des taxes foncières (pour les années 2017 à 2020),

débouté la CRCAM de sa demande de remboursement par provision de la somme versée dans le cadre de l’accord intervenu entre les parties lors de la sortie des lieux,

condamné la société Midcamp à restituer à la CRCAM le dépôt de garantie d’un montant de 92 500 euros,

débouté la société Midcamp de sa demande d’expertise concernant les travaux de remise en état des lieux au motif de son caractère prématuré,

débouté la Sci Midcamp de sa demande de provision d’un montant de 271 877 euros.

Par requête déposée au greffe le 1er avril 2022, la Sci Midcamp a demandé l’autorisation d’assigner la CRCAM à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

Par ordonnance en date du 4 avril 2022, la société bailleresse a été autorisée à délivrer assignation à la CRCAM pour l’audience du 17 octobre 2022.

Suivant exploit d’huissier en date du 21 avril 2022, la société Midcamp a ainsi assigné la CRCAM devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

Après deux renvois, l’affaire a été retenue et plaidée à l’audience du 16 janvier 2023.

Par jugement du 20 mars 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

rejeté l’irrecevabilité de l’action de la Sci Midcamp soulevée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Toulouse,

débouté la Sci Midcamp de sa demande d’expertise,

condamné la Sci Midcamp aux dépens de l’instance,

condamné la Sci Midcamp à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Toulouse la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 17 avril 2023, la Sci Midcamp a relevé appel du jugement.

La portée de l’appel est la réformation des chefs du jugement qui ont :

débouté la Sci Midcamp de sa demande d’expertise,

condamné la Sci Midcamp aux dépens de l’instance,

condamné la Sci Midcamp à payer à la CRCAM la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et par voie de conséquences débouté la Sci Midcamp de ses demandes.

Le 14 novembre 2024, Me [X], commissaire de justice, a réalisé à la demande de la bailleresse un constat mettant en évidence qu’ à ce jour, demeurent des désordres relevés au moment de la sortie des lieux de la CRCAM.

La clôture était prévue pour le 2 décembre 2024.

A la suite d’une demande de report, la clôture est intervenue le 30 décembre 2024.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions récapitulatives notifiées le 29 novembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sci Midcamp demandant, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, de :

réformer le jugement en date du 20 mars 2023 par lequel le tribunal judiciaire de Toulouse a débouté la Sci Midcamp de sa demande d’expertise, l’a condamnée aux entiers dépens, ainsi qu’à verser à la Crcam une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

statuant à nouveau,

désigner tel expert qu’il plaira à la Cour avec la mission de :

convoquer les parties et leurs conseils et entendre tout sachant nécessaire,

se faire remettre tous documents utiles dont le bail, ses avenants et ses annexes qui liait les parties et les procès-verbaux de constat d’huissier des 7 février 2017 et 30 janvier 2020 ainsi que tous les documents utiles à l’accomplissement de sa mission,

visiter les lieux propriété de la Sci Midcamp et les décrire,

déterminer si les désordres, dommages et manquements visés dans la présente assignation sont établis et dans l’affirmation indiquer les travaux réparatoires permettant une remise en état et apprécier leur coût au vu de devis remis par les parties,

faire toutes observations techniques sur les préjudices allégués par le bailleur,

établir un pré-rapport qui sera communiqué aux parties, lesquelles disposeront d’un délai de 30 jours pour présenter leurs observations et au delà duquel après avoir répondu aux dires, l’expert déposera son rapport final en transmettant un exemplaire à chaque partie,

réserver les dépens.

Vu les conclusions d’intimée notifiées le 10 octobre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 2] 31 demandant, au visa des articles 232, 263, 840 et suivants du code de procédure civile, de :

confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse en date du 20 mars 2023,

rejeter l’intégralité des demandes formées par la Sci Midcamp,

condamner la Sci Midcamp à payer à la Crcam, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la Sci Midcamp aux entiers dépens de l’instance.

Motifs de la décision :

En cause d’appel, la bailleresse se borne à demander une expertise judiciaire d’une part sur l’état des locaux de sortie en dénonçant le manque d’entretien et de réparation et d’autre part sur les travaux effectués par le preneur dans le cadre du bail.

Pour justifier de sa demande, la SCI Midcamp produit en pièce 5 un rapport d’expertise d’un architecte, [D] [O], et le constat d’un commissaire de justice établi le 14 novembre 2024.

La CRCAM, preneur à bail, s’y oppose en sollicitant la confirmation du jugement déféré et en se fondant sur les clauses du bail qui n’exigeaient pas d’autorisation du bailleur pour les travaux de cloisonnement et sur celles qui précisaient que le bailleur avait dores et déjà donné son accord pour réaliser à ses frais exclusifs et sous sa responsabilité les travaux d’aménagement présentés dans le descriptif joint annexe 10 permettant de rendre les locaux adaptés à l’activité.

Par ailleurs, sur l’état des lieux de sortie, elle fait valoir qu’aucune demande de réparation à effectuer pour remise en état des lieux n’a été formulée avant la sortie conformément à l’article 18 du bail. Elle ajoute que les deux constats d’état des lieux de sortie de Me [B] et Me [X] pour chacune des parties faisant état d’un « bon état » général des locaux hormis quelques traces d’usure, aucune demande de travaux complémentaire n’a été formulée par le bailleur. Elle considère que la demande d’expertise en appel ne repose sur aucun motif légitime. Elle affirme que les locaux, depuis sa sortie en 2020, ont été reloués sans en justifier.

-sur l’état des lieux de sortie :

il convient de rappeler que la CRCAM a pris les locaux à bail le 3 février 2017 sur plusieurs étages comprenant de vastes espaces à aménager.

Il convient de rappeler les obligations contractuelles du preneur.

Il était stipulé à l’article 13-2 du bail commercial notamment que « les travaux d’aménagement ainsi que tous les travaux comportant changement de distribution, démolitions ou percements de murs, de poutres ou de planchers (à l’exception des cloisonnements) devront faire l’objet d’une autorisation préalable et écrite du Bailleur, qui ne pourra toutefois refuser sans justes motifs » et que « le Bailleur donne d’ores et déjà son accord pour que le Preneur puisse réaliser, dans les conditions du présent article, à ses frais exclusifs et sous sa responsabilité, ses travaux d’aménagement tels que présentés dans le descriptif joint (annexe 10) avant la levée de la condition suspensive pour permettre de rendre les locaux adaptés à l’activité ».

Il ne peut donc être reproché à la CRCAM d’avoir effectué les travaux de cloisonnement sans autorisation ainsi que les aménagements qui avaient été validés avant la signature du bail tels que définis à l’annexe 10 du bail.

Dans l’annexe 10, (pièce 2) ne figurent que des travaux de câblage informatique et électrique et d’aménagement de locaux techniques par niveau et travaux de mise en sécurité des bâtiments ainsi qu’un local à l’entrée du site pour l’installation d’un restaurant club direction.

Enfin à l’article 18 « restitution des locaux loués », il était stipulé que « le Preneur devra, lors de son départ, et préalablement à tout enlèvement des mobiliers et marchandises, justifier par présentation des acquits, du paiement des contributions, impositions etc ‘.

Il devra rendre en bon état les locaux et acquitter, outre le montant des loyers, charges, taxes accessoires exigibles, le montant des réparations qui pourraient être dues par lui.

A cet effet, au plus tard le jour de l’expiration de la location, il sera établi contradictoirement, sur convocation adressée par lettre recommandée avec avis de réception par le Bailleur ou son représentant, un état des lieux qui comportera le relevé des réparations à effectuer, incombant au Locataire »

L’expertise amiable de [D] [O] en date du 7 décembre 2020 relève que « la nature et la position, des cloisons du 4ème étage ont été modifiées et ne correspondent pas aux plans d’origine réalisés par la SCI Midcamp pour son usage ».

Puis à chaque étage, il reprend les mêmes constats « l’étage a été livré équipé mais sans cloisons, le Crédit agricole a aménagé les espaces en réalisant des cloisons sans autorisation », « les cloisons par le Crédit agricole n’ont pas été démontées. Les cloisons coupe feu 1H SAD 160 séparant les lots ont été modifiées ou supprimées. Les plafonds sont troués. Les moquettes sont trouées. » Il ajoute que « les aménagements sont spécifiques au fonctionnement du Crédit agricole mais ne correspondent pas à un usage standard et la perte d’un nombre important de bureaux et de postes de travail diminue la rentabilité locative et n’est pas acceptable par le bailleur ».

La cour d’appel relève que les conséquences que l’architecte tire de ses constatations ne correspondent pas aux obligations contractuelles du preneur.

En effet, le bailleur avait autorisé le preneur à aménager les locaux pour son activité bancaire et chaque étage livré sans cloisons pouvait ainsi être cloisonné sans autorisation. Par ailleurs, les aménagements effectués par le preneur avec ou sans autorisation étaient acquis au bailleur, sans indemnité, à la sortie du bail par le preneur (art 13-2 alinéa 11).

De plus, le cloisonnement était une exception à l’obligation d’obtenir une autorisation préalable du bailleur et il n’était stipulé aucune consigne particulière à respecter par le preneur dans l’aménagement de cloisons.

Dès lors, il ne peut être reproché à la CRCAM d’avoir procédé à des aménagements qui ne sont pas standard ni la perte d’un nombre important de bureaux et de postes de travail qui diminuerait, fut elle prouvée, la rentabilité locative des locaux ainsi aménagés.

Par ailleurs, sur la suppression ou la modification des cloisons coupe feu SAD 160, force est de constater que le bailleur n’avait posé aucune exigence de ce chef et l’expert amiable se borne à rappeler la réglementation qui impose de limiter les plateaux à 250m2, sans en justifier précisément, et notamment par rapport à la configuration des dits locaux réaménagés, il ne dit pas qu’il n’existe aucune cloison coupe feu non conforme à cette règle après la modification des cloisons ni que la règle des 250m2 n’est pas respectée ; des plans sont produits en pièce 19 par le bailleur qui indique les suppressions et les nouvelles cloisons coupe feu. Il n’est pas précisé en quoi l’aménagement des cloisons ainsi réalisées par le preneur n’est pas conforme aux règles de l’art et rendrait ces locaux incompatibles avec l’accueil de nombreux salariés voire éventuellement du public et ne pourraient plus être loués.

Enfin et préalablement à la sortie des locaux, la CRCAM justifie avoir interrogé le bailleur notamment sur la nécessité de supprimer les cloisons aménagées et par mail résumant l’entrevue sur place du 9 décembre 2019, il a été décidé au « point 5 » de maintenir les cloisons « sur l’ensemble des deux halls, Midcamp confirme le principe de laisser le cloisonnement réalisé par le CAT 31, lors de son aménagement , en l’état » et la réponse de [Y] [I], chargée de gestion immobilière chez Midcamp, dès le 24 décembre 2019 est « OK » (cf pièce 23).

Enfin, le jour de l’état des lieux des sortie le 30 janvier 2020, dans le constat contradictoire établi par Me [B], à la demande de la CRCAM, il n’est sollicité aucune remise en état précise des lieux ni fait d’observation par le bailleur sur l’état des cloisons ni demandé de les modifier.

Dans le constat établi contradictoirement le même jour par Me [X], à la demande de la SCI Midcamp, il est indiqué diverses salissures sur les murs ou moquettes et des trous dans les murs par endroits selon les étages, les bureaux et locaux visités, mais décrivant un ensemble en bon état général. Aucune réserve n’est formulée par le bailleur sur l’état des locaux ne correspondant pas aux préconisations faites lors de la visite préalable du 9 décembre 2019 dans les locaux par le représentant du bailleur.

Il n’est pas indiqué dans chacun des deux constats de commissaires de justice « le relevé des réparations à effectuer, incombant au Locataire » conformément à l’article 18 du bail.

Enfin la SCI Midcamp produit un nouveau constat de Me [X] établi le 14 novembre 2024, soit plus de 4 ans après l’état de sortie, précisant que « lors de l’état des lieux de sortie des locaux, des réserves ont été émises quant à l’état de ceux-ci et que depuis lors, le Crédit agricole n’a fait effectuer aucun travaux de remise en état, malgré de nombreuses démarches de la SCI Midcamp ».

Or, force est de constater que dans le procès verbal de constat de Me [X] du 30 janvier 2020, comme dans celui de Me [B], il n’est pas fait mention de réserves du bailleur, comme elle l’indique dans le procès verbal du 14 novembre 2024, et il est d’ailleurs curieux de voir mentionner dans le dernier constat l’existence de tuyaux d’alimentation de fontaines qui seraient à l’initiative du Crédit agricole non retirés à plusieurs étages alors que les dits tuyaux n’étaient pas mentionnés dans son constat du 30 janvier 2020 ( exemple cf pages 8 à 9 dans le hall d’entrée du bat 1).

Dès lors, la CRCAM n’est soumise à aucune obligation contractuelle de remettre en état les locaux concernant le cloisonnement des locaux.

De même, comme l’a fait le tribunal, la Cour constate que les deux états de lieux de sortie produits aux débats décrivent un bon état général des locaux, état qui relève d’une usure normale après 3 années d’occupation par le preneur et d’un bon entretien des locaux. Et ce d’autant plus que dans le constat d’état des lieux d’entrée du 7 février 2017 établi par Me [C], l’état des locaux était qualifié de bon état général avec, par endroit, des tâches sur les moquettes, des éclairages qui ne fonctionnaient pas, des dalles de faux plafond troués ou tachés etc….

Par ailleurs, après l’état des lieux de sortie le 30 janvier 2020, la CRCAM n’a pas été mise en demeure de faire d’autres travaux que ceux qu’elle s’était engagée à effectuer après la visite du 9 décembre 2019 sur 26 points précisés (cf pièce 23) avant l’état des lieux de sortie et aucune mise en demeure n’a été adressée ensuite d’effectuer des travaux de réparation précis.

– Sur la demande d’expertise judiciaire :

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 146 du code de procédure civile « une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve. »

A l’examen de l’ensemble des pièces produites, la cour constate que la demande d’expertise judiciaire ne repose sur aucun motif légitime de la part du bailleur à défaut de justifier que les travaux effectués à l’initiative de la CRCAM en 2017 ne seraient pas conformes aux règles de l’art ni d’établir que la CRCAM avait été mise en demeure d’effectuer des réparations conformes à ses obligations contractuelles après l’état des lieux de sortie du 30 janvier 2020.

La SCI Midcamp sera déboutée de sa demande d’expertise judiciaire en appel.

A défaut d’autre demande de la part de l’appelant, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la SCI Midcamp de l’ensemble de ses demandes de première instance.

– Sur les demandes accessoires :

la SCI Midcamp qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à verser 5000 euros de frais irrépétibles à la CRCAM pour la première instance et l’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

– déboute la SCI Midcamp de sa demande d’expertise judiciaire en cause d’appel

– confirme le jugement en toutes ses dispositions

– Condamne la SCI Midcamp aux dépens d’appel

– dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles en cause d’appel.

Le greffier La présidente

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